« Ton sang est ta fierté. Il te définit. C'est lui qui te place au dessus de la vermine. Soit-en fière, agit en conséquence, montre toi digne de ce rang d'exception. Tous comportements inconsidérés sont à bannir. Tu dois nous faire honneur. Chaque geste, chaque parole doit être pensée. Tu ne peux pas te permettre d'apparaître sous un mauvais jour et salir ta famille, ton statut, ton rang et ton sang. »

Avant même le jour de sa naissance, la vie de Zoey était réglée comme du papier à musique. Destinée à un grand avenir, une réussite et un succès fulgurant, elle vint au monde dans une famille pour qui la pureté du sang est un des facteurs déterminant pour faire un bon sorcier. Source de nombreuses espérances toutes plus démesurées les unes que les autres, la demoiselle devait se plier aux règles strictes établies depuis des générations. Issue de parents ayant reçu une éducation exemplaire, sélectionnés de façon méticuleuse tels des bêtes d'élevage, elle était également promise à ce sort. Sous l'autorité de la chef de famille, une vieille femme aigrie terrifiante, Zoey apprit dès son plus jeune âge le protocole réservé aux dignes héritiers d'un sang pur. Savoir comment se comporter en société, quoi dire, quoi faire, comment penser et surtout comme faire honneur à cet héritage hors du commun qui lui avait été donné. À tout juste six ans, elle était devenue l'exemple type de la petite fille modèle, docile et brillante. Une de ces enfants dont les parents se servent pour impressionner leurs invités de marque. Piano, chant, violon, poésie, langues étrangères, littérature... Autant de domaines divers et variés qui lui étaient infusés en continu afin de la rendre « parfaite ». Avec un emploi du temps de ministre, il y avait peu de place pour l'imprévu, le jeu ou bien tout simplement les rencontres avec des enfants de son âge. Ses seuls rapports humains se résumaient aux professeurs qui défilaient le jour et les servantes à ses ordres. Zoey devait s'estimer heureuse quand ses parents lui faisaient l'honneur de venir la voir une petite heure par mois, évaluant l'avancée effectuée par leur progéniture.

L'exigence sans faille à laquelle elle était confrontée ainsi que l'élitisme qu'on lui inculquait transforma bien vite la jeune fille. Éduquée pour n'être qu'une coquille vide que l'on remplit au fur et à mesure de croyances, connaissances et comportements adéquats, ce fut sans surprise que sa famille découvrit progressivement le résultat de leur dur labeur. Exigeante, sans pitié, brillante, froide, narcissique et raciste, Zoey était devenue la copie conforme de tous les espoirs de sa famille. Véritable peste qui s'amusait à rabaisser ses domestiques, princesse pourrie gâtée sans remords et colérique, elle menait la vie dure à quiconque osait aller à l'encontre de ses désirs. Quand on s'évertue à remettre dans le droit chemin les bambins s'égarant sur cette pente dangereuse, Zoey y était poussée avec toute la bénédiction de sa grand-mère. Gagner son approbation représentait le saint-graal. Une chimère hors de portée qui, quand elle agissait de façon abjecte se matérialisait sous ses yeux. Tout acte de bonté était donc à bannir. Cela lui attirait tout simplement les foudres d'une élite qu'elle ne pouvait décemment pas décevoir. La peur maladive d'être rejetée, malaimée par son propre sang rongeait la jeune fille.

« Maintenant que tu sais comment te comporter en société, une autre tâche t'incombe. Tu dois à tout prix contribuer à la félicité de ton nom et de ton sang. Ne recule devant aucun obstacle, n'ait aucun remords. S'il faut trahir, trainer dans la boue tes meilleurs amis et retourner ta veste pour nous faire honneur tu n'hésiteras pas une seule seconde. Ne pense pas, fait ! Le mal, le bien... Pures illusions, créations de l'esprit, d'une morale infondée. La norme c'est toi qui la fait. Tu es la seule à définir la portée de tes actes. »

Si jusqu'à présent sa grand-mère était parvenue à la façonner en parfaite héritière des Watson, c'était sans compter sur l'adolescence. Période douloureuse, synonymes de changements multiples et annonciatrice de conflits titanesques. À la grande surprise du clan, la jeune femme en devenir passa de princesse agréable, souriante et conciliante à une véritable furie dont la violence autant verbale que physique manqua de provoquer une crise cardiaque aux plus anciens. En dépit du fait que les idéaux qui lui avaient été enseignés se retrouvaient gravés dans son caractère, l'adolescente rejetait en masse toute forme d'autorité. Cumulant les fugues, les refus d'obtempérer, les menaces en tout genre et la pratique de disciplines jusque là interdites, Zoey profita ainsi de son entrée à Poudlard pour se libérer des attentes familiales. Élève brillante mais turbulente, elle était toujours la première pour déranger la classe et défier l'autorité. Heures de colle, excursions nocturnes défendues, sorts douteux... Tout était bon pour lui procurer ce frisson, l'adrénaline nécessaire à lui donner la sensation d'être en vie. Exister pour elle-même. Voilà ce que recherchait la demoiselle depuis de nombreuses années. La manipulation, les relations purement calculées, le protocole à suivre... Tant de barrières, d'obligations encrées dans son être l'empêchant de libérer son identité propre. Mais qui était-elle vraiment ? Zoey avait parfois l'impression de ne pas le savoir. Formatée pour correspondre à un idéal, elle réalisa à cette période bien précise de sa vie qu'elle ignorait ce qui lui appartenait et ce qu'on avait passé des années à infiltrer dans son esprit.

Ce fut un beau matin qu'elle prit la décision de faire tout ce qui lui passerait par la tête. Restant la peste arrogante, élitiste, hautaine et manipulatrice, Zoey devint plus imprévisible. En dépit de sa jovialité apparente, elle pouvait vous sortir les pires horreurs du monde sans raisons, juste pour vous provoquer ou tout simplement car elle ne supportait plus de mentir. Continuer de faire des ronds de jambes juste car on ne doit pas blesser un autre sang-pur. Elle avait beau être une fervente participante du mouvement, elle ne s'écraserait plus devant personne. Grande-gueule. Voilà une chose dont elle aurait pu se passer...Au fil des années, Zoey gagna donc la réputation de harpie au physique ravageur. Pleinement consciente de sa beauté, elle n'hésita pas à en jouer une seule seconde, cumulant les aventures, jouant avec plusieurs garçons à la fois juste pour savoir lequel la préférait. On dit que les hommes aiment les femmes de caractère. Une rumeur fondée à voir ceux la courtisant. Oh bien sûr elle dérange. Nombreux sont ceux à ne pas aimer ses manières, à entrer en conflit permanent avec l'héritière des Watson. Sa franchise, son attitude, ses propos ou parfois même son intelligence dérange... Comment réagiraient-ils s'ils savaient que Zoey est bien loin de s'arrêter là.