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« For the first time in history,
sex is more dangerous than the cigarette afterward. »

« Monsieur Greyback ! » La voix grinçante d'un enseignant furibond vrilla mes tympans, m'arrachant au passage bien plus un râle agacé qu'un véritable frisson de surprise. Déjà résigné, je ne pris pas même le soin de me retourner pour mieux darder le visage cramoisi de mon assaillant et préférai nettement visser mes pupilles sur l'herbe humide. D'une main molle et avachie, je retirai alors la cigarette de ma bouche avant de la remettre dans mon paquet, laquelle regagna ma poche sous les yeux foudroyants du chaperon ; néanmoins ce dernier n'eut pas le temps d'élever la voix que déjà j'avais bondi sur mes jambes pour mieux lui faire face. Le professeur claqua une lange contre son palais, signe qui trahissait son exaspération malgré sa moue qu'il voulait noble et impassible, et m'avisa de la tête aux pieds sans même m'en cacher. Habitué à être ainsi sondé par le regard professoral qui déplorait mes éternelles tenues débraillées – chemise froissée sortie du pantalon, cravate mollement nouée (lorsqu'elle l'était) et cheveux épars – j'attendais patiemment que le couperet ne tombe. Mes prunelles charbonneuses ne daignèrent pas lâcher mon 'interlocuteur' cependant, dans une dernière attitude de défi qui finit par l'exaspérer. « Vous feriez mieux d'aller étudier plutôt que de vous prélasser dehors. Vu vos dernières notes, ce ne serait pas du luxe. » Le silence de plomb acheva son conseil cinglant. Mon regard avait légèrement bifurqué de sa cible, semi absent et semi agacé, tandis qu'une main plongée dans mon pantalon accompagna les traits altiers de ma silhouette prostrée avec arrogance. Mon profil d'aigle rehaussait pourtant l'éclat de mon charme sauvage, quand mon effronterie toute entière agaçait mille fois mes détracteurs. Je me contentais de renifler brièvement avant d'humecter mes lèvres, visage rembruni, comme pour provoquer d'avantage le professeur : bouches guerrières pourtant lubrifiées, aucun mot ne s'y échapperait. L'enseignant outré bouillonna, et las de s'en remettre à des monologues avec moi, m'attrappa par le col avant de me pousser vers la silhouette du château : geste furtif et rapide s'il en est, qui me valut un grognement sourd irritant ma gorge. Un coup d'épaules pour me dégager de sa poigne furieuse et je me retournai vers lui, d'un regard assassin voire mortifère. « Votre attitude déplorable remontera jusqu'à la direction, Monsieur Greyback. »

Mauvaise journée en perspective. Toute la colère passée vint illuminer mes prunelles fauves, qui malgré leurs formes en amande regorgaient de ma furie ronde et pleine. C'est ainsi que d'un pas vif et altier, le regard implacable posé devant moi, je traversais les couloirs sans même me soucier de mes comparses, ennemis, amis, prétendantes, rivaux... lesquels avaient tendance à refermer leurs grandes bouches lorsqu'ils me virent arriver, conscients qu'une seule futilité de politesse à mon encontre ne leur attirerait que mes foudres. Mais soit, si l'extérieur m'était interdit, alors je trouverais bien dans cette stupide forteresse quelques pièces désertées par les élèves. Etrangement les toilettes du quatrième étage frappèrent aussitôt à la porte de mon esprit, et trop ivre de colère froide je ne me voyais pas réfléchir à d'autres propositions. Certes pas le meilleur endroit pour profiter d'une cigarette, mais qu'importe.

Les battants grincèrent de ce même couinement insupportable me rappelant le professeur, aussi j'eus un bref rire pincé et méprisant à mon passage, me dirigeant d'abord vers l'urinoire afin de me soulager. Sérénité tant appréciée, loin de la cohue insupportable des couloirs bondés, seulement rompue par le bruit de ma fermeture éclair... et de l'envolée lyrique d'un élève venant de faire une entrée triomphante. Je ne pus m'empêcher de lever mon regard vers le plafond d'un soupir las, contrarié de voir qu'il était définitivement impossible d'avoir ici sa petite bulle tranquille. « Désolé, je pensais être seul. Il n'y a d'habitude jamais personne, ici ... » Aucune réponse ne vint accueillir son excuse. Habituellement oui, il n'y avait personne. C'était bien pour cela qu'aujourd'hui l'ironie n'était vraiment pas de mon côté.

Reportant mon regard sur l'écrin d'émail blanc, bien décidé à demeurer taciturne – et de toute évidence ma mâchoire crispée par l'agacement était plus que coopérante quant à ce fait – je ne vins pas relever la curiosité poussée de mon voisin. Car sentant son regard appuyé sur ma personne, mes yeux ambrés se braquèrent sur lui avec vivacité, le mettant en joug et l'épinglant sur le mur. Néanmoins le garçon se redressa rapidement, gêné d'avoir été pris sur le fait. Agacé, j'eus tôt fait de remonter ma fermeture qui une fois encore fut accompagnée de ses fredonnements agaçants. Décidément, ce Serdaigle avait besoin de toute une symphonie pour aller se soulager la vessie. « Désolé. C'est plus fort que moi. » « Fais toi plaisir. Il pleut déjà. » Un murmure soufflé d'une voix suave et battue par la pluie tapant contre les minuscules fenêtres, et voilà que je tournai les talons dans un dernier regard, me dirigeant vers les deux lavabos encastrés au mur.

Mains propres et colère endormie, je décidai de me hisser auprès des lavabos, dos droit posé contre le mur et jambes étendues de tout leur long. A mon aise et pas franchement regardant sur l'endroit, j'ôtais enfin une cigarette de mon paquet, la calai à la commissure de les lèvres, et l'allumai dans un soupir de soulagement. A trop ignorer le jeune tenor, j'espérais au moins qu'il quitterait rapidement les lieux et me les laisserait pour moi seul.

Honnêtement, qu'est-ce qui clochait chez ce genre de spécimen ? Les écoutilles mal perforées sans doute, lui léguant au moins l'excuse d'être malentendant pour ne pas s'entendre chanter. Non pas que sa voix eut égalé les timbres haut perché d'une crécelle à m'en arracher des frissons désagréables – je pouvais même admettre qu'il chantait bien – mais le voir rester malgré tout, comme pour mettre mes nerfs à l'épreuve, m'arracha un soupir las. Je ne comprenais pas, pourtant. Je n'avais certes pas été des plus chaleureux mais je ne pouvais prétendre à m'être montré agressif dans les propos : un ton neutre, voilà ce qui avait poli les pourtours de mes six mots. Plus encore, j'aurais pu tourner les talons tout en demeurant taciturne et ce avec une indifférence pompeuse. J'estimais avoir été sociable, ou tout du moins regardant sur la présence du Serdaigle qui ne me rendait pas la pareille puisqu'il avait décidé de squatter d'avantage les lieux. Levant mon regard au plafond, je me demandais une nouvelle fois ce qui ne tournait pas rond chez les sorciers aseptisés : le château n'était donc pas assez grand pour eux ? Tant pis, je n'allais pas aboyer après sa nonchalance pour si peu (je me contenterais de grogner de mécontentement, à la limite) et préférais rester calé dans mon coin... quitte à devoir supporter ce jukebox humain. Et d'un autre côté sa présence n'était pas si désagréable puisque distrayante ; comme ne le montrait pas mon visage rembruni, j'avais toujours accueilli les attitudes des trublions avec amusement. Tant que cela allait à l'encontre des codes sociaux et que la provocation n'était pas synonyme de déclaration de guerre, j'avais au moins le mérite de ne pas être totalement aigri. « You hate everything about me, why do you love me ? » « Non mais sérieusement ? » soufflais-je dans un soupir vanné qui accompagna le nuage de fumée s'échappant de mes lèvres. Je n'avais tendu qu'une oreille furtive à ses paroles envolées gaiement de son gosier, et il avait fallu que mon attention s'éveille pile à ces paroles niaiseuses. Cependant mon murmure rauque était plus destiné à moi-même qu'à mon comparse des toilettes, car pour rien au monde je n'engagerais une conversation sur la profondeur inexistante de certaines chansons bancales. Oui j'avais le jugement hâtif, non je n'étais pas quelqu'un de sentimental.

L'attitude doucereusement rebelle du blondinet ne m'exaspéra pas tant. Oh bien sûr que j'aurais aimé le faire sortir d'ici à coup de crocs bien placés histoire de garder mon espace vital, mais sa réaction n'avait pas vraiment la portée voulue. Disons que je pouvais vivre avec... Il me suffisait de fermer les yeux, savourer une cigarette qui n'était pas de trop et poser ma tête brune contre le carrelage du mur, nez pointé vers le plafond avec flegme. En toute probabilité, j'étais tellement en manque de nicotine que rien ni personne n'avait le droit de m'ôter ce plaisir simple. Ce fut sans compter la voix du Serdaigle qui fredonna encore sa chanson, laquelle me sortit de sa léthargie et faillit me faire sortir de mes gonds. Comme quoi, j'avais beau m'auto-persuader que je pouvais rester zen, il n'en fallait pas beaucoup pour titiller ma nervosité un peu trop sauvage et impulsive. « I hate. You hate. I hate. You love me ... » « Hey. Va chanter ta sérénade ailleurs. » Ton las et tranchant, mais moins agressif qu'exaspéré. Quoique. Je me redressai alors d'un geste sec, plongeant mon regard ambré dans les yeux provocateurs du blondinet qui semblaient me sourire, quand allant pour agresser verbalement mon interlocuteur clope au bec je me rendis compte que son visage ne m'était pas inconnu.

Froncement de sourcils. Ce type là, je l'avais déjà vu en cours et... Un bref sourire en coin voila mes lèvres sanguines. Je me souvenais à présent : un cours terriblement ennuyeux qui m'avait valu une sieste improvisée sur mon pupitre, la voix d'un enseignant au bord d'un pétage de plomb légendaire qui bataillait avec l'indiscipline d'un élève fouteur de troubles qui avait au moins le mérite d'égayer l'heure sinistre. « T'es le type qui a sauvé toute une classe de la dépression en te sacrifiant avec vingt-quatre heures de colle. » Beau palmarès, on ne pouvait le nier. Le ton de ma voix habituellement engoncé dans un chaud-froid ambiguë, semblait déjà plus avenant. Je comprenais mieux à présent ce besoin vital de jouer les provocateurs, même dans l'antre de toilettes perdues. « Chapeau. » Une moue nonchalante mais sincère et je pouvais reprendre place contre le mur froid.