La branche tapait sur la fenêtre. Il s'en souvenait. De la branche qui tapait sur la fenêtre. Il détestait ça. Il n'en dormait pas de la nuit. Ça le rendait malade, cette branche, qui tapait, qui tapait. Son cœur battait au rythme des tintements de la vitre. Ce n'était pas de sa faute. Si elle s'est brisée en éclat.
A table, tout le monde racontait sa première expérience magique. Comment ils étaient des gens normaux, comment ils sont devenus sorciers, spéciaux. Phinéas ne parlait pas. Il était le dernier à table, le moins proche des professeurs, prêt d'un préfet, à côté d'un étranger. Il ne connaissait personne. Ce n'était pas une surprise. Il n'avait jamais eu d'amis. Il ne racontait pas sa première expérience responsable de sa venue ici. Ce n'était pas de sa faute. Si la branche tapait sur la fenêtre.
Le choixpeau officialisa sa maison. Phinéas avait mal au cœur. Il savait que ça allait plaire à son père. Il aurait quitté l'école si le sort l'avait envoyé dans une autre maison. Mais le sort ne l'a pas fait. Pourquoi ? Pourquoi le sort n'a-t-il rien fait ?
Ça ne lui plaisait pas, lui. Il n'aimait pas cette maison. Il n'aimait pas son père. Il ne voulait pas devenir comme lui. Il ne voulait pas suivre ses traces.
Il n'allait pas se faire d'amis. Il allait être rejeté. Il allait être mal-jugé.
Il s'assit sans croiser le regard d'aucun des élèves à table. Il baissa les yeux. Il ne voyait que l'inconvénient d'être qui il est. Il ne savait pas pourquoi il avait été attribué à cette maison. Il n'avait rien à faire ici. Ce n'était pas de sa faute. C'était le choixpeau, il a dû se tromper. Il a dû mal comprendre. Il n'a pas bien regardé dans sa tête. Ça devait être ça. Il l'avait confondu avec son père.
Il songea à apprendre un sort de disparition.
Et puis
elle vint lui parler.
Elle était devenue son amie. Elle était là, le traînait dans la salle commune, lui faisait lâcher ses livres, lui décrochait même un sourire de temps en temps. Elle lui a présenté ses premiers amis, elle l'a entraîné dans toutes sortes d'aventures d'adolescents de 15 ans. Elle l'appelait Blondie tout le temps, devant tout le monde. Ça le faisait rougir. Il avait une amie. Une fille. Mais une amie quand même. une fille sans prétention, une fille honnête. Papa n'aurait jamais accepté. Mais il n'avait pas à lui dire. Il était heureux. Les jours passaient plus vite à deux.
Sa confiance se frayait un chemin. Le petit garçon devenait un gens bon. Il eu ses premiers copains, sa première copine, une rousse aux yeux verts, un jour, après le bal de noël, derrière le sapin. Sa première bière au beurre, avec les copains. Ses cinq premiers points pour sa maison. Adolescence vécue, goûtée du bout de la langue, comme une glace un peu trop froide, qu'on a peur de gâcher.
Il était décoré des pieds à la tête. Ça faisait plaisir aux gens. Quel garçon élégant disaient-ils. Les gens. Les gens n'ont pas le sens des priorités. Phinéas regardait droit devant lui. On aurait dit qu'il regardait la tombe de sa mère, mais non, son regard s'arrêtait avant
ça. Il regardait le vide. Il se fichait d'être élégant. Il n'avait pas non plus l'arrogance de pleurer en public. Il faisait ce qu'il faisait de mieux, se taire. Son père silencieusement, se plaça derrière lui. Phinéas sentait sa lourde présence dans son dos. Il ne bougeait pas. Sa respiration ralenti. Maman n'était plus là pour le consoler. Il n'y avait que l'ombre de ce grand bonhomme de père. Maman était partie.
Sa mère n'avait jamais été mariée à son père. Il n'avait jamais voulu. Elle n'avait pas de pouvoirs, et il n'avait aucunement l'intention de souiller son image. Elle était restée avec lui, par amour, et pour son fils. Mais elle avait été cachée, elle n'avait été qu'une rumeur, qu'une amante. Jamais n'a-t-elle été officielle. Phinéas n'avait pas le droit d'en parler. Maman n'était qu'un ange éphémère. Il ne fallait pas en parler.
-X-
Elle le pris dans ses bras dès qu'il est entré dans le hall. Il ne l'avait pas vu venir. Son regard était brouillé. Il se sentit un peu mieux. Et puis un peu honteux. Il la rejeta non sans regret. Elle recula avec les yeux qu'il n'aimait pas. Ceux qui lui restait en travers de la gorge la nuit, ceux qui étaient tristes, déçus. Il détourna le regard et parti. A table, il ne s'assit pas à côté d'
elle. Il s'assit à côté de ces gars, qui parlaient fort, qui mangeaient mal. Ils se mirent à l'inclure dans la conversation. Peut-être même se souviendraient-ils de son prénom cette fois.
« We learned about your mother. Sorry mate. » Il sourit. C'était pas un vrai sourire, elle l'aurait vu. Mais eux n'ont pas fait attention. Ils parlaient déjà de quelque chose d'autre, quelque chose de plus intéressant, qui ne demandait aucun effort d'attention, contrairement à la mort. Phinéas suivit la conversation. Vaguement. Puis ils lui demandèrent s'il voulait venir avec eux en cours. Il hocha la tête, décidé. Il passa devant elle sans la voir.
Il grandit. Sa carapace se durcit, il apprit petit à petit ce qu'il fallait faire et ne pas faire. Son père ne disait jamais rien d'encourageant. Il tentait d'être bon partout. Il voulait qu'on le remarque, il voulait qu'on le voit. Il ne voulait plus être qu'une virgule, il voulait être le chapitre. Non, il voulait être le livre. Le petit garçon apeuré par la branche se cacha sous le lit de la détermination. Mad aurait voulu dire que ce petit garçon avait disparu. Mais il était seulement terrifié. Il ne sortait plus, l'enfant inconfiant, il laissait la place à l'étrange quidam cruel et égoïste, confiant, déterminé. Il se faisait appeler par son deuxième prénom, celui que sa mère avait choisit. L'Ecossais ne voulait plus être lié à Phinéas, il ne voulait être que Madigan, ce grand bonhomme qui avait au moins l'air d'avoir un peu culot sous les cheveux.
Certes il eu des doutes. Très vite refoulés, un frôlement de main avec un camarade de chambre, un sourire, deux trois joues qui rougissent. Ce n'est jamais allé "trop" loin. Il n'y avait aucune question à se poser. Il y avait des règles ici, formelles, strictes. Les relations amoureuses, ça ne se trouve que chez les filles de sang pures, de bonnes familles. Toute hypocrisie confondue.
Son sourire ne se confiait plus, ses yeux étaient cachés derrière un masque. Mais il suffisait de lire entres les lignes. Ce garçon n'était pas aussi con qu'il le faisait paraître. Ce garçon n'était pas aussi méchant. Il était seulement déterminé. Sûr de lui. Il voulait montrer à son père qui il était. Prouver au monde, gueuler au monde. Il s'y prenait mal. Il s'oubliait. Il n'avait plus rien à perdre. C'est ce qu'il pensait. Mais tout changement mérite quelques sacrifices.
Il s'était caché à la bibliothèque. Derrière un grimoire, le genre qui prend tout le visage. Mais elle retira le livre, comme elle faisait autrefois, quand il n'était qu'un garçon et qu'elle n'était qu'elle. Elle fronçait les sourcils, elle tremblait un peu. Elle était en colère. «
What are you doing Phin ? ». Plus personne ne l'appellait Phinéas. C'était devenu un prénom intime, étranger. Tout le monde regardait. Ses amis regardèrent. Mad resta de marbre.
« Hey Mad, seems like mommy's upset. » Il secoua la tête. Ce n'était pas sa mère. Ce n'était personne. Il se leva, la repoussa sur le côté. Sans un mot, il parti. Ses amis le rattrapèrent. Ils étaient désolés disaient-ils. Ils pouffaient encore. Ils ont pas voulu le vexer disaient-ils. Ils étaient désolés disaient-ils. Et s'ils faisaient une blague à cette mégère ? Et s'ils lui apprenaient à se tenir en public ? Mad ne dit rien. Il n'aurait pas voulu lui faire de mal. Ça ou récupérer sa solitude.
Elle arriva en cours en retard. Les yeux rouges. Elle venait de passer aux toilettes. Elle avait été prise au piège par la chasse d'eau qu'ils avaient ensorcelés. Elle regarda droit à travers son masque. Elle ne regardait pas Mad. Elle regardait Phinéas. Il se sentit mal à l'aise. Détourna le regard. Quelques uns ricanèrent.
« Well done Mad. » Il baissa les yeux. Il avait perdu sa seule amie.
Madigan marchait dans les couloirs. Il avait une certaine manière de marcher dans les couloirs, on savait qui il était. On le voyait venir de loin. Il penchait un peu sur son côté droit, et puis il regardait tout droit, comme s'il venait de tuer quelqu'un. Du moins comme s'il s'apprêtait à le faire. Il était devenu quelqu'un en six ans. Il ressemblait à son père. Les gens connaissaient un peu son père. C'était un homme brillant, proche de l'excellence à son paroxysme, qui se souciait bien plus de l'apparence que de sa raison. Il avait caché toute sa vie, au monde entier, la moldu qu'était sa mère. Personne ne la connaissait dans la lignée Sinclair. Et quel soulagement lorsque son fils montra signe de magie. Oh bien sûr qu'il avait crié. Bien sûr qu'il avait dit être déçu de Phinéas, qui par peur de vulgaires bruits, avait fait appel à la magie. Bien sûr qu'il avait honte. Mais il était soulagé. Soulagé de ne pas avoir un moldu de fils. Ça arrivait parait-il. Toute sa vie monsieur Sinclair avait eu honte de sa femme. S'il avait cédé par amour à la dame, il ne l'aurait pas fait pour son bâtard de fils. La réputation ne précéderait jamais la famille.
Madigan s'approcha de son groupe d'amis, duquel il sourit prétentieusement. Il ne dirait pas bonjour. Il ne disait jamais bonjour. Il faisait seulement un petit signe de la tête, un hochement d'approbation, l'autorisation de pouvoir lui parler. Il ne fallait montrer aucune sympathie aux gens pour que les gens soient respectueux. Il était arrogant. Et d'une certaine manière, il était pitoyable. Mais il fallait protéger l'âme sensible. Il avait sa petite réputation maintenant. Il s'était épanoui. Il était devenu Mad Sinclair, ce type de septième année avec un accent Écossais.
Il avait oublié sa sensibilité en chemin. Elle était là. Seulement à quoi sert une émotivité qu'on ne montre pas ? Si on l'ignore, qu'on lui fait signe du bout du doigt de se taire ? Parfois sa pupille grossissait. Il cachait dans un mensonge ses sentiments. Quand ça le touchait, il ne le disait pas. Il n'a jamais été le plus remarqué. Il n'était qu'un orphelin, dont le père, sévère et rigoureux, n'autorisait le moindre écart. Ça rendait pourtant le fils d'autant plus drôle. Il était là, il était vivant. Il était jaloux. Et il était odieux. Mais il était là. Il savait ce qu'il faisait. Depuis
elle, il a toujours su. Il savait où il allait, ce qu'il montrait, ce qu'il voulait faire. Mais dans les profondeurs de son esprit, il ne savait plus bien qui il était. S'il fallait ou non, se mentir, réagir. Il était comme ça. Madigan. Un garçon perdu, qui cherchait encore sa maman. Pourtant c'était son père, la déception de la famille de sang-pur qui prit pour compagne une moldu. Personne ne le savait si ce n'est Phinéas. Mais c'était son père la honte. Lui n'avait rien à se reprocher. Jamais il ne parlait de sa mère. Des écarts de son père. C'était lui la honte de la famille. Alors pourquoi avait-il si peur de décevoir ? Parce qu'il n'était pas comme eux ? Parce qu'il pensait autrement ? C'était son père, la déception.
Peut-être qu'il rigolait trop fort. Peut-être qu'il souriait trop longtemps. Il était heureux. Mais quelque chose se détachait du personnage. Ça se voyait. Son surplus de brillance. Une logique trop longtemps fruit de solitude. Elle se voyait et même derrière ses fossettes, les gens les plus malins le savaient. Madigan valait autre chose. Il aurait pu être génial. Et il ne se détachait pas des autres petits bourgeois un peu trop charismatiques, un peu trop arrogants. Il aurait pu être unique. Mais il s'est noyé dans le regard du public. Et s'il est drôle, et s'il est heureux, il n'est pas tout à fait lui-même. Il n'est pas le petit garçon qui a explosé une vitre, sans faire exprès, par peur de la branche qui tapait. Mais ce n'était pas de sa faute.