This place’s about to blow • L’idée de base avait été une petite soirée, trois fois rien, juste de quoi défier l’autorité. Bien évidemment, les choses avaient dégénérées. C’était toujours le cas. Dans une école où le moindre bruit de couloir se transformait en raz-de-marée, il eut été stupide d’imaginer un autre dénouement. De trois serpentards voulant boire quelques bières ensemble pour faire un pied-de-nez à cette histoire de couvre-feu à la con, ils se retrouvaient à présent à être une quarantaine, dans un couloir, à faire semblait-il autant de bruit que possible. Au pire, elle s’en foutait bien, elle n’était pas concernée par les mesures de sécurité, même si personne ne le savait. Après tout, tout ce bazar n’était-il pas en place pour protéger les gens face à l’Ombre ? Elle manqua de rire, bousculant une idiote de troisième année qui n’avait rien à faire ici et attrapant un verre de whisky qu’elle but, comme d’habitude, bien trop vite.

L’alcool ambré brula sa gorge et un fin sourire retroussa ses lèvres alors qu’à nouveau, elle s’élançait dans la foule. Elle avait besoin d’un peu d’air mais ne pouvant pas sortir, elle cherchait à atteindre une pièce plus vide. Devant elle, à quelques deux cents mètres, peut-être, se trouvait la salle des trophées. L’endroit serait surement désert, tous savaient que c’était le lieu de villégiature de Peeves et personne n’était assez con pour y trainer. L’esprit frappeur, s’il aimait emmerder les enseignants, adorait encore plus traquer les élèves, aussi aurait-il couru –ou plutôt flotté, en l’occurrence- vers le directeur de maison le plus proche. Alesya secoua la tête, braquant son regard meurtrier sur un couple qui ne voulait pas se pousser et qui finalement se décala. Clairement, ils avaient besoin qu’elle s’impose, les choses partaient à vau-l’eau depuis quelques temps. Scrutant les alentours, cherchant Ezechiel, elle remarqua alors une tignasse rousse familière. Weasley. Saleté de Weasley. Elle sentit son sang se glacer alors que la Gryffondor s’engouffrait dans la salle des Trophées. Vraiment ? Alesya pesta, tout sauf silencieusement, soufflant longuement. Adieu pause tranquille, il fallait sortir les griffes. Au final, ce n’était pas comme si cela la gênait réellement et à nouveau, son sourire machiavélique, sibyllin, retroussa ses lèvres. Autant s’amuser.

Quelques secondes plus tard, elle poussa la lourde porte, arrivant dans un espace relativement calme. Le battant se referma derrière elle et elle s’avança dans la pénombre, cherchant à suivre cette espèce de vermine qu’elle rêvait d’écraser. Comme prévu, les lieux étaient déserts et en dépit du bordel à côté, elle pouvait entendre les bruits de pas de la rousse, qu’elle suivit. Jusqu’à la trouver. Jusqu’à trouver un spectacle… intéressant. Yeux écarquillés, Alesya avait été à des milles d’imaginer pareille aubaine. Hazel Weasley. Avec une fille. Son sourire s’agrandit et à nouveau, elle se racla la gorge, attirant l’attention du petit ‘couple’. Jackpot.

Une fois encore, les élèves de Poudlard avaient fait fi des règlements et dans ce cas précis, du couvre-feu. Ce dernier avait été imposé dans le but de protéger les étudiants face à la montée d'une organisation douteuse nommée "L'Ombre". Ce qui n'avait pas manqué de déplaire à certains élèves qui ne tenaient pas à passer leurs soirées sagement assis dans leur Salle Commune à regarder les Doxys voler. Même Hazel qui n'était pas d'une nature fêtarde s'ennuyait ferme dans l'atmosphère morose de la Tour Gryffondor. Ce fut donc par pure curiosité qu'elle quitta les appartements des Rouge-et-Or pour aller jeter un coup d'oeil à ce qu'il se passait dans les couloirs.

Et à peine eut-elle mis un pied dans la soirée qu'un groupe de Pouffsouffle lui glissa un verre de Whisky Pur-Feu dans la main. Sous leurs aboiements pressants, Hazel n'eut pas d'autre choix que de le vider d'une traite. Elle le regretta presque immédiatement en sentant l'alcool lui brûler la gorge et secoua la tête, les traits tirés par le dégoût. D'un geste brutal, elle leur rendit leur verre et les dépassa, ignorant les rires gras qui fusèrent sur son passage. Il était hors de question de perdre le contrôle. On n'était jamais trop prudent dans ce genre de fêtes, un Serpentard malveillant pouvait s'y cacher et attaquer à tout moment. Néanmoins, ce mauvais presentiment se dissipa bien vite lorsqu'elle aperçut un peu plus loin la fille de Serdaigle qui lui plaisait tant et se figea illico. C'était une jolie brune aux cheveux courts qui était souvent assise à côté d'elle en cours de Sortilèges et Hazel n'avait jamais osé lui adresser plus de trois mots. La rouquine resta quelques instants là, les bras ballant, à hésiter bêtement. Devait-elle en profiter pour aller lui parler ? Ou rester dans son coin, à l'observer de loin ? La sensation de flottement commençait à revenir, détendant son ventre noué par l'appréhension et faisant disparaître peu à peu la timidité de la Gryffondor. Machinalement, elle replaça une mèche rebelle qui lui retombait devant les yeux. Elle avait pris sa décision et c'était maintenant ou jamais. D'un pas qui se voulait assuré, Hazel se dirigea vers la fameuse Serdaigle. Cette dernière était adossée au mur de pierre, son regard perçant posé sur un groupe de Serpentard un peu trop bruyant.

« Hey... » commença Hazel d'une voix faible. La Serdaigle releva les yeux vers elle et croisa les siens, la faisant atrocement rougir. « Quelle bande d'idiots, ces Serpentard, hein ? » reprit aussitôt la rouquine sur le ton de la conversation. La brune ne répondit rien mais un sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Hazel perdit le sien, croyant qu'elle se moquait d'elle. Pourtant, la Serdaigle l'attrapa doucement par le bras, la rapprochant d'elle pour lui murmurer un « Suis-moi. » à l'oreille. Puis, sans plus d'explications, la brune entraîna la rouquine avec elle vers la Salle des Trophées. Prise de court, Hazel la suivit sans poser de question, ne se doutant pas une seconde que derrière elles se profilait l'ombre menaçante d'Alesya Lestrange.

Elevée dans un monde stricte et conservateur, la jeune Lestrange vivait avec une sacrée paire d’œillères. En dépit des perpétuelles évolutions de tout ce qui pouvait l’entourer, elle restait inévitablement cloitrée dans cette ignorance qui peu à peu commençait à être sa marque de fabrique. Violente, brusque, garce et pas forcément la plus fine des jeunes femmes de son âge, elle vivait sur des idéaux désuets et maintenant surannés mais qui quelque part était diablement rassurants, sans qu’elle arrive à déterminer pourquoi. Un peu trop véhémente, elle avait des idées bien tranchées sur la question et pouvait s’avérer blessante dans son intolérance, surtout lorsqu’elle voyait son avantage dans la situation. En apprenant cette ‘tare’, elle trouvait une faiblesse chez la Weasley, quelque chose qu’elle jugeait de sale et de scandaleux, assez gros pour envoyer la rouquine dans les bas-fonds de l’insignifiance, assez pour balancer sur elle une peste noire irrémédiable. Alesya, en somme, était homophobe. Une chance pour eux, ou pour elle, qui sait, elle n’était pas au courant pour les amourettes de son frère et encore moins pour celles d’Ezechiel, son fiancé. Elle connaissait mal les gens, trop figée dans son égoïsme mais c’était surement une bonne chose car elle se serait retrouvée bien seule, probablement. Au fond, il n’y avait qu’une personne ‘comme ça’ qu’elle pouvait tolérer et c’était Skyler. Elle protégeait son secret, devenant étrangement douce avec lui, calme, maternelle, tendre. Farouche, elle aurait pu se vexer, se blesser surement mais dans la confusion, elle avait choisi d’ignorer ses principes… Hazel pouvait rêver, cependant, pour bénéficier du même traitement de faveur. Et puis quoi encore, une boite de chocolat et une tape amicale sur l’épaule pour la féliciter ?

Jamais.

Elle observait, se sentant un peu comme une voyeuse et n’aimant pas spécialement ça mais tenant là une opportunité trop grande pour réagir raisonnablement et partir. Elles semblaient gauches, timides, amour naissant mais clairement amour… ou bien attirance, ou vice, Alesya ne savait pas. Tout ce qu’elle voyait à cet instant, c’était les piques qu’elle pourrait lancer, tout ce qu’elle pensait avoir trouvé là, c’était une raison de faire haïr la rouquine, à des milles de se douter qu’au fond, tout le monde s’en moquait. Si on ne pouvait accepter les enfants des Mangemorts, comment pouvait-on fermer les yeux sur deux adolescentes en train de flirter, de se bécoter. Alesya secoua la tête et se tira de l’ombre, doucement, méthodiquement, venant se placer à bonne distance. Elles étaient seules et quelque chose lui laissait à penser que la troisième âme qui se trouvait là filerait bien vite… intuition, sans doute.

Par habitude, elle avait la main sur sa baguette, dans la poche de son jean et elle observait la Weasley d’un air noir. Cette fille était une plaie, une putain de plaie qu’il fallait exterminer, irradier, détruire. Elle tenait son moment pour le faire, pour chercher à l’asservir. C’était presque trop simple. « J’hésite » demanda-t-elle, faisant surement sursauter les deux cachotières. « J’hésite entre l’envie de dire qu’il ne manquait plus que ça et celle de dire que ça explique tellement de chose, Weasmoche… » sa voix était narquoise, nasillarde, un peu trop assurée. Elle la tourmenterait, jusqu’à la bousiller, c’était une question de principe, une affaire de famille.

Hazel n'en revenait pas. De la douceur des lèvres de la Serdaigle contre les siennes jusqu'à la chaleur de ses paumes qui entouraient ses joues, la rouquine savourait chaque instant de ces premiers baisers. Ils étaient hésitants, gauches, certes, mais délectables. Elle n'avait pas senti la présence d'Alesya qui se faisait étrangement silencieuse derrière elles. En réalité, la jeune Weasley était à des kilomètres de se douter que ce rêve éveillé allait bientôt s'écrouler. Personne ne les avait suivies, du moins, elle n'avait entendu personne. Pas de ricanements sur leur passage, pas de commentaire grossier. Elles étaient seules, enfin.

Hazel ne pensait plus à rien, l'esprit plus clair qu'à l'habituée, plus libre. Ses doutes comme ses inquiétudes s'étaient comme évaporées. La timidité et la gêne lui étaient devenues étrangères, lointaines. Elle s'en foutait qu'on les découvre, qu'on se moque, qu'on les tourne en ridicule. Hazel n'avait plus peur. Au contraire, pour la première fois depuis des mois, elle se sentait en sécurité et rassurée. Seulement, cette impression allait être de courte durée. Les serpents les plus vils n'attendaient que cela pour mordre. Mais s'ils pensaient la blesser, l'humilier, ils était loin du compte.

« J’hésite »

La jeune rouquine eut un violent sursaut lorsque la voix glaciale d'Alesya retentit dans la salle des Trophées, brisant l'atmosphère chaleureuse qui s'y était installée et la ramenant illico à la réalité. La voix glaciale reprit de plus belle, d'un ton narquois:

« J’hésite entre l’envie de dire qu’il ne manquait plus que ça et celle de dire que ça explique tellement de chose, Weasmoche… »

Alors qu'un frisson lui parcourait le dos, le rouge lui monta violemment aux joues. Elle adressa un regard paniqué à sa camarade qui semblait tout aussi alarmée puis se retourna, faisant face à Alesya. Celle-ci semblait rayonner de triomphe à l'idée de les avoir surprises.

« Et si je te dis que ça ne te regarde pas, Lestrange ? Qu'est-ce que ça peut te faire ? » répliqua Hazel, faisant de son mieux pour contrôler le tremblement de sa voix.