Il devait reconnaître que la journée qui s'annonçait lui semblait déjà douce. Le temps était maussade, l'ambiance dans le dortoir était maussade, Lune était maussade... Cependant une chose le réjouissait, en regardant par la fenêtre à côté de son lit, il voyait la forêt, la Forêt Interdite, au lieu de ténèbres et de violence. Il n'était pas prêt à perdre aujourd'hui. Son duel contre Charles, il n'y avait aucune chance pour qu'il le laisse filer. Lune n'était pas méchant, parfois un peu agressif, mais rarement méchant. La colère froide qu'il nourrissait depuis l'été envers son meilleur ami allait trouver une sublimation aujourd'hui. Le maître de la psychanalyse aurait nuancé ce terme de sublimation, s'en prendre physiquement à son ami n'avait rien de positif pour la société, mais au moins Lune défoulerait ses pulsions longtemps retenues.

Il arriva avant Charles au lieu fixé par le garde-chasse. Quelle surprise d'être le ponctuel des deux... Il ne s'éterniserait pas sur le fait que l'autre gryffon n'était pas capable d'arriver à l'heure. Ce n'était pas la peine de lui accorder du crédit aujourd'hui. Quand enfin il arrive, Charles bénéficia d'un sourire franc de Lune, il l'aimait beaucoup même si ce n'était pas évident par moment. Le masque tomba rapidement sur son visage, il était prêt à en découdre.

Lune » Tu pourras aller pleurer dans les bras d'Avaon une fois qu'on en aura fini, je te le rends.

C'était condescendant et méprisant et tout ce que vous voudrez. Mais Lune n'avait pas envie de la jouer gentil pour l'instant. Il se mit en position de duel, prêt à riposter à tout moment, il lui laissait l'initiative. C'était une preuve de sa bonne foi. Le pire dans l'histoire c'était qu'il ne s'était même pas réellement servi d'Avaon, il avait eu une opportunité de s'amuser et l'avait fait, la corrélation entre les deux ne faisait qu'ajouter une valeur supplémentaire à notre aîné. Si mes coucheries pouvaient faire ressentir à Charles une once de l'enfer qu'avait été mon été, alors c'était une bonne chose.

Lune »Franchement, Charlie, ce qu'il me prend ? La prochaine fois que tu passeras ton été dans les montagnes à t'éclater songe un peu à tes amis. J'ai eu ma part de bon temps avec Avaon, je pense que tu voudras récupérer ton jouet maintenant.

Lune était excédé par autant d'idiotie, il pensait pourtant que son meilleur ami avait un brin de jugeotte ou tout du moins qu'il tentait de faire comme si. Mais à l'évidence il avait dû se cogner la tête contre un rocher pendant une partie de jambes en l'air en montagne et perdre l'accès à une partie importante de son lobe occipital. Lorsque le duel commencerait Lune allait lui mettre une raclée si mémorable que Charles en garderait la trace sur son joli postérieur musclé pendant des mois. Le regain de confiance de son meilleur ami aurait pu désarçonner Lune. Il avait une supériorité sur le plan verbal qui était indéniable face à Charles, que celui-ci se lève et le confronte lui procura une double sensation, à la fois d'excitation et d'indignation. Comme si les status quo bien établis se préparaient à être bouleversé. Et qu'il appuie sur le fait de célébrer avec Avaon, à cause duquel Lune avait enduré autant de problème fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.

Lune » Plutôt que de batifoler, tu aurais peut-être dû renouer les liens avec ton frère...

Byron les fit se saluer, Lune pouvait littéralement voir la rage bouillonner en Charles. Il savait qu'il avait dépasser un peu les limites mais il n'en avait cure. Ce matin, ça se règlerait par la magie, pas par la gentillesse et la noblesse d'âme. Quoique sur ce terrain là aussi Lune aurait été le gagnant, pas la gentillesse hein, la noblesse. Plongeant dans les yeux de son meilleur ami il se concentra, explorant du plus profond de son âme ce qu'il avait répété pendant des semaines. La légilimancie au stade final, l'emprise sur des personnes conscientes. Il sentait qu'il entrerait peu à peu dans l'esprit de Charles et une fois le contact établit il entendrait ses pensées. Mais ça serait difficile en attendant il lui faudrait se défendre efficacement et contrattaquer intelligemment. Ce qu'il était tout à fait habilité à faire.

Il connaissait trop bien son meilleur ami pour se laisser avoir. Comment pouvait-il même penser que ses misérables diversions le distrairait du véritable missile ? Ils avaient déjà combattu ensemble, et s'étaient même parfois livrés à des petits duels gentillets. Lune n'en revenait tout simplement pas qu'il n'ait pas trouvé quelque chose de moins gros. Le sortilège d'explosion ? Il fallait avouer que ce n'était pas celui auquel Lune s'attendait, mais après tout il avait touché à William et il savait à quel point le sujet était sensible. Cependant il en fallait bien plus pour faire peur à Lune. Un bref coup d'oeil avait suffit avant que le combat ne commence pour qu'il repère les lieux. Il avait eu le temps avec le retard que Charles avait pris. Il pointa sa baguette sur une branche basse d'un arbre proche de lui. « AMPLIFICATUM ! » La branche prit instantanément du volume à tel point que cela en était presque ridicule pour une simple branche. Puis elle explosa au contact du sortilège de Charles.

Il voulait la jouer méchante ? Ils allaient jouer. La baguette de Lune fendit l'air. « Serpensortia, amplificatum. » Le serpent qui venait de jaillir de sa baguette venait de tripler de volume, quadrupler... il faisait maintenant deux têtes de plus que Lune et était long de plusieurs mètres. Lune fait bouger sa baguette sans pour autant prononcer de formule. Le maléfice de flagrance était attaché au serpent qui était défendu par un sortilège de protection convenable. Ce sortilège, c'était sa petite surprise à lui, Charles s'en apercevrait un peu tard, mais c'était plus amusant. Lune savait que ce serpent ne serait pas suffisant mais il espérait bien qu'il poserait quelques problèmes, vu sa taille et son armure magique invisible, un simple sortilège d'élimination des vipères ne serait jamais assez. Lune pris le temps de se défendre. « Protego horribilis. » Il pouvait sentir le bouclier se dresser autour de lui. Le spectacle pouvait commencer. Les jeux étaient faits et Lune commençait à s'amuser. Ses yeux presque clos il se concentrait sur les pensées de Charles.

Jusque là tout s'était plutôt bien déroulé, il avait failli mourir, il avait riposté. La glace ne lui faisait pas peur, jusqu'à ce que le tronc lui fauche littéralement la jambe gauche lui faisant mordre la poussière. Le plus inquiétant dans ça, n'était pas d'être à terre en face d'un Charles bien décidé à le faire souffrir pour de bon. Ok il avait clairement mérité un bon coup de poing dans le nez mais là, c'était bien plus. Il n'arrivait pas à se relever, sa jambe gauche ne répondait pas correctement. Il fallait aviser. « Protego horribilis. » Un premier bouclier pour parer un enchaînement trop rapide. Sa baguette s'agita indistinctement et le glacius redevint de l'eau s'enfonça directement dans le sol autour de sa jambe avant de se congeler une seconde fois. Dans une tentative un peu désespéré pour gagner du temps Lune utilisa le sortilège d'attraction sur le serpent créé par magie plus tôt.

Finalement relevé il s'appuya contre l'arbre qu'il avait partiellement détruit quelques instants plus tôt. Son souffle était court, il se sentait tressaillir. Il fallait qu'il résiste, la douleur était anesthésiée par la glace, mais il fallait qu'il trouve une solution. Son esprit commençait à traverser les défenses mentales de Charles et à littéralement entendre les pensées de celui-ci. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire un peu étrange, tiraillé entre la joie d'avoir réussi à entrer dans l'esprit de Charles et la douleur. « Incarcerem. » Les lianes s'envolaient déjà vers Charles avec une vitesse époustouflante. A moins que ce soit sa vue qui soit troublée. Il se focalisait sur ce qu'il entendait des pensées de son ami pour parer toute contrattaque. Sans qu'il s'en rende compte il s'était retrouvé un genou à terre, sa jambe gauche était vraiment mal en point. Peut-être même cassée. La poisse.

Lune se sentait mieux que jamais, en dehors de sa jambe amochée. Il aurait couru dans tous les sens si ça lui avait été physiquement possible. Le serpent commençait à perdre la boule au moment où il se volatilisa, Lune avait mis fin à l'enchantement à la seconde même où Charles avait retourné le sortilège contre lui. Cette soudaine célérité n'avait rien de bien incroyable aux yeux de Lune mais pourrait être déconcertante pour son meilleur ami. Le silence qui régnait dans la forêt était infernal. Ce n'était pas très compliqué de comprendre qu'ils devraient bientôt arrêter. Sinon ils finiraient par se faire vraiment mal ou par se détester pour de bon et Lune savait que ni lui ni Charles ne voulaient réellement que ces deux situations se produisent. Il voulut annoncer la nouvelle à son meilleur ami, comme s'il était la seule personne à qui il importait de communiquer cette information. Il avait brisé ses défenses mentales éveillées... « J'AI REUSSI CHARLIE ! JE L'AI FAIT ! J'AI ENTENDU TES PENSÉES ! » Son excitation tranchait foncièrement avec le cadre apocalyptique qu'il les entourait.

Il n'était plus très sûr de vouloir continuer ce duel, en tout cas pas en éprouvant tant de haine envers celui qu'il considérait comme l'un des seuls membres de sa famille. Le temps des secrets n'était plus d'actualité, le passage de ce cap dans sa pratique de la légilimancie méritait bien un cessez-le feu. Même si ça lui avait causé une blessure assez désagréable à la jambe, blessure qui il le savait serait très désagréable à soigner une fois à l'infirmerie, il était plus content que combattif pour l'instant. « J'aimerais qu'on s'explique sur ce qu'il s'est passé durant l'été. Au moins avant que l'un d'entre nous ne tue l'autre avec un sortilège stupide. » Durmstrang, sa colère envers son meilleur ami, son cadre familial... ils avaient beaucoup de choses à se dire avant de mourir. Si sa mort devait arriver ce soir, qu'au moins Charles sache réellement qui il allait assassiner.

« Avant de tout t'expliquer, je dois te présenter des excuses pour la phrase sur William. Je sais à quel point c'était désagréable pour toi et tu sais que je ferais tout mon possible pour t'aider à accomplir ta mission envers ton frère. un silence Il y a tant de choses que tu ne sais pas, que je n'ai jamais trouvé la force de te dire. La première concerne ma famille. Quand j'étais plus jeune, quand j'avais cinq ans en fait, j'ai commencé à faire des cauchemars horribles. J'aurais pu aller voir un psychologue, me faire soigner pour ça, mais j'ai toujours su ce qui en était l'origine. Mon Grand-Père Friedrich est un très grand légilimens et il s'est amusé toute sa vie à violer mon esprit, à me réduire à l'état de rat de laboratoire. Jusqu'à mon entrée à Poudlard il n'a pas arrêté. Depuis, chaque été j'évite le foyer familial le plus possible. L'an dernier quand on a décidé de ne pas aller chez Hazel et que tu as commencé à me parler de ton voyage avec Avaon, j'ai pensé que tu m'inviterais... Tu ne l'as pas fait. J'ai failli m'incruster mais ce n'était pas juste pour toi et Avaon, vous êtes ce que vous voulez et je n'avais pas à m'immiscer entre vous. Aussi pendant le premier mois et demi de vacances mon Grand-père a repris ses petits jeux. J'ai décidé d'aller à Durmstrang en stage d'été pour apprendre le plus de choses possibles sur la magie dans toutes ses formes, y compris la magie noire. Tu n'étais pas responsable de ce qu'il m'est arrivé. Mais j'avais besoin d'un coupable qui ne me tournerait pas le dos je suppose. Pour ce qui est d'Avaon, je l'aime vraiment bien, je n'ai pas couché avec lui uniquement pour t'atteindre et même si ça donnait un petit plus à la chose, j'aimerais autant que tu le gardes pour toi, j'ai fait assez d'erreurs ces derniers temps. »

Dieu que ça faisait du bien de soulager sa conscience enfin. Le soupir de soulagement qui s'échappa de ses lèvres lui extorqua un petit gémissement de douleur aussi, les choses se calmant il sentait sa jambe de nouveau, ce n'était rien de plus qu'une entorse au pire.

Les choses finiraient par rentrer à la normale entre eux, Lune le savais même si ça ne se ferait probablement pas en quelques minutes, les explications qu’ils venaient d’avoir participeraient à leurs retrouvailles. Le duel était clairement fini maintenant, cependant ils s’étaient engagés pour la durée d’un week-end. Une fin de semaine dans la forêt interdite, c’était quand même pas mal, un passe droit pour explorer les lieux et se confronter aux multiples dangers qui proliféraient dans les bois. Mais à eux deux, même s’ils se battaient, ils pouvaient faire face. Ils avaient déjà fait ça avant.

Le garde-chasse qui avait été plus spectateur qu’arbitre et qui avait évité les branches qui tombaient pendant la durée du duel mit fin au premier round du duel et leur intima de rentrer au château pour se rendre à l’infirmerie afin qu’ils reçoivent les soins que leur état nécessitait. Mais Lune sentait bien qu’il ne pourrait pas, et probablement Charles non plus vue la façon dont il tenait sa jambe, retourner au château en marchant. « Acio balais. » Bientôt ils arrivèrent fendant les airs, Lune enfourcha sa monture et attendit que Charles en ait fait de même. Leur chaperon pour le week-end les prévint qu’ils devaient être de retour d’ici deux heures. Le vol se passa bien, l’air passait sur son visage et sur sa jambe, glacial, Lune respirait enfin la tension disparaissait peu à peu et sa jambe lui faisait de moins en moins mal à mesure que son vol approchait de sa fin.

Arrivés à l’infirmerie Lune et Charles faisaient un joli tableau, claudiquant comme deux estropiés, ils s’affalèrent sur les lits les plus proches. D’autres jeunes sorciers étaient là, ils avaient eux aussi profité des deux heures de répit pour se reposer et guérir leurs blessures. L’infirmière parut complètement défaite en voyant l’état dans lequel les deux amis se montrèrent. Lune eut droit à une potion au goût infect et la contorsion de sa cheville qui suivit l’absorption le fit pâlir avait de le faire gémir de douleur. L’entorse n’était plus là, mais le virage à 180 degrés qu’avait subi son articulation continuait de lui faire peur.