La douleur s'était atténuée. Aelyriah ressentait toujours un manque cruel, comme si l'ombre de sa meilleure amie était une partie d'elle-même, mais elle souffrait moins. Avait-elle accepté la mort subite d'Ashara ? Pas réellement, bien que l'idée commençait doucement à s'installer dans son esprit. Galadriel l'aidait grandement dans cette épreuve et depuis une semaine, la vipère s'était décidée à se reprendre en main. Difficile, surtout lorsque les enseignants ne se souciaient plus de son état. Ils la pensaient définitivement végétative et si au début le directeur avait tenu à écrire quelques courriers à ses parents, le leader de l'école avait fini par se lasser de ce devoir. Sa mère était même venue lui rendre visite afin de se rendre compte des choses. Malheureusement, cette entrevue ne s'était pas déroulée comme prévue. Aelyriah avait refusé de se confier et était restée sur ses gardes, comme si personne n'était capable de la comprendre. Le fait était qu'Ashara était bien plus qu'une soeur à ses yeux, représentait peut-être davantage que sa propre Arianna. La Selwyn était celle qui l'avait accompagné durant six ans et demi dans diverses péripéties et ce, chaque jour de leurs belles années scolaires et voir même durant les vacances. Ainsi, l'ennui avait gagné le coeur de la jolie Serpentard si bien qu'elle ne riait que peu, ne parvenant qu'à esquisser un mince sourire fané lorsqu'elle croisait son jumeau ou lorsque on tentait de la secouer dans la salle commune. Parce qu'en temps normal, elle était le sketch personnifié de sa maison, une digne représentante de ces serpents, une figure incontournable du château. Là où l'ambiance n'était pas, Aelyriah venait remettre les pendules à l'heure. Mais depuis le décès d'Ashara, elle n'était plus très amusante. Les joutes verbales n'existaient plus, le venin s'était volatilisé du bout de sa langue. Son rire mutin s'était évaporé au loin, elle ne changeait plus de coiffure tout les quatre matins. Un changement considérable s'était instaurée en elle.
Changement qu'on estimait définitif, si bien que le professeur posa une des feuilles qu'elle distribuait sans un mot ni un regard sur Aelyriah. Cette dernière baissa les yeux vers la copie. L'enseignante venait de rendre leur dernier devoir de métamorphose. Aelyriah n'avait jamais excellé à l'écrit et n'expliquait jamais correctement les choses même si elle savait comment jeter ces sorts, elle ne fut donc pas surprise de ne voir qu'un P s'afficher sur le haut du parchemin en rouge. Cette fois-ci, ils ne partageaient pas le cours avec les élèves de Serdaigle et de ce fait, elle ne put voir combien Arsène avait eu. Sans doute avait-il obtenu une très bonne note. Contrairement à elle, il était tout aussi bon en théorie qu'en pratique. Le professeur débuta ensuite un discours concernant ce qui allait suivre : des travaux pratiques. Voilà de quoi attirer l'attention d'Aelyriah, qui se surprit à avoir la volonté d'écouter ce que débitait la femme. « Aujourd'hui, nous allons nous exercer sur le sortilège de disparition qui reste un incontournable même si je sais pertinemment que vous l'avez déjà fait l'année précédente. Inutile de broncher, donc, sachant que pour la séance je vous fournirais de bien plus gros volumes. Mettez-vous en binôme. » Un binôme. La Serpentard scruta la pièce du regard, en quête d'un quelconque partenaire. Au moment où elle s'apprêta à se ruer vers Loki, ce fut Vela qui eut l'initiative de lui prendre sa place. Elle se mordit la lèvre inférieure, comme prête à bondir. Les autres n'étaient pas intéressants, ni doués. Pas même du côté de ces Gryffondor. Fort dommage que Joy n'était pas dans le coin, étant d'un an sa cadette. Soupirant avec exaspération et impatience, elle pivota sur son siège afin de se retrouver face au tableau plutôt que vers sa droite... et elle fut estomaquée en voyant quel élève avait pris place à sa gauche. Judah Lothbrock, énergumène en chef, mocheté en chef, saleté en chef. « On va devoir faire équipe, Black. Vues tes sautes d'humeur, j'imagine que tu t'en sors bien, en Métamorphoses. » Qu'était-il passé par la tête chez ce professeur pour avoir décidé de désigner Lothbrock comme étant son compagnon de cours ? C'était d'une absurdité consternante. Les deux ne s'appréciaient pas vraiment. Ou plutôt, Aelyriah ne s'était jamais demandée si elle pouvait l'aimer ou pas... c'était juste qu'ils ne se faisaient que se chamailler à chaque fois qu'ils se croisaient et que les piques fusaient dès que leurs regards s'affrontaient. Ou bien, c'était tout simplement Judah qui désirait l'enquiquiner un peu plus alors que manifestement, Aelyriah n'était guère d'humeur à plaisanter depuis un bon botu de temps. « Je te laisse faire : j'aurais peur de tout faire exploser. » Elle haussa les sourcils, irritée par l'insolence de Judah. Une bouffée de chaleur s'empara d'elle, comme si le sang lui montait au cerveau. La Black éprouvait la drôle d'envie de se saisir du cou de Lothbrock et de le tordre tel celui d'un pauvre coq. « Et toi, vu ta sale gueule j'estime que tu devrais justement bien avoir besoin de métamorphoses. » répliqua-t-elle, cinglante. Elle n'avait pas réfléchi à ce qu'elle comptait lui répondre et les mots étaient partis seuls, sans qu'elle puisse les contenir. L'espace d'un instant, elle était redevenue aussi impulsive que ses premiers jours. « Commence donc, si t'es un homme. Tiens, la prof vient de poser ce beau coffre devant ton nez en plus. Fais-le disparaître. » ordonna-t-elle, plus autoritaire que jamais. Ses doigts pianotaient sur la table de bois, démontrant qu'Aelyriah n'était pas de ceux qui attendaient. Ses yeux d'un azur intense étaient vrillés sur la face blanchâtre de Judah, si bien qu'on aurait pu croire qu'elle était capable de pénétrer son esprit.