Ange est née dans la mort. Une mère trop attachée aux valeurs de la naissance, un père trop aimant pour le lui refuser. Dans le fond, tout était prévu pour que tout se passe correctement. Mais il fallu une erreur, une seule, pour tout que s’effondre. La petite fille est née dans une maison ou a régné l’amour un jour. Il était prévu qu’elle grandisse aux côtés de parents aimants, dans une demeure pleine d’amour et de rires. Au lieu de quoi elle n’a connu que l’obscurité et l’ignorance. La haine même. Car c’est un sentiment d’animosité qui s’est glissé dans le cœur de son père, retirant au passage toute trace de l’amour qu’il aurait dû porter à sa petite fille. Quand on voulut lui passer le bébé, il ne la regarda même pas, incapable de comprendre comme cet être si fragile avait survécu alors que la femme qu’il aimait, si forte pourtant, venait de décéder. Cet enfant n’était qu’un cadeau empoisonné dont il se serait bien débarrassé. Mais David Halley avait une réputation à tenir. Il ne pouvait jeter la blondinette dans un caniveau ou dans un orphelinat. Tout le monde savait que sa femme était enceinte, il ne pouvait prétendre que l’enfant était mort avec elle. La colère noire dans laquelle il entra marqua la mémoire des docteurs moldus qui venaient d’accoucher sa femme et de tenter de lui sauver la vie. Ils avaient fait tout ce qu’ils avaient pu. Mais aux yeux d’un sorcier tel que David Halley, ce n’était pas suffisant, loin de là. Toute sa vie, il garda un sentiment de responsabilité.  Il s’en voulait de ne pas avoir convaincu sa femme d’accoucher à Sainte-Mangouste, ou avec des Médicomages. Pourquoi n’avait-il pas essayer plus fort ? Il n’en savait rien. Il voulait lui faire plaisir. Et par sa faiblesse, il avait perdu ce qu’il avait de plus cher. L’homme froid et distant chassa l’homme chaleureux et aimant. Lys l’avait changé. Elle avait transformé le séducteur sans cœur en homme bon. Elle l’avait convaincu d’abandonner ses idéaux de pureté du sang. Mais cette époque était à présent révolue et l’homme devait penser à l’avenir. Son avenir, celui de la fille. LA fille. Pas SA fille. Car jamais il ne considérerait Ange comme tel. Elle méritait à peine de porter son nom. Il ne la considérerait jamais comme sa descendante. Déjà des plans de mariage se dessinaient dans son esprit. Un grand mariage avec un sorcier au sang immaculé. Peut-être alors se rendrait-elle utile. Lui aussi, il se remarierait. Il avait besoin de quelqu’un pour éduquer la petite, il n’avait pas le temps de s’occuper de ça. Il ne le prendrait certainement pas. Il chargea quelqu’un de ramener Ange dans le manoir familial où il organisa une fête pour la présenter à la société sorcière. Quelques mois plus tard, il se remaria, mais jamais il n’oublia le souvenir de Lys. Souvenir qui se rappellerait à lui un peu plus chaque année tant sa fille ressemblait à celle qu’il avait perdue. Ce qui ne fit que renforcer sa haine à son égard.

Imaginez grandir dans l’indifférence la plus totale. Ange a rapidement dû suivre un entraînement intensif pour devenir une des meilleures sorcières. Elle ne pouvait pas pratiquer la magie, mais elle pouvait apprendre l’histoire, mémoriser sorts et potions. On cherchait à faire d’elle un véritable petit robot, mais la petite fille avait d’autres rêves, d’autres aspirations. Elle voulait être libre. Grandir comme elle l’entendait, avec les enfants moldus. Car, dans le fond, dans son univers être une sorcière n’avait rien d’extraordinaire. Pas du haut de ses cinq ans. Elle réalisa ce que cela impliquait quand elle atteint l’âge des neuf ans et que ses premiers pouvoirs apparurent. Alors Ange apprécia un peu plus ses origines. Ces dernières impliquaient qu’un jour elle serait assez puissante pour se venger. Car la vengeance était devenue une motivation pour la jeune demoiselle qui nourrissait une haine de plus en plus grande pour celle qui était sa belle-mère et tutrice. Celle-ci s’en donnait à cœur joie quand il s’agissait de réprimander la petite fille. L’histoire obscure qui la liait depuis jours au père d’Ange n’arrangeait rien. Ils étaient censés se marier depuis toujours, mais l’arrivée de Lys dans leur vie avait tout chamboulé. L’amour. Sentiment qu’elle haïssait depuis toujours. Elle ne comprenait pas que sa vie ait ainsi été dérangée à cause d’une blondasse qui n’en avait qu’après l’argent de David. Pourtant, leurs fiançailles furent annulées. Et elle dut se rendre à l’évidence, elle n’aurait pas l’homme qu’elle était censée avoir depuis toujours. Jusqu’à la mort de la jeune femme. Alors les choses avaient changé. Mais elle était à présent obligée de supporter la progéniture de son ancienne ennemie. Pire, elle devait l’élever. Et chaque jour, elle voyait un peu plus de Lys dans Ange. Mère et fille se ressemblaient de plus en plus. Tant par le caractère que part le physique. Elle tentait tant bien que mal pourtant de détruire le sourire de la petite fille, mais rien de ce qu’elle faisait n’y changeait quelque chose. Pire, cela semblait renforcer la détermination de la petite à la contrarier. Pourtant, elle ne pouvait pas lui faire trop de mal. Ce serait mal venu que d’apparaître avec une enfant pleine de bleues ou ayant subi des sortilèges impardonnables en société. La petite devait garder un certain standing, ou personne ne voudrait d’elle pour un mariage arrangé.

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Ces histoires de mariage passaient bien au dessus de la tête de la demoiselle. À onze ans, pourtant elle se mit à comprendre qu’elle n’aurait pas le choix. Et dans le fond, elle avait toujours su avec qui elle finirait ses jours. Lucian et elle ne s’étaient pas quittés depuis leur rencontre des années plus tôt. Jamais. Leur complicité, leur amitié, c’était ce qui la faisait tenir dans cette demeure. Elle savait qu’un jour, il la sortirait de là, il l’avait promis. Et lui, avec ses deux années de plus, il lui semblait si grand, si fort. Elle s’était toujours sentie en sécurité à ses côtés. Ange savait qu’il ne la laisserait jamais tomber, tout comme elle serait toujours là pour lui. Pourtant, quelques années plus tard, leur relation changea. Alors qu’Ange entrait à Poudlard, le jeune homme lui avait déjà deux ans d’avance sur elle. Il connaissait bien les lieux, les gens. Ses idées s’étaient radicalisées. Les disputes avaient commencé, la guerre était lancée. Elle aurait pu tenter de l’oublier, mais elle en était incapable. Elle préférait le détester plutôt que prétendre qu’il n’avait jamais fait partie de sa vie. Elle qui, petite, avait été si amoureuse de lui n’arrivait plus aujourd’hui à voir au-delà du jeune homme qu’il était devenu. La naïveté de l’enfance s’était envolée. Jusqu’à ce qu’elle finisse par le retrouver.

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Ange a dix ans environ. C’est l’été. Elle entend sa belle-mère crier dans la maison, au loin. Mais la petite fille ne peut pas y retourner. Elle est comme figée sur place, incapable d’aller affronter la colère de sa marâtre. Alors elle s’élance. Court, vite, loin. Elle s’éloigne de cette demeure froide et sans vie qu’elle n’a jamais considéré comme sa maison. Elle s’est toujours sentie plus chez elle quand elle se rendait chez Lucian que dans ce manoir impersonnel. Puis elle trébuche. Enfin, c’est ce qu’elle croit, car en fait la petite fille vient de rentrer en collision avec quelqu’un. Son cœur se serre en voyant un garçon qui semble plus âgé qu’elle. La blondinette s’excuse. Il lui sourit avant de lui tendre la main pour l’aider à se relever. Ange se rend alors compte qu’il est blessé et propose de le ramener chez elle pour le soigner. Elle apprend alors qu’il s’appelle Mordred et alors la demoiselle sait qu’ils sont faits pour s’entendre. Elle aime cet éclat franc et malicieux qui brille dans son regard. En pénétrant dans le manoir, elle lui fait signe de se taire jusqu’à sa chambre. Là, elle se prend pour une infirmière en lui donnant un coton imbibé d’eau et un sparadrap. Tout se serait déroulé parfaitement si le père de la demoiselle n’avait pas décidé d’entrer à l’improviste dans la pièce, chose qu’il ne faisait jamais. Il posa les yeux quelques instants sur le garçon et entra dans une colère noire avant de le mettre à la porte et de consigner Ange, lui interdisant au passage de revoir Mordred. Ordre qu’elle ignora délibérément. Mais lui aussi, elle finit par le perdre. Comme si le sort s’acharnait sur ses amitiés d’enfance. Il était pourtant un sorcier lui aussi, mais une fois à Poudlard, les années les séparèrent. Un gouffre s’était creusé et très vite la fierté de la jeune femme l’empêcha de faire un pas vers son ancien ami. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que plus tard son destin sera lié à celui du jeune homme.

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe. Elle n’est officiellement plus fiancée à Lucian, même si cela, elle s’en doutait déjà. Pour une fois, sa belle-mère avait accédé à sa demande : ne pas lier la vie de Ange à son ancien ami. Mais elle avait trouvé un moyen de faire regretter à la jeune femme sa décision. Dans le fond, elle avait dit cela sur un coup de tête. Une nouvelle dispute, plus violente que les autres, dans le train de Poudlard avant de rentrer pour les vacances d’été. C’était tout ce qu’il avait fallu pour que la jeune femme passe un été horrible. Elle s’était sentie si mal de ne pas pouvoir récupérer le jeune homme et de ne pas non plus être capable de l’oublier. Pourtant, elle n’avait jamais imaginé que sa marâtre la prenne au pied de la lettre et se mette si vite en quête d’un nouveau parti. Elle ne pouvait pas savoir que cette dernière était déjà en négociation avec un autre grand nom de la magie. Nom que la jeune femme détestait plus que tout suite à des années de guerre avec sa représentante féminine. Alesya Lestrange et Ange se détestaient depuis toujours. Il n’y avait aucune raison particulière à cette inimitié. Elles ne pouvaient simplement pas se supporter. Le simple fait de se retrouver dans la même pièce engendrait une tension insoutenable entre les deux jeunes femmes et ce depuis toujours. Car elles se connaissaient bien, ou plutôt, elles se connaissaient depuis longtemps. Elles avaient toutes les deux grandi au sein d’une communauté restreinte de sang-pur pleine aux as qui plus est. Les galas, les repas mondains avaient rythmé l’enfance et l’adolescence d’Ange qui, pourtant, détestait ce genre de mondanité. Elle détestait surtout ceux et celles qui s’y trouvaient. Tous ces gens qui se croyaient si forts, si intouchables à cause de leur sang. Elle était certaine que dans les arbres généalogiques de tous ces gens se trouvaient au moins un moldu. Mais tout cela n’était qu’hypocrisie et la demoiselle avait hâte d’être assez grande pour avoir son mot à dire. Elle avait toujours su qu’en épousant Lucian, elle jouirait d’une certaine liberté, même si elle aurait encore quelques obligations. À présent, son avenir semblait bien sombre. Ses jours étaient liés à un autre et elle n’était pas certaine qu’il soit aussi bon avec elle que Lucian ne l’aurait été. Elle ne le détestait pas à proprement parler, mais les sentiments qu’Ange ressentait à l’égard d’Alesya avaient déteint sur son frère, son nouveau fiancé, Rohàn Lestrange. Elle ne pouvait l’accepter, et pourtant elle n’avait pas d’autre choix. Au début de l’année, son père succomba à un mal qui le rongeait depuis des années sans que personne n’en ait rien su. Cela finit de sceller le sort de la jeune femme qui, pour la première fois depuis longtemps, voulait rendre fier ce père qu’elle n’avait que trop peu connu. Alors elle avait signé, dans un élan d’inconscience, son esprit encore embrumé par le deuil, elle avait signé ce contrat. Mais maintenant que le temps a passé, elle n’est plus si certaine de son choix, au contraire, elle veut trouver la faille à ce contrat, car il y en a toujours une.

Le destin n'est pas à l'origine de cette rencontre, elle n'avait rien de fortuite, mise en scène finement jouée par le jeune homme et réfléchie par celle qui, depuis toujours, cherche à pourrir la vie d’Ang. Elle a été manipulée, ils ont joué avec elle comme si elle n’était qu’une vulgaire poupée de chiffon qu'ils pouvaient s'amuser à briser. Il a réussi là où elle a toujours échoué : il a brulé ses ailes, l'a brisée comme personne avant lui. Ange lui avait offert son coeur et il s'est contenté de le piétiner, sans se soucier des ravages qu'il ferait sur sa vie, sur son existence toute entière, bouleversant ses plus profondes convictions. Il l’avait rendue heureuse, durant le peu de temps qu’a duré leur idylle. Heureuse comme jamais elle ne l’avait été auparavant. Quand il lui a avoué la vérité, Loki n’a peut-être pas réalisé de la place qu’il s’était faite dans le cœur de la jeune femme. Pourtant après cette confession, elle n’a cessé d’espérer. Elle était prête à pardonner, oublier toute cette histoire et recommencer à zéro. Elle était d’accord de lui donner une nouvelle chance, car elle l’aimait. Elle se sentait stupide de penser de la sorte, de ne pas être capable de l’oublier, mais elle avait le sentiment qu’elle n’était pas la seule à ressentir tout cela. Elle en était même persuadée et leurs brèves retrouvailles lors du bal de Noël  en fut la confirmation. Elle était prête à tout quitter pour lui, tout abandonner sans jamais se retourner. Mais l’attaque orchestrée contre la belle-mère de la jeune femme fit échouer tous leurs plans. Cette attaque était censée assurer leur liberté mais elle précipita leur sort. Ange fut alors l’objet d’un chantage infâme : épouser Rohàn ou voir Loki être enfermé pour toujours à Azkaban. Le choix ne fut pas difficile à faire. Même si il brisa le peu d’espoir que la jeune femme gardait. Dans le fond, elle aimera toujours le jeune homme. Il est son premier véritable amour, le premier pour qui elle était prête à changer du tout au tout. Mais Ange sait qu’elle ne pourra plus jamais être avec lui et préfère le savoir heureux quelque part, même si cela lui brise le cœur.

Je me suis laissée aller. Le désespoir m’a engloutie et je l’ai laissé faire. Première erreur. J’ai laissé ma belle-mère prendre le pouvoir sur moi. Deuxième erreur. Mais cette époque est finie. Je vais trouver un moyen de retrouver mon bonheur, de me défaire de ce contrat qui lie ma vie à celle d’un autre, un autre que je n’ai pas choisi. J’ai laissé trop de choses m’abaisser cette année. J’ai laissé trop de gens se mettre en travers de ma route. Je ne veux plus retrouver ce coin sombre qui se trouve dans mon cœur. Je veux en sortir. Je ne veux plus me sentir seule, abandonnée. Je ne veux plus avoir affaire à ce fantôme de moi-même, je ne veux plus être une ombre. Je veux vivre, et ma nouvelle vie commence aujourd’hui.