Les élèves de Poudlard semblaient bien décidés ses derniers temps à mener la vie dure à Rohàn. Oh, sans doute pas de façon consciente, ni préméditée, mais ils restaient tout de même, et bien, sans vouloir être méchant, des nuisibles. Les oreilles du Lestrange n'en pouvaient plus d'entendre des inepties à longueur de journée, de voir des sourires innocents et naïfs sur les visages, d'entendre des rires qui ne reflétaient pas une certaine façon sarcastique de voir la vie. Mais comment étaient-ils arrivés jusqu'à Poudlard, avec une mentalité pareille? Son tempérament de feu exigeait qu'il extracte une juste vengeance mais il savait encore, au fond de lui, que ce serait mal vu. Voir même totalement réprouvé. Il n'y avait apparemment pas encore de loi qui interdisait le bonheur des gens. Dommage.
Il était donc dans un état frisant la crise de nerfs, tout simplement, il faut l'avouer, parce qu'il n'avait rien à faire de sa vie. Ayant décidé de rester sage un moment, de laisser ses "disciples" se reposer, leur faire croire qu'ils allaient avoir des vies normales, pour mieux pouvoir les cueillir dans leur apathie plus tard et se délecter de leur panique soudaine, c'était certes un bon plan, mais c'était aussi long. Il était un homme d'action !

Certes, il aurait pu se concentrer un peu plus sur ses études. Ou le Quidditch. Ou les filles. Voir même un certain garçon. Mais non. Cette attente et cette restriction qu'il s'était imposé lui même l’empêchait de voir plus loin, et donc de profiter également de la situation. Il voulait que quelque chose arrive, quelque chose de mal - du moins pour la plupart des gens. Pour qu'enfin on retrouve une ambiance un peu plus sérieuse dans cette école, et que les discussions ne s'orientent plus uniquement autour de qui s'est taper qui, dans quel endroit, et dans quelle position. Ça, ou les vacances de Noël, ils n'avaient que ce mot à la bouche. Pitoyable. Se vanter de ses conquêtes sans avoir un autre but que de se pavaner, cela démontrait de l'avis de Rohàn un manque de confiance en soi flagrant, et de tact, aussi. Épuisé par tant de jacasseries, il avait donc décidé de se balader dans les couloirs, pour une fois sans Amadeus, qui devait être au bras d'une jolie femme quelque part dans l'école. Avec un peu de chance, il croiserait quelqu'un dans un coin sombre qu'il serait en droit de provoquer, d'attaquer, ne serait ce que piéger, et il n'aurait plus cette sourde colère qui l’empêchait de vivre. A croire qu'il lui fallait vraiment un quota de mauvaises actions par jour pour tenir le coup.

Ses pas le menèrent un peu partout, mais surtout nul part, ne trouvant rien de satisfaisant à se mettre sous la dent. Ah, ce qu'il regrettait l'époque où les étudiants commençaient à 11 ans. Tous ces gosses sans défense, à peine capable de s'exprimer correctement, qu'il aurait pu menacer, chahuter... Mais tant pis. Au moins, il n'avait pas besoin de se soucier de l'âge légal des filles avec qui il avait couché, c'était une bonne chose, assurément. Son père aurait moyennement apprécié devoir couvrir une affaire sordide de ce style, pas avec leur réputation déjà frisant la légalité.

Il finit cependant par atterrir dehors, dans le froid. Enfin quelque chose qui l'attaquait, même si ce n'était que le climat, enfin quelque chose pour lui faire battre le sang plus vite, réagir et se cacher du vent mordant dans son écharpe. Oh il n'allait pas souffrir non plus d'un rhume, il avait une meilleure résistance que ça, mais c'était bon de voir que le temps non plus n'était pas de l'humeur ensoleillée et rose des élèves. Il était tombé bien bas à prendre le vent pour un allié, n'est ce pas? La volière attira son regard, et la contemplant un instant, il se décida à s'y rendre. Il avait déja depuis quelques jours une lettre pour une certaine personne dans la poche, ne sachant qu'en faire. L'envoyer, la bruler, la laisser dans la salle commune des Serpy pour qu'un curieux ne cherche à l'ouvrir et se fasse attaquer par le sort dont il l'avait scellé? Chaque option, il l'avait ruminé pendant des heures, mais puisqu'il était sorti, autant faire preuve d'un peu de courage et d'aller la poster. Ce n'était pas comme si ca pourrait lui retomber dessus spectaculairement mal.
Gravissant les marches deux par deux, en évitant les endroits luisants qu'il soupçonnait être du givre, il finit par pénétrer dans la Volière, et repéra une silhouette un peu plus loin. Taille moyenne, fine, cheveux longs: fille. Uniforme: élève. Couleur de l'écharpe, bleue: Serdaigle. Et soudain se révélant devant lui au fur et à mesure de ses pas, petite Goyle et son mignon minois. Un sourire se révéla sur ses lèvres, plan déjà à demi formé dans son esprit.

"Mina! Très chère, que fais-tu ici, toute seule? Oui, seule, sans défense, sans accompagnateur pour la sortir d'un mauvais pas. Et dire qu'autrefois les jeunes filles à marier ne sortaient jamais sans chaperon.. Il y avait du bon à la modernité. Tu vas bien? Je n'ai pas eu de temps à t'accorder dernièrement, j'espère que tu sauras me pardonner, ca n'arrivera plus." Là encore, le sous entendu était plus que flagrant, pour qui savait lire entre les lignes. Le jeu qu'il avait commencé avec elle n'était pas encore à son paroxysme, mais il lui promettait de se rattraper. De se dépasser, même. Pauvre petite aiglonne, il allait se faire un plaisir de la désorienter encore et encore....

Il aimait sans doute trop ce petit jeu pour rester sans émotions devant elle, et son rosissement d'enfant élargit encore son sourire, lui donnant un faux air carnassier qui aurait pu paraitre charmant s'il ne reflétait pas autant son âme de prédateur. Il aimait le fait qu'elle ne se soit toujours pas habituée à sa présence malgré le nombre d'années qu'ils avaient en commun, malgré leur proximité, et même s'il savait qu'elle avait sans doute eu un gros coup de cœur sur lui étant petite, le fait qu'elle n'en soit toujours pas vraiment sorti était mignon, d'une certaine façon. Il en était presque désolé de devoir briser les restes de son innocence... Presque. Rohàn ne regrettait jamais rien, ne pouvait se le permettre, et s'il devait pour se venger piétiner la petite sœur de son meilleur ami, et bien tant pis. La famille était peut-être une des choses que les serpentards protégeaient, mais la sienne ne s'étendait pas à la petite serdaigle et son joli minois.
Ses balbutiements étaient aussi adorables, et il resta sans rien dire à la regarder s’empêtrer dans ses mots pour lui répondre, pas vraiment pressé. Il avait du temps devant lui, beaucoup de temps, et il n'avait pas menti en disant qu'il allait en passer une partie plus importante avec elle. Autant commencer dés maintenant, même, et si la volière manquait de la classe à laquelle il s'était habitué, être entouré des cadavres de dizaines de petits animaux et des plumes des hiboux semblait étrangement adapté à la situation. Un sentiment sans aucun doute à mettre une fois de plus sur son caractère de serpent.

Il entendit ses mots sur Zane, sans rien en dire, pas vraiment concerné. C'était toujours dommage de voir qu'une pomme était pourrie dans le panier, mais ils ne pouvaient pas tous être de parfaits sang purs, la vie serait monotone. Zane avait fait son choix, ou du moins, il pensait l'avoir fait, mais Rohàn espérait bien pouvoir lui faire comprendre qu'il avait pris la mauvaise voie. Qu'il pouvait encore se repentir. Ou non, d'ailleurs, mais tout dépendrait de la situation. Il n'était pas encore assez cruel pour refuser à un allié potentiel miséricorde, tout du moins s'il se montrait digne de cette offre. Enfin, pour l'instant ça ne dépendait pas de lui, et il était bien content de ne pas se trouver dans la situation des Goyle. Jamais sa sœur à lui ne se serait permis un tel comportement, jetant l'opprobre sur les siens. Mais il pardonnait à Wilhemina les fautes de son frère, puisqu'il ne pouvait pas la punir à sa place. Elle semblait déjà se faire suffisamment de tourment toute seule.
Retenant un autre commentaire acide sur l'apparente surveillance que leur mère lui imposait, il eut un petit sourire amer une fois de plus en pensant à la sienne. Ce n'était pas elle qui lui demanderait d'envoyer une lettre à la maison pour être informée de leurs notes ou exploits. Il n'était même pas sur qu'elle sache bien en quelle année ils se trouvaient tous les deux. Mais c'était amusant de voir que la petite aiglonne devait faire un compte rendu de la situation, comme une mini espionne. Ou peut-être que sa mère cherchait simplement à s'assurer qu'aucun autre de ses enfants ne suivrait le chemin de Zane. Possible. Mais sans intérêt une fois de plus pour lui.

Sa répartie lui arracha un petit rire. Le chaos, quel doux mot. Mais elle n'aurait surement pas compris à quel point il appréciait cet état de folie où tout partait dans tous les sens, et allait le prendre mal, pensant sans doute qu'il se fichait d'elle. "Ne te fais donc pas tant de soucis pour ta famille, ca va finir par s'arranger. Le mieux que tu puisse faire c'est attendre et te concentrer sur ta vie, et tu verras, tout redeviendra comme avant." Certes, avec un frère de moins, mais il n'était pas - encore - mort, et elle pouvait le voir, lui parler. Ou lui jeter un sort, aussi. Il ne voulait pas que cette intelligente demoiselle se préoccupe de choses qui la dépassait, de peur qu'il n'ait pas sa pleine et entière attention, mais aussi parce qu'elle était tout simplement trop jeune pour se retrouver dans ce type de conflit. Et même s'il se forcait à croire qu'elle ne lui importait pas plus que ca, une petite partie de lui tenait quand même à protéger cette gamine qu'il avait vu grandir.

Se rapprochant souplement, il lui attrapa une mèche de cheveux un instant, le sourire sur les lèvres, en ayant fini avec les réconforts. Si elle voulait une véritable épaule sur laquelle pleurer, son frère ferait l'affaire, ou n'importe quel poufsouffle. Ainsi donc, elle se pensait à ce point insignifiante à ses yeux? Il allait falloir y remédier, pour le moment. Son plan n'était pas de lui faire croire qu'elle n'était rien. Au contraire. Allez, mentons un peu...
"Quand bien même, ce n'est pas une excuse. On se connait depuis trop longtemps pour que je me permette de te traiter comme une simple connaissance, tu ne penses pas? Et je te promets, ce n'est pas ton frère qui m'envoie pour te surveiller sans en avoir l'air." Oh il aurait pu s'en servir comme excuse, à vrai dire, mais se cacher derrière Amadeus n'était pas ce qu'il avait en tête. Il fallait qu'il efface de la tête de Mina le fait qu'il soit premièrement le meilleur ami de son ainé, sans quoi il ne pourrait jamais vraiment la cueillir. "Que deviens-tu, en tout cas? Pressée d'être à Noël?" Ce qu'il pouvait détester devoir faire toutes ses discussions de convenance, vraiment. Mais né sang pur, c'était dans son sang d'en revenir à ce genre de choses pour donner à l'autre le temps de se reprendre, pour déterminer la suite des opérations. Et puis, il fallait flatter la jeune femme, et pour cela, s'intéresser. Peut-être y aurait-il quelques informations dignes d'intérêt, à utiliser plus tard contre elle ou d'autres, des choses à reprendre pour qu'elle sache qu'il écoutait réellement ce qu'elle disait. Bref, patienter, avant d'attaquer. Et la laisser venir à lui, sans se douter de rien.

Il y avait toujours quelques risques à jouer avec l'esprit d'une Serdaigle, comme il pouvait le voir à son visage douteux et ses grands yeux noirs en train de le mesurer, mais il avait un avantage sur elle ; il savait mentir à la perfection. Elle pourrait toujours chercher la faille, le manque de confiance, elle n'en trouverait pas. Et après tout, s'il avait moins été un abruti imbu de lui même, Rohàn aurait très bien pu être le type de mec à parler avec les sœurs de ses copains pour qu'elles aillent mieux, après tout. Autant enfiler un justaucorps rose à paillettes, pendant qu'on y était. Brrr. L'idée d'être gentil par simple...par gentillesse était un concept qui le faisait frémir. Non, avoir un objectif en tête dans ces situations là, c'était bien mieux pour son cerveau. Dommage pour Mina.
Il se retint donc de faire une petite danse de victoire, se contentant de la faire intérieurement en voyant les yeux de la brune s'agrandir un peu tandis qu'elle se confiait à lui. Oui, bien Mina, continue, fais lui confiance ! Il resta de marbre alors qu'elle lui confiait ne pas avoir très grande envie d'être à Noël, et en rétrospective, vu l'ambiance familiale de la petite, c'était bien normal. Si Amadeus et lui n'étaient pas pour l'instant en froid... bon okay, ils étaient pas en froid, c'était Rohàn qui s'arrangeait pour se venger de son meilleur ami dans son dos. Bref, s'il avait eu l'intention de dire à Amadeus qu'il parlait à sa sœur, il lui aurait surement fait remarqué qu'une petite discussion avec elle n'aurait pas été de trop. Il n'aimait pas vraiment voir les filles sang pur tomber dans des dépressions qu'il n'avait pas provoqué lui même.

Il manqua tout de même rire quand elle sortit enfin les serres et lui demanda réellement ce qu'il voulait. Bien, bien, il y avait encore de l'espoir si elle se rendait compte que quelque chose clochait dans son comportement ! Et cela voulait aussi dire qu'elle le connaissait assez bien, donc qu'elle l'observait surement un peu. Et dans sa tête, observation tournait vite à obsession. Il pouvait influer sur une obsession. Et elle avait presque trouvé juste ! Seulement, elle n'aurait pas du faire l'erreur de le mettre directement dans la même ligue qu'Amadeus, au contraire. Le fait qu'ils soient meilleurs amis ne voulait pas dire qu'ils n'avaient pas quelques secrets l'un envers l'autre, et le Lestrange n'aurait de toute manière jamais accepté de surveiller Mina d'une telle façon si son ami lui avait demandé. Ce n'était pas à lui de faire le sale boulot, franchement, ils avaient des sous-fifres pour ça. Néanmoins, elle lui avait posé une question et il savait qu'il ne fallait jamais trop tarder à répondre aux questions des serdaigles, sinon ça leur donnait des pulsions d'homicide. Ou des envies de fouiner, qui risquait de mettre à nu des choses dangereuses. Se portant une main au cœur de façon exagéré, sachant parfaitement qu'elle ne serait pas non plus dupe au point de tout avaler, il s'exclama comme un poufsouffle malheureux « Quoi, tu ne me crois pas sur parole ? Je suis profondément.... meurtri. Je vais aller pleurer dans un coin. » Un petit sourire sardonique plus loin, il lui tapota une main d'un air désormais paternaliste. « Tes secrets sont en sécurité avec moi, Willhemina. »

Il avait lu il ne savait plus où qu'utiliser le nom complet, c'était bon pour le moral des gens. Ou du moins, ça les mettaient en confiance, dans le moment présent. Des contes de bonnes femmes soûles. Ca semblait pourtant marcher un minimum alors qu'elle lui avouait doucement ne pas vouloir rentrer. Laissant son coté salopard de coté quelques secondes, il réfléchit à ce qu'elle venait de dire, comparant ça à ce qu'il pourrait ressentir si une version adoucie d'Aleysia lui disait ça. Vers environ six ans, quand elle était encore mignonne. S'en inspirant, il mit le temps nécessaire pour composer une réaction appropriée, se doutant que l'approche qu'il prenait à l'époque avec sa poupée de petite sœur « A MOI ! » ne marcherait surement pas avec son amie, et lui serra l'épaule affectueusement. Enfin, presque. De façon un peu maladroite, parce qu'il n'avait pas le mode d'emploi pour.
« Tu serais pas la première à vouloir rester à Poudlard pour Noël, tu sais. Que ce soit par envie ou pour éviter de rentrer. Oui, il venait de montrer un de ses points faibles, mais il fallait parfois se sacrifier pour la bonne cause. Et puis, il devait l'avouer, tout le monde connaissait plus ou moins l'état magnifique de la famille Lestrange, de leurs magnifiques enfants tous plus sociopathes les uns que les autres, et de leur tendance à encaisser les coups sans rien dire. Alors tout le monde devait comprendre – ou croire comprendre – pourquoi il évitait de foutre un orteil chez lui plus longtemps qu'il ne l'était requis. T'as pas un copain ou copine pour t'inviter chez lui ? Partir skier en France, se faire une petite escapade à Amsterdam pour le nouvel an... Franchement, les Noëls en famille, c'est bien quand on est jeunes – kof kof – mais t'es majeure, et donc, si tu veux faire quelque chose, personne ne peut vraiment t'en empécher. »

Voilà, au pire, s'il n'arrivait pas à se la faire, il aurait quand même planter les graines de la sédition en elle. Me remercie pas Amadeus, c'est normal.

Toutes ces discussions sur leurs sentiments commençaient à le rendre inconfortable ; il avait tout essayé, le rire, le sérieux, mais devoir livrer une partie de sa vie parce qu'il avait voulu compatir avec la situation de Mina ne faisait pas partie des choses qu'il s'était préparé à faire. Mais il était trop tard pour reculer, et le jeune homme soupira en entendant sa petite voix interrogatrice le presser d'en parler. Ce n'était pas quelque chose qu'il aimait crier sur le toit, ni même y penser, les souvenirs étaient bien mieux enfermés dans un coin de son esprit, intouchés. Mais cette petite sœur d'Amadeus, qui était au final comme une petite sœur pour lui, malgré tous les plans qu'il pouvait former dans son dos, ne méritait pas qu'il lui lache un « c'est pas tes oignons ». C'était une part de son boulot de faire en sorte qu'elle continue à être une fille heureuse et sans soucis, c'était pour ça qu'il voulait changer la société, non pas pour tout détruire et amener la misère, mais pour que des jeunes filles comme Mina n'aient plus à pleurer, à craindre pour leur vie, leur pureté. Tordu comme raisonnement pour justifier les meurtres et la terreur, mais c'était ainsi.

Lui pressant la main un peu plus, il prit un regard distant, une voix monotone, ne voulant pas s'attarder sur tout ça. C'était pour appâter Mina, il se le répétait, rien de plus. Lui donner confiance, lui faire croire qu'elle rentrait dans ses confidences, qu'elle en savait plus... Elle en savait déjà plus que les autres, oui, mais l'essentiel était de lui faire croire qu'elle savait alors que non. Oui, compliqué, mais Rohàn allait très loin dans le raisonnement pour que son esprit tolère de montrer une faiblesse. « Entre Alesya qui ne me parle plus, les parents qui sont là pour la décoration, les cousins avec qui on a pas vraiment envie de passer le réveillon... Je veux dire, ce n'est pas forcément la grosse ambiance à la maison, on n'est pas des poufsouffles. » C'était dit non pas froidement, mais d'un ton de constatation, comme si tout cela était très normal. Il passait sous silence les raisons supplémentaires qui ne regardaient que lui, parce qu'il en avait déjà assez dit pour la satisfaire, mais ne faire qu'en parler avait déjà remis du sel sur la plaie. Quelle belle famille ils formaient, les Lestrange, vraiment. On s'étonnait ensuite que les sang-purs tombent dans la déchéance, mais ils devaient avoir un taux de violence sur mineurs plus élevés que chez leurs inférieurs, et ça, ce n'était pas normal du tout. De la discipline, oui, il ne se voyait pas vivre sans, mais certaines blessures, il s'en serait passé avec joie.

Passant à autre chose, il conseilla à Willhemina de se faire inviter et de trouver des prétextes pour ne pas rentrer, choses dans lesquelles il était depuis longtemps passé maitre. Mais la jeune fille lui expliqua le fond du problème, et il grimaça, pris à son propre piège. Effectivement, quand on était comme elle, une jeune fille ouverte d'esprit avec des amis de tous les sang, il était compliqué d'avoir une famille de sang pur. Il voyait d'ici la tête d'Amadeus si Mina lui annonçait son départ chez un sang mêlé, alors sans parler d'une née-moldue.. La pauvre serdaigle était bel et bien coincée, et lui aussi. Il ne pouvait pas lui dire qu'elle avait le droit d'aller voir qui elle voulait, pas en étant Lestrange, mais il ne pouvait pas non plus jouer au deuxième frère et lui interdire de le faire, c'était contre productif pour la partie qu'il voulait commencer. Elle devait le voir comme un allié, pas comme un geôlier. « Tu ne fais pas les choses à moitié, aussi. Amadeus fait une syncope dés qu'on prononce “sang de bourbe” alors j'imagine bien sa réaction. » Et la sienne serait pareille avec Alesya, sauf qu'Alesya ne lui demandait pas son avis, s'en foutait même, et faisait toujours ce qu'elle voulait. Mina était d'un naturel plus conciliant, encore heureux.
Lâchant un petit rire à l'idée d'aider la demoiselle à voir une amie moins bien née, se demandant encore ce qu'il allait devoir sacrifier comme fausse intégrité pour avoir sa vengeance, il se passa une main dans les cheveux et fit mine de réfléchir.
« La rousse, sang mélée, c'est ca ? Qui est à Serdaigle. » Il avait une mémoire des noms impressionnantes, mais les visages se mêlaient beaucoup plus dans son esprit. Surtout quand ils n'étaient pas riches. « Déja, le dire à ton père c'est exclu, sauf si tu veux finir ta scolarité au bout d'une laisse. Mais un mensonge n'a jamais tué personne, tu n'a pas quelqu'un d'autre à utiliser comme couverture ? » Non, il ne se proposerait pas, Amadeus sentirait le truc arriver à des kilomètres, et il avait déjà comme dis plus haut prévu de ne pas mettre un pied chez lui avant la fin de l'année scolaire.
« Sinon, il y a la bonne vieille méthode de la rébellion, une scène de ménage, tu t'enfuies et va te réfugier chez ton amie. Mais après, je ne garantis pas le résultat. » C'était une solution de dernier recours, parce qu'elle aurait tendance à couper les liens entre la fragile serdaigle et sa famille aux idées pures, la rendant plus facile à lobotomiser par ceux d'en face.
Mais également plus fragile pour que lui la manipule, donc... à méditer.

Au moins, il aurait réussi à la faire rire avec sa comparaison. Lui même trouvait ça heureux de ne pas faire parti d'une famille de poufsouffles – à l'exception de Lucifer, mais il ne lui faisait pas encore l'honneur de le considérer comme un membre des lestrange – et ne savait pas trop ce qu'il aurait fait si sa sœur ou ses parents avaient été gentils, compréhensifs ou amicaux. L'idée était trop étrange pour qu'il ne ressente pas un frisson. Il était dans son élément avec des gens qui ne montraient pas leurs sentiments, il aimait naviguer parmi les sang pur pour cette raison, parce qu'ils savaient garder leur masque en place et qu'il fallait travailler plus pour savoir lire leurs émotions. La facilité avec laquelle il pouvait lire les gryffondors ou les poufsouffle lui faisait presque peur, cette sensation d'être à nu, de n'avoir jamais rien à cacher, ce n'était pas humain, pas faisable sur le long terme. Ou peut-être était-il trop détraqué pour apprécier la sincérité.
Il faisait pourtant des efforts, parlant à Mina sans lui mentir, essayant de trouver des solutions à ses problèmes. C'était agréable, parfois, de ne pas les causer mais les résoudre, mais il ne se voyait pas faire ça tout le temps. Elle devait apprendre à penser aux choses seule, et de toute manière, sa rébellion serait surement avortée avant même d'avoir réellement commencé ; dés qu'Amadeus aurait vent de l'histoire, elle pourrait dire adieu à sa liberté et à ses idées de fuite ou de voir ses amis de sang impur. Ce qui voulait dire qu'il devait passer à l'action avant cela, sans quoi sa vengeance n'aurait pas le temps d'agir et il faudrait qu'il en vienne aux mains avec son meilleur ami, ce qui n'était pas dans son programme.

Une nouvelle fois, la petite brune sortit une phrase intelligente et Rohàn la regarda d'un air amusé. Oui, il était aussi mauvais qu'Amadeus, il détestait les sang mélés, et alors ? Elle semblait vraiment décidée à croire qu'il avait des idées derrière la tête, et c'était tant mieux. « Le fait de les hair ne m'empêche pas d'en parler. Toi tu ne les déteste pas et je ne réussirais pas à te faire changer d'avis à leur sujet, non ? Alors même si je préférerais tous les voir morts, je peux mettre de coté mes idéaux et t'aider, c'est à ça que servent les amis, non ? » Franchement, il n'en avait rien à carrer des gens avec qui elle trainait, c'était son problème, et les amitiés d'enfance ne tenaient pas souvent longtemps après la fin des études. Lorsqu'elle serait mariée ou qu'elle passerait du temps dans les cercles de gens de la bonne société, elle creuserait elle même le fossé entre elle et ses amies de sang impur, sans même s'en apercevoir. Il n'hésitait pas à être franc, de toute manière elle savait très bien ce qu'il pensait, et Mina le connaissait. Elle n'irait pas le trahir, ni prendre peur, il avait toujours été comme ça.
Continuant sur sa lancée, il lui proposa de fuguer, mais la demoiselle avait raison, Amadeus le prendrait plus que mal. Rohàn ne broncha pas lorsqu'elle expliqua qu'il se montrerait sans doute violent, sachant très bien que c'était la vérité, et ne souhaitant pas s'interposer trop dans les histoires de famille. Lui même n'était pas forcément tendre avec Alesya, même s'il ne l'aurait jamais frappé, pas comme leur père, mais toutes les familles avaient leur fonctionnement. Il comprenait qu'elle ne veuille pas se faire taper dessus ou laisser seule sa mère, même si lui aurait bien abandonné la sienne dans un coin à la première occasion. Dans un certain sens, Mina avait une meilleure vie que lui, mais elle ne s'en rendait pas encore compte. Il valait mieux avoir un frère surprotecteur que pas du tout de famille, non ? Elle avait beau dire qu'il la tenait en laisse, si cela l'avait réellement géné, elle se serait déjà enfuie.

Bon joueur, il lui offrit un sourire lorsqu'elle déclina ses propositions. Il se doutait déjà qu'elle en arriverait là, mais l'important n'était pas qu'elle accepte mais simplement qu'elle sache qu'il propose de l'aider, donc qu'elle lui fasse plus confiance. Savoir qu'elle serait à Poudlard pendant les vacances lui permettait de prévoir la suite des évènements, même s'il ne pourrait sans doute pas la voir beaucoup ; il avait des plans, pour les fêtes. Mais il pourrait continuer à la harceler doucement sans qu'elle ne s'en rende compte. « Au moins j'aurais essayé. » S'étirant en faisant craquer les os de son dos, il jeta un coup d'oeil au soleil dehors, qui avait suivi son trajet, signe qu'il était temps de mettre un terme à leur discussion s'il voulait éviter que quiconque suspecte quoi que ce soit sur cette absence. Le serpentard ne pensait pas être suivi, mais vu le comportement de sa sœur, il n'était plus sur de rien en ce moment. « Il serait temps que je rentre, j'ai des dissertations à finir. C'était agréable de discuter comme ça avec toi, on devrait se refaire ça à l'occasion. » Il ne devait pas non plus trop la brusquer, ne pas porter toute son attention sur elle. Mais il pouvait au moins finir leurs rencontres sur une note spéciale, pour qu'elle n'oublie pas cette promesse de se revoir, seuls.
Un sourire ravageur sur les lèvres et silencieux, il se pencha pour lui faire la bise, déviant au dernier moment sa trajectoire pour l'embrasser, ne tentant pas trop le destin toutefois en gardant cette caresse légère et rapide. Il ne pouvait pas encore la plaquer contre un mur et l'embrasser comme il l'aurait voulu, il fallait se montrer prudent. Se redressant en lui faisant un clin d'oeil, il lui souhaita une bonne journée avant de partir rapidement, ne voulant pas qu'elle le confronte sur ce qu'il venait de faire. Qu'elle réfléchisse, qu'elle se fasse des idées, qu'elle refuse d'y croire, lui savait que son plan était en marche.