Il n'était pas tard, il n'était même pas encore l'heure pour le couvre feu, et Rohàn n'avait absolument aucune raison de craindre qui que ce soit, quoi que ce soit, dans les couloirs entourant la salle commune des serpentards. Il avait tous les droits de s'y trouver, tous les droits d'en bouger, d'en sortir, comme il l'avait fait. Il n'était pas assez tard pour que le danger se fasse sentir partout, pas assez tard pour qu'il soit sur ses gardes. Ce n'était pas l'heure pour lui d'être furtif, fuyant, prudent. Il n'était pour l'heure qu'un simple élève revenant du diner avec du retard. Un bouquin à rendre à la bibliothèque avant qu'elle ne ferme, qu'il avait retrouvé sous son lit dans une couche de poussière, un repas un peu plus long que prévu, pour une fois qu'il prenait la peine d'avaler quelque chose. Il aimait louper le repas du soir, ou manger léger, suffisamment léger pour sentir la faim le tenailler au moment de dormir, lui donner l'impression qu'il contrôlait ça. Mais là, il avait eu faim, sans trop de raison valable, alors il avait pris une assiette, dévoré en riant avec Amadeus, discuté des cours et de l'ombre, à mots couverts bien surs. De conquêtes, aussi, mais il avait surtout écouté son ami parler. Même si Amadeus ne lui demandait rien, il devait se douter que de conquêtes, depuis ses fiançailles, Rohàn n'en avait point eu... dont il pouvait lui parler. Aussi, le sujet Ange était savamment écarté, oublié, dans un coin de leurs esprits. De toute façon, ils ne pouvaient rien y faire, alors autant prendre du bon temps à Poudlard, s'amuser et oublier un peu ce qui allait leur arriver une fois sortis. Même parler d'avenir, d'études après l'école, était difficile. À vrai dire, Rohàn ne savait pas ce qu'il ferait. Son père le lui dirait.. et il obéirait surement. Ce n'était pas comme s'il avait réellement le choix, de toute manière.

Marchant à présent dans les couloirs, l'esprit relaxé après ce repas agréable, ayant laissé Amadeus rentrer avant lui, avec un prétexte de vouloir marcher pour digérer un peu, il était en fait en pleine réflexion. Rejoindre Charles, ce soir ? Il savait qu'il avait astronomie, ce soir là, et l'idée d'un petit tête à tête après lui semblait sympa, mais il n'avait aucune idée de ce qu'en penserait le gryffondor. De plus, c'était lui qui avait son bracelet, et donc lui qui pouvait le faire venir quand il le désirait, pas l'inverse. Ces choses là ne fonctionnaient pas dans les deux sens... mais il espérait bien qu'un jour, Charles lui donnerait le sien, ou quelque chose d'équivalent. Quoique, peut-être qu'il ne valait mieux pas, où ni l'un ni l'autre ne verrait jamais plus la lueur du jour.
Incapable de se décider sur le moment, il se passa une main dans les cheveux en soupirant, puis reprit ses esprits. Rester dans les cachots ne l'aiderait pas, autant retourner dans son dortoir et s'occuper jusqu'à prendre une décision. Faisant demi tour, il retrouva vite son chemin dans le labyrinthe que tous les serpentards et poufsouffles avaient appris par cœur dés leur première année, ne prétant pas attention à ses alentours. Il n'y avait pas grand monde à cette heure, de toute façon, et s'il croisait quelqu'un, il l'ignorerait sans souçis.

Sauf si l'autre ne cherchait pas à l'ignorer. Comme par un flash de lumière blanche, et le néant.

Tapis dans un couloir, Galadriel et Bahlos attendaient patiemment que l'aîné des Lestrange se décide à se montrer. Dehloss le traquait depuis le début du repas, attendant le moment opportun pour passer à l'action. En y réfléchissant une seconde Bahlos se dit qu'il aurait bien aimé manger un morceau de pain perdu. La faim justifiait toujours la chasse, depuis la nuit des temps les hommes se nourrissaient du gibier qu'ils abattaient. Ce soir, ce serait Rohàn la bête saignée. Une fois le repas fini, il le suivrait et lorsqu'ils seraient assez proches de la lionne et de l'aiglon, Dehloss les préviendrait. Ce plan était ingénieux, il fallait le reconnaître, pas parfait mais ingénieux. S'il avait été plus ouvert à autrui, Bahlos aurait pu sentir Galadriel frémir d'excitation, de peur, ou d'appréhension. Mais il n'en avait que faire. Elle était la pièce rapportée par Dehloss pour nourrir sa petite vendetta personnelle et la rendre crédible aux yeux de son frère. S'il avait accepté d'être de la partie c'était avant tout parce qu'il avait conscience que Dehloss avait un compte à régler... et puis l'occasion faisant le larron, il devait avouer que s'introduire dans la tête d'un des chefs potentiels de l'Ombre ne se refusait pas.

[i]*On arrive*/i] le message était clair, ils allaient passer à l'action. Bahlos n'était pas spécialement un homme de terrain, il n'était en fait qu'un homme de l'ombre. Dans la lumière il se laissait le rôle du garçon innocent, celui que l'on pensait brillant et destiné à gâcher son potentiel par peur de sortir de sa coquille. Mais les gens qui le connaissaient vraiment, ils n'étaient pas nombreux, savaient bien qu'il n'avait aucunement l'intention de rester anonyme. Dehloss et lui avaient à eux deux plus de force que n'importe quelle équipe. La confiance qu'ils avaient l'un en l'autre était inébranlable, les rôles étaient facilement attribués, leur mécanique marchait.

Galadriel... Tout plan comportait une inconnue, toute entreprise avait des chances d'échouer. Elle était la seule faille potentielle que leur petit coup d'état. Il était de toute façon trop tard pour reculer. Alors que Rohàn tournait à l'angle du couloir à une quinzaine de mètre de leur position Bahlos murmura à l'oreille de Galadriel. « Tu frappes la première. » L'écart entre eux et le Serpentard se réduisait considérablement et Bahlos, la baguette à la main attendait d'être à la distance idéale pour que leur stratégie d'attaque ait un effet optimal. Cinq, quatre, trois, deux, un. Le front de Rohàn se trouvait à moins d'un mètre de son arme. C'était maintenant ou jamais, laissant son esprit hurler le sortilège informulé, le descendant de l'enchanteresse Miranda Fauconnette autorisant sa baguette a irradier avec la force d'un soleil. *LUMUS SOLEM* Le sort était de loin la façon la plus simple d'aveugler quelqu'un momentanément, il n'avait pas pu voir arriver l'attaque, à bout portant ce serait sans aucun doute un coup gagnant.

Une fois le sortilège lancé avec succès et la cible atteinte, Bahlos se pousse pour laisser à Galadriel le plaisir d'inaugurer la pluie de coups qui tomberait sur le dos du Lestrange. Si le jeune Goshawk n'était pas spécialement enthousiaste à l'idée d'être en première ligne, il l'était encore moins à l'idée de porter le premier coup. Un travail qu'il jugeait vulgaire et franchement inutile. La catharsis lui échappait, il n'était pas assez empathique pour comprendre le soulagement qui pouvait ressortir d'un bon passage à tabac. Pragmatique cependant il frapperait, des points stratégiques, des zones douloureuses et sensibles. Mais dans un premier temps il préférait accorder à Galadriel et Dehloss leur petit plaisir sadique en ne s'imposant pas au milieu de la bataille.

L'espace d'une seconde il se demanda dans quel état ils allaient le laisser, à partir de quel point ils estimeraient en avoir fait assez. Bahlos l'avait vu auparavant, quand un animal goûte aux arômes du sang il est bien souvent très difficile de l'arrêter... et quand cet animal furieux est un traqueur, il a tendance à jouer avec sa proie avant de la laisser pour morte. Tuer Rohàn n'était pas à l'ordre du jour ou du moins ce n'était pas prévu. Mais comme dit précédemment, il y a toujours une faille dans un plan...