Le cœur de la jeune femme bondit dans sa poitrine quand la sonnerie retentit. Elle n’avait rien suivi du cours, ou du moins des dernières minutes, presque endormie durant l’heure écoulée à cause de son escapade nocturne durant la nuit qui avait précédé. Ange était rentrée aux premières lueurs du soleil, ne dormant pas du tout. Son esprit était embrumé, fatigué et cela se lisait sur son visage et dans ses yeux. Tant de questions sans réponses lui obturaient l’esprit, ne laissant la place pour rien d’autre, histoires futiles d’adolescente, mais la belle ne pouvait s’empêcher d’y penser et de réfléchir aux évènements de ces dernières semaines. C’était dans sa nature de tout analyser, de réfléchir à tout, de connaître les raisons, les causes d’un événement. Elle essayait de changer, que ce ne soit pas le cas, mais elle semblait incapable de ne pas réfléchir à sa situation et de prendre les choses comme elles venaient. Elle pensait à Loki. Constamment. Tellement que cela en devenait maladif. Elle était heureuse, mais cela ne lui suffisait pas. Le bonheur était surfait, car elle ne parvenait pas à comprendre comment ils s’étaient retrouvés ensemble. Elle ne pouvait mettre leur rencontre sur le compte du destin, car il était venu à elle, il avait cherché à la connaître. Elle ne le regrettait pas, elle ne regrettait rien, mais elle doutait, comme toujours, de lui, d’elle, de tout. Que se cachait-il réellement derrière leur histoire ? Elle voulait connaître la vérité, bien que celle-ci lui fasse peur. Seulement, et elle le savait, personne n’était en mesure de l’aider. Seul Loki détenait les clefs de ces réponses et elle craignait de le faire fuir avec ses questions. La Serdaigle prenait sur elle, mais sa conscience lui disait que le jeune homme n’était pas tout à fait honnête avec elle, elle la mettait en garde, mais le mal était déjà fait. Il avait une emprise sur elle que personne d’autre n’avait eu depuis Lucian, elle était au bord du gouffre, prête à se jeter dedans pour vivre quelque chose d’extraordinaire. Elle avait toujours été persuadée qu’elle n’était pas faite pour être heureuse, que quelque chose là haut se mettait entre elle et le bonheur, mais cette nouvelle relation semblait lui prouver qu’elle avait toujours eu tord. Ange soupira et se leva, elle aurait pu aller directement à la Grande Salle, mais elle avait besoin d’un moment de solitude.

Ses pas la dirigèrent vers les toilettes où elle se réfugia. La jeune femme observa son reflet pendant quelques secondes dans le miroir, remarqua les cernes bleutés qui soulignaient son regard et lui donnait un air fiévreux. Elle glissa ses mains sous l’eau avant de les passer sur son visage, cherchant à éteindre son esprit pendant quelques instants seulement. Elle serra la mâchoire quand elle entendit la porte des toilettes s’ouvrir, la solitude n’était décidemment pas facile à trouver. Son regard se durcit quand elle vit le reflet de la personne qui était entrée, découvrant son identité. Une certaine animosité se dessina sur ses traits, reflétant tous les sentiments négatifs qu’elle portait à l’encontre de la jeune femme. « Qu’est-ce que tu me veux Lestrange ? » Son ton était froid et dur, ses paroles pleines de venin. Elle devinait que la jeune femme la cherchait car celle-ci n’avait pas passé son chemin et restait non loin d’elle.

« Dégage de mon passage ! » La voix d’Alesya Lestrange s’éleva dans le couloir pourtant bondé et l’instant d’après, excédée, elle planta sa baguette dans les côtes de ce foutu deuxième année qui se trouvait au milieu. Les bras chargés de livres, l’adolescent fit un bond sur le côté, cachant de son mieux un rictus et retenant un juron. Le souci, c’était que personne ne reprenait Alesya lorsqu’elle se comportait de la sorte, surtout pas, d’ailleurs, lorsqu’elle portait sur ses traits toutes la malveillance du monde. La brune avait une idée en tête et c’était pour cela qu’elle se pressait dans le couloir, fendant la foule et ne supportant pas qu’on se trouve sur son chemin sans bouger, trop habituée à ce qu’on s’écarte. Par peur plus que par respect, les gens savaient qu’ils devaient de décaler lorsque le petit boulet de canon qu’était la batteuse des Serpentard avançait quelque part. Trop brusque, impulsive et colérique, elle n’inspirait pas la confiance car il était de notoriété publique que la patience n’était pas son meilleur atout. C’était peut-être pour ça, d’ailleurs, qu’elle avançait à toute vitesse, cherchant désespérément une tête blonde malheureusement bien familière. Elle n’avait pas le temps d’attendre les résultats, elle voulait qu’Ange souffre et que ça arrive maintenant, elle voulait l’écraser, la ruiner. Instinctivement, ses doigts se serrèrent autours de sa baguette qu’elle se décida finalement à ranger par précaution. Devant elle, à une dizaine de pas, la Serdaigle venait de s’enfoncer dans les toilettes, s’isolant du reste du monde alors qu’un sourire malsain remontait les lèvres de la petite brune.

Ca n’avait jamais été l’amour fou, entre les deux. Euphémisme. De toutes les garces de cette école, Ange était probablement celle qu’Alesya avait le plus de mal à supporter. C’était comme si la blonde cherchait constamment à s’insinuer dans la vie de la Vert et Argent, comme si être très proche d’Ezechiel n’était pas suffisant, comme si avoir Rohàn était une vengeance acceptable pour Merlin sait quel crime elle avait pu commettre dans une vie passée. Alesya ne savait pas pourquoi elle avait autant envie de sauter à la gorge d’Ange, pourquoi les choses avaient dégénérées, pourquoi elles en étaient là. Jalousie, surement, possessivité ou quelque chose du genre… la seule chose qui comptait, à vrai dire, ce n’était pas de savoir pourquoi elle voulait la foutre à terre, non… c’était de savoir comment elle allait y arriver. A son tour, quelques instants plus tard, elle poussa la porte des toilettes et remarqua que la jeune femme était en train de passer de l’eau sur son visage. Quelque chose n’allait pas et le sourire de la brune se fit plus franc, plus mauvais. La victime à venir des machinations Lestrangienne se redressa et aussitôt, la Serpentard nota l’air fatigué, les cernes et dû se retenir de jubiler, enfant se voyant offrir un nouveau jouet.

C’était de tradition, presque, qu’elles s’attaquent et Ange commença. « Qu’est-ce-que tu me veux, Lestrange ? » demanda-t-elle, froide, agacée, forçant donc son interlocutrice à sourire plus fort. Ce qu’elle aimait ce genre de moment. Elle avait beau dire que ce n’était pas dans sa nature, la brune savait très bien que rien au monde ne la ravissait plus qu’une confrontation, qu’une occasion de faire du mal. S’avançant un peu et laissant la lourde porte en bois se refermer derrière elle, elle haussa alors les épaules, l’air de rien. Ce n’était pas bon, jamais, que de la voir feindre un détachement qu’elle était à des milles de ressentir. Au fond, Ange avait cherché, en voulant mettre ses sales pattes sur Rohàn et cette idée confortait Alesya : elle n’était pas folle, c’était mérité. « Oh, trois fois rien… » Souffla-t-elle, s’avançant entre les lavabos en faïence. « Je voulais juste voir si tu commençais à virer niaise » tendant une main, elle attrapa un des carnets qui dépassait du sac mal fermé de la blonde et en feuilleta rapidement les dernières pages tout en reculant, s’éloignant des griffes potentielles de la jeune femme. « Rhoooo ! Même pas de Madame Ange Greyback griffonné de partout ? Je suis déçue, tiens… » Le ton était joueur mais pensif, faussement du moins, comme si c’était là une réelle déception… Une chance, heureusement, elle n’avait pas besoin de ce genre de preuve à la con pour affirmer son pouvoir, sachant très bien que les ordres qu’elle avait donné avait été respecté, même si c’était d’une façon tordue ou retardée.

« Quoi ? Tu ne pensais quand même pas que je ne serais pas au courant, si ? » Demanda-t-elle, feignant cette fois la surprise dédaigneuse et regardant son ennemie de toujours. Carnet à la main, elle attendait le bon moment pour attraper sa baguette ou pour balancer les coups. Elle en avait encore, des saletés à distiller, des sous-entendus à placer, histoire de briser, méthodiquement, cette oie blanche, future belle-soeur à anéantir, qui semblait perdre doucement la tête, pour le plus grand bonheur d’Alesya.

D’aussi loin qu’elle pouvait s’en souvenir, la jeune femme n’avait jamais aimé la verte et argent, toujours détesté même. Elles avaient commencé par être passives-agressives, des sourires emplis d’une haine contenue, indescriptible, des paroles doucereuses prononcées à mi mots alors que leurs yeux lançaient des éclairs. Combien de fois se seraient-elles entretuées si elles en avaient eu l’opportunité ? Un nombre incalculable, sûrement. Combien de fois Ange n’avait-elle pas rêvé de lancer un vase à la tête de la brunette, mais son éducation l’empêchait toujours de passer à l’action. Leur relation avait pris un nouveau tournant une fois arrivée à Poudlard, elles ne rechignaient plus à se salir les mains, à se battre ouvertement, tout le monde savait qu’entre la Lestrange et la Halley une inimitié sans borne existait, elle ne savait même pas d’où venait toute cette rancœur. Elles s’étaient vues, s’étaient détestées, c’était tout. Leur haine n’avait juste fait qu’accroître au fil des années, Ange devenant une espèce de souffre-douleur pour Alesya, la verte et Argent devenant le défouloir de la Serdaigle quand celle-ci avait besoin d’exploser, mais elle ne rivalisait pas en mesquinerie et méchanceté gratuite. La bleu et bronze était froide, pas cruelle, contrairement à la brune. Cette dernière avait fini par se convaincre que la blonde cherchait à voler sa vie, à s’immiscer dans son univers et à lui pourrir l’existence alors qu’il n’en était rien. Elle n’avait pas choisi d’être fiancée à son frère, s’en serait même bien passée, mes les aléas de la vie avaient joué en sa défaveur en compliquant plus encore les liens déjà tendus qui unissaient les deux jeunes femmes et Ange savait qu’Alesya n’allait pas en rester là, qu’elle trouverait un moyen ou un autre pour lui faire payer cet affront. Et dans le fond, elle n’était pas loin de la vérité, elle ne savait juste pas à quel point.

« Oh, trois fois rien … Je voulais juste voir si tu commençais à virer niaise. » La jeune femme haussa un sourcil interrogateur, se demandant où la verte et argent voulait en venir. Elle se doutait qu’elle faisait référence à son histoire avec Loki, mais ne comprenait pas quel était son intérêt dans cette liaison, pourquoi la vie amoureuse de Ange devenait-elle tout d’un coup un de ses centres d’intérêt alors qu’elle aurait dû se réjouir de voir la Serdaigle s’éloigner de son frère chéri. Il fallait avouer qu’Ange n’avait pas le cœur à affronter les frasques de son ennemie de toujours, elle aurait aimé avoir une journée loin de toutes ces histoires afin de réfléchir à ce qui la préoccupait réellement, essayer de dissiper ce malaise qu’elle ressentait. Elle qui avait attendu ce genre de bonheur depuis si longtemps, elle qui avait été si longtemps en mal d’amour et d’affection, ne pouvait s’empêcher de ruiner ce sentiment d’allégresse à l’aide de questions qui semblaient non fondées et d’interrogations qui lui pourrissaient l’existence. Et voilà que la Lestrange cherchait à venir mettre son grain de sel dans toute cette histoire. Ange voulut rattraper le carnet dont se saisi la Serpentard, mais ne parvint pas à être assez rapide. Elle l’observa feuilleter en silence les feuilles, toujours cet éternel sourire satisfait dessiné sur ses lèvres, sourire qu’elle lui aurait bien arraché à l’aide d’une gifle ou d’un sort, mais à quoi bon, elles allaient sûrement remettre le couvert demain. La Serdaigle en était réduite à se dire qu’elle pouvait laisser gagner la verte et argent aujourd’hui, pour mieux lui arracher la victoire le lendemain. Il n’y avait rien de plus jouissif que de voir Alesya sortir de ses gonds quand Ange avait le dessus dans leurs échanges. Bien sûr, elle le lui rendait bien par après, mais la Serdaigle ne s’en formalisait pas tant ces joutes verbales étaient devenues une habitude, elle savait qu’elle aurait à nouveau son heure de gloire par après et ainsi de suite. Pourtant elle commençait à se lasser de ces jeux, de ces histoires, elle voulait en finir, une bonne fois pour toute, et espérait secrètement qu’Alesya lui assigne le coup de grâce et lui laisse la paix, elle n’arriverait pas à la briser de toute façon, n’est-ce pas ?

« Rhoooo ! Même pas de Madame Ange Greyback griffonné de partout ? Je suis déçue, tiens… » Ange soupira. « Rends moi ça et dis moi ce que tu veux réellement, je n’ai pas le temps pour tes petits jeux Alesya. » Sa voix était lasse. Elle aurait pu lui répondre avec une réplique cinglante et froide, mais le cœur n’y était pas, elle voulait en finir et vite. Pourtant l’instinct reprit le dessus et elle ne put s’empêcher de répliquer. « Serais-tu jalouse ? Je comprends que tu aies du mal à trouver quelqu’un qui veuille de toi, les catins plaisent rarement plus d’une nuit. » Son ton était ironique, ses yeux et ses lèvres se fendirent d’un demi-sourire cynique, la bataille était lancée. « Quoi ? Tu ne pensais quand même pas que je ne serais pas au courant, si ? » Ange haussa les épaules. Qu’Alesya sache ou ne sache pas, elle s’en moquait éperdument, cette histoire ne la concernait pas, et la Serdaigle savait qu’en s’engageant dans une relation avec Loki Greyback les rumeurs suivraient, ils n’avaient pas été non plus discrets. « Et ? Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse que tu sois au courant pour Loki et moi ? Tu le voulais pour toi peut-être ? » Le ton était neutre, comme si elles parlaient de la pluie et du beau temps, mais la jeune femme avait l’étrange sentiment que quelque chose de plus grand se préparait et qu’elle allait être frappée par la foudre, sans savoir vraiment d’où le coup viendrait. « Si tu nous rendais à toutes les deux un grand service en arrêtant de jouer et de tourner autour du pot et d’exprimer clairement quelles sont tes motivations pour une fois ? Que me veux-tu ? » Répéta-t-elle, pressée d’en finir. Son cœur s’était serré, elle s’en rendait compte à présent. Alesya savait quelque chose qu’elle ignorait, quelque chose qui allait tout changer, elle en était à présent persuadée.

Spoiler:

« Et ? Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse que tu sois au courant pour Loki et moi ? Tu le voulais pour toi peut-être ? » Alesya manqua d’arquer un sourcil. Ainsi postées dans les toilettes, elles auraient pu discuter de tout et de n’importe quoi surtout. Elles semblaient calmes. Sur la défensive, prêtes à sortir les griffes, certes, mais le ton était presque serein tant il était neutre. Deux filles, discutant dans les sanitaires de Poudlard, comme des milliers avant elles et des milliers encore à venir. Sauf que ce genre d’endroit, aussi incongru puisse-t-il être, avait toujours été le théâtre de milles drames. Engueulades, crêpage de chignon, chaudes larmes versées à cause d’un garçon… toute pièce comportant un miroir et s’avérant destinée à l’usage exclusif d’une poignée, restreinte ou non, d’adolescente, avait ce potentiel… Et les deux, là, n’allait pas déroger à la règle, car Alesya ne comptait pas rester aussi détacher. Personne n’aurait pu deviner qu’elles rêvaient de se sauter à la gorge, ouais… La Lestrange allait changer ça, provoquant l’engueulade, le crêpage de chignon et surtout, surtout, le drame relatif au garçon. Cette espèce de garce, là, lui volait son grand frère et n’en était même pas fière, même pas honorée… Elle payerait. « Si tu nous rendais à toutes les deux un grand service en arrêtant de jouer et de tourner autour du pot et d’exprimer clairement quelles sont tes motivations pour une fois ? Que me veux-tu ? »

Un sourire narquois, machiavélique, retroussa les lèvres de la brune. Idiote. Ce que Ange pouvait être idiote. Naïve. Fragile. Exactement comme Alesya s’était toujours imaginé les anges, à vrai dire, créatures un peu peureuse, un peu inutile, armée sans pouvoirs là pour faire jolie… Potiches. Ouais, Ange était une potiche et elle venait de demander à ce que l’épée de Damoclès que la Lestrange faisait pendre au dessus de sa tête depuis tout à l’heure, sans grande subtilité à vrai dire, soit enfin lâchée. A sa guise, hein, Alesya n’attendait que ça. Rajustant sa mise, la Serpentard se redressa un peu, se grandissant autant que possible. Cou tendu, elle avait un port presque royal… Queen Bitch. « Tu es assez stupide pour croire ça, ou bien tu te mens pour ne pas perdre la face ? » demanda-t-elle, finalement. « Dans les deux cas, Serdaigle pèche un peu, niveau recrutement. Vous n’êtes pas censés être brillants et pragmatiques ? » A nouveau, ce sourire odieux anima son visage. Ses yeux brillaient d’excitation à l’idée de faire mal à cette espèce de poupée blonde qui lui ruinait la vie, qui la séparait de son frère. Ce qu’elle pouvait la haïr. « Greyback, Lestrange… il ne t’ai jamais venu à l’idée que deux familles comme ça puisse s’associer pour pourrir la vie des traitres à leur sang ? ou en l’occurrence, les petites garces qui ne devraient pas exister » elle donnait les indices doucement, comme on explique lentement à un enfant que le père Noël n’existe pas et que la vie est injuste au possible. « Il ne t’ai jamais venu à l’idée que j’ai pu lui demander de te bousiller à petit feu, just for the fun of it ? » souffla-t-elle finalement entre ses dents, vipère terrible.

Si elle avait beaucoup de scrupules en ce moment, Ange n’en bénéficiait pas. Rohàn était hors limite. La guerre en préparation, les histoires de sang-pur, tout cela pouvait attendre, mais son frère… Elle était possessive, jalouse, véritable petite fille, totalement perdue sans son ainé. Elle ne regrettait pas ses gestes, elle ne regrettait pas d’avoir demandé à Loki de faire marcher la blonde, de la ruiner, de prendre le peu de pureté et d’intérêt qui pouvait servir de poids dans la balance fragile de cette union forcée… n’importe quoi pour la séparer de Rohàn, pour que l’ainé Lestrange n’en veuille pas. Elle en voulait à Rohàn de ne pas gérer lui-même, mais il fallait le faire alors toute la colère, toute la haine qui bouillonnait en elle, tout ça menaçait de s’abattre une bonne fois pour toute sur la carcasse fumante de la Serdaigle. « Oh, et je l'ai eu pour moi... » ajouta-t-elle, presque candide, relevant un peu la tête et tirant sur le col de sa chemise pour exposer une cicatrice encore neuve qui, elle le savait, servirait de preuve.

« Tu es assez stupide pour croire ça, ou bien tu te mens pour ne pas perdre la face ? » Elle se figea. Incapable de répondre à ces accusations, car elle les savait fondée. Elle savait qu’elle agissait comme une autruche, enfonçant sa tête dans le sable jusqu’au cou, portant des œillères, incapable d’admettre cette vérité qui était pourtant bien là, devant ses yeux. À dire vrai, elle se doutait que la présence d’Alesya n’était en rien due au hasard, il était clair que la Lestrange venait récolter son prix, elle ne savait seulement pas quelle était sa nature. Car dans le fond, que voulait-elle réellement de la Serdaigle ? Lui briser le cœur ? La voir geindre ? Elle n’y arriverait pas, Ange ne lui donnerait jamais ce plaisir. Elle savait qu’elle jouerait jusqu’au bout, prétendre que le Greyback n’était qu’un nom sur une liste bien fournie, mais dans le fond, la bleu et bronze savait qu’elle ne pourrait tromper son ennemie de toujours. Le regard qu’elle avait en cet instant la trahissait déjà alors qu’elle attendait la suite de la tirade de la brune. « Dans les deux cas, Serdaigle pèche un peu, niveau recrutement. Vous n’êtes pas censés être brillants et pragmatiques ? » Elle ne répondit pas. Elle ne voulait pas s’abaisser au niveau d’Alesya, pourtant les pires insultes lui brûlaient les lèvres. Elle aurait aimé remettre la verte et argent à sa place, lui fermer le clapet une bonne fois pour toute, mais il y avait cette autre partie d’elle qui voulait savoir quel avait été le rôle d’Alesya dans toute cette histoire, car il était clair à présent que cette dernière était impliquée, mais à quel point, de cela Ange n’était pas encore certaine. Elle la soupçonnait pourtant d’être l’instigatrice de toute cette histoire, celle qui avait demandé à Loki de lui rendre service en broyant de ses mains le cœur de la Serdaigle. Cette dernière se sentait en effet stupide, idiote d’être tombée dans ce piège, elle qui n’avait jamais offert son cœur entièrement s’était jetée à pied joint dans la gueule du loup sans trop de méfiance, pas assez du moins, car après elle avait l’impression que son monde était sur le point d’imploser, ne laissant aucune chance à Ange de sortir indemne de toute cette histoire. Elle restait figée, incapable de bouger, elle ne voulait ni parler, ni bouger, incapable de fuir, incapable de rester non plus, mais elle continua de fixer Alesya.

« Greyback, Lestrange… il ne t’ai jamais venu à l’idée que deux familles comme ça puisse s’associer pour pourrir la vie des traitres à leur sang ? ou en l’occurrence, les petites garces qui ne devraient pas exister. » Ange plongea ses iris bleutés dans le regard sombre de la Serpentard. « Crache le morceau Alesya qu’on n’en finisse, qu’as-tu comploté avec Loki ? » Elle voulait des réponses et elle les voulait maintenant. Elle ne voulait pas tourner autour du pot, si elle voulait la briser, autant qu’elle le fasse, et vite, le résultat serait le même, il serait tout aussi douloureux pour la Serdaigle qui sentait déjà son cœur se fendiller alors que ses pires craintes se révélaient être fondées. « Il ne t’ai jamais venu à l’idée que j’ai pu lui demander de te bousiller à petit feu, just for the fun of it ? » Elle accusa le coup. Ne montra pas à quel point cela l’affectait. Elle resta silencieuse, trop silencieuse, digérant la nouvelle. Son cœur explosa, mais elle parvint à retenir l’émotion qui l’envahissait. « Oh, et je l'ai eu pour moi... » Cela lui fit plus mal encore. Elle ne savait pas quand elle l’avait eu, mais le simple fait de savoir qu’elle était passée après celle qu’elle détestait le plus sur cette terre finissait de l’achever. « Pourquoi … ? Pourquoi avoir agi ainsi ? Je ne t'ai jamais rien fait, jamais je n'aurais cherché à te briser le coeur ainsi. » Elle tremblait, de tristesse, mais surtout de colère, une haine sans nom l’envahit, directement dirigée vers Alesya. « Et puis dans le fond, je m'en moque. Tu gagnes Alesya, tu as réussi à me briser le coeur. Tu peux célébrer, mais dans le fond, à agir ainsi, tu vas finir par te retrouver seule toi aussi, car personne ne peut aimer quelqu'un comme toi. Pas même ton frère, car c'est à son propos, n'est-ce pas ? Tu te sens menacée que j'entre dans sa vie, dans votre vie. Eh bien voilà, tu pensais te débarrasser de moi, seulement tu m'as ôtée la seule raison que j'avais pour annuler ces noces. » Elle n'était pas certaine de ce qu'elle avançait et le reste était plutôt destiné à blessé la verte et argent, à la déstabiliser, mais il y avait tout de même une part de vérité dans ce qu'elle venait de dire. Elle avait envisagé aller à l'encontre de ses parents pour Loki, se donner plus de temps du moins pour être heureuse aux côtés du Greyback, mais à présent, elle n'avait aucune raison de retarder l'échéance.

Elle semblait encaisser, elle semblait comprendre, petit à petit. Alesya jubilait presque, à des milles d’imaginer qu’elle se retrouverait à déchanter bien vite, à des milles de prévoir… Elle avait vu venir bien des réactions, dont la primaire « Pourquoi … ? Pourquoi avoir agi ainsi ? Je ne t'ai jamais rien fait, jamais je n'aurais cherché à te briser le coeur ainsi. » et les tremblements aussi, elle les avait prévu, mais la suite… Non. Du désespoir naïf, la blonde passa à une colère sourde et digne d’Alesya elle-même : « Et puis dans le fond, je m'en moque. Tu gagnes Alesya, tu as réussi à me briser le coeur. Tu peux célébrer, mais dans le fond, à agir ainsi, tu vas finir par te retrouver seule toi aussi, car personne ne peut aimer quelqu'un comme toi. Pas même ton frère, car c'est à son propos, n'est-ce pas ? Tu te sens menacée que j'entre dans sa vie, dans votre vie. Eh bien voilà, tu pensais te débarrasser de moi, seulement tu m'as ôtée la seule raison que j'avais pour annuler ces noces. »

Il n’en fallut pas plus pour que la brune parte en vrille. Comment ? Comment cette merdeuse de Serdaigle osait-elle avancer qu’elle n’avait rien fait, rien prit, rien brisé ? Comment pouvait-elle être si stupide ou faire preuve de tant de mauvaise foi ? Se redressant de toute sa taille, imposante car elle était soudain furibonde, avalant mal les propos de la Bleu et Bronze, Alesya se prépara à attaquer. Ange avait-elle entendu, le son du palpitant de la Serpentard alors qu’elle évoquait Rohàn, qu’elle avançait que ce dernier ne pouvait aimer sa sœur… Avait-elle entendu ? Savait-elle qu’elle avait surement raison et que l’ainé des Lestrange avait totalement délaissé sa cadette, la laissant seule et perdue et ne se souciant pas d’essayer de la retrouver ? Une envie de frapper, de hurler, de cracher s’empara de la batteuse de maison de Salazar. C’était entièrement de la faute d’Ange. « Mais la ferme » vociféra-t-elle, sentant ses cordes vocales trembler. « La ferme, la ferme, la ferme » et elle retenait sa main qui voulait partir s’écraser sur le visage poupin de cette peste en face d’elle. « Tu as pris la seule chose qui comptait, tu m’as pris mon frère, tu mérites tout ce que je te fais » continua-t-elle, comme une gosse justifiant des mensonges, des bêtises. Non, ce n’était pas des balivernes, Ange le méritait et la douleur qui se propageait dans le cœur d’Alesya, faisant monter des larmes terribles dans sa gorge, n’était pas feinte. Elle refusait de pleurer, pourtant, elle se l’interdisait, pas devant elle.

L’instant d’après, bondissant comme le chien d’attaque qu’elle pouvait conjurer avec son patronus, Alesya avait avalé la distance entre Ange et elle, se jetant sur la blonde. Aussitôt, elle tendit la main, non pas pour frapper mais pour saisir, fermant ses doigts sur une large poignée de cheveux dorés et les tirant de toutes ses forces de harpie colérique. Elle aurait pu la tuer, elle aurait pu lui éclater la tempe contre la faïence usée de l’évier mais elle voulait lui faire mal, avant, elle voulait la ruiner, la faire saigner, la faire pleurer, parce que cette fille, cette plaie, avait probablement le pouvoir d’éloigner définitivement Rohàn. Elle sera sa prise, tirant encore plus fort et sentant sa voix craquer, elle lança pourtant « Je m’en cogne, de ton nom, de ta réputation, de ta famille, je m’en cogne, tu m’entends, tu n’seras jamais importante pour lui, j’te laisserais pas faire, j’te laisserais pas me prendre le seul dont j’ai besoin » elle en disait trop, on en entendait bien trop dans sa voix. Les nuits à pleurer, les coups arrêtés, les menaces de leur père, l’absence maternelle, on entendait tout ce qui faisait la complicité des Lestrange, cette force vicieuse qu’Alesya ne pouvait pas se permettre de perdre, trop fragile sans son grand-frère pour la protéger, pas prête à le laisser filer, à lui laisser le droit de faire une place dans sa vie pour une autre jeune femme. « J’te hais, j’te hais, j’te hais » hoqueta-t-elle, de plus en plus fort, sa voix craquant pour de bon, preuve tangible d’une folie enfin lâchée.

Spoiler:

Ange, dans le fond, n’était certaine de rien, elle n’avait jamais écouté les rumeurs étranges à propos de ce qui unissait les Lestranges, mais elle avait deviné, à l’éclat qui s’allumait dans le regard d’Alesya quand son frère était dans les parages, à la lueur de colère qui avait habité ses yeux quand l’annonce des fiançailles avaient été faites à un quelconque dîner mondain. La Serdaigle avait vu claire dans le jeu de la Serpentard, car dans le fond, elle la comprenait. Bien sûr, elle ne l’aurait jamais avoué, elle n’aurait même jamais imaginé penser cela un jour, mais oui, les deux jeunes filles, pourtant ennemies, se ressemblaient. On ne l’aurait pas cru à les voir ainsi se battre, celles qui s’étaient déchirées pendant des années, et pourtant les faits étaient là et aujourd’hui plus que jamais la Serdaigle comprenait qu’Alesya et elles auraient pu être amies dans une autre vie, si il n’y avait pas eu ces années de guerre, ces moments où elles se seraient bien entretuées si on les avait laisser faire. La Serdaigle observa alors l’impact de ses paroles sur sa pire ennemie, elle ne l’avait jamais vu dans un tel état de folie. Elle semblait avoir franchi la limite qu’elle s’était toujours bien gardé de traverser, elle qui avait toujours réussi à garder un minimum de contrôle en présence de la bleu et bronze, aujourd’hui le contrôle n’était plus de rigueur, elle laissait tout exploser, mais Ange ne craignait pas la Serpentard, elle pouvait bien la frapper, dans le fond la Serdaigle s’en moquait, tout simplement car elle savait se défendre, car elle n’était pas moins forte que la vert et argent. Ses années de duel avec Lucian serviraient peut-être à quelque chose aujourd’hui. Elle savait en tous cas qu’Alesya et elle étaient entrées dans une toute nouvelle dimension de leur conflit, et qu’il risquerait d’y avoir des dégâts. Quiconque se serait aventuré à entrer dans les toilettes en cet instant aurait été considéré comme dommage collatéral. Il suffisait d’observer le comportement de la Lestrange, son regard devenu fou, pour comprendre qu’elle n’épargnerait personne. Ange espéra alors que personne ne rentrerait, elle n’avait pas envie de défendre la tête de quelqu’un d’autre alors que la sienne était en première ligne pour se faire exploser.

« Mais la ferme ! » hurla-t-elle. « La ferme, la ferme, la ferme. » La Serdaigle l’observa se crisper, comme si elle se retenait de la frapper. « Tu as pris la seule chose qui comptait, tu m’as pris mon frère, tu mérites tout ce que je te fais. » Ange encaissait en silence. Après tout, combien de fois avait-elle entendu qu’elle n’était qu’une moins que rien, qu’une fille sans valeur qui méritait tout les malheurs qu’elle avait connu ? Elle eut l’impression d’être projeté des années en arrière, quand les dires de sa belle-mère n’avaient plus eu aucun impact sur elle. Quand cette dernière se mettait en colère, qu’elle rejetait la faute de son malheur sur Ange, cette dernière avait pour habitude de la regarder sans ciller, d’attendre qu’elle se soit déchaînée, puis de tourner les talons sans un mot, lançant un regard pleins de pitié à celle qui l’avait rendue si malheureuse avant cela. Car c’était cela qu’elle ressentait à l’égard de la marâtre, de la pitié, et cela avait le don de l’énerver plus encore. De voir cette petite fille déjà blindée à ses remarques désobligeantes, de la voir l’observer avec un regard condescendant, un regard qu’elle aurait aimé lui arraché. Elle avait tenté une fois, s’était jetée sur la demoiselle alors que celle ne pipait mot, elle ne l’avait plus supporté et sans l’intervention des domestiques qui sait ce qu’il se serait passé. Le père de la jeune Serdaigle n’avait rien dit, il n’avait même pas eu de grande conversation avec sa femme sur le fait qu’elle ne devait pas faire de mal à sa fille, il avait simplement conclu qu’elle devait avoir ses raisons quand on lui avait rapporté les faits. Alors oui, la crise d’Alesya n’impressionnait pas Ange outre mesure, cette dernière baignait dans ce genre de comportement depuis toujours. Mais tout de même, elle ne pouvait supporter que la vert et argent l’accuse de lui avoir pris quelque chose, car elle n’y était pour rien dans le fond. « Tu crois que je veux épouser ton frère ? Tu crois que je veux devenir ta belle-sœur ? » dit-elle, ironiquement. Elle eut un sourire cynique. « Je serais très heureuse de te laisser ton cher frère, j’aurais tellement préféré ne pas être mêlée à ta … famille. » elle avait dit ce dernier mot avec dégoût, ne comprenant pas comment on pouvait imaginer qu’Ange devienne une Lestrange. Doucement, elle-même sentait la rage monter, rage tournée vers sa belle-mère depuis toutes ses années, rage tournée vers la Serpentard qu’elle ne supportait plus. Elle ne voulait pourtant pas donner le plaisir à Alesya d’entrer dans son petit jeu et d’exploser elle aussi, se montrer vulnérable, voilà, elle ne voulait pas que la vert et argent voit une faiblesse, une faille chez la Serdaigle.

Ensuite, tout se passa très vite, la verte sauta d’un bon sur la blonde. Elle tendit la main, Ange esquiva, pensant qu’elle voulait la frapper, seulement elle se saisit de la chevelure d’or de la jeune femme, tirant aussi fort qu’elle pouvait. En un geste stupide, reflexe dû à la douleur arraché, elle tenta de faire lâcher prise à la brune, mais celle-ci tenait bon, continuant de déverser sa colère contre celle qu’elle détestait depuis toujours. Ange aussi, se mit à enrager, elle ne voulait pas être la marionnette de la Serpentard, elle ne désirait pas se faire fracasser la tête comme si elle n’était qu’une vulgaire poupée de chiffon. Et pourtant. Cela lui aurait peut-être été bénéfique, elle n’aurait plus eu à se marier, plus eu à vivre avec cette déchirure dans le cœur causée par celui qu’elle avait aimé, plus eu à se battre avec Lucian, avec Alesya. Oui, laisser Alesya la tuer aurait pu être une solution, mais ce n’était pas la façon dont elle voulait quitter ce monde. « Je m’en cogne, de ton nom, de ta réputation, de ta famille, je m’en cogne, tu m’entends, tu n’seras jamais importante pour lui, j’te laisserais pas faire, j’te laisserais pas me prendre le seul dont j’ai besoin ! » Ange eut un sourire mauvais, elle récoltait de précieuses informations sur son ennemie, et le savoir est le pouvoir. Elle prit possession de sa baguette, glissée dans sa poche arrière gauche, et jeta un sort de désarmement sur son assaillante. Elle ne voulait pas lui faire trop de mal, voilà pourquoi elle s’était contentée d’un sort presque inoffensif, elle voulait juste se dégager de sa poigne féroce. « J’te hais, j’te hais, j’te hais » hoqueta-t-elle. « Tu me hais. Mais que veux-tu que cela me fasse ? » Elle se découvrait une nouvelle force, une force puisée dans une rage qu’elle ne se connaissait pas. Son regard céruléen s’était voilé, son cœur s’était voilé, guérissant dans une noirceur qu’elle se découvrait. « Je ne voulais pas de ton frère Alesya, je n’en ai jamais voulu, mais tu as brisé mon cœur et ça je ne te le pardonnerai jamais. » voix froide, sans merci. Car si elle avait éprouvé un instant de la pitié pour la Lestrange, cette pitié l’avait quittée. Pourtant dans son esprit ce n’était la Serpentard qui se trouvait devant elle, mais sa belle-mère, deux visages se mêlant, deux personnes détestées qui se confondaient. Puis Ange réalisait. Elle réalisait ce qu’elle était entrain de devenir, comme si les rôles s’étaient inversés. Elle prit conscience à nouveau de la peur de la vert et argent, cette même peur qu’elle partageait, car ce n’était pas perdre son frère qui lui faisait si peur, mais plutôt qu’il la laisse seule, qu’il l’abandonne. Ange comprenait cette peur, car elle l’habitait aussi, la solitaire qui craignait de finir ses jours seule sans personne à ses côtés. « Tu n’aurais pas dû me prendre Loki … » ce n’était plus une menace, plus un écho de son cœur brisé, car sa voix se fêla, elle qui ne voulait pas montrer de faiblesse n’avait pu retenir cette dernière complainte. Elle voulait qu’Alesya réalise à son tour qu’elle aussi ne voulait pas être seule. Oui, dans une autre vie, elles auraient pu êtres amies …

« Tu n’aurais pas dû me prendre Loki … » echo ridicule, hoquet pathétique. Alesya voulait lui faire mal, la frapper, la secouer, lui hurler que c’était elle, qui avait envoyé Loki, qu’elle avait tout calculé… mais elle n’en savait rien, au final. Si elle voulait se convaincre que le Greyback avait accepté par loyauté pour elle, elle n’arrivait pas à chasser l’idée que, dans cette histoire, il avait pu se montrer intéressé. Elle pesta, prête à arracher les yeux de la serdaigle et ses doigts allèrent se ficher plus profondément dans les cheveux dorés de la jeune femme. Son beau visage méritait de finir contre la faïence abimée, il le fallait. Un gout de sang explosa dans la bouche de la Lestrange alors qu’elle imaginait le bruit sourd d’un crane s’enfonçant, d’un nez se brisant. Elle devait tuer Ange, il n’y avait surement aucune autre solution. Rohàn trouverait une autre fiancée, tout le monde oublierait cette insignifiante idiote, elle ne serait rien d’autre qu’une tâche de sang sur le carrelage, qu’une tombe anonyme et mal creusée dans les bois, Alesya devait l’éliminer, avant qu’elle ne lui prenne Rohàn. Parce que plus que tout, elle avait envie de lui hurler en retour qu’elle n’aurait pas dû lui prendre son ainé. Elle ne le faisait pas car répéter les dires de cette immonde garce ne lui plaisait pas, car elle ne voulait rien avoir à faire avec elle… trop tard. Rohàn, Loki, les histoires de sang, de vengeance… elles étaient déjà si semblables. Et pourtant si différentes.

L’une des deux était folle. Et sur le point de partir encore plus loin, de commettre l’irréparable. Alesya n’avait jamais tué, elle n’était qu’une enfant dans ce monde où la violence primait. Une enfant capricieuse et effrayée, une gosse ayant peur du noir et surtout peur de l’affronter seule. Elle ne se souciait pas des autres et agissait souvent comme si son indépendance était une preuve d’orgueil et de fierté mais ce n’était pas le cas. Plus que jamais, elle était sensible à ce qu’il se passait autour d’elle. Chaque mouvement, chaque respiration semblait l’atteindre, l’affaiblir, lui donner envie de faire mal. Sous ses doigts, sous cette pression qu’elle maintenait, elle pouvait sentir la douleur d’Ange, ce mal qui n’était pas physique mais qui le devenait, à force, cette difficulté à respirer qu’elle partageait parfois. Elle ne voulait, elle refusait de lui ressembler, elles n’étaient pas pareilles. Ange n’était rien, Alesya serait une guerrière, une meneuse, elle ferait de grandes choses. C’était dans son sang, elle n’avait besoin de personne quand le seul accomplissement de la blonde serait d’être la femme d’un homme puissant. Merlin, ce qu’elle la détestait, ce qu’elle voulait lui faire mal… elle n’avait qu’à arquer le bras et abattre sa main pour faire frapper violemment sa mâchoire contre le rebord du lavabo, puis recommencer pour cette fois frapper sa tempe. Tirant de toutes ses forces, la petite batteuse enclencha le geste, prête à abattre sa sentence sur cette jeune fille qui, sans le vouloir, était devenue sa némésys… elle s’apprêta à pousser le visage de porcelaine de cette poupée bientôt brisée et…

Tourna son poignet au dernier moment, lâchant prise et envoyant Ange au sol, simplement, lui permettant d’éviter la surface meurtrière de justesse. Le souffle court, les mains crispées, Alesya tremblait, de rage et d’affliction. Elle avait épargnée Ange sans savoir pourquoi mais à présent des larmes montaient à ses yeux. Elle avait envie de se retourner pour se cacher, de s’écrouler dans un coin, de hurler à nouveau, de courir le plus loin possible, jusqu’à ce que ses poumons explosent. Elle avait besoin de canaliser cette tempête en elle. « Relève-toi » ordonna-t-elle, vociférant à nouveau. « Relève toi et attrape ta putain de baguette, bats toi… » sa voix tremblait, elle voulait faire mal et avoir mal, pour que les tourments s’en aille… pour que Rohàn débarque, aussi, et la soigne, la console, comme avant. Depuis combien de temps l’ignorait-il ? C’était entièrement la faute de cette étrangère qui cherchait à s’imposer. C’était de sa faute, si elle était seule, aussi rendait-elle les coups en isolant Ange. Au final, à ne pas vouloir lui ressembler, elle forçait les traits, elle les accentuait. « Redresse toi, merde » cracha-t-elle une fois de plus, mauvaise, alors que sa voix craquait définitivement et qu’un sanglot la secouait, noyant sa gorge et inondant ses yeux « Tu peux pas me prendre mon frère sans te battre, je t’ai pris Loki, maintenant c’est ton tour, allez, rend les coups, même si tu ne veux pas de lui, si tu dois me l’arracher, fais le dignement, venge toi de ce que je t’ai fait… » hoqueta-t-elle, perdue, suppliant presque Ange de réagir, de se battre, de lui donner une chance de récupérer Rohàn de la seule façon qu’elle connaissait, par la violence et le mérite.

Elle pleurait, pourtant. Elle pleurait, la nuque légèrement arquée, le cœur en miette, à dévisager cette ennemie qu’elle n’avait pas réclamé, à se sentir minuscule et cernée alors qu’Ange était pourtant par terre.