You can't hide your secret forever

Etna Maugrey & Jason Lupin

Ce cours était probablement le pire cours qu’il ait eu à gérer depuis sa toute nouvelle et très courte carrière, ce qui n’était pas pour le rassurer.

Tous les cours qui mettaient en duo les Serpentards et les Gryffondor étaient une plaie. Quand il était lui-même étudiant, il ne pouvait qu’imaginer les crises de nerfs de leurs professeurs. A l’époque, il s’en amusait même un peu. Aujourd'hui, il le vivait, lui. Peut-être devait-il faire un geste envers ses anciens professeurs et nouveaux collègues pour tous leurs (futurs) cheveux gris dont il était l’originaire… Peut-être. Mais il allait devoir finir son monologue intérieur sur sa possible future rédemption plus tard. Il avait, pour l’heure, un chaos vert et rouge à gérer.

Car s’il y avait pire qu’un mix de lions et de serpents, c’était bien un mix qui contenait, en plus, l’élément le plus perturbateur qui soit : Etna Maugrey. Etait-ce parce qu’ils se connaissaient si bien qu’elle ne pouvait que l’énerver autant durant ses cours ? En temps normal, il adorait son énergie et sa vivacité. C’était une fille pétillante, toujours en mouvement, toujours à la recherche d’une bêtise à faire. En temps normal, Jace était plus que ravi de l’y aider. Mais le temps normal n’était plus vraiment à l’ordre du jour ces derniers temps. L’époque avait changé et des évènements perturbateurs étaient venus mettre leurs grains de sel dans leur relation.

Tout est facile quand il n’y a pas de secret. Avant, lorsqu’ils passaient leurs étés ensemble, avec tous les autres, c’était simple. Elle était la nièce de Maugrey Fol’œil, il était le fils de Nymphadora Tonks. Comment auraient-ils pu s’ignorer ou devenir autre chose que proches ? Avant, il haïssait simplement les loups-garous et ne rêvait que d’une chose : parcourir le monde. Aujourd’hui, c’était différent. Il était un loup, coincé comme simple professeur de botanique à Poudlard, à devoir gérer des élèves, dont sa petite pétillante et vive Etna, qui aujourd’hui était devenue « Miss Maugrey », la petite peste qui s’amusait à jeter des boutures de tentacula vénéneuses sur une serpentard. Et si elle en lançait encore une seule, il allait vraiment finir par s’énerver. Non seulement parce que chaque minable petite attaque qu’elle lançait sur la serpentard valait son pesant de mornilles, mais surtout parce que… merde, elle croyait quoi ? Qu’il était aveugle ? Qu’elle allait mettre à bas son autorité parce qu’il la connaissait bien ? Il n’avait jamais été un véritable pro du sang froid, il s’étonnait même de ne pas avoir encore hurlé, mais ça allait venir.

Oh oui, ça allait venir. Alors qu’il passait entre les bancs, croyant naïvement que ça allait les calmer un peu, après une énième remontrance sur le calme que demandait la manipulation des boutures, la treizième tentacula vénéneuse volante de la journée passa à quelques centimètres de son visage pour atterrir dans les cheveux de la blonde jeune fille à côté de lui.

« MAUGREY !!! » Hurla-t-il alors, faisant sursauter toutes la classe.

Il récupéra rapidement la mini-plante qui essayait de mordiller l’oreille de la serpentard avant même que celle-ci ne panique une treizième fois et se mette à massacrer la plante de ses vilains doigts. Il tourna ensuite un regard glacial vers Etna, signe qu’il était, cette fois, vraiment en colère.

« Vous restez après le cours… Pense seulement à recommencer, et je t’envoie chez le Directeur. »

Un haussement de sourcil menaçant, juste pour souligner la phrase d’un « Est-ce bien clair ? » muet avant de retourner à son bureau pour déposer la bouture qui lui grignotait le pouce. Heureusement qu’à cet âge-là, cette plante était loin d’être vénéneuse.

Il n’avait même pas fait attention d’être passé au tutoiement, signe que sa menace était loin d’être des paroles en l’air. Quand il était jeune, les autres s’amusaient à dire qu’il ne fallait pas énerver un Lupin à l’approche de la pleine lune. Il détestait ça. Il le déteste toujours d’ailleurs, sauf qu’aujourd’hui, c’était vrai.

Heureusement, le cours touchait à sa fin et il passa les dix dernières minutes dans un calme relatif comparé à l’heure précédente. Appuyé contre une de ses étagères, bras croisés, il observa consciencieusement les élèves terminer leurs travaux pratiques et aller déposer leurs plants sur son bureau lorsqu’il annonça que le temps était écouler. Il attendit ensuite que les élèves rangent leurs affaires en observant la bouture rescapée de la tornade Maugrey : il allait peut-être la garder, celle-là… Puis, quand Etna ne fut plus que la seule présente, il se redressa, lui faisant face et, d’un mouvement de baguette, ferma la porte laissée entrouverte par le dernier élève. Il valait mieux que personne d’autre n’entende ça, car il avait la nette impression que cette conversion n’allait pas être le genre « Prof-Elève », et à l’instant où elle ouvrit la bouche, il sut avoir raison :

« Ecoutes, je sais très bien que ce n'est pas très civilisé de lancer des choses dans la tête des gens, figure-toi que mon père me l'a expliqué. Mais cette fille-là, elle fait certainement parti de l'Ombre, et elle a des vues sur Castiel, hors de question que mon frère finisse avec une fille comme ça, je le prendrais comme une insulte. »

Génial, son père lui avait au moins expliqué les civilités ! Jason ne put s’empêcher de soupirer. Si la colère s’était amoindrie en la voyant obéir à sa dernière menace, il n’était toujours pas d’humeur à entendre de tels arguments. Il n’était pas son père, ni son frère, mais il était son professeur, et ses collègues n’arrêtaient déjà pas de lui rabâcher qu’ils n’avaient pas que la responsabilité de leur enseigner leur matière. Le savoir vivre en faisait partie. Mais si le Professeur Lupin était doué en botanique, le savoir-vivre n’était pas son fort.

« Grandis un peu, Etna ! Quoi que cette fille ait fait, tu n’as ni le droit ni le pouvoir de changer quoi que ce soit en lui lançant mes plantes à la tête ! »

En parlant de plantes, il envoyant les plants des élèves se ranger sur une étagère juste avant que la demoiselle ne dépose son sac sur son bureau. Il en fit d’ailleurs le tour, l’observant par-dessus le meuble, plus par automatisme que pour lui faire comprendre instinctivement que l’adulte, ici, c’était bien lui.

« Je pense que Castiel sait reconnaitre une fille qui lui convienne d’une p… d’une fille comme elle. » Non, Jason, insulter toi-même les demoiselles de Serpentard face à Etna n’est PAS une bonne idée. « De plus,… Ombre ou Ordre, tu n’as pas le droit de faire justice toi-même en plein milieu d’un cours. »

Ombre ou Ordre… Cette guerre intestine qui venait d’éclater au château était une autre tâche noire à devoir gérer. Et s’il disait cela à Etna, ce n’était pas parce que lui-même se disait « neutre » (non, il n’était pas neutre, il ne pouvait pas être neutre, il essayait juste de ne pas s’en mêler pour l’instant… parce qu’il ne pouvait pas s’en mêler maintenant), mais parce que les règlements de compte des élèves, que ce soit pendant les cours ou dans les couloirs du château, pouvaient s’avérer dangereux et qu’il ne voulait tout simplement pas qu’il arrive quelque chose à la nièce du mentor de sa mère. Mais ça, pouvait-elle seulement le comprendre ?

You can't hide your secret forever

Etna Maugrey & Jason Lupin

Le professeur F. J. Lupin n’était guère à l’aise lorsqu’il devait rabrouer ses jeunes élèves turbulents. Non pas qu’il ait manqué de discipline étant jeune, au contraire…  Lui aussi se faisait souvent engueuler par ses professeurs et ses parents adoptifs, lui aussi avait passé ses petites colères d’adolescent sur d’autres élèves, et c’était probablement pour ça qu’il avait beaucoup de mal à inverser les rôles aujourd’hui. Comment faire comprendre à plus jeune que soit ce que vous même avez mis tellement de temps à comprendre ? Ce n’était pas un chapitre du manuel du parfait enseignant, malheureusement. D’autant plus qu’il n’avait pas à faire avec n’importe quelle élève : Etna n’était peut-être pas de sa famille, à proprement parler, mais depuis qu’il la connaissait, comme il la connaissait, il n’aurait jamais pensé être un jour dans cette position. Il s’imaginait plus, à cet âge là, à devoir lui donner des conseils sur les garçons, à l’aider dans certains cours, … Pas à devoir lui donner cours et à devoir lui hurler dessus en plein milieu d’une classe.

Il voyait d’ailleurs dans son regard et son attitude que ça ne lui avait pas plu du tout. Et il allait probablement le « payer » d’une façon ou d’une autre. Les Maugrey n’étaient pas des gens qui se laissaient faire, et même si elle avait bien compris qu’il était son professeur, il restait son ami d’enfance, et ça changeait la donne. Il n’y avait qu’à se souvenir du mot qu’il avait failli sortir quelques secondes plus tôt en parlant de la pseudo charmante demoiselle de Serpentard qui tournait apparemment autour du frère de la Gryffondor en face de lui. Cas n’était pas idiot à ce point. Du moins l’espérait-il.

Pour l’heure, s’il était sûr d’une chose, c’est que sa toute dernière phrase prononcée fut très certainement… une erreur.

Il ne fallait pas compter sur le fils de Remus Lupin pour être aussi diplomate que lui. Il fallait plus compter sur le fils de Nymphadora Tonks pour mettre les pieds dans le plat sans tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Ca ne pouvait être que son côté Tonks qui ressorte face à la Maugrey. Ca avait toujours été comme ça, et c’est ce qui les avait tant rapproché au départ. Comme si le lien de mentor de sa mère et de son oncle était ressorti dans la descendance et les poussait à faire de même. Si ce n’était pas l’œuvre d’une force mystique improbable, Jason aimait tout de même bien cette idée.

Mais là, il pouvait voir le visage d’Etna se fermer et il aimait déjà moins cette idée là. Lui-même savait rester impassible, droit derrière son bureau. Et c’est ce qu’il resta alors qu’un flot de paroles sortait de la bouche de la jeune fille en face de lui.

Parce que s’il n’avait plus sa fierté pour faire face aux mots acerbes qu’elle lui balançait au visage, il lui restait ses convictions et sa colère. « Ce n’est pas en restant les bras croisés que les choses vont changer ». Ses sourcils se froncèrent imperceptiblement et son regard, qui avait perdu quelques degrés, repris vite leur aspect glacial. Parce qu’il savait déjà ce qu’elle lui reprochait même si ce n’était pas encore clairement avoué : sa disparition.

Parce que c’était elle qui avait fini – étrangement – par le retrouver en premier… Parce que c’était elle qui avait initié une sorte d’interrogatoire perpétuel pour savoir ce qui l’avait poussé à couper les ponts pendant plusieurs mois avec tout ceux qui comptaient pour lui… Ca n’avait pas été sa meilleure idée, il l’avouait. Mais il avait juste voulu éloigner sa famille et ses amis de la menace qu’il était devenu. Et comme il n’avait pas réussi à mettre fin à ses jours,… Il avait bien fallu trouver une autre solution. Mais ça, elle ne pouvait pas le comprendre. Elle l’avait tiré de son trou où il se cachait, elle l’avait dénoncé et son oncle l’avait ensuite obligé à revenir à la réalité avant qu’il ne soit véritablement prêt à y remettre les pieds. Et maintenant, voilà qu’elle lui faisait un beau discours sur Chourave, ses plantes, son utilité dans une guerre qu’il ne pouvait pas rejoindre avant d’avoir mis les choses à plat avec tout le monde.

Non mais qui engueulait qui, là ?!

« C’est bon, t’as fini ? »

Plus de Professeur Lupin et de Miss Maugrey. Juste Jason et Etna. C’est ça qu’elle voulait ? Soit. Ca ne risquait pas d’être une conversation plus agréable que celle qui était prévue.

« Bien, Miss Conviction. Premièrement, tout c’que tu vas réussir à faire, c’est te faire coller, peut-être même te faire renvoyer. Alors, si c’est ton avenir que tu veux foutre en l’air, vas-y, je t’en prie ! Sinon, tu peux faire fonctionner ton cerveau deux minutes et agir de manière un peu plus réfléchie. »

Ses poings fermés étaient maintenant posés sur le bureau, et il l’observait par-dessus le meuble, guettant sa réaction, mais sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit. Néanmoins, il baissa la voix, sans toutefois se départir de la colère qui s’y faisait facilement entendre dans son ton.

« Deuxièmement, tu crois vraiment que je ne prend aucun parti dans cette histoire ? Mais je suis ton prof, Etna, plus simplement ton pote qui te gueule une fois dessus de temps en temps. Je ne peux pas m’afficher publiquement, … mais si un jour vous avez besoin de quelque chose, ma porte vous est toujours ouverte. »

Bon… En réalité, ce que Jason ne disait pas, c’était que s’il ne gueulait pas sur tout les toits qu’il était du côté de l’Ordre, c’était que 1) son nom le clamait déjà assez fort, 2) il essayait de se faire discret. Il n’avait aucune envie qu’après avoir fait savoir qu’il s’opposait clairement à l’Ombre, certaines personnes en viennent à clamer qu’il était un loup-garou. Ca ruinerait un peu tout.

D’un mouvement souple, il se détendit finalement et se laissa tomber sur la chaise juste à côté de lui, posant un coude sur son bureau, jetant un coup d’œil à la classe vide et à la porte close.

« On ne crée pas l’ordre par le chaos. Vous n’avez plus à faire à des gamineries d’étudiants. Ca devient dangereux, plus grave que de simples lancés de plante carnivore dans les cheveux d’une gamine. C’est tout ce que je voulais dire. »

Le regard revint sur elle. De biais, ses yeux glacés se teintaient d’un éclat d’amertume. Etna était donc une de celles qui allaient lui reprocher éternellement sa courte disparition ? Mais, sur ce dernier point, il n’allait pas lui faire le plaisir de rebondir, car il n’avait aucune envie d’aborder le sujet – encore une fois – avec cette mini-enquêtrice têtue !