Ici, l'histoire de votre personnage tout simplement. N'hésitez pas à mettre de la musique ou des images (on aime bien ça ici les images). Racontez nous les passages les plus importants dans le passé de votre petit bonhomme, qu'on puisse un peu le cerner le petit. Minimum 1600 mots.

Mon cœur s’emballa alors que je poussais d’une main moite le rideau de perles qui cachait l’entrée de la caravane. Que faisais-je ici ? N’avais-je pas promis de ne jamais me laisser associer à ce genre de pratique ? L’intérieur de la caravane était plongé dans la pénombre, et seules quelques bougies éparpillées répandaient une lueur tamisée. Dans les coins, des bâtons d’encens laissaient s’échapper des volutes de fumées aux parfums entêtants, et bientôt, je me sentis plonger dans un état de passivité inquiétante. Il y avait au milieu de la petite pièce une table ronde en bois, et deux chaises branlantes recouvertes de châles multicolores. Sur la table trônait fièrement une boule de cristal, au dessus de la quelle était penchée une vieille sorcière à la peau mate et aux yeux clairs, qui murmurait des paroles inaudibles. Elle ne se redressa pas quand j’entrai dans la caravane et ne m’accorda pas même un regard. La seule chose qu’elle fit fut de tendre la main dans ma direction, dans un petit geste d’impatience. Je savais ce qu’elle voulait, elle voulait lire dans les lignes de ma main avant de me tirer les cartes. J’eu un mouvement de recul et hochai la tête. « Non, soufflai-je, je préfère éviter tout contact physique. »

A cet instant, elle daigna lever les yeux vers moi, et m’observa un long moment. Après quelques secondes qui me parurent une éternité, elle me montra la chaise d’un geste de la main, et je m’y installai en soupirant d’un air las. J’avais dix huit ans, et mon père, qui ne comprenait toujours pas le rejet de mon don, m’avait convaincue d’aller voir une sorcière voyante qui se faisait passer pour une diseuse de bonne aventure moldue dans le cirque de la ville. J’avais bien évidemment refusé, au début, mais devant l’air dépité de mes parents, j’avais fini par accepter sa proposition, en décrétant que si cette rencontre était un échec, personne ne devrait plus jamais me parler de mon don de voyance. La vieille sorcière avait le souffle rauque, comme si elle venait de courir un marathon, et sa voix me parut étrangement basse. Un instant, j’eu à l’esprit d’un homme déguisé en madame Irma, mais je chassai l’idée dans un sourire : quel homme sain d’esprit serait prêt à porter l’espèce de turban rose fuchsia que la sorcière arborait sur sa tête ? « Tu as le troisième œil, n’est ce pas ? » Un petit sourire mauvais se dessina sur mes lèvres, était-elle vraiment voyante ? Il n’était pas difficile de deviner que j’avais sûrement le don de voyance, quand on connaissait mon nom. Cependant, je n’aimais pas son regard avide et cupide, comme si elle convoitait quelque chose qui m’appartenait.

Une lueur vive et sordide s’alluma dans le creux de ses iris et un sourire s’étira sur ses lèvres, laissant apparaître quelques dents gâtées et des gencives mal en point. « Je sais pourquoi tu es là, et tu as tort, bien sûr, de penser que tu peux te débarrasser de ton don. » Je restai silencieuse. Ce n’était pas une question, de toute évidence, j’étais à ses yeux une aberration qui n’avait pas sa place sur terre, car il était incroyable de ne pas apprécier le troisième œil à sa juste valeur. La voyante sortit de sous la table un jeu de tarot jauni et corné de toute part, et commença à étaler les cartes devant elle. Je ne daignai pas même jeter un coup d’œil, car je savais à coup sûr que je verrai plus de choses qu’elle dans la lecture de ma destinée. Je ne me voulais pas fataliste cependant, et espérais de tout cœur pouvoir changer le cours de ma vie et ne pas la laisser se consumer et se résumer à la lecture des astres. « Tu ne le maîtrises pas, c’est pas ? » J’haussai un sourcil. « Parce que vous oui ? Je vous parle de véritables prémonitions, non pas de vos balivernes de marc de café et autre brume blanche dans une boule de plexiglas. » La sorcière eut un mouvement de recul, comme si je venais de l’agresser physiquement. Elle plongea ses yeux déments dans les miens, avant de déclarer d’un ton froid « Vous n’avez pas vraiment d’affection pour l’art divinatoire. Que direz votre pauvre grand-mère. »

Elle avait touché un point sensible. En effet, si je n’avais jamais vraiment apprécié mon don de voyance, ce ne fut qu’après ma première vision, à propos de la mort de ma grand-mère, que je me découvris un véritable dégoût pour ce fardeau qui pesait sur mes frêles épaules. J’avais toujours été très proche de ma grand-mère paternelle, une femme douce et aimante, qui aurait donné sa vie pour avoir le troisième œil et qui était si fière de voir que sa petite fille en avait hérité. Un soir, pendant les vacances de Noël de ma quatrième année, j’avais sombré dans une transe incontrôlable dont je ne me souviens que très peu. On m’avait alors raconté que j’avais proféré une prophétie, de voix morne et basse. Bien sûr, personne ne voulut me dire de quoi il s’agissait. Je compris un mois plus tard lorsque ma grand-mère décéda à la suite d’une chute dans les escaliers : un flash me revint en mémoire et je réalisais soudain que ma première prémonition portait sur la mort accidentelle de ma grand-mère. Son décès m’anéantit, et je me renfermais sur moi-même, m’entourant d’une coquille d’indifférence et de froideur à toute épreuve. Ma grand-mère avait toujours été la personne qui comptait le plus pour moi, comme si un lien fort et magique nous reliait l’une à l’autre. Depuis ma plus tendre enfance, alors que je refusais tout contacte physique avec mes parents et quiconque d’autre, elle était la seule à pouvoir m’enlacer doucement. « Ne me parlez pas d’elle. Vous ne la connaissiez pas. » « Quand sont apparus vos pouvoirs magiques ? »

Ce revirement de situation eut le don de me déstabiliser, et je pris quelques secondes avant de répondre d’une voix sourde « Quatre ans je crois. Une histoire de piano… » Je n’en avais pas de réels souvenirs, mais on m’avait raconté que mes pouvoirs s’étaient manifestés un jour où mon père, très mauvais pianiste et chanteur avait voulu entonner une mélodie. Mon père s’était alors retrouvé aphone et les touches du piano s’étaient envolées à travers la pièce. Je penchai la tête à droite pour mieux regarder la sorcière, où voulait-elle en venir ? N’était-elle pas là pour me convaincre que le troisième œil était tout ce qu’il y avait de plus beau sur terre ? « Je te sens tellement déterminée à haïr ce don. Tu es capable de grandes choses. Dommage que tu aies été envoyée chez les Serdaigle, une telle maison ne facilitera pas l’ouverture de ton troisième œil et le développement de ton aura. Ils sont tellement terre à terre. » Je me redressai sur ma chaise, menaçante. « Les Serdaigle sont intelligents, objectifs. Ils croient dans les sciences et l’expérience. Des choses concrètes, pas comme la cartomancie. »

La sorcière sourit d’un air triomphant, comme si je venais de lui exposer clairement ce qu’elle voulait entendre. Cela n’avait ni queue ni tête. « Et qu’en est-il de la lecture des astres, ma petite ? » Je restai bouche bée. Je m’étais toujours refusée à étudier la divination, option que j’avais d’ailleurs écartée lors de ma troisième année, pour éviter d’apprendre ces absurdités à propos des feuilles de thé et des boules de cristal, mais l’astronomie et l’astrologie m’avaient toujours apporté du réconfort. Les astres étaient à mes yeux l’unique moyen de lire l’avenir, ils étaient cependant très imprécis car on ne savait jamais quand les choses se produiraient : un jour ; un siècle ; dans une autre ère ? J’haussai les épaules. « On ne peut pas vraiment compter sur eux. » « Et pourtant tu les observes régulièrement. » Elle était passée au vouvoiement, comme si j’avais gagné une sorte respect de sa part. « Pour le plaisir des yeux, pas pour prédire l’avenir, mentis-je sans honte. La vieille voyante rangea ses cartes et se pencha en avant sur sa boule de cristal. Je l’entendis marmonner des paroles dont je ne saisis pas le sens, et me lançai dans l’observation plus approfondis de la caravane. Tout n’était que voiles, cartes, affiches et autres livres de superstition. Comment pouvait-il se laisser à ce point ronger par la divination ?

« Vous refoulez votre don, mais un jour, il explosera. Et vous ne saurez qu’en faire. » Je rivai mes yeux sur la sorcière qui reprit avant de me laisser répondre « Il a déjà commencé à vous ronger de l’intérieur, et tant que vous l’enfermerez il continuera. Dans deux ans, il sera plus fort encore et vous aurez grand mal à le contrôler. » La voix de la sorcière avait changé, elle était mécanique, grinçante, et elle semblait être plongée dans un semi coma. Etait-elle en train de me faire une vraie prophétie ou bien se jouait-elle de moi ?  Je restai silencieuse, attendant qu’elle reprenne la parole, mais elle n’ajouta rien et se réveilla comme si elle émergeait un micro-sommeil. « Vous savez que les évènements à venir vous obligerons à faire face à votre don. » « Je ne sais rien du tout. Et de toute évidence vous non plus. Sinon vous auriez vu tout de suite dans votre maudite boule que quelqu’un est en train de mettre le feu à votre tente, dehors. » La sorcière se leva d’un bout, triomphante « Avez-vous eu une prémonition ma chérie ? » Je me levais à mon tour « Non, mais un très bon odora, et d’expérience, je sais qu’il n’y a pas de fumée sans feu. »

En effet, la caravane s’était emplie d’une fumée grisâtre et une odeur acre se répandait partout dans l’habitacle. Je sortis de la caravane et observai d’un œil amusée la tente s’enflammer de plus belle. Les paroles de la voyante cependant avaient trouvé écho dans ma tête. Je sentais mon troisième œil devenir de plus en plus puissant, mais ma volonté ne faisait que se renforcer aussi, et je luttais sans relâche contre le fardeau qui m’incombait. Je n’étais pas sans savoir que les choses devenaient de plus en plus sombres dans le monde magique, et mon être entier se sentait aspirer dans une spirale infernale d’astres brûlants, de visions et de très mauvaises prémonitions… Aussi me forçais-je tout les jours un peu plus à rejeter la fatalité et embrasser les sciences. Je me destinais à devenir médicomage et excellais dans toutes les matières. Mais cela suffirait-il à me maintenir hors d’atteinte de ce troisième œil encombrant ?