Le matin a toujours été le moment favori de sa journée. Sentir la brise matinale contre sa peau laiteuse qui d'un geste fait virevolter ses cheveux d'un noir de jais, admirer les rayons du soleil qui doucement mais chaleureusement font leur entrée dans les cieux d'un bleu tropical, quelque peu clair, ou sentir même l'odeur de l'herbe fraichement humide causée par les pluies de la nuit. Oui, le matin avait toujours été le moment favori de sa journée. Dénérys trouvait que quelque chose de magique flottait dans l'air à chaque fois que le soleil pointait le bout de son nez. Comme une page toute blanche sur laquelle on pouvait commencer à écrire le début d'une journée idyllique.

La jeune femme s'arpenta sur les chemins de terre qui longeaient le lac, à la recherche d'un petit coin simple et en hauteur pour contempler ce début de journée. En sentant la brise du matin caresser sa nuque, elle frissonna et resserra l'étreinte qu'elle avait sur son châle beige. Elle ne s'était pas réellement habillée et avait juste enfilé un pyjama plus décent que sa simple nuisette rouge - sa couleur préférée. Elle savait qu'elle ne croiserait personne à cette heure-ci, les élèves préférant dormir plutôt que de se lever à l'aube, comme elle. La sorcière n'avait jamais comprit la raison qui poussait les jeunes sorciers à dormir autant, elle-même n'avait jamais eu un cycle de sommeil aussi long. Il faut dire, qu'à onze ans, elle avait été enfermé dans une cave et que l'obscurité l'effrayait. Elle se souvient d'avoir toujours attendu les rayons chaleureux du soleil traverser les petits barreaux de sa geôle pour s'accorder quelques heures de sommeil. La nuit, elle se contentait de rester éveillée en mangeant les réserves de la demeure ou en se racontant des histoires, juste histoire de se rassurer, de se sentir moins seule, de s'évader par l'imagination.

Enfin, elle trouva l'endroit idéal, légèrement en pente, tout près d'un chêne et avec une vue imprenable sur le lac. Elle se plaça contre le tronc du massif arbre et observa, scruta, détailla et apprécia. Le lac reflétait à merveille le lever du jour, peignant infiniment la course folle du soleil, la répétition de toute une vie qui semblait justement se commencer à l'instant où elle était revenue à Poudlard. Elle avait toujours eu l'habitude de faire ça, avant. Tous les jours, elle venait devant le lac et regardait avec attention le soleil se lever. Juste pour se souvenir que malgré les ténèbres, la lumière finit toujours par revenir au bout d'un moment. La nature elle-même peut aussi donner des leçons de vie, parfois. Il suffit simplement de tendre l'oreille pour entendre son murmure frénétique.

Tandis que, recroquevillée contre le bois réconfortant du vieux chêne, ses bras enlaçant ses jambes et sa tête posée sur ses genoux, elle aperçut au loin, la silhouette d'un homme qui doucement serpentait le lac, d'un pas lent, calme mais assuré. Dénérys n'aurait pu dire de qui il s'agissait, le soleil éblouissant sa vue. Mais ce dont elle était sûre c'est qu'il s'approchait d'elle.

Intriguée, elle se releva, tapota légèrement son pyjama pour lui redonner une forme et se hasarda à aller dans sa direction. Au bout de quelques mètres, erreur fatale, la jeune femme sembla enfin reconnaître sa mystérieuse ombre. Elle dû se l'avouer, elle aurait largement dû rester dans son coin. Elroy Flint. Bien piètre déception. Sa journée s'annonçait bien ombrageuse pour que la personne qu'elle croise soit Elroy.
Debout devant le lac, il ne sembla pas la remarquer et hésita à repartir sur la pointe de pieds. Puis, Dénérys prit conscience qu'elle n'avait jamais à reculer devant une personne. Aussi agaçante soit-elle. Elle lâcha un soupir et s'avança discrètement.


— Bonjour, Elroy. Je t'ignorais aussi matinal.

Les mains jointes derrière son dos, elle se rapprocha tandis qu'il se retournait vers elle, une grimace arborant déjà son visage. Ça promettait.

Le professeur Elroy Flint était le genre d'homme qui, qu'importe la situation, feignait toujours une politesse contrainte. Ainsi, bien que sa grimace se soit peu à peu transformé en un léger rictus en coin, Dénérys savait à quoi s'attendre. Faire semblant n'avait jamais été un des principes auxquelles elle se forçait à faire bonne figure. La vérité était toujours la meilleure des aptitudes. L'attitude d'Elroy Flint ne faisait que lui montrer l'indélicatesse de son hypocrisie - qui était sûrement sans limite.
Souvent, on avait fait grief à Dénérys de son manque de tact pour dire la véracité d'un élément. La jeune femme n'avait jamais trop comprit en quoi cela pouvait être un défaut d'être honnête. Et elle ne le comprendrait sûrement jamais, trop butée pour avoir l'esprit ouvert sur ce point. D'un geste lent, elle se rapprocha de lui, les mains toujours jointes derrière le dos.


— Vous ignorez beaucoup de chose de moi, Miss Grenderwolf.


Elle grimaça. Que les élèves la vouvoie c'était une chose, que son collègue le fasse, c'en était une autre. Elle trouvait que ça la vieillissait considérablement. Elle n'avait, pourtant, jamais remarqué qu'il utilisait des formulations de politesses pour la nommer. Dénérys, fronça le nez en se rendant compte des dires de son interlocuteur. Elle était à deux doigts de prendre ceci comme une invitation à le questionner sur sa vie. Comme si Elroy voulait s'ouvrir à elle. Ridicule. Depuis le début de l'année, ils ne s'étaient jamais réellement appréciés ou tout du moins, ils n'avaient aucuns liens apparents. Ceci dit, la sorcière avait toujours eu l'impression qu'il l'a fuyait, pour une raison qu'elle ne comprenait pas.


— En revanche, je ne savais pas que le pyjamas était à la mode pour déambuler dans le parc.

Il osa un regard vers son bas de pyjama long et rayé blanc et bleu, plutôt assez moulant et ses pantoufles en laine. Certes, la tenue était osée, après tout, qui avait en soit le courage de descendre dans le château en pyjama ? Mais elle était loin d'être vulgaire ou... Dénudée. Enfin, certes, pour un regard masculin, cette tenue était peut-être un peu provocante mais ça ne la gêna guère. Elle n'était pas ce genre de filles pudiques qui avaient du mal à montrer une parcelle de leurs peaux. Amusée de voir qu'il remontait directement son regard vers son visage, elle esquissa un bref sourire.
Pendant un instant, un ange passa. Alors qu'il avait détourné le regard pour scruter les horizons, elle en fit de même en se concentrant sur la volière de l'établissement. Ça faisait quelques jours qu'elle n'avait pas reçue de lettre de la part de ses amis extérieur à Poudlard. C'était... Étrange. Elle se promit d'y aller faire un tour après en avoir finit avec Elroy et, surtout, avant de rentrer dans le château pour se changer. Timidement, le soleil avait fait son apparition dans le ciel légèrement voilé et teinté par les contrastes du matin, passant de rouge à orange puis enfin rose. Le mélange était délicieux, aussi parfumé qu'une fleur d'été. Au loin, on pouvait entendre les oiseaux chantonnaient les mélodies du matin, celles qui accompagnaient le soleil dans son lever difficile. Cette même mélodie qui résonnait dans les oreilles des élèves de l'école et qui les aidait à sortir de leur profond sommeil. Elle soupira d'aise.

Puis, revint à Elroy. Comme si elle en avait fini avec lui... Hors de question. Elle se gratta la gorge et répondit calmement :


— Avant d'arborer le sujet douteux qu'est mon propre pyjama, j'aimerais juste mettre les choses au clair. Je t'ai directement tutoyé et appelé par ton prénom, tu m'en verra navrée si tu n'as pas apprécié. Cependant, soit gentil, rends moi la pareille. Je supporte mal les vouvoiements et les appellations par mon nom de famille venant de la part d'un collègue.

Elle fit une moue sarcastique et il ne réagit pas, se contentant de la regarder, comme s'il pensait qu'elle n'avait pas finit de parler. Elle fronça les sourcils en le dévisageant mais Elroy resta stoïque. Puis, elle se souvint. Le pyjama. Forcément.


— Oh, fit-elle en lançant un regard vers sa tenue, disons que je suis très matinale et que je n'aime pas vagabonder dès le matin en jupe et en talon aiguille. Autant rester en pyjama pour savourer les instants du matin. Mais, désolée si ça te gênes. J'ignorais que j'allais croiser quelqu'un. Surtout d'aussi bonne heure.

Elle lâcha un léger soupir et reprit sa contemplation là où elle l'avait arrêté.

Spoiler:

Sa contemplation du lac et de ses alentours fut de courte durée quand elle sentit le regard pesant de son interlocuteur sur elle. Dénérys attira son attention sur lui et fut surprise de le voir sourire. Réellement, sans faux semblants ou hypocrisie. Il semblait sincère et amusé. Elle lui sourit à son tour, de façon timide, ne sachant pas tellement comment envisager la chose. Elle n'avait jamais réellement eu de conversation avec son collègue mais, pour une raison qu'elle-même ignorait, ils s'évitaient. Lui comme elle, d'ailleurs. Au début, c'était simplement parce qu'elle le trouvait trop sûr de lui, arborant une allure fière et peut-être trop prétentieuse. Puis, aux delà des apparences, on pouvait peut-être trouver une personne sûrement sympathique, quoi que souvent sur ses gardes.


— Il faut pourtant s'attendre à tout, à Poudlard ... Y comprit à croiser des professeurs au bord du lac d'aussi bonne heure. Mais ne vous ... pardon, ne t'en fais pas. Ton pyjama est mignon comme tout.

Il avait dit ça de façon amusée, sans moqueries et avec franchise. Elle avait noté qu'il avait bien prit en compte ce qu'il lui avait dit et qu'à présent il l'a tutoyait. Elle préférait largement cette légèreté soudaine qui planait dans les airs. C'était plus aisé de parler à une personne qui l'écoutait ou tout du moins, qui ne campait pas sur ses positions. Elle fit une moue légèrement déridée, consciente que son pyjama était tout à fait anormal mais elle n'était pas d'humeur à se prendre la tête. Dénérys lui offrit un sourire.
Puis, Elroy retira d'un coup son chapeau en lui offrant une jolie pirouette, un délice pour les yeux du professeur de métamorphose qui était trop facilement impressionnée.


— Me feriez vous l'honneur de m'accompagner pour une promenade au bord du lac, Mademoiselle ?

Chaleureux, il lui proposa son bras, d'un geste cordial et pleine de bonne intention. Jamais on ne s'était montré aussi galant avec elle. Il faut dire, qu'avant d'intégrer Poudlard, la jeune femme ne laissait pas la chance à ses prétendants de se montrer sous leur réelle nature, oubliant jusqu'à de leur demander leurs noms. Des visages se perdirent dans son esprit embrumé par la matinée. Puis, considérant son offre, elle jeta un regard rapide vers la volière. Ce qu'elle devait faire là-bas n'avait pas une grande importance et pourrait donc être remit à plus tard.
Elle reporta son attention sur son collègue et esquissa un fin sourire en coin. Puis, elle prit du bout des doigts son bas de pyjama et le salua en s'abaissant légèrement. Comme il était coutume de le faire dans les anciennes traditions. Pour le coup, avoir une robe aurait été beaucoup plus pratique. Enfin, sans attendre, elle attrapa son bras et s’agrippa à son avant-bras tandis qu'ils commençaient à avancer au bord du lac, tranquille.


— Alors, Monsieur Flint, parlez-moi donc un peu de vous. Pourquoi avoir décidé de choisir la voie de l'enseignement ?

En voyant une once de surprise passer à travers ses iris grisés, elle lui offrit un clin d’œil. Certes, elle lui avait dit d'employer le tutoiement et de l'appeler par son prénom, mais n'était-ce pas avant de commencer à jouer les rôles de deux nobles, qui - on aurait pu le croire - se baladaient simplement dans un des parcs de Londres pour apprendre à se connaître tout en se séduisant de façon superficielle, légère, tout en tournant autour du pot.
Elle se rendit alors compte que sa question pouvait frôler l'ordre privé et qu'il était impoli de commencer par une question qui aurait pu être mal formulée, elle se reprit donc :


— Ou, non, commençons donc par plus aisé. Cela fait-il longtemps que vous travailliez à Poudlard ?

Elle trébucha en posant sa question, ne regardant pas tellement où elle mettait les pieds en lui parlant. Toujours aussi maladroite. Il l'a rattrapa de justesse et les traits de la jeune femme s'illuminèrent. Aussi près de lui, elle n'avait jusqu'alors pas remarqué la finesse de son visage et les cicatrices - quoi que infimes - du temps sur lui. Ses yeux étaient d'un gris nuageux, légèrement ombrageux sans pour autant correspondre à l'humeur qu'il ressentait - du moins elle l’espérait -, ses lèvres quelque peu fines lui donnait un charme qu'elle n'avait pas vu. Le professeur Flint était un beau garçon. D'un coup d’œil, elle regarda s'il possédait un anneau sur sa main gauche, qui aurait alors pu lui indiquer si il était marié. Le brun était entièrement libre et se trouvait dans les griffes de la plus impitoyable des séductrices.

Attendant patiemment sa réponse, elle se redressa et la marche continua, comme si de rien n'était.

Il était célibataire. Cette pensée tournait en boucle dans son esprit, la narguant de façon agaçante, comme si c'était tout simplement un petit clin d’œil du destin qu'elle le croise de si bonne heure, devant les abords du Lac Noir. Tel un joli festin apporté sur un plateau d'argent. Serrant un peu plus son avant-bras, afin de ne pas retomber une seconde fois - et de ne pas commettre l'irréparable. Dénérys avait cette façon de procéder qui finissait toujours par la surprendre, avec le temps elle ne s'en rendait même plus compte. Deux éléments suffisaient à lui faire sortir les griffes : que l'homme soit célibataire et qu'il lui plaise. Les deux conditions étaient réunis avec Elroy Flint. Elle soupira tandis qu'il répondit à sa question précédente :


— Cela fait un an. Je viens d'entamer ma seconde année en tant que professeur de potion, à Poudlard. Et vous, My Lady ? Vous travaillez ici depuis plus longtemps, je crois ...

Bien que son langage avait tout pour plaire et qu'il était ô combien charmant avec ses airs taquins, la jeune femme ne put s'empêcher de criser intérieurement quand elle comprit qu'avant cette année, il ne l'avait jamais vu. Et pour dire ! Elle était parfaitement nouvelle. C'était la première année qu'elle avait intégré Poudlard en tant qu'enseignante et avait remplacé Minerva McGonagall qui avait fini par prendre une retraite bien méritée. Si elle était arrivée l'année précédente, ou celle d'avant, cela aurait-il voulu dire qu'il ne l'aurait jamais remarqué ? Depuis quand on ne remarquait pas Dénérys Grenderwolf ? A chaque endroits où elle allait, les hommes se retournaient sur son passage et brisaient même des cœurs. Et à présent, on lui disait clairement qu'un professeur aussi mignon qu'Elroy Flint ne l'aurait jamais remarqué si elle n'avait pas fait le premier pas vers lui ? Légèrement pincée par cette confidence, elle pinça les lèvres et acquiesça mine de rien, comme subjuguée par ce qu'il disait.

Au moins, maintenant, elle savait depuis combien de temps il travaillait ici. C'était déjà bon signe. Lâchant son bras un instant, Dénérys remarqua au loin, sur le bords du lac, un nénuphar. Elle se précipita vers la fleur et s'abaissa à sa hauteur. Elle avait toujours eu une passion pour les plantes aquatiques et trouvait magnifique certains spécimens que la jeune femme considérait comme fascinant. Le nénuphar en faisait parti. Délicatement, elle attrapa la plante et arracha seulement la fleur qu'elle plaça ensuite dans ses cheveux, juste au dessus d'une de ses oreilles. Doucement et quelque peu ravie, l'enseignante se releva ensuite et jeta un vif coup d’œil à son reflet dans l'eau qui miroitait doucement en fonction du vent. Elle était plutôt amusante avec son pyjama, sorti de nul part et sa fleur dans les cheveux. Elroy devait certainement la prendre pour une folle furieuse. A cette idée, la sorcière se retourna vers lui et lui offrit un grand sourire en apercevant son regard brillant d'une once de curiosité. Au moins, il ne la regardait pas comme si elle sortait tout droit de Sainte-Mangouste. Du moins, pour l'instant.
Attrapant son bras, elle l'embarqua de l'autre côté du rivage et ils continuèrent alors leur marche, comme si de rien n'était.


— En vérité, fit-elle en repensant à son interrogation, c'est ma première année ici en tant qu'enseignante. Je devais aller à Beaux-Bâtons mais... J'ai changé d'avis.

Elle haussa les épaules et baissa la tête vers ses pieds, ne voulant davantage pas aborder le sujet. Le fait qu'elle est choisi Poudlard à la place de la célèbre école magique française suscitait souvent une source d'intérêt sur ce sujet, pour les gens qui l'entouraient. Ne voulant donc pas aborder plus le sujet, elle releva brusquement la tête en repensant à ce qu'il avait dit dernièrement et lança, mutine :


— Mais dis donc, si vous pensez que je travaille ici depuis plusieurs années, c'est que je dois énormément ressembler à Minerva McGonagall, alors ? C'est légèrement vexant, moi qui me croyais encore sauve de la vieillesse prématurée, je vais devoir revoir tout mon mode de vie, maintenant.

Elle soupira, comme si elle croyait dur comme fer à ses paroles et fit une mine boudeuse pour accompagner le tout. Un peu de culpabilité ne lui ferait pas de mal, pas vrai ? En constatant qu'il ne savait plus très bien comment prendre la chose - on pouvait le comprendre - elle sourit amicalement et lui lança un clin d'oeil.


— On peut dire que vous ne savez pas tellement bien parler aux femmes, je me trompe, mon seigneur ?

A peine avait-elle dit sa phrase qu'elle comprit l'erreur qu'elle avait faite. Son comportement changea du tout au tout et il se fit plus distant durant un moment. Comme perdu dans ses pensées. Bien qu'il ait tourné la tête, Dénérys pouvait aisément voir qu'il semblait distant, peut-être même nostalgique. Il s'était détourné pour mieux cacher ses sentiments, ses pensées qui ne semblaient en rien la concerner. Elle respecta son moment de réflexion et laissa alors ses yeux se perdre sur le parc. Quel beauté que le lever d'un nouveau jour, le début d'une nouvelle page à écrire. Elle soupira d'aise et sentit alors son interlocuteur gigoter. Elle tourna la tête vers lui et vit avec plaisir qu'il s'était reprit et qu'il arborait à présent un fin sourire, qui se faisait forcé mais l'attention était là. Il ne voulait pas plomber pas l'ambiance. Elle répondit aimablement du même geste que lui et fut amusée de l'entendre répondre, d'un ton dégagé ;

— Hélas Milady, c'est votre beauté qui me fait perdre mes moyens. Je vous prie d'excuser le pauvre professeur que je suis de n'avoir su lui rendre hommage correctement.

Mine de rien, ils reprirent leur balade, leurs bras toujours entremêlés. Il était, certes, difficile à cerner, mais au moins, il avait eu l'audace de la faire rougir. Elle se savait plutôt jolie et jouait souvent de ses charmes pour obtenir des avantages de la vie – ou simplement par pur caprice. Mais, quand on le lui disait à haute voix, elle était généralement gênée. Durant toute son adolescence, on l'avait appelé par des surnoms infâmes et monstrueux et, avec le recul, Dénérys se rendait compte qu'ils n'étaient jamais bien loin de la vérité. Elle avait été en sur-poids, pleine de boutons, les dents dans un sale état et bien que son esprit l'ait toujours sauvé de périlleuse situation, l'image qu'elle avait d'elle-même à cette époque était désastreuse. Elle se détestait. D'après son ancien meilleur ami – Hunter – c'était un sentiment qui n'était pas inconnu aux anciennes filles violées.
Serrant davantage la pression qu'elle avait sur l'avant-bras de son collègue, elle se secoua mentalement et esquissa un frêle sourire. Puis, elle l'obligea à s'arrêter en même temps qu'elle, tirant légèrement sur sa manche. Face à face, Dénérys sentait qu'il se demandait sûrement ce qu'elle avait brusquement, à ne pas lui répondre et à le regarder comme si elle le passait au détecteur. Puis, sans crier gare, elle passa une main sur sa joue et rapprocha ses lèvres de ses lèvres. Ce fut rapide, très chaste, comme un baiser qu'on échangeait avec un ami. Un simple baiser sans arrière-pensées. Puis, comme si de rien n'était, elle se recula, un sourire sur les lèvres et lança, mutine ;

— Pardonnée.

L'impulsivité étant un de ses traits de caractère, il ne fallait jamais s'étonner de ce que pouvait faire Dénérys. Parfois, elle était sage et réfléchie, mais parfois... Elle se laissait aller à ses bons sentiments, ne faisant pas attention aux autres. Elroy était un homme charmant, attirant et bien qu'il représentait un véritable point d'interrogation, Dénérys l'aimait bien. Alors qu'elle se mit à avancer, les mains jointes derrière le dos, son pyjama de plus en plus éclairé par le soleil, ses longs cheveux d'un noir de jais voltigeant dans son dos par la brise matinale, l'enseignante se rendit compte que le brun ne la suivait plus. Elle se retourna et inclina doucement la tête.

— Mon geste vous aurez-t-il dérangé, mon seigneur ? Demanda-t-elle curieuse de le voir figé.