LAWENA ‒ L'union entre les Velaryon et les Selwyn est terminée, je ne veux jamais que mes enfants remettent les pieds dans le Wiltshire et là où leur père se trouvera. Retournons à Londres et ne revenons plus sur ces terres.
LAÏSREN ‒ Tu te trompes, Lawena. Ce n'est pas l'alliance entre nos deux familles qui est rompue, mais seulement ton mariage avec Aerion qui s'achève.
LAWENA ‒ Comment ? Je ne te comprend pas, père. J'ai dis que je ne voulais plus le revoir. Nous devons nous éloigner d'eux, absolument
LAÏSREN ‒ Je refuse et je ne changerais pas d'avis. Vos querelles sont personnelles, ta rancune n'arrangera rien. Demain, un nouvel accord sera scellé : Haelara Seastar épousera Aerion. Il a refusé l'arrangement fait avec ta soeur, alors, ma nièce fera l'affaire. A l'image de la nôtre, la famille Selwyn est prestigieuse et je ne compte pas me les mettre à dos. Et mes petits-enfants ont encore besoin de leur père.

Le visage de Laïsren désigna Ashara du regard, l'aînée des filles de Aerion et Lawena, qui se tenait debout, près de la lourde porte de bois verni, la pénombe recouvrant une bonne partie de sa figure et de son corps. Pourtant, malgré cette ambiance si sombre, elle put constater que sa mère enrageait. Rejetant sa longue chevelure d'or et d'argent en arrière, elle se leva, dominant de toute sa hauteur ceux qui étaient restés assis à table et qui la fixaient, apeurés et attendant le verdict final à la fois.

LAWENA ‒ Eh bien, donnons la bâtarde Seastar à un Selwyn, voilà qui fera l'affaire. Si mon fils unique et mes trois filles ne regagnent pas Londres avec moi, je peux le jurer sur la tombe de chacun de mes aïeux, qu'ils seront reniés !

Tapant du poing sur la table avec autant de force que celle d'un homme, elle quitta la pièce à grandes enjambées, furieuse que son père, Laïsren, ne se rallie pas à sa cause. Un silence lourd s'installa, où Laïsren, les mains jointes et servant de socle à son menton, semblait réfléchir. Quelle était la solution, celle la mieux adaptée et qu'il se devait de saisir sans plus attendre ? Il ne voulait pas se tromper et commettre une erreur de plus. Effectivement, la première erreur avait été de marier Lawena à Aerion, parce que désormais, ce mariage était un échec cuisant. Mais aurait-il pu prévoir ce qu'il allait se passer par la suite ? Non, il n'était pas devin. Certes, il était d'une intelligence remarquable et savait réagir avec vivacité, mais n'avait pas détenu une prophétie entre ses doigts vingt-huit ans auparavant qui stipulait que Lawena finirait rejeter par son mari un jour ou l'autre. D'ailleurs, le rejet était bien plus envisageable que la mort, car une vieille légende racontait que les hommes Selwyn n'hésitaient pas à se débarrasser définitivement de leurs épouses lorsque celles-ci n'enfantaient pas ou qu'elles devenaient encombrantes, ou que des conflits jaillissaient des cieux sans même prévenir.
Posant ses mains face à lui et soupirant, il se décida à reprendre la parole, le regard cependant rivé sur la porte qui venait de claquer quelques minutes plus tôt, victime de la colère de Lawena.

LAÏSREN ‒ Drago, rendez-moi un petit service en l'absence de ce lourdaud de Goyle.
DRAGO ‒ Ce sera avec plaisir que je le ferais, Laïsren.
LAÏSREN ‒ Bien. Pouvez-vous accueillir Ashara dans votre manoir le temps qu'Aerion vienne la chercher ? C'est une belle nuit, je suis certain que vous saurez faire visiter votre somptueux jardin à ma petite-fille.

Un homme avoisinant la quarantaine, mais à la silhouette encore svelte et élégante, se leva, se dirigeant vers elle sans avoir besoin de prendre le temps de l'identifier. Il partageait de nombreuses ressemblances physiques avec Ashara : une stature qu'on pouvait qualifier comme étant royale, des cheveux d'un blond si clair qu'on pouvait les croire argentés, une peau pâle et des lèvres fines et agréables à voir. Sans même un sourire, mais avec courtoisie, il ouvrit la porte d'un coup sec à l'aide de sa baguette et, galant, préféra la voir franchir le pas de la porte avant lui. Se dirigeant vers la sortie, elle fut interrompue dans son élan. Son « garde du corps » attitré pour cette soirée ne se gêna guère pour lui saisir le poignet, la faisant pivoter de sorte à ce qu'ils soient face à face.

DRAGO ‒ J'ai l'autorisation de transplaner, ici. Au moins, ça vous épargnera quinze minutes de marche.
ASHARA ‒ C'est aimable de votre part.

Il lui tendit son bras avec grâce et elle s'en empara avec fermeté. Moins de sept secondes plus tard, voilà qu'ils se retrouvaient en face d'un portail aussi imposant que celui du Selwyn Castle, qui s'ouvrit automatiquement sans même que le dénommé Drago ait eu besoin de l'ouvrir par la magie ou sans. Se comportant en parfait gentleman, il s'était décidé à laisser son bras dessous celui de de la jeune femme, sifflotant un air qui ne lui était pas inconnu. Il brisa la mélodie du silence, se tournant vers elle, daignant cette fois à esquisser un léger sourire.

DRAGO ‒ Savez-vous qui je suis ?
ASHARA ‒ Drago Malefoy, répondit-elle de sa voix délicate et légère.
DRAGO ‒ Heureux de ne pas être un inconnu.
ASHARA ‒ Rassurez-vous, ce n'est pas le cas. Qui ne connaît pas la réputation des Malefoy ?
DRAGO ‒ Quel répondant, pour une gamine de dix-huit ans. On m'a un jour raconté que les Velaryon et les Malefoy sont des familles assorties, la seule différence est que vous, Velaryon, êtes moins prudents lorsqu'il s'agit de montrer que vous avez du pouvoir. Même dans un bain de sang, vous seriez prêt à triompher.

Elle eut un rictus amusé, ne comprenant pas pourquoi ce sorcier qui avait certainement l'âge d'être son père engageait une telle conversation avec elle. Etait-il curieux ou s'amusait-il à la découvrir ?
Cependant, il ne disait pas faux et avait insisté pour lui montrer que les Malefoy n'étaient pas capable de monstruosités, tandis que les Velaryon s'étaient illustrés au cours des millénaires pour liquider chaque être se mettant en travers de leur chemin ou encore, ceux qui n'étaient pas à la hauteur, tels que ces Sangs-de-Bourbes. La consanguinité présente dans cette famille avait rendu certains membres de ce clan fermé plus fous que d'autres et le frère d'Ashara, de neuf ans son aîné, avait hérité d'une petite partie de cette tare, enfermé dans des excès de colères folles ou dans la paranoïa lorsqu'il se levait de mauvais pieds.

ASHARA ‒ Vous ne vous trompez pas, je suis sûre que vous comprenez que détenir le pouvoir même entre ses mains rend influent, et que l'influence est le symbole de la réussite.
DRAGO ‒ Très juste. Vous avez compris les règles du jeu, Asha. Et vous êtes à Poudlard depuis quatre ans... dans quelle maison le Choixpeau a-t-il décidé de vous répartir ?
ASHARA ‒ Chez les Serdaigle. Là où les hauts esprits auront toujours leur place.
DRAGO ‒ C'est vrai. Ma femme, Astoria, y était.

Songeurs, les deux individus continuèrent d'errer dans le gigantesque jardin du manoir, où quelques paons défilaient sous leurs yeux clairs, l'un au regard d'acier, l'autre vert et sauvage, malgré que le reste du visage angélique d'Asha était paisible.
Elle réfléchissait, sans même se soucier de la présence de Drago Malefoy, qui lui parlait familièrement, l'appelant Asha alors que c'était la première fois qu'ils conversaient. Il était assez bavard, contrairement à l'image qu'elle se faisait de lui plus jeune, à l'instar de ceux qui frémissaient lorsqu'ils se heurtaient à la beauté glaciale d'Ashara, se trompant lourdement sur son compte, car elle était connue pour être la plus impartiale de sa fratrie, ainsi que celle qui réagissait avec davantage d'intelligence et de réflexion qu'avec impulsivité. Néanmoins, elle était dangereuse, capable des pires monstruosités lorsqu'elle jugeait qu'il était nécessaire d'agir ainsi... mais ça, ce n'était qu'un détail que peu savaient. Ses soeurs l'avaient toujours consulté en cas de besoin, il arrivait même que ses parents ou son grand-père Laïsren le fasse. Il n'y avait que son aîné, Maelor, pour la contredire, jugeant qu'il n'avait pas à écouter une de ses cadettes, même en sachant qu'il était en tort.
Il ne faisait donc aucun doute qu'elle était destinée à finir chez les Serdaigle, et bien que ses géniteurs furent répartis dans la maison de Salazar Serpentard, ils ne tenaient pas particulièrement à ce que leurs enfants suivent leurs traces, car c'était le talent qui comptait, non là où on pouvait finir lorsqu'on entrait dans la plus célèbre école de sorcellerie au monde.

DRAGO ‒ Et je serais aussi curieux de savoir si on vous a déjà dégoté un fiancé ?

Question étrange, voir insolite. Elle était néanmoins encline à y répondre, seulement pour lui. Parce que ce Drago était bien plus intéressant qu'il ne le laissait paraître. Pourtant, on lui avait raconté que dans sa jeunesse, il ne valait pas plus qu'un misérable pigeon. Peut-être que les années lui avaient fait comprendre qu'il n'était pas une pierre précieuse.

ASHARA ‒ Même plusieurs fois, monsieur.
DRAGO ‒ Je préfère Drago. Sachez que vous êtes l'une des seules jeunes personnes à avoir ce privilège.
ASHARA ‒ C'est flattant, Drago, déclara-t-elle en riant et en prenant soin d'appuyer sur le prénom de son interlocuteur.
DRAGO ‒ Faites-moi la liste de vos prétendants ou plutôt, de ceux qui étaient promis à votre très chère personne, lui souffla-t-il à l'oreille, se penchant vers elle, amusé.
ASHARA ‒ Avant même que je vois le jour, un arrangement avait été conclu entre Rabastan Lestrange et mon père pour que j'épouse son fils à ma majorité. Mais ça ne s'est pas passé comme prévu, parce que ma mère a refusé. Ensuite, à mes cinq ans, on me destinait à un des garçons Goyle, mais mon grand-père est entré dans une colère noire. Il pense que les Goyle sont aussi utiles que des lapins, mais leur fils aîné n'a rien à voir avec le père. Nous avons le même âge. Puis, on m'a promis à quatorze ans à un certain cousin éloigné, je ne sais pas lequel... ces plans sont tous tombés à l'eau.

Ils s'arrêtèrent devant l'entrée du manoir mais n'eurent pas l'idée de se réfugier à l'intérieur, lieu où la discussion serait coupée par les autres hôtes, mais elle lâcha le bras de Drago. Elle croisa les bras, le contemplant en train de la dévisager avec curiosité, une once de malice dans les yeux. Un coup de vent nocturne, frais mais agréable, fut suffisant pour faire voleter ses cheveux dorés derrière elle, une de ses mèches lui balayant le front. Il s'approcha, la dégageant du doigt, caressant d'un geste léger la joue d'Ashara, qui se dégagea avec douceur, gênée de ce contact.

DRAGO ‒ Lestrange... voilà un grand et triste nom, que vous me citez. Vous auriez porté ce patronyme avec grace.
ASHARA ‒ Peut-être. J'avouerais, fort heureusement, que je préfère être condamnée à arborer le nom de mes ancêtres pour le restant de mes jours, car c'est ma plus grande fierté.
DRAGO ‒ J'aime beaucoup votre avis concernant ce point. Il est important d'être fier de ses racines.
ASHARA ‒ Effectivement. Que ceux qui entâchent la réputation des miens brûlent en Enfer, ils ne savent pas de qui ils parlent. Ils se croient supérieurs après nous avoir vaincu en 1998.
DRAGO ‒ Vous marquez encore un point. Puis-je vous révéler quelque chose ? Ce n'est pas essentiel, mais j'ai toujours tenu à vous le dire.
ASHARA ‒ Vous pouvez.
DRAGO ‒ Il y a de cela vingt-huit ans, alors que votre mère était convaincue d'attendre une fille et que j'avais douze ans, mon père, Lucius, s'était fait une joie de me fiancer d'emblée à la princesse tant attendue des Selwyn et des Velaryon. Ils étaient si excités qu'ils avaient choisi le prénom que porterait l'enfant. J'étais promis à la future Ashara Selwyn, disait mon paternel. J'étais satisfait, malgré l'écart d'âge, mais ce fut de courte durée lorsqu'on m'annonça que votre mère avait accouché d'un garçon.

Le choc fut bref. La naissance de Maelor avait gâché les perspectives d'alliances entre les Malefoy et les Selwyn et à en voir l'expression de Drago, cela n'avait pas été une partie de plaisir. Elle ignorait pourquoi il semblait aussi déçu alors que sa femme était tout à fait honorable, mais elle venait de comprendre la raison du dégoût qui pouvait se lire sur le visage de Drago à chaque fois qu'il croisait Maelor, tandis que ce dernier clamait haut et fort être son rival, bien qu'il n'en ait jamais expliqué la raison à Ashara.
Voyant qu'elle restait silencieuse, il enchaîna avec plus de décontractation.

DRAGO ‒ Et à chaque fois que je vous aperçois, je regrette que vous ne soyez pas venue au monde plus tôt. J'aurais eu la chance d'épouser une bien belle et intelligente jeune femme.
ASHARA ‒ Mais vous avez Astoria... la mère de vos enfants.
DRAGO ‒ En effet. Bon, sur ce, rentrons, que vous fassiez connaissance avec Astoria. Elle sera ravie de vous rencontrer.

OPHELIA ‒ T'as peur ?

Se plantant de sorte à déranger Ashara afin que cette dernière cesse de méditer, Ophélia souriait de toutes ses dents, brandissant une lettre qu'elle tenait dans sa main dans les airs. Depuis quelques jours, l'euphorie était à son comble chez Ophélia, qui ne cachait son bonheur à personne et qui avait annoncé à tout ceux qui désiraient l'entendre qu'elle allait se marier à un riche sang-pur. Elle n'avait pas hésité à sauter sur Ashara en apprenant ses fiançailles et à présent, pensant qu'elle pouvait se permettre de narguer celles qui n'étaient pas encore promises. Soupirant, se levant et écartant sa cadette de son passage, elle se dirigea vers le balcon ensoleillé, les yeux rivés vers le ciel d'un bleu myosotis éclatant.

ASHARA ‒ Ce n'est pas le genre de chose qui m'effraie, Ophée.
OPHELIA ‒ Alors, tu devrais manifester plus de joie. T'as l'air déprimé, à croire.
ASHARA ‒ C'est pas ça. Ecoute, je n'ai pas envie de me marier, voilà tout. On refuse de me dire qui est l'homme avec qui je passerais le restant de mes jours et je ne suis pas convaincue de pouvoir l'aimer.

L'amour. C'était un sentiment bien trop fort, qui pouvait affaiblir n'importe quel être humain. Bien qu'Ashara était une personne douée pour ne pas se laisser aller, elle n'était pas immusinée contre ce type d'émotions. Elle avait déjà aimé une fois et ne se sentait toujours pas prête à tourner la page, car celle-ci était, à vrai dire, loin d'être achevée. Mais elle était réaliste et donc consciente du fait que son père ne changerait pas d'avis. Aerion, bien qu'il chérissait chacun de ses enfants, en particulier ses filles - car il tenait à les protéger et qu'elles semblaient plus fragiles d'apparence que Maelor - était un sorcier aussi inflexible que son ancien beau-père, Laïsren. Il savait ce qu'il voulait et ne changerait pas d'avis. Ashara, de nature observatrice, avait appris à le connaître par coeur et avait une certaine emprise sur les faiblesses de son père, mais elle savait qu'orchester des mariages conventionnels était une véritable maladie chez un Selwyn.
Eclatant de rire, Ophélia la saisit par l'épaule, la secouant avec entrain.

OPHELIA ‒ T'es cinglée Asha ! On s'en fiche des sentiments, soit ça vient après, ou soit ça ne vient pas, voilà tout. Puis, de toute façon, tu n'y connais rien : tu n'as jamais aimé. Je suis ta soeur, je sais comment tu es. Tu réserves ton coeur aux tiens, mais pas à un homme.

Oh, ça, c'était ce qu'elle racontait à Ophélia parce qu'elle ne lui accordait plus sa confiance depuis des années, lorsqu'elle avait compris que sa soeur était une éternelle piplette et qu'il n'était pas conseillé de trop en dire à des individus tels qu'Ophélia. En vérité, c'était plutôt cette dernière qui n'avait jamais aimé. Elle n'en avait - pour l'instant - pas les capacités, tout simplement parce qu'elle était bien trop égocentrique pour accorder toute son affection à autrui. Ashara était différente : elle donnait de l'amour à ceux qui le méritaient et qu'elle respectait, mais était d'une cruauté sanguinaire lorsqu'elle se mettait à haïr, contrairement à Ophélia, qui ne savait pas user de la méchanceté jusqu'au bout : elle ne savait que parler, mais ne s'exécutait pas.

ASHARA ‒ Qu'est-ce que t'en sais, Ophée ? lui demanda-t-elle d'un ton énigmatique, lui asainnant une tape sur le haut du crâne.
OPHELIA ‒ Je le sais, c'est tout. T'as pas de coeur.
ASHARA ‒ Comme tu voudras.
OPHELIA ‒ Réfléchis, Asha. Papa a dit que nous nous marierons en même temps. Imagine-nous, portant les plus belles robes de toute l'assemblée... à ton cou, le collier que t'as offert Mr Malefoy à ton dernier anniversaire, et à tes poignets, des bracelets neufs et aussi brillants que ton regard... tu seras magnifique et tous, seront là, à t'admirer. Ne me dis pas que tu n'es pas intéressée ?

« Non, ce n'est pas dans mes cordes. » fut-elle tentée de répondre. Pourtant, elle ne le fit pas. En cet après-midi de juillet, elle n'avait nullement l'intention de se disputer avec Ophélia. D'ailleurs, elles ne se disputaient que bien peu, ne dépassant pas le stade des chamailleries. Selon Ashara, il était inutile de se confronter à une personne convaincue d'avoir raison et ne sachant pas accepter ses erreurs, et Ophélia faisait partie de ces individus.

ASHARA ‒ Oui, c'est peut-être tentant, finit-elle par déclarer d'un ton absent, suscitant une moue ravie de la part de sa cadette.

Enième mensonge. Le mariage n'était pas envisageable pour Ashara. Néanmoins, elle ne désobéirait pas, parce qu'il était dans son devoir, en tant que fille aînée, de montrer l'exemple aux plus jeunes et d'honorer sa maison.
Elle accordait une très grande importance au respect des traditions de sa famille et était d'une grande loyauté envers les siens. De ce fait, le refus de ses fiançailles serait retenu comme étant un affront et une trahison, et Ashara n'était pas encline à se mettre à dos son père et son grand-père, Laïsren. Depuis le divorce de ses parents, il y avait trois ans de cela, sa mère ne leur adressait plus la parole et vivait dans le sud de la France, disait-on, dans une charmante maison faisant face à la mer Méditerranée. Cela ne l'attristait pas plus que ça, car elle n'avait jamais apprécié sa mère, malgré qu'elle lui vouait toujours un certain respect. Lawena Velaryon était une femme jalouse, capricieuse et cruelle, au comportement emporté et sans queue ni tête. Elle était uniquement respectée pour le nom qu'elle portait, puis également pour sa beauté légendaire, qu'elle avait légué à la majorité de ses rejetons. Il était assuré que Lawena connaîtrait l'identité de son gendre mais qu'elle n'assisterait pas aux festivités, trop outrée et blessée : elle ne se remettait toujours pas de sa séparation avec Aerion et surtout, en voulait terriblement à ses filles pour ne pas avoir voulu quitter la demeure des Selwyn.

ASHARA ‒ Qu'importe, j'ai jusqu'à l'année prochaine pour y réfléchir.


ASHARA ‒ Oh, Aenor, regarde l'inscription écrite sur l'herbe !

Elle s'empara du poignet d'Aenor, la benjamine de la famille, de trois ans plus jeune qu'elle, pointant de son doigt le sol intérieur du stade. Des murmures s'élevèrent de la foule entière présente dans les gradins, d'autres se mirent à hurler, indignés ou effrayés. Même les enseignants s'y étaient mis, choqués de ce qu'ils voyaient, tandis que les joueurs s'étaient stoppés, s'arrêtant net face aux lettres enflammées qui ne cessaient de brûler sous leurs yeux.


AENOR ‒ C'est dégueulasse, mon Dieu ! Qui as-pu faire ça ?

Aenor était effarée. C'était une jeune fille sensible, qui ne supportait pas qu'on puisse s'en prendre aux nés-Moldus, car, selon elle, ils étaient comme les autres, mais c'était uniquement la société qui leur en voulait d'exister. Contrairement à Aenor, Ashara suivait l'avis de ses parents sur la pureté du sang : les Sangs-de-Bourbes étaient des usurpateurs et n'étaient pas censés poser les pieds à Poudlard. Mais elle évitait de le clamer haut et fort dans les couloirs, car elle n'ignorait pas qu'il n'était pas prudent d'exprimer un tel avis aujourd'hui.
C'était une élève au comportement irréprochable sur ce point, les professeurs n'avaient rien à redire au sujet des enfants Selwyn. Ils n'adoptaient pas une attitude douteuse, si bien qu'on en avait presque oublié qu'ils étaient les descendants directs d'un sorcier qu'on avait, vingt ans auparavant, soupçonné d'être un partisan du Lord Noir, mais qui, durant son jugement, avait insisté avec véhémence concernant son innocence. Aerion avait échappé à une lourde sentance, contrairement à l'oncle maternel d'Ashara, condamné à passer le restant de sa vie à Azkaban.
Le silence d'Ashara amena Aenor à s'énerver. Bondissant de son siège, elle fixa Ashara avec rage.

AENOR ‒ Quoi ? Tu ne dis rien ? Tu es d'accord avec ce qu'il y a écrit par terre, hein ?! Ce sont tes amis qui ont fait ça !
ASHARA ‒ Repose ton pauvre cul sur ce banc, petite écervelée. Et vite, si tu ne veux pas que je te jette un sort qui te fera même oublier qui tu es.

Le souffle court, Aenor obtempéra au bout de quelques secondes. Elle ne désobéissait jamais à Ashara, car bien qu'elles étaient différentes, l'une farouche Gryffondor fidèle à ses idéaux, courtisant la paix avec zèle, l'autre, paisible Serdaigle mais dame de fer dans le secret des alcôves. Ashara était le genre de sorcière qu'on connaissait réellement que lorsqu'elle daignait à vous accorder un peu de son temps, et si elle ne le faisait pas, elle était vue comme une éternelle déesse au tempérament posé et pleine de sagesse.
Le regard d'Aenor était empli de dégoût et Ashara ne se retint guère pour tenter de la raisonner. C'était devenu une habitude.

ASHARA ‒ Es-tu devenue folle ? Je suis ton aînée, je t'interdis de me parler de cette manière. Et cesse de te faire remarquer, n'oublie pas qu'en public, nous devons faire profil bas.
AENIOR ‒ Je le sais et je m'en contrefiche. Dis-moi juste pourquoi tu n'as pas l'air atteinte par ce qui est en train d'arriver, hein ? l'interrogea-t-elle avec défiance.
ASHARA ‒ Parce que ce n'est pas ma petite vie qui est en danger, c'est peut-être injuste pour eux, mais si tu veux que je te le dise comme ça, allons-y : je m'en branle, voilà tout.

C'était égoïste, mais au moins, la vérité était dite. Bien que de nature prudente, Ashara ne se retenait pas pour exprimer le fond de sa pensée lorsqu'il le fallait, en particulier lorsqu'il s'agissait de remettre en place les idées de sa soeur, qui rêvait trop à son goût.
Ashara n'éprouvait aucune affection pour ces nés-Moldus, c'était une évidence qu'elle n'aimait pas nier, mais il était clair qu'elle ne s'en prenait pas à eux, les laissant vivre aussi libres qu'ils le désiraient, même si leur disparition n'en serait pas plus mal non plus. Les sangs-purs tels que les Malefoy, les Lestrange, les Black et eux-mêmes valaient bien plus que ces voleurs de pouvoirs inutiles, qui croyaient avoir des droits sur les familles les plus anciennes sous prétexte que des Sangs-de-Bourbes étaient capables de gravir les échelons de la société depuis la chute du Seigneur des Ténèbres.
Ashara tenait bien trop aux valeurs qu'on lui avait inculqué depuis l'enfance pour se mélanger à ces gens, trop insignifiants et fiers d'un sang entaché de crasse.

AENOR ‒ Tu es cruelle, Asha, souffla Aenior, déçue.
ASHARA ‒ Tu es une Selwyn sensible, c'est pire. La sensibilité n'est pas un gros défaut, mais chez toi, cela deviendra une tare.

Le ton glacial d'Ashara avait suffi pour refroidir Aenor, qui se leva et quitta le gradin avec une grande précipitation, suscitant les regards de ceux qui la connaissaient et qui ne soupçonnaient pas que c'était la douce Serdaigle que semblait être Ashara qui avait déclenché cette tornade.

Double-jeu.