Gabriel somnolait à moitié sur son pupitre, le menton dans sa paume et le regard tourné vers la fenêtre. Il était au quatrième étage mais déjà, le parc n'était presque plus visible. Un bout de la forêt interdite apparaissait dans son champ de vision mais tout le reste n'était que le ciel gris et triste de cette froide journée de novembre. Le cours était terriblement ennuyeux et en plus de ça, il avait passé la nuit à batifoler avec une très jolie brune de chez les Poufsouffle. Une amante délicieuse et particulièrement endurante, ce qui lui valait la fatigue un peu traître qui lui tapait désormais sur la nuque. Mais il s'accrocha un peu pour ne pas sombrer, le cours étant bientôt terminé.

Malheureusement pour lui, le professeur était d'humeur badine et il donna à la classe un nombre ahurissant de devoirs à faire pour la semaine suivante. En plus de ça, il avait cours de défense contre les forces du mal dans l'après-midi et il n'avait pas terminé son devoir, au sujet des sortilèges impardonnables. Il grogna de mécontentement, frustré de ne pouvoir monter se coucher en attendant le repas. A la place, il quitta la pièce en prenant la direction de la salle d'étude, l'endroit parfait pour finir sa dissertation sur : l'origine des sortilèges impardonnables, histoire et évolution au fil des siècles. Un sujet passionnant mais beaucoup moins intéressant que quelques heures de sommeil bien méritées. Nonchalant et résigné, il passa une main dans sa tignasse blonde, l'ébouriffant un peu avant de desserrer sa cravate et de déboutonner le premier bouton du col de sa chemise. Quitte à devoir plancher sur un devoir, autant le faire sans être tiré à quatre épingles dans un uniforme un peu trop serré. Lancé sur sa lignée, il s'arrangea pour sortir la chemise de son pantalon et pour retirer sa veste, la glissant autour de la bandoulière de son sac d'un air très décontracté.

C'est dans cette tenue un peu plus cool que la normale qu'il pénétra dans la salle d'étude. Bon nombre de regards se levèrent vers lui mais il ne s'en soucia pas et se dirigea vers une des tables désertes pour s'installer. Ce n'est qu'en posant son sac au pied d'une chaise qu'il remarqua que les lieux étaient déjà occupés, ou presque. Un élève blond aux insignes de Serpentard semblait en train de potasser de gros volumes qui, s'il ne se trompait pas, traitaient de l'histoire des trolls au temps des guerres des gobelins. Un sujet très dense et pas facile à dompter. Silencieusement, pour ne pas dérangé le jeune homme, Gabriel s'installa et sorti le premier jet de son devoir pour en achever la réflexion, prévoyant ensuite de recopier le devoirs au propre.

Un long moment passa comme ça, dans la salle d'étude dont le silence était parfois troublé par des chuchotements interrogatifs avant de replonger dans sa quiétude tranquille. Gabriel se sentait inspiré, malgré sa fatigue et son envie d'aller se coucher. Mais au bout d'une bonne demie-heure, il se retrouva face à un gros trou de mémoire, ne parvenant plus à avancer dans la rédaction. Songeur, il leva les yeux en mordillant le haut de sa plume noire, cherchant sa mémoire un peu partout dans la salle. Son regard se posa finalement sur son vis à vis blond. Joli garçon, quoi qu'un petit peu trop juvénile au goût de Gabriel. Mais les blonds étaient un peu caractérisés par ce genre de visage un peu angélique, innocent. Des traits que l'enfance ne quittaient jamais totalement, quelque part. Machinalement, sans s'en rendre réellement compte, il adressa un sourire au blondinet de chez les Serpentard. Il ignorait son nom et son âge mais dans sa recherche de l'inspiration, il se contentait de sourire, gentiment.

Gentiment, le blondinet à qui Gabriel venait de sourire prit la parole. La voix était douce, un rien sensuelle. Trop, pour un garçon. Gabriel su alors que son vis à vis avait un penchant pour les garçons, reconnu ou caché. Bisexuel ouvert ou hétérosexuel qui ne s'avouait pas ses pulsions homosexuelles, le petit Serpentard blond avait une facette gay. « Mon mignon, je peux t’aider peut-être ? » Le surnom affectueux fit sourire Gabriel. Visiblement, ce n'était pas un secret, il démontrait ouvertement qu'il appréciait les hommes. Le Serdaigle répondit alors d'un ton amusé « Merci mais non, je cherche juste l'inspiration pour progresser dans ma dissertation ... » Il désigna du bout de sa plume le parchemin qu'il avait déjà bien gratté, comme pour accentuer ses dires. Puis il posa le stylo d'époque pour tendre une main par dessus la table, se présentant « Gabriel. Sixième année à Serdaigle, comme tu peux le constater. Enchanté. »

Le Serpentard lui disait vaguement quelque chose mais il pouvait certifier avec assurance que ce n'était pas un sixième année. Il avait un cours commun de DCFM en commun avec la promotion des verts et argents et il n'en faisait pas partie. Il l'aurait remarqué plus tôt, si cela avait été le cas. Probablement plus jeune, si Gabriel se basait sur les traits enfantins du jeune homme. Mais cela ne voulait rien dire, on le prenait parfois pour un cinquième année. Quoi que, récemment, son corps accusait une musculature un peu plus fine, plus virile. Son corps d'adolescent laissait la place à celui d'un homme et ça ne lui déplaisait pas. Il s'entretenait pour éviter de prendre trop de poids, sa gourmandise étant un vilain péché contre lequel lutter se révélait plus difficile que prévu. Mais il avait de la marge, largement.
D'un ton nonchalant il demanda « A qui ais-je l'honneur ? » Après tout, si le visage du blondinet lui disait quelque chose, il ne connaissait rien de lui. Ni son nom, ni son âge. Pas même son année, même si sa maison était évidente à cause de l'uniforme. Cravate verte et argentée, sur une chemise blanche. A l'ancienne mode, une robe venait compléter le lot. Habituellement, Gabriel trouvait ça moche et disgracieux mais il devait admettre que l'inconnu en face de lui la portait très bien, avec une aisance rare. Lui ne portait jamais cet accessoire inutile. Il était bien plus élégant en costume d'uniforme, avec le pantalon noir, les chaussures cirées, la ceinture noire à la taille, la chemise blanche bien boutonnée et la cravate bien nouée, veste cintrée pour compléter la panoplie. Un coup de main dans sa tignasse blonde et il s'arrangeait pour qu'on le remarque, qu'on note sa prestance et son élégance. A force, il n'y faisait même plus attention.

« Bon courage en tout cas, tu est penché sur un sujet bien lourd ... » La main toujours tendue vers l'inconnu, Gabriel désigna du menton les livres que le blondinet étudiait, les traités sur les trolls et les gobelins, l'évolution des deux races dans un monde en crise. Il n'avait jamais compris à quoi pouvait bien servir de savoir tout ça. A moins de devenir un jour historien spécialisé dans cette époque, ces connaissances ne seraient d'aucune utilité. A personne. Et sérieusement, Gabriel se demandait comment il était possible de vouloir devenir historien rattaché aux trolls et aux gobelins.

« Alors comme ça tu cherches de l’inspiration en me regardant. Serais-je une muse à tes yeux ? » Interloqué, Gabriel resta un moment en suspend, la main toujours tendue vers son interlocuteur. Il esquissa finalement un sourire narquois, amusé par la vanité un peu feinte du jeune homme. Patiemment, il attendit que le blondinet daigne serrer sa main et se présenter, qu'il puisse enfin poser un prénom sur ce visage angélique au sourire un peu distordu, irrégulier. Gabriel lui trouvait un certain charme, malgré les dents un peu de travers. Une certaine grâce naturelle, sauvage mais avenante, attirante. Une proie de choix, pour un moment sympa dans l'intimité. Qui sait. Ils y viendraient peut-être ... « Abraxas, préfet de Serpentard, c’est tout ce que tu dois savoir sur moi. »

La poigne ne dura qu'un instant mais Gabriel n'y prêtait déjà plus attention, rendu curieux par le mystère dont s'environnait le blondinet. Rien qu'un prénom et un titre. Trop de vanité pouvait tuer une attirance, cependant. Le dialogue était une question de choix. Les choses à dire et à ne pas dire. Aux yeux de Gabriel, Abraxas avait décidé de dire quelque chose d'inutile et de présomptueux. Préfet ou pas, quelle importance ? Pensait-il naïvement que ça tiendrait Gabriel à distance ? Il se tapait déjà le préfet des lions d'or, il n'allait surement pas faire l'impasse sur celui des serpents d'argent, si l'occasion se présentait. Or, elle semblait juste là. L'opportunité de séduire le préfet des Serpentard ne se représenterait peut-être pas et le Serdaigle n'était pas un homme à passer à côté. « Pas besoin de courage lorsqu'on a l’intelligence qu'il faut. Mais …. Merci quand même ! Et toi, c’est sûr quoi ton devoir ? »

Quoi que. Décidément, il ne manquait pas d'air, le petit blond. Non content d'être une muse et un préfet, il se targuait en plus d'être très intelligent. Drôle de spécimen, songea Gabriel en observant les traits jeunes et un peu marqués de son interlocuteur. « Au passage, tu peux continuer à me regarder si je suis ta source … d’inspiration. J’aime être utile aux autres. » Le regard bleu azur de Gabriel se plongea dans les prunelles turquoises d'Abraxas. Dans les yeux du Serdaigle, une étincelle de réprobation brillait, derrière l'évidente curiosité qui les embuaient. Parce que définitivement, le petit blond aux prunelles aussi turquoises que les eaux des Caraïbes était un phénomène à lui tout seul. Orgueilleux et vaniteux, fier. Clairement ouvert à toutes les occasions qui se présentaient, sans préférence pour un sexe en particulier. Ils se ressemblaient en bien des points, en dehors de l'égocentrisme avéré du Serpentard. Gabriel ne se vantait pas, il préférait rester discret. On le remarquait mieux lorsqu'il se taisait, ça contribuait à l'aura de mystère et de secret qui flottait autour de lui. Mais son interlocuteur n'était pas du genre à taire ses atouts.

Esquissant un sourire narquois et amusé, Gabriel lança d'une voix un rien ironique « Tu es plutôt sur de toi, comme garçon ... » Reprenant sa plume, il se remit à gratter son parchemin, ayant soudain retrouvé ce qu'il cherchait à dire au sujet du Doloris. Une petite dizaine de minute passa avant qu'il ne relève la tête. Il avait pratiquement achevé son devoir, ne restait plus qu'à le recopier proprement sur un nouveau parchemin. De son côté, le préfet des Serpentard avait reprit ses recherches. Sage et silencieux, il semblait lire un passage d'un énorme volume traitant des trolls au XIe siècle. Sans se faire remarquer, Gabriel prit son temps pour l'observer. Les ondulations de sa chevelure blonde bougeaient au rythme de sa progression dans le texte et il fronçait régulièrement les sourcils, comme s'il ne parvenait pas à déchiffrer quelque chose. Les noms des trolls étaient particulièrement imbuvables mais à côté de ceux des gobelins, c'était de l'alphabet pur et simple. Pendant trois bonnes minutes, il resta là à dévisager Abraxas avant de se décider à sortir une liasse de parchemins propres pour commencer à rédiger correctement sa rédaction. Mais la tâche était trop facile et il se retrouva très vite distrait, à regarder dans la salle, à observer les autres élèves plutôt qu'à écrire sa dissertation.

Au bout d'un moment, irrémédiablement attiré par Abraxas, son regard revint se poser sur le visage juvénile du petit blond, qui ne lui prêtait aucune attention. Emporté par ses rêveries distraites, Gabriel se demanda quel goût pouvait bien avoir les lèvres du blondinet. Quel corps se cachait sous la chemise et la robe de sorcier. Quel touché pouvaient procurer les doigts fins et pâles qui suivaient les lignes écrites sur le livre. Finalement, il osa avancer son pied pour aller rejoindre celui du jeune homme, jouant un moment sans en avoir l'air avant de remonter un peu le long de la cheville puis du mollet. Dès les premiers instants, il avait replongé la tête, feignant d'écrire pour éviter de croiser le regard de son vis à vis.