« Ne fais pas l’enfant ! Punis-le, il t’a défié ! » Le petit garçon jeta vers son père un regard empli d’une tristesse infini. Il ne comprenait pas ce que son père voulait de lui, il ne comprenait pas pourquoi il lui demandait cela. « Si tu ne le fais pas, je le ferai ! » Ce fut comme un électrochoc. La main de l’enfant se leva avant de s’abattre doucement sur la tête du chien qui l’observait, se demandant ce qu’il se passait. « Plus fort Eliot ! Il te faut l’éduquer ! Tu as voulu un animal de compagnie ? Forge son caractère, transforme le en un véritable chien, pas une bête peluche ! » Le regard pleins de haine que lui jetait son père frappa le garçon. Le chien se libéra de l’emprise de son maître et s’enfuit, la queue entre les jambes. L’enfant se mit à pleurer silencieusement alors que Henry Yaxley tournait les talons en maugréant dans sa barbe, se demandant pourquoi il avait engendré une tapette pour fils. Une fois qu’il eut disparu, Eliot siffla après son chien et partit à sa recherche. Quand il le trouva dans la grange, il vint s’asseoir à ses côtés en s’excusant. Le chien le regarda tristement, comme si il lui demandait pourquoi il avait agi de la sorte. « Scusa me Lucky. Questo non succederà più. » Non, jamais plus il ne relèverait la main sur le seul ami qu’il avait. Il préférait subir la colère de son père, lui même sentir la lourdeur de sa main sur sa joue, pourquoi pas un sort. Au fil des années, Eliot s’était forgé une carapace dure comme l’acier. Depuis déjà sept ans qu’il était sur cette terre, il avait appris à prendre les coups, à subir les colères d’un père aigri par les années. Le garçon leva les yeux quand il entendit des pas. Son regard se durcit, s’attendant à voir apparaître son père qui voulait finir ce qu’il avait commencé. Mais très vite ses yeux changèrent d’expression, apercevant le seul être qui trouvait grâce aux yeux de leur paternel, la personne qu’Eliot aimait le plus au monde. Luce*, la lumière qui éclairait ses journées. « Ca va ? » du haut de ses cinq ans, la petite fille semblait comprendre le monde mieux que ses pairs. Elle vint se poser aux côtés de son grand frère et se mit à caresser gentiment le chien de ce dernier. « Ciao Lucky, come va ? » Le chien lécha la main de la petite fille alors que celle-ci s’enquérait de son état. Le chien allait bien, il avait échappé au pire grâce à Eliot. « Tu ne devrais pas être ici, c’est mauvais pour ton cœur. » La petite posa un regard lourd sur son frère, elle ne voulait pas être mise de côté, elle voulait vivre la même vie que les autres enfants, pouvoir caresser un chien, se promener dans les prés. Cela faisait maintenant trois ans qu’elle avait été diagnostiquée, cardiopathie congénitale. Difficulté à respirer, risque d’AVC, malnutrition, … La vie de la jeune fille ne serait pas facile, elle devrait faire attention, ne pourrait pas faire du sport avec les autres, ne connaîtrait pas les joies de la natation et de la course. L’asthme qu’elle avait lié à cette maladie n’arrangeant rien, elle avait souvent l’impression que son frère la laissait de côté, ne comprenant pas qu’il faisait tout pour protéger la demoiselle. Il ne dit rien, lisant dans le regard de sa petite sœur tout ce qu’elle ne disait pas. Ce sentiment d’injustice qui l’habitait, cette rage sourde qu’elle ressentait quant à sa condition. Le jeune homme ne pouvait comprendre, mais le lien qui l’unissait à sa sœur était tellement fort qu’il ressentait lui aussi cette injustice. Il n’avait que deux ans quand elle été née, mais en grandissant il avait eu l’espoir secret qu’elle deviendrait sa partenaire de jeu, il serait un grand frère extraordinaire, la protégeant, l’emmenant dans tous les endroits secrets qu’il aurait découvert d’ici là. Le diagnostique avait brisé la plus part de ses rêves, tout comme ceux de sa petite sœur, mais pas celui de devenir le meilleur grand frère possible et de protéger le petit être frêle et fragile.

« Tu apprendras le respect jeune fille ! » Une main se leva, bientôt retenue par une autre, plus vivace, moins ralentie par le poids des années. Eliot posa sur son père un regard empli d’une haine sans borne. Jamais il n’avait regardé son père de la sorte, jamais il n’avait osé, lui, lever la main plus haut que le regard en face de son géniteur. « Ne la touche pas. » Ton froid, glacial. Il savait dores et déjà qu’il en payerait les frais. Mais il se moquait bien de son sort, il n’aurait pas supporté de voir son père posé la main sur Luce. La demoiselle avait reculé de plusieurs pas, des larmes silencieuses coulaient sur ses joues. Jamais son père n’avait osé la frapper, jamais il n’avait essayé. Elle avait toujours été sa petite princesse, celle qui trouvait grâce à ses yeux, mais les années avaient changé l’homme en un monstre plus cruel qu’il ne l’était déjà auparavant. Le regard de Yaxley sr se transforma. L’horreur s’y dessina alors qu’il réalisa ce qu’il s’apprêtait à faire. « Je .. Je suis désolé Luce. » Il tourna les talons et sortit de la pièce, laissant son fils dans l’incompréhension la plus totale. Il se tourna alors vers sa sœur qui vint se blottir dans ses bras. Déambula alors leur mère, qui ne comprenait pas pourquoi elle venait de voir son mari les yeux rougis sortir de la maison comme un voleur. Eliot posa un regard dur sur sa mère qui trop souvent fermait les yeux sur les agissements de son mari. Longtemps elle avait été celle qui séchait ses larmes quand les coups avaient plu, celle qui lui lisait des histoires avant qu’il ne s’endorme, celle qui faisait tout pour arranger les choses. Seulement son aveuglement avait été tel que le jeune garçon avait fini par se lasser des belles paroles de sa mère. Et quand enfin elle avait ouvert les yeux, elle avait fini par noyer la vérité dans l’alcool, tant et si bien qu’elle ne comprenait plus rien à ce qu’il se passait autour d’elle, ne voyant pas le désespoir de ses enfants, la colère et la rage de son mari. Et cela faisait peur à Eliot. Il venait d’avoir 14 ans, il était en âge d’entrer à l’école magique de Poudlard. Il avait peur de laisser seule sa sœur avec son père alors que lui serait en internat. Il avait été témoin de la descente aux enfers de sa famille. Il savait son père aigri, amer, il savait qu’il supportait mal son exil en Italie, que sa patrie était restée l’Angleterre et que pour rien au monde il ne resterait dans ce pays trop chaud à son goût. Henry Yaxley aurait tout donné pour retourner à l’époque de la gloire de l’ancien Lord. Il aurait tout laissé derrière lui si quelqu’un reprenait les rennes. Il n’avait jamais perdu ses idées carrées quant à la pureté du sang, les transmettant à son fils, essayant de faire pareil avec sa fille. Eliot avait vu sa mère disparaître petit à petit, ne laissant derrière qu’une pâle copie de la femme qu’elle avait été. Elle avait perdu son caractère, son charme, rongée par l’alcool et les médicaments, rongée par un mariage qu’on lui avait imposé. Elle avait perdu de sa splendeur, la flamme qui un jour l’avait habitée n’était plus, il ne restait que des cendres soufflées par le vent. « Allez boire un verre mère, c’est après tout ce que vous faites de mieux ». Elle l’observa, outrée qu’il lui parle de la sorte. Son ton était froid, dur, cassant. Il s’était lui aussi transformé au fil des années, durci par une vie sans enfance, froid comme la glace, dur comme la pierre. La seule qui trouvait grâce à ses yeux était sa sœur. Elle seule parvenait à le calmer dans ses accès de colère, elle seule arrivait à le faire sourire, à lui insuffler un peu de bonheur. Le reste du temps, il était habité par une colère sans nom, son regard noir et son caractère avaient vite fait le vide autour de lui. Eliot prit la main de sa sœur et l’entraîna loin de leur parent. C’était leur dernière nuit dans cette maison, le lendemain ils partiraient vivre en Angleterre, comme l’avait toujours souhaité leur père. Il était temps que les Yaxley fassent leur retour dans la société magique Anglaise et prouvent que leur nom n’avait rien perdu de sa grandeur d’antan. Eliot savait que son père misait tout sur lui pour redorer le blason familial, que tous les regards seraient tournés vers lui lors de la soirée qu’ils organiseraient le mois suivant afin d’annoncer leur retour. Le jeune homme savait que son père avait hâte de retrouver ceux et celles qui s’étaient battus à ses côtés, il désirait ardemment renouer avec tous ces gens qu’il avait connus par le passé. C’était là le gros défaut de Yaxley sr, il était trop tourné vers le passé. Son fils ne regardait pas en arrière, préférant avoir le regard rivé vers le futur. Il savait que l’heure de son père était passée, que son temps était révolu, c’était à présent à lui de prendre la relève, de continuer ce qui avait été commencé des années auparavant.

Des bruits de pas, une porte qui claque, des cris. Voilà tout ce dont se souvient Eliot de cette fameuse soirée d’été. Il allait avoir 17 ans. Il rentrait de Poudlard en compagnie de sa sœur. Main dans la main, ils pénétrèrent dans leur demeure anglaise, ce grand manoir froid et sans vie, maison qu’ils détestaient tous les deux autant l’un que l’autre. À l’ordinaire, leur mère les attendait sur le pas de la porte, un sourire idiot sur les lèvres, puant l’alcool à plein nez. S’en suivait alors des commentaires désagréables de la part du jeune homme qui ne pouvait s’empêcher de s’énerver quand il voyait sa mère dans cet état. Le frère et la sœur se regardèrent un instant, ne comprenant pas ce sentiment étrange qui les habitait, cette sensation désagréable qui les avait pris à la gorge alors qu’ils avaient pénétré dans la demeure. Quelque chose était différent, ils le sentaient. « Reste là. » La demoiselle acquiesça alors que son grand frère parti s’enfouir dans les profondeurs de la maison à la recherche d’âmes qui vivent. Pas de trace de sa mère, encore moins de son père, mais cela était à prévoir. Le vieil homme cherchait à se refaire un nom au sein du ministère de la magie, toujours aussi avide de pouvoir et de renom. Eliot secoua la tête, poussant un soupir exaspéré.

Et l’horreur apparut. Il entendit sa sœur crier derrière lui, il se retourna violement et la prit dans ses bras, cherchant à cacher ses yeux, à ne pas lui montrer ce qu’il se passait devant elle. « Ne regarde pas Luce, non guardare ! » le jeune homme prit le visage de sa sœur dans ses mains et plongea son regard d’azur dans les yeux apeurés de la demoiselle. « Va téléphoner à une ambulance, appel papa. Je reste ici, sors de cette pièce. » Elle acquiesça, sortit en courant, claquant la porte derrière elle avant de laisser couler librement les larmes qu’elle retenait. Eliot se tourna vers le corps sans vie de sa mère. L’écume blanche qui coulait hors de sa bouche ne laissait planer aucun doute quant à la cause de sa mort, la bouteille vide et le flacon vide non plus. Le jeune homme lança un coup de pied dans la bouteille qui alla se briser lourdement contre le mur. Sa génitrice était morte depuis plusieurs heures, il le savait, son corps était déjà si froid, si dur. Depuis combien de temps était-elle là ? Depuis combien de temps la Faucheuse avait-elle déjà rempli son devoir ? Le cœur du jeune homme se serra dans sa poitrine. Sa relation avec sa mère avait toujours été tumultueuse, conflictuelle, mais elle restait sa mère, celle qui le consolait quand il était petit et qu’il avait fait les frais de la colère de son père. Il entendit des pas derrière lui et tomba nez à nez avec Yaxley sénior. Son regard devint flamboyant, ampli d’une colère plus forte et vivace qu’il n’en avait jamais connu. « Tu as vu ce que tu as fait ? Tu as vu ce qui est arrivé par ta faute ? Où étais-tu ? Qu’avais-tu de si important à faire pour ne pas te rendre compte que ta femme était morte ! » Eliot ne faisait pas attention à Luce qui se tenait en retrait, assistant à la scène des larmes pleins les yeux. « Je t’interdis de me parler sur ce ton ! Le sort de ta mère était scellé le jour où elle a pris son premier verre ! » Eliot se mit à trembler de colère. « On aurait pu l’aider, faire quelque chose ! TU aurais DÛ faire quelque chose, ne pas la laisser tomber jusqu’aux Enfers ! » Henry Yaxley fit un pas dans la direction de son fils, le menaçant du doigt. « Il n’y avait rien à faire ! Et toi avec tes belles paroles, qu’as-tu fait pour l’aider ? » Eliot recula, blessé par les paroles de son père. En effet, qu’avait-il fait ? Qu’avait-il fait pour sauver sa mère de sa longue chute aux enfers, qu’avait-il fait pour lui retirer le verre qu’elle avait des mains, si ce n’était l’insulter et la traiter comme une moins que rien ? Il tourna les talons et sortit de la pièce afin de s’enfermer dans sa chambre. Que faisait-il là ? Dans cette famille qu’il n’aimait pas, parmi ces gens qu’ils n’aimaient pas ? Pourquoi essayait-il tant de rendre son père si fier ? Il n’en savait rien. Et pourtant Eliot savait déjà qu’il voulait marcher dans les traces de son père, mieux encore, il voulait le surpasser, le dépasser, réussir là où il avait échoué. Il le ferait taire une bonne fois pour toute, il le savait. Il entendit un bruit de pas derrière sa porte, puis un mot fut glissé. Il reconnut l’écriture ronde de sa sœur : Ce n’est pas de ta faute. Un sourire se dessina sur son visage, en effet. Il n’y était pour rien. Sa mère avait scellé son destin, son père avait précipité sa chute. C’était aux parents de s’occuper de leurs enfants, pas l’inverse.

Cette fille était futile, inutile. Il s’en lassait déjà alors qu’ils n’étaient ensemble que depuis 3 jours. Aux premiers abords elle avait paru différente, amusante, divertissante, mais elle ne tenait pas la distance. Il n’y avait rien derrière ses jolis yeux, que de l’air qui ne la rendait pas intelligente ou intéressante pour deux sous. Il n’y avait que dans les draps qu’elle arrivait à garder les choses intéressantes, aussi non il n’aurait pas tenu un jour. Il la regardait se déhancher en faisant glisser ses vêtements sur le sol. Oui, tant qu’elle ne parlait pas elle était agréable, dès qu’elle ouvrait la bouche le charme était rompu. Elle n’était pas ce qu’il recherchait, pas différente de toutes ces filles avec qui il avait déjà couché. Il n’était jamais tombé amoureux, jamais il n’avait senti son cœur s’arrêté pour une fille, après tout ce n’était pas ce qu’il recherchait, il voulait s’amuser, profiter, les engagements et les grandes paroles le faisaient chier. Sa sœur était la seule à qui il avait dit qu’il l’aimait, réservant ces trois mots magiques à la seule personne qui trouvait grâce à ses yeux. Il était toujours entouré, mais tellement solitaire. Il se foutait des autres, seuls ceux qui entraient dans l’élite pouvaient se vanter d’avoir des rapports amicaux avec lui. Cependant rares étaient ceux qui avaient sa confiance, il préférait rester seul, on ne peut après tout que compter sur soi-même. Le jeune homme leva un sourcil quand la demoiselle vint se coller contre lui, un sourire béat sur le visage. « Si tu savais comme je suis heureuse d’être avec toi … » Il en aurait presque soupiré. Il ne répondit rien, se laissant embrasser dans le cou quand elle s'arrêta brusquement pour lui demander le plus sérieusement du monde : « Est-ce que tu m’aimes ? » Eliot éclata d’un grand rire froid, jetant un regard mauvais à la jeune fille. « Mais mon Dieu, tu es encore plus pathétique que je le pensais. » Il ne prit pas la peine de répondre à sa question, ramassa son sac et sortit de la pièce en riant toujours, laissant la demoiselle complètement perdue. Elle n’était pas le premier cœur qu’il brisait et ne serait sûrement pas la dernière.