« Ce n'était pas un jeu. » Aujourd’hui encore, quelques jours après leur rencontre à l’ôrée de la forêt interdite, ces mots la hantaient. Elle s’était tue pendant quelques instants, ne sachant que répondre. Mais elle ne pouvait pas aller dans ce sens, elle devait aller à l’encontre de ses sentiments, faire taire ce cœur qui battait si vite dans sa poitrine. Ange était fiancée à présent et elle ne devait pas l’oublier. Même si cela ne lui faisait pas plaisir, même si elle avait tout fait pour se rebeller dans un premier temps, elle avait depuis annoncé officiellement qu’elle acceptait d’épouser Rohàn, qu’elle ne ferait plus rien pour aller à l’encontre des dernières volontés de son père. Ange savait qu’elle s’était attirée plus d’ennemie encore maintenant que tout était officiel, toutes ces filles qui cherchaient à attirer l’attention du Serpentard, sa sœur qui ne pouvait pas accepter cette nouvelle. La Serdaigle elle-même peinait à réaliser qu’elle deviendrait un jour la belle sœur de celle qu’elle avait toujours considérée comme sa pire ennemie. Elle n’arriverait pas à se faire à l’idée qu’elle devrait se marier sous son regard, vivre au sein de sa famille. À dire vrai, les évènements avaient fini par la dépasser. Elle avait l’étrange impression d’être devenue témoin de sa vie, que son corps agissait, mais qu’elle n’en était plus le maître à présent et sa dernière escapade dans les bois n’avait en rien arrangé sa confusion. Elle savait où se trouvait son cœur, elle savait qu’elle en aimait un autre, mais il ne l’aimait pas comme elle l’aimait, en aimait même une autre et Ange ne pouvait se résoudre à trahir son père. C’était sûrement pour cela qu’elle avait décidé d’accepter le rendez-vous avec son promis. Il était temps qu’elle apprenne à mieux le connaître, à ce qu’il apprenne à mieux la connaître elle. Elle était pleine de préjugés à son égard et elle devait s’en défaire si elle voulait que leur mariage fonctionne, chose dont elle n’arrivait pas à se persuader. Personne même n’y arrivait. Ses amies ne la comprenaient pas, personne ne la comprenait. Personne ne parvenait à comprendre comment Ange pouvait espérer que les choses se passent dans le meilleur des mondes. Rohàn n’était pas ce qui pouvait lui arriver de mieux selon l’opinion publique, mais la jeune femme restait hermétique à toutes ces rumeurs et ces paroles. Elle tenait à garder la tête haute et à prétendre que tout cela l’enchantait. Les autres n’étaient cependant pas dupe, tous avaient remarqué à quel point elle semblait soucieuse, distraite. Elle suivait très peu en cours, ses pensées s’envolant vers d’autres lieux qui n’appartenaient qu’à elle seule, on devait souvent se répéter quand on lui adressait la parole, car elle ne parvenait pas à rester concentrée sur ce qu’on lui disait tant elle s’en faisait pour tout.

Son estomac se noua alors que les premiers rayons du soleil vinrent lui chatouiller le nez. Elle savait qu’elle avait rendez-vous dans quelques heures avec le Serpentard et redoutait à présent cette rencontre. Surtout qu’elle n’avait pas été une fiancée exemplaire dernièrement. Elle n’osait imaginer sa réaction si il venait à apprendre qu’elle avait vu Loki loin des regards. Mais il était impossible qu’il soit au courant, elle avait bien fait attention à n’en parler à personne et à ne surtout pas être suivie. La jeune femme s’habilla rapidement et sauta le petit déjeuner, préférant s’attarder sur ses devoirs en retard plutôt que de croiser quiconque aujourd’hui avant d’affronter le jeune homme. Elle ne savait même pas de quoi ils parleraient, car là se trouvait le fond du soucis : elle n’avait rien à lui dire. Ils n’avaient jamais été amis, elle avait toujours détesté sa sœur, sa famille, tout ce qu’il représentait. Les choses ne pouvaient que mal se passer entre eux, elle devait être réaliste et pourtant la Serdaigle se promit de faire un effort, quitte à jouer la comédie, quitte à devenir une autre. Depuis toujours elle offrait un visage différent de ce qu’elle était réellement aux autres élèves, elle était donc passée maître dans l’art du déguisement de ses sentiments. Elle n’irait pas jusqu’à afficher un sourire jovial, loin de là, mais elle ne chercherait pas à le contredire sur tout comme elle aurait pu le faire si elle n’avait pas tant changé durant ces dernières semaines. Son cœur se mit à battre plus vite encore alors que la demi heure précédent l’heure de leur rendez-vous fut annoncée à l’horloge de l’école. Ils avaient décidé de se retrouver à la bibliothèque, lieu neutre et public où ils devraient contrôler tous les deux leur tempérament de feu. Elle rangea bien vite livres et parchemins, espérant arriver avec une avance confortable sur le jeune homme. Elle aurait pu faire l’inverse, essayer d’arriver après lui, ainsi elle n’aurait pas dû réfléchir à la manière dont elle devait le saluer une fois qu’il arriva près de la table qu’elle avait choisie. Le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine. « Rohàn », dit-elle de manière asses solennelle, invitant le vert et argent à s’asseoir en face d’elle. « Comment vas-tu ? » On sentait que son ton était forcé, presque faux, mais la jeune femme ne cilla pas, posant un regard sur le jeune homme véritablement intéressé.

Elle se moquait de lui. Quelle autre raison aurait-elle de lui proposer un rendez vous aujourd'hui, après... après sa petite escapade ? Il n'osait même pas y accoler un véritable nom, des visages et des idées, il ne voulait pas savoir si elle avait été heureuse hier, non, ce qui lui importait, c'était de briser son petit sourire d'oiseau et lui arracher les ailes pour qu'elle devienne son oiseau à lui. C'était SA fiancée. Et certes, c'était sans doute puéril de sa part que de l'assimiler à une possession, mais qu'était-elle d'autre, réellement ? Une jolie femme née d'une bonne famille, élevée pour ce seul but que de donner des héritiers à une autre famille de sang-pur, sans broncher. Une hôtesse charmante pour accueillir de grandes réceptions, une femme intelligente pour s'occuper de l'éducation et des dépenses quotidiennes. Quelqu'un pour réchauffer son lit, s'il osait espérer. Sa propre expérience familiale ne l'avait pas amené à pensé un seul moment à l'amour, même à l'amitié. Ses parents avaient leurs vies, séparées, n'offrant qu'une facade de circonstance pour les yeux du monde. Surement, surement, Ange serait capable de se tenir au moins ainsi ? Il ne lui demandait rien, si ce n'est sa fidélité... Et encore. Qu'elle s'envoie en l'air avec qui elle voulait derrière les scènes, après leur mariage. Après lui avoir donné des enfants, de vrais héritiers.
Mais qu'elle... batifole, devant tous, faisant de lui un sujet de rumeurs et sarcasmes. Ca, hors de question. Il n'allait pas tolérer ca longtemps, il allait y poser un terme tout de suite même ! Lui qui la sortait presque du ruisseau, qui acceptait sa main, alors qu'il aurait sans doute pu trouver mieux ailleurs... Et elle le remerciait ainsi.
Dans sa fureur, il ne se rendait pas compte qu'il devait faire peur aux gens qui le croisaient, marchant à grandes enjambées vers le lieu de leur rendez vous, le regard meurtrier, la mâchoire serrée jusqu'à lui faire mal à la tête. Il détestait qu'on se paye sa tête. Et Halley se payait sa tête plus que n'importe qui.

Terrifiant une première année au passage d'un couloir, lui faisant une grimace de dégout à son petit cri de frayeur, il s’arrêta un moment pour reprendre son calme, fermant les yeux. Il fallait qu'il se reprenne, il ne pouvait pas arriver devant elle dans un état pareil, sans la terroriser. Et là, plus de mariage, malgré les contrats et leurs parents, même sa semblante dette envers son défunt père risquerait de ne pas faire le poids contre un bras cassé. Quoiqu'il aurait aimé l'entendre hurler. Se mordant les lèvres et rejetant ses cheveux en arrière avec les mains, appliquant une dose migraineuse de pression contre ses tempes, il reprit sa respiration, utilisant les quelques notions d'occlumencie qu'il avait glané dans les livres. Il ne serait jamais un maitre de l'art de lire dans les pensées, mais il avait compris très vite l'utilité de pouvoir se calmer en quelques gestes et d'offrir au monde un visage vide d'émotions. Ca marchait aussi avec les fiancées récalcitrantes. Mais quelle petite.... ! Non pas de mot en fait. Il lui avait fait confiance. À sa façon, en la surveillant, mais il pensait que c'était fini les petites querelles et rébellions, elle était d'accord cette fois pour qu'ils soient liés à vie, pas pour fricoter partout dans son dos ! Comment il allait pouvoir savoir si elle tiendrait ses promesses, une fois mariés ? Il ne voulait pas d'une menteuse, pas d'une tricheuse.

Il ne voulait pas passer après quelqu'un d'autre.
Là, voilà, il l'avait dit. Il était le premier. Pas en intelligence, pas en classe, mais il voulait être le premier, tout ce qu'il avait entrepris avec sa sœur avant qu'elle ne lui fasse le traitement silencieux, c'était dans ce but précis que d'être au dessus des autres. De ne pas avoir à attendre, à patienter, de ne pas avoir à partager. Bref, on en revenait toujours à son petit problème de possession. Seulement, s'arracher les cheveux à deux pas de leur point de rendez vous n'était pas une réponse adéquate à ces ennuis. Et il n'était même pas sur qu'elle soit vraiment... enfin qu'elle ait vraiment vu quelqu'un. Il avait juste cette impression de rage dans le fond de la gorge, depuis qu'un des petits qu'il (terrorisait) employait pour surveiller les gens lui avait expliqué qu'elle avait eu un comportement suspect. Et une cape couverte de neige et de sapin.
Une dernière respiration ample pour que tout redevienne paisible, et il marcha d'un pas plus normal, pénétrant dans la bibliothèque sans un seul regard pour ses occupants, ne cherchant qu'une seule chose, Ange. Apercevant ses cheveux blonds, enfin, il réprima une vague de colère et vint s'assoeir en face d'elle, bloc de marbre, ne répondant pas tout de suite, se contentant de la regarder. Imaginant ce qu'elle pouvait ressentir. Peut-être de la honte ? Un peu de culpabilité, au moins. Ou alors, un amusement sans borne de le voir se débattre dans sa jalousie alors qu'elle le détestait. « Très bien, et toi ? En fait, non, ne réponds pas. » Seule preuve de sa colère prête à exploser, ses yeux flamboyants qui cherchaient à la plaquer contre sa chaise. « Je suis certain que tu vas très bien. Tellement bien que tu t'autorise même... quelques folies. » Et il ne parlait pas d'une paire de chaussures, oh que non.

Elle avait tellement lutté contre ce mariage, s’était tellement rebellée, que finir par l’accepter avait été une délivrance, pour un temps du moins, car à présent qu’elle avait revu Loki, elle comprenait tout ce qu’elle perdait, tout ce qu’elle aurait pu vivre si elle n’avait pas dit ‘oui’ à Rohàn. Tout ce qui aurait pu se passer. Mais à présent il ne restait plus que l’espoir. L’espoir qu’un jour elle parvienne à se faire entièrement à cette idée, qu’elle apprenne à apprécier le jeune homme, à éprouver une certaine affection à son égard. Pas de l’amour, car leur passé était trop lourd, trop de choses s’étaient produites, mais peut-être apprendrait-elle à l’apprécier un peu plus et peut-être que lui aussi finirait par éprouver un certain attachement vis-à-vis de sa futur femme. Elle en doutait pourtant. Et cela lui faisait peur. Elle craignait de devenir une de ces femmes vides, une femme sans personnalité qui fait tout ce que son mari lui ordonne de faire. Mais elle se doutait que cela ne risquait pas d’arriver, même si elle se montrait moins combattive ces derniers temps, moins vivante qu’avant, elle savait que ce n’était que passager. Ou du moins l’espérait-elle. Elle tenait à son indépendance, à sa liberté, elle ne voulait pas que ces fiançailles deviennent des entraves, quelque chose qui la retiendrait constamment de vivre sa vie comme elle l’entendait. Mais elle savait que le jeune homme ne voyait pas les choses comme elle et cela lui faisait peur. Elle savait que le Lestrange pouvait entrer dans des colères noires et elle ne désirait pas en faire les frais, mais ce n’était pas pour cela qu’elle allait dire ‘amen’ à toutes ses conditions. Elle aussi avait des conditions à poser, des exigences. Elle tenait à être traitée avec le respect qui lui était dû, elle ne voulait pas devenir la chose de Rohàn, elle était sa fiancée, point.

C’était en partie ce qu’elle était venue lui dire, ce pourquoi elle avait désiré qu’ils se rencontrent et se parlent entre quatre yeux. Sa rencontre avec Loki l’avait chamboulée, ce qu’ils s’étaient dit l’avait secouée. À présent, elle devait mettre les choses au clair avec Rohàn, qu’ils parlent de ce mariage, de leurs responsabilités l’un envers l’autre, de toutes ces choses auxquelles elle n’avait pas réfléchies en acceptant et qui maintenant l’accaparaient. Car elle ne connaissait pas le point de vue du jeune homme sur la chose, elle savait juste qu’il n’était pas contre l’idée de s’unir à elle, ou en tous cas n’avait jamais émis d’objection. Maintenant qu’il se trouvait devant elle, Ange devait avouer qu’il était séduisant, impressionnant, surement un parti convoité par nombre de filles. Elles auraient sûrement été heureuses de se retrouver à sa place, auraient apprécié l’opportunité, car n’importe qui ne pouvait pas se voir offrir la chance d’unir ses jours à un Lestrange, au fils aîné de la famille qui plus est. Pourtant la Serdaigle ne voyait pas les choses de cette manière. Pour elle, tout cela n’était qu’un arrangement politique, une façon d’unir deux familles. Elle ne s’était jamais imaginée s’engager dans ce genre de chose, elle avait toujours imaginé qu’un jour elle rencontrerait quelqu’un qu’elle aimerait et qui l’aimerait et que cette personne serait celle avec qui elle passerait le restant de ses jours, pas le frère de sa pire ennemi, pas quelqu’un dont les idéaux la répugnaient.

« Très bien, et toi ? En fait, non, ne réponds pas. » Elle entendait la menace pointer dans sa voix et son sang se glaça. « Je suis certain que tu vas très bien. Tellement bien que tu t'autorise même... quelques folies. » Elle se figea. Comment pouvait-il savoir ? Elle n’en avait parlé à personne, avait fait attention à ce qu’on ne la voie pas. Elle ne voulait pas qu’on lance de nouvelles rumeurs à son sujet, elle ne voulait pas défier Rohàn alors qu’elle venait d’accepter leurs noces. Elle n’avait pas été voir Loki dans le but de le contrarier, elle avait été le voir car elle en avait ressenti le besoin. Elle avait eu besoin de connaître la vérité, de lui apprendre elle-même qu’elle allait se marier. Elle aurait pu nier les faits, prétendre de ne pas savoir de quoi il voulait parler, mais elle voyait bien dans son regard qu’il savait pertinemment de quoi il parlait et qu’elle n’avait aucun intérêt à le chercher en ne lui avouant pas la vérité de but en blanc. Elle dévia le regard, rougit légèrement, incapable de s’exprimer pour l’instant. Il avait raison de lui en vouloir, elle ne s’était pas bien comportée. C’était du moins la première idée qui lui vint en tête, car très vite l’ancienne Ange reprit la place et se révolta. Elle vrilla son regard sur le jeune homme, plongeant ses iris bleutés dans les yeux sombres de Rohàn. « Tu n’as aucun reproche à me faire Rohàn, nous ne sommes pas encore mariés et je n’ai rien fait de mal. » Ce qui était vrai. Ils n’avaient fait que parlé, ne s’étaient presque pas approchés l’un de l’autre. « Je suis ta fiancée, pas ta chose, je n’ai aucun compte à te rendre. Je peux encore agir comme bon me semble. » Son ton était ferme, décidé, pourtant elle savait que la bataille ne serait pas aussi facilement gagnée. Elle finit par soupirer, elle n’était pas venue pour affronter Rohàn, elle n’était pas là pour s’opposer à lui et recommencer à lutter, elle voulait déposer les armes et discuter comme elle l’aurait fait avec n’importe qui d’autre dans ce genre de situation. « Écoute, je n’ai pas vu Loki hier pour te contrarier, j’avais des choses à lui dire, je devais mettre les choses au claire. Je ne veux plus me battre, tu comprends ? J’ai accepté de t’épouser et je ne suis pas revenue sur ma décision. » Elle baissa le regard quelques instants, cherchant ses mots. « J’aimerais que l’on discute comme deux personnes civilisées, que nous nous mettions d’accord sur les détails de cet … arrangement. » Elle se mordit la lèvre, espérant qu’il comprendrait qu’elle ne désirait pas d’esclandre, mais elle savait que la partie n’était pas gagnée.

Et elle ne répondait pas. Tétanisée, cherchant la fuite, le bon mot pour s'excuser, sans doute. Se demandant comme il avait pu savoir, si elle s'était montrée suffisamment discrète, si l'autre avait pu parler... Ca le rendait dingue. Elle n'avait même pas pris la peine de dénier, de se montrer surprise, non, c'était comme si elle s'en foutait qu'il soit au courant. Heureusement qu'il avait suivi son intuition, qu'il s'était douté qu'elle l'avait trompé. Sinon, il serait comme ces autres hommes, cocu sans le savoir ? Hors de question qu'on se rit de lui dans son dos parce que sa femme se permettait des aventures, il ne l'autoriserait pas. Bouillant intérieurement, il ne la quittait pas des yeux, attendant ses prochaines paroles. Qu'allait-elle dire ? S'excuser, non, elle était trop fière. En rajouter une couche, peut-être, pour jouer avec le feu, sans se douter à quel point il devait déjà se retenir de ne pas la frapper. Peut-être nier, ou lui assurer « qu'il ne s'était rien passé d'important ». Mais on s'en foutait, de ca ! Il se foutait bien de savoir si elle avait couché avec un mec, deux, ou si c'était resté platonique, il ne voulait pas qu'elle voit d'autres hommes, pas dans un intérêt amoureux. Elle était sienne. Que lui aille voir ailleurs lui paraissait à l'inverse plus que normal, mais il ne remettait pas en cause son éducation. Et disons qu'avec ses gouts...particuliers de ces derniers mois, il ne risquait pas grand chose, Ange n'aurait jamais de rivale. L'avantage des mecs, pour Rohàn, c'était qu'on ne pouvait pas s'y attacher. Et que même si on le faisait, c'était sans issue. Pas de danger donc, qu'elle ait à se plaindre de son infidélité, il n'irait pas semer de petits bâtards hors mariage.

L'apathie de Ange ne dura cependant pas, et elle reprit un air plus déterminé, ouvrant la bouche pour une fois de plus mettre à mal son tempérament, à n'en pas douter. Lui qui avait pensé ne pas la connaître du tout se rendait compte qu'il arrivait petit à petit à la lire. Ce qui était tant mieux, étant donné leurs rapports futurs. Il était préférable qu'il sache quand il faudrait effectuer une retraite stratégique, ou utiliser sa force de persuasion. Pas forcément ses poings, d'ailleurs.
Levant un sourcil, il l'écouta lui expliquer qu'elle pouvait encore faire ce qu'elle voulait. Ah oui ? Depuis quand fiancailles voulait dire libertinage effrené ? Et quand bien même elle n'avait « rien fait », oh, pauvre petite chose, il n'avait pas signé ce contrat pour qu'elle commence à jouer les juristes et joue sur les mots. Elle n'était pas sa chose ? Ca le faisait bien rire. Tout le but des mariages arrangés, c'était ca, non ? Qu'elle soit à lui, qu'il la fasse parader devant les autres comme un chien de race. Sentant que lui expliquer ca de cette façon ne ferait que la mettre plus en colère – c'était pas à lui de crier, à la base ? - il se tint cependant quoi et attendit la suite.
Ses yeux s'illuminèrent quand même de rage en apprenant enfin le nom de son « concurrent », et il grinça des dents. Ce Loki... ca allait finir par se régler dans le sang, avec lui. Le sang et la mort, au moins, parce qu'il avait l'impression qu'il contestait son autorité sur tous ceux qu'ils fréquentaient. Et pourtant, ce n'était pas non plus un enfant de cœur.

Voyant qu'elle avait fini, qu'elle se montrait sous un jour conciliant, il fit le tour de la table en silence, s'asseyant face à elle pour la rendre nerveuse. Il était physique, comme garçon, ce n'était pas sa faute. « Tu ne veux plus te battre. Et t'aimerais que j'y crois ? Je te connais, Ange. » Et il ne l'avait pas acceptée pour qu'elle devienne une pauvre colombe se morfondant dans sa cage. De la soumission, oui, mais pas une totale absence de confrontation, sinon autant se pendre tout de suite, il voulait une vie exaltante. Il porta une main sur ses joues pâles, traçant le contour de ses lèvres en se demandant absentément combien d'autres les avaient touchés, avant d'appuyer plus fort, attendant un mouvement d'inconfort de sa part, ou l'apparition du sang. L'un ou l'autre pour le calmer. Une fois satisfait, il retira ses doigts et prit un air pensif. Elle voulait négocier. Intelligente oiselle. « Mariage, Halley, tu peux le dire, non ? Nous allons nous marier, et avoir.... des enfants. » Une petite grimace intérieure à l'idée de devoir s'occuper de mômes, en espérant que l'instinct l'aide un peu et lui évite de finir par en faire des punching ball comme à la maison. « Mais soit, négocions. Tant que tu ne nous ruine pas, tu as accès à tous les comptes de la famille Lestrange. Tu récupères aussi la plupart des bijoux de famille qui prennent la poussière dans les coffres.. sauf ceux qu'Aleysia emmènera avec elle lors de son mariage. Et l'idée lui était déplaisante, de la voir partir un jour de la maison. Enfin, partir pour de bon. En échange, je ne demande pas grand chose. Que tu ne mette jamais dans l'embarras en public. » Elle pouvait bien l'engueuler en privé, lui faire la tronche et ne pas lui parler, tant que rien de tout cela ne se savait en dehors de leur manoir. Et ses yeux, une fois de plus, promettaient une rétribution à la hauteur de l'injure si elle s'y aventurait quand même.

Comment avait-il su ? Elle n’en avait parlé à personne, pas même ses plus proches amis. Elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine. Sa vie ressemblerait-elle donc à cela ? Une vie sans secrets aucun, sans place pour un jardin à elle, une vie où elle lui appartiendrait sans condition. L’air vint à manquer, elle prit une grande inspiration, incapable de détourner le regard. Elle en voulait au jeune homme, car elle comprenait à présent qu’il la faisait fuir, or elle ne pouvait pas accepter qu’il cherche ainsi à s’immiscer dans sa vie privée sans lui en faire part avant. Elle ne voulait pas garder de secret, dans le fond, mais elle ne voulait pas non plus qu’il sache tout d’elle ainsi. Elle avait le droit de voir quelqu’un sans qu’il ne soit au courant. Elle n’avait pas couché avec la dite personne, ils ne s’étaient même pas embrassés. De plus, il avait quelqu’un dans sa vie, Rohàn n’avait donc aucune raison de se sentir ainsi menacé. Elle était même prête à lui répondre si il avait des questions concernant sa vie privée. Elle préférait qu’il soit franc avec elle plutôt que d’utiliser des moyens tels que ceux auxquels il avait eu recourt. Elle ne voulait pas passer sa vie à jeter des regards par dessus son épaule pour s’assurer qu’elle n’avait pas à ses trousses l’un de ses pions. Le fait qu’il puisse ainsi la faire suivre à sa guise la dérangeait. Mais Ange sentait qu’elle n’aurait pas vraiment son mot à dire sur la chose, bien qu’encaisser sans se battre n’était pas dans son caractère. Elle sentait dores et déjà que la conversation qu’elle voulait avoir avec son fiancé serait plus compliquée que prévue, quoiqu’elle s’était attendue à ce qu’il ne soit pas des plus conciliants avec ce qu’elle avait à dire.

Elle finit par prendre la parole, se défendant avec véhémence, cédant à sa véritable nature, nature quelque peu explosive si l’on pouvait dire car Ange n’avait jamais été du genre à se laisser faire et si Rohàn ne l’avait pas compris, ce dont elle doutait fortement, il était temps qu’il sache à qui il avait affaire, mais la Serdaigle savait que son fiancé devait se douter qu’elle n’était pas du genre gentille femme soumise, au contraire. Elle n’avait jamais été de ces filles qui se taisaient et acceptaient leur sort, elle cherchait toujours à se battre, à se défaire des chaînes qu’on lui imposait, et si elle avait signé le contrat du mariage, ce n’était pas pour accepter tout ce qu’on lui imposait sans rien trouver à y redire, elle ne voulait pas que le Lestrange ait l’impression d’avoir un quelconque pouvoir sur elle. Elle avait fini par signer les papiers parce qu’elle avait un devoir envers son père, pas parce qu’elle voulait être là. Il devrait s’habituer à son attitude quelque peu rebelle et elle se doutait que de nombreuses tensions naitraient entre eux, mais Ange ne craignait pas l’avenir pour cela. Elle s’était battue avec Alesya toute sa vie, elle pourrait survivre à son frère, tout ce qu’elle voulait, c’était sa liberté.

« Tu ne veux plus te battre. Et t'aimerais que j'y crois ? Je te connais, Ange. » Le regard de la jeune femme se fit plus dur que jamais. Elle n’en revenait pas qu’il tienne de pareils propos. Il la connaissait ? Sur quelle planète ? Il pensait la connaître, ça oui, et peut-être savait-il une chose ou l’autre à son propos, mais il ne la connaissait pas. « C’est faux Rohàn. Tu connais peut-être une infime partie de moi-même, mais tu ne me connais pas, tout comme je ne te connais pas non plus, dans le fond, même si j’ai prétendu le contraire par le passé. C’est d’ailleurs aussi pour cela que je voulais te voir ce soir, car je veux apprendre à te connaître. Je ne veux pas me marier avec un parfait inconnu. » Son ton était plus détendu, mais on perçait encore la froideur dans ses traits. Elle n’arrivait pas à concevoir qu’elle avait accepté d’épouser quelqu’un comme Rohàn. Il était clair qu’ils n’avaient rien en commun. Elle réalisait à présent la portée de son choix, l’impact sur sa vie. Dans le fond, peut-être avait-elle accepté de devenir sa chose en signant ce contrat, mais Ange n’accepterait pas sa condition sans se battre. Elle ne voulait pas donner l’impression d’être soumise au vert et argent.

« Mariage, Halley, tu peux le dire, non ? Nous allons nous marier, et avoir.... des enfants. » Un frisson parcourut son échine. Avoir des enfants. Elle n’arrivait pas à s’imaginer dans un lit avec le Lestrange. Elle n’arrivait pas à imaginer se donner volontairement à lui. Se retrouver nue, sentir sa peau contre la sienne. Elle sentit son cœur se serrer. Elle n’avait pourtant pas le choix, car elle ne pourrait négocier cette clause du contrat, avoir des enfants étaient bien trop importants car le Lestrange désirait faire perdurer son nom, ce qu’elle pouvait concevoir. « Ne parlons pas de malheur avant d’y être forcés, veux-tu ? Je me fais à peine à l’idée que je vais devoir t’épouser. Ne me demande pas de concevoir passer la nuit à tes côtés, je risquerais d’en faire des cauchemars. » Ton ironique, regard dégouté. Certes, il était agréable à regarder, mais Ange peinait à s’imaginer entrain de coucher avec lui, l’idée lui était insupportable. De plus, elle ne voyait pas vraiment le vert et argent dans le rôle d’un père aimant, au contraire. « Mais soit, négocions. Tant que tu ne nous ruine pas, tu as accès à tous les comptes de la famille Lestrange. Tu récupères aussi la plupart des bijoux de famille qui prennent la poussière dans les coffres.. sauf ceux qu'Aleysia emmènera avec elle lors de son mariage. En échange, je ne demande pas grand chose. Que tu ne mette jamais dans l'embarras en public. » Ange soupira ; décidemment, il ne la connaissait vraiment pas. « Je n’ai que faire des bijoux et de l’argent Rohàn, tu oublies que mon père vient de mourir, j’ai hérité d’une grosse partie de sa fortune et quand bien même, je n’ai jamais été attiré par ce genre de chose. Et je te promets de tenir ma langue en public, mais ne t’attends pas à ce que je sois une colombe que tu puisses enfermer. » Elle réfléchit quelques instants à ses conditions, étonnée car elles étaient plus que raisonnables. « Voilà ce que je veux le plus, avoir un droit à ma vie privée. Je te promets que je ne commettrai aucune … Indiscrétion. Je ne veux juste pas que tu me fasses suivre. Si tu as quelque chose à me demander, je serai honnête et te dirai où je vais et ce que je vais faire si tu me le demandes, mais je ne veux pas vivre avec l’ombre d’un autre dans mon dos. » Elle espérait qu’il accède à sa demande, elle ne voulait pas passer sa vie à se faufiler, à tenter de rester loin de son radar. Elle voulait, dans le fond, qu’il lui fasse confiance, mais elle n’était pas sûre qu’il y arriverait, comme elle n’arriverait sûrement jamais à lui faire confiance non plus.

Le raisonnement d'Ange se tenait, même si elle protestait sur le fait qu'il l'ai percé à jour. Oh, certes, il ne devait pas tout savoir d'elle, il y avait encore bien des réactions qu'il ne savait pas prévoir, mais il avait été élevé dans cette optique de repérer rapidement le caractère des gens, et Ange se battrait toujours, sans aucun doute. Alors, oui, il ne la connaissait pas intimement, il n'était pas un expert de la jeune femme, mais elle ne pouvait pas l’empêcher de résoudre petit à petit le puzzle qu'elle représentait. Elle voulait le connaître ? Elle allait rapidement être servie, dans ce cas. Même si le mariage n'était pas encore avant quelques mois, il pesait sur leurs têtes comme une épée de Damoclès, et le temps s'écoulait de plus en plus vite, les coinçant tous les deux. Non pas qu'il s'en plaigne, voyons. Mais si Ange voulait éviter d'épouser un inconnu, il supposait qu'il allait devoir faire des efforts. Le soir était mal choisi pour les confidences, lui qui était déjà en rogne de ce qu'il avait appris, et la simple idée de laisser Ange passer ses barrières lui faisait grincer des dents, mais ils étaient deux dans cette affaire, et la serdaigle ne serait pas la seule à en subir les conséquences.

Cherchant à se défaire de sa sensation de faiblesse soudaine, il attaqua de nouveau, rappelant à la demoiselle tout ce à quoi elle s'était engagée en signant ce contrat. Si coucher avec elle ne lui faisait ni chaud ni froid, il remarqua très vite son frisson de dégout et ne put réprimer un sourire prédateur, narquois. L'idée la dégoutait tant que ça ? Il savait bien qu'elle n'était pas enchantée par cette partie là de leur vie commune, mais elle devrait pourtant l'accepter, accepter qu'il la prenne dans ses bras et lui fasse des enfants. Abuser d'elle n'était pas dans ses plans, même si les mauvaises langues pouvaient dire le contraire. Ce n'était pas parce qu'il avait la main leste qu'il tomberait forcément dans le cliché du mari violent, du mari abusif. Il n'y avait rien de glorieux à violer sa femme, surtout quand elle vivait à vos cotés et pouvait vous empoisonner sans problème. Le jeune Lestrange n'avait pas beaucoup d'états d'âmes mais ca, il ne le ferait jamais à Ange. « Si l'idée de coucher avec moi te répugne autant, il ne fallait pas signer, Ange. De toute manière, je ne te demanderais pas de dormir à mes cotés. » Si elle voulait retrouver un lit froid après qu'il ait effectué son « devoir » d'époux, tant pis pour elle, lui était habitué aux lits froids, aux réveils solitaires et à l'absence de réconfort. Il ne serait pas dépayser, c'était certain. Presque comme à la maison... à part qu'aucune petite frimousse ne viendrait plus jamais se réfugier dans son lit comme avant.

L'envie de rire le prit en l'écoutant dire que l'argent ne l'intéressait pas. Vraiment ? Elle récupérait la succession de son père, contre ses dernières volontés qui l'obligeaient à l'épouser, lui, le frère de sa pire ennemie, et elle osait lui dire que l'argent ne l'intéressait pas ? Si elle l'avait vraiment voulu, elle aurait refusé ce contrat, refusé ce plaisir à son père, et serait libre, aujourd'hui. Déshéritée peut-être, beaucoup moins riche surement, mais libre. Elle avait elle même préférer sa cage dorée à cette liberté, alors cette hypocrisie, cette suffisance quand à l'argent qu'il lui offrait à ses risques et périls – puisque les Lestrange, bien que famille influente et reconnue, ne roulaient plus sur l'or comme autrefois, comme toutes les familles de sang pur entachées pendant la dernière guerre – lui donnait envie de rire. Cela valait mieux que l'envie de pleurer, dans un sens. Mais rire aurait repoussé encore Ange, lui aurait fait croire qu'il se fichait de son avis, de ce qu'elle disait. C'était vrai dans un sens, mais il s'était déjà mis à dos la jeune femme et une fois de plus, ce serait bientôt elle qui vivrait à ses cotés, le verrait dans ses moments les plus vulnérables.
Qu'elle garde donc l'illusion de ne pas vivre dans une cage, c'était ça, son souhait ? Son unique souhait, la seule chose qu'elle voulait de lui ? L'oiselle ne savait pas négocier, était prête à lui céder beaucoup de droits, pour avoir cette simple impression de contrôler sa vie. Mais aucune partie de Rohàn ne la prenait en pitié, il n'y avait pas de voix en lui chuchotant au jeune homme d'avertir Ange de ce dans quoi elle s'embarquait, il n'était pas quelqu'un de prévenant, de chevaleresque. Si sa fiancée n'avait que ce seul vœu, il pouvait facilement y accéder... Mis à part le fait qu'il détestait ne pas réellement savoir. La parole donnée n'avait plus aucune importance à son époque, tout n'était que mensonges, et vérités déformées, il ne pouvait pas croire en la bonne foi de la jeune femme.
« Je ne sais pas, Ange. J'aimerais bien te croire, mais tu refuses d'imaginer une vie avec moi, comment puis-je savoir si tu ne seras pas un jour tentée de filer, de te trouver quelqu'un d'autre ? Je sais que je ne te plais pas. Un autre que lui aurait surement ressenti un petit pincement au cœur de ne pas être apprécié par sa fiancée, mais il avait été habitué trop jeune à la froideur entre époux. Tu veux une vie privée, tu veux ta liberté d'aller et venir, tu l'auras. Je ne te ferais pas suivre hors de Poudlard. À l'école, par contre, je ne peux rien promettre, étant donné que tu fais l'objet de bien des rumeurs. »
Elles n'étaient sans doute pas toutes fondées, mais il n'y avait pas de fumée sans feu, et si Rohàn allait parfois les vérifier via des oreilles qui ne lui appartenaient pas, c'était par le hasard, totalement du hasard. Quand bien même il la laisserait en paix, quelqu'un d'autre lui rapporterait ses agencements pour voir ses réactions, il ne voyait donc pas l'intérêt de lui promettre une chose qu'il ne pouvait pas respecter.

Dans le fond, peut-être la connaissait-il quand même. Ange avait toujours été fidèle à elle-même. Elle n’avait jamais changé de comportement selon les situations, selon les gens à qui elle s’adressait. Elle était qui elle était et la jeune femme le revendiquait fréquemment. Pourtant, il y avait tant de choses qu’elle ne disait pas, qu’elle gardait pour elle. Des pans entiers de sa personnalité qu’elle gardait secret, car incapable de les assumer au grand jour. Son besoin insatiable d’être aimée, par exemple. Elle qui avait tant souffert du manque d’amour de son père avait développé un complexe de ce côté là. Elle en était bien consciente, mais elle se gardait bien de le révéler à la première personne venue. Elle se rendait dès lors bien compte que signer ce contrat avec Rohàn c’était renoncer à toute forme d’amour dans sa vie. Serait-elle ne serait que capable de s’attacher à lui ? Elle en doutait. Et leurs enfants ? Pourrait-elle aimer leurs enfants comme elle était censée le faire ? Elle ne voulait pourtant pas qu’ils vivent ce qu’elle avait vécu. La bleu et bronze ne voulait pas donner naissance à des enfants qui grandiraient dans une maison dénuée d’amour. Elle ne pouvait s’y résoudre. Et pourtant, elle n’aurait pas le choix. Le contrat était clair sur la chose, elle devait procurer des héritiers à Rohàn, à quoi bon se marier aussi non ? Il voulait de parfaits descendants sang-pur. Aussi non, Ange n’aurait aucune valeur à ses yeux. Il ne voyait que ça en elle. Un sang-pur, une bonne sorcière. Et dans le fond, même si elle n’avait jamais nourri aucun espoir quant à un attachement quelconque entre eux, Ange n’appréciait pas cette situation. La Serdaigle aurait voulu qu’ils parviennent à trouver un terrain d’entente. Elle aurait voulu qu’ils finissent par devenir plus que deux anciens ennemis contraints de se marier à cause de la tradition. Amis, peut-être pas. Mais quelque chose du genre. Si ils avaient pu apprendre à se connaître tout en se détachant des préjugés accumulés au fil des années, peut-être que leur vision de l’autre en serait changée. Mais la jeune femme en doutait fortement.

Alors qu’elle réprima un frisson de dégout, lui semblait se délecter de la situation. Il fallait avouer qu’Ange avait préféré repousser ce moment où elle se poserait la question de savoir quoi faire quand ils finiraient par aborder le sujet. Elle avait toujours su qu’elle aurait certaines obligations envers Rohàn. Elle n’était pas stupide, loin de là. Mais encore une fois, la Serdaigle s’était voilée la face pendant un peu plus longtemps. À présent, elle n’avait d’autre choix que d’accepter la réalité : elle devrait finir par coucher avec Rohàn. Dès leur nuit de noces, probablement. Et cette idée la révulsait. Lui ne semblait pas s’en soucier. Après tout, il devait avoir vu de nombreuses filles circuler entre ses draps. Elle n’était qu’un nom de plus à ajouter à la liste. Ange ne fonctionnait pas comme cela. Elle avait un certains palmarès en la matière, mais elle était toujours attachée d’une façon ou d’une autre à ceux avec qui elle avait couché. Or, ce n’était pas le cas de Rohàn. Encore une fois, les préjugés avaient la peau dure et elle n’arrivait pas à passer outre. Elle se rendait bien compte qu’aux yeux de nombreuses filles elle avec une chance incroyable. Elle admettait que physiquement parlant, elle aurait pu tomber sur pire. Mais cela ne changeait rien aux sentiments qu’il lui inspirait. Elle ne le haïssait pas avec autant de force qu’elle haïssait sa sœur, mais presque. Parfois elle avait l’impression que sa guerre avec Alesya avait déteint sur le frère. Ce qu’elle pensait de la jeune Lestrange s’était aussi tourné vers l’aîné de la famille, sans aucune raison apparente. Après tout, Rohàn ne lui avait jamais rien fait. Ange réalisait à présent qu’elle s’était laissée aller à le détester parce qu’il était le frère d’Alesya. Il était peut-être bien différent de l’idée qu’elle s’était faite de lui, mais elle en doutait tout de même fortement. « Si l'idée de coucher avec moi te répugne autant, il ne fallait pas signer, Ange. De toute manière, je ne te demanderais pas de dormir à mes cotés. » Pourquoi avait-elle signé dans le fond ? Pour rendre son père fier ? De peur de finir seule ? Un peu de tout ça, certainement. Elle en vint à considérer ce que Rohàn venait de lui dire. Avait-elle réellement envie de dormir toutes les nuits seule ? Était-ce l’image du couple qu’elle voudrait donner à ses enfants ? « C’est donc ça que tu veux dans le fond ? Une vie de solitude ? » Les mots étaient sortis tout seuls, sans qu’elle ne puisse les retenir. Ange détourna le regard et se mordit la langue. Encore une fois, son caractère avait pris le dessus. Elle avait parlé sans réfléchir. Elle vrilla à nouveau ses yeux azurs dans ceux de Rohàn. Après tout, c’était une chance d’avoir un peu d’honnêteté dans leur échange.
Parfois Ange se demandait si la liberté qu’elle réclamait tellement n’était en fait pas synonyme de solitude. Et cela lui faisait peur. Elle ne voulait pas finir seule. Elle avait déjà passé la majorité de sa vie sans personne à ses côtés ou presque. Elle ne voulait pas que sa vie d’adulte se passe de la même façon.

La jeune femme vit qu’il ne la croyait pas. Elle se rendait bien compte que ses actes ne correspondaient pas à ses paroles. Pourtant, il était vrai qu’elle se moquait peu de l’or et de l’argent. Pas si ils l’empêchaient de vivre sa vie comme elle l’entendait. « Je conçois que tu ne me crois pas, mais si j’ai accepté ce mariage ce n’était pas pour l’argent. » Rendre son père fier, pour une fois. Pour une fois, se plier à ce qu’il demandait d’elle. Tenter, dans un ultime effort, de gagner son pardon. C’était là la première raison de son acceptation. Lui qui toute sa vie avait reproché à sa fille la mort de la mère de celle-ci. Il s’était détourné d’elle, incapable de voir qu’elle n’était en rien fautive. Ange n’avait jamais su se racheter. Elle n’avait jamais eu l’occasion de lui prouver à quel point elle regrettait d’être la cause de la mort de celle qu’il avait tant aimée. Ce mariage était la seule chose qu’elle pouvait faire. Renoncer à son bonheur en compensation. Vivre aux côtés de quelqu’un qu’elle n’aimait pas, comme lui l’avait fait.

« Je ne sais pas, Ange. J'aimerais bien te croire, mais tu refuses d'imaginer une vie avec moi, comment puis-je savoir si tu ne seras pas un jour tentée de filer, de te trouver quelqu'un d'autre ? Je sais que je ne te plais pas. Tu veux une vie privée, tu veux ta liberté d'aller et venir, tu l'auras. Je ne te ferais pas suivre hors de Poudlard. À l'école, par contre, je ne peux rien promettre, étant donné que tu fais l'objet de bien des rumeurs. » Ange acquiesça. Elle en était bien consciente. Elle comprenait son point de vue. Mais et lui alors ? N’était-il pas aussi l’objet de bien des rumeurs ? « Et toi ? » Sa voix était de nouveau froide, dure. « Des rumeurs te concernent toi aussi, n’est-ce pas ? » la Serdaigle réalisait qu’elle devrait être discrète à l’école. Elle ne pouvait plus dire tout haut ce qu’elle pensait tout bas, pas comme avant du moins. Déjà, elle se sentait étouffée. « Je ne veux pas devenir la risée de cette école non plus. Si tu dois avoir des … Aventures, j’aimerais que tu sois discret. Car j’ai bien conscience que je ne peux pas t’empêcher d’en avoir. » Comme tu ne peux pas m’empêcher d’en avoir. Mais elle ne le dit pas. À quoi bon le provoquer ?

Hj:

La dérision était une des armes qui lui servaient le plus dans la vie, pour alléger la gravité de ce qui pouvait se passer jour après jour. Mais apparemment, même la dérision finissait par ne plus suffire face à Ange ; il ne s'était pas attendu à ce qu'elle réponde, à ce qu'elle touche au but d'une simple question. Une vie de solitude, en effet. Tournant vivement la tête pour ne pas qu'elle lise la vérité dans ses yeux, il ferma les poings histoire d'éviter de lui foutre une gifle, en réaction innée. Non, il ne voulait pas de ça, bien sur, qui aurait voulu d'une vie pareille ? Se réveiller seul, ne jamais recevoir d'affection, faire son devoir conjugal avec une femme qui le détesterait sans doute à chaque fois, qui le ferait se sentir comme un violeur – ce qu'il était, certes, mais il n'avait jamais violé une femme, il avait mis la limite là. Il s'était toujours attendu à un mariage arrangé, oui, à devoir surement subir une femme indifférente, mais Ange ne lui avait pas paru un si mauvais plan au départ. Maintenant, il s'en mordait les doigts, mais il ne pouvait rien y faire, tout était signé. Mais qu'aurait-il pu espérer de mieux, vraiment ? Il restait un Lestrange, avec un corps bien bâti, certes, mais avec un tempérament de merde, une intelligence pas vraiment brillante, et un lourd passé. Qui voudrait de lui, qui pourrait tomber amoureux de ça ? Au moins avec Ange, il saurait à quoi s'en tenir, il n'aurait pas à pleurer de faux espoirs.
Ne voulant toutefois pas qu'elle comprenne qu'il était tout aussi récalcitrant à l'idée de cette vie solitaire qu'elle ne l'était, il se rebiffa, d'une voix froide. Elle se fichait bien de tout cela, de toute manière, elle aurait ses amants dans son dos, il en était certain. « Parce que tu préférais quoi, au fond, Ange ? Te réveiller tous les matins dans mes bras, et ouvrir les yeux pour affronter la réalité, le fait que je ne suis pas celui que tu voulais ? Vivre dans un mensonge ? » Il ne pouvait pas, lui. Affronter sa déception chaque jour, chaque nuit, imaginer son amertume à devoir vivre avec lui... il savait très bien qu'il la dégoutait, mais c'était un peu trop visible pour qu'il ne prenne pas la mouche.

Il laissa totalement glisser sa tentative de se rattraper sur l'argent, ne daignant pas la relever. Mais bien sur Ange, mais bien sur. L'argent faisait tourner le monde, et même si elle se voilait la face derrière de plus belles intentions pour mieux dormir, il n'en restait pas moins qu'elle devenait par ce mariage une héritière pleine aux as. Il n'allait plus s'en plaindre, ca remonterait les finances de sa propre famille.

En tout cas, il espérait que ses concessions lui permettrait d’arrêter de toujours l'énerver. Il avait promis de se montrer sage, de fermer les yeux, elle ne pourrait rien lui demander de plus. Rohàn n'était pas un homme partageur, pas un homme auquel on pouvait arracher promesse sur promesse. C'était pour ça, aussi, qu'il n'aimait pas en faire ; pour se prendre des douches froides après. Les insinuations d'Ange s'infiltrèrent en lui, le forcant à se raidir, à serrer les dents pour ne pas lacher un sort sur la jeune femme, pour la faire souffrir. Quelles rumeurs, qui avait parlé, qui avait dit quoi ? Il avait des secrets, oui, mais il espérait bien que personne n'avait soufflé mot à Ange de ce qu'il faisait de son temps libre, parce qu'il y aurait alors des représailles dures et sans merci. Elle ne savait rien, rien de sa vie ! Pourtant la façon dont elle prononcait ses mots, à se dire la risée de l'école, lui faisait déjà entrevoir les pires possibiliés. Qui ? Pas Charles, non, le gryffondor aimait trop leurs jeux pour vouloir arréter ça. Enoah ne parlerait jamais, quand aux autres... c'était du passé. Quelqu'un avait pu les surprendre mais il n'aurait pas échappé à une indignation générale contre lui.
Elle bluffait donc. Clever, pour une serdaigle, mais elle ne pouvait pas jouer sur son terrain sans y perdre des plumes.
« Au moins tu ne te berces pas d'illusions. Mais la différence entre nous, c'est que je sais me montrer discret. Tu n'auras jamais à te soucier d'être déshonorée ou humiliée à cause de mes aventures, Ange, tu fais ça très bien toute seule avec les tiennes. »

Dur, glacial et totalement injustifié, pour lui signifier que la discussion à ce sujet était close. Il ne supporterait pas qu'elle fasse des remarques sur sa vie à lui, après tout ce qu'elle avait fait au grand jour pour le trainer dans la boue.

Elle n’eut pas de peine à comprendre qu’elle avait touché un point sensible. Bien sûr qu’il ne voulait pas d’une vie de solitude. Personne ne pouvait rêver d’une vie pareille. L’être humain n’était pas fait pour vivre éternellement seul. Le cœur de la jeune femme se serra dans sa poitrine. Elle n’avait pas cherché à le toucher à ce point là. En un sens, elle comprenait que Rohàn lui ressemblait plus qu’elle ne voulait bien l’admettre. Il ne l’avait pas non plus choisie. Il n’avait pas choisi cette situation, ce mariage à venir, cette vie qui se traçait devant eux. Seulement il s’était plié au choix de ses parents, ce qu’elle n’avait pas encore réussi à faire. Sa main se crispa sur sa cuisse, froissant au passage la jupe de son uniforme. Elle-même avait toujours su que son mariage ne serait pas fait d’amour, ce qui expliquait pourquoi elle avait fui ce sentiment pendant une grande partie de sa vie. Aujourd’hui, pourtant, l’idée semblait ne plus lui plaire autant. Elle n’était plus aussi tranquille qu’elle l’était quand Lucian était son fiancé. Son regard se posa sur Rohàn. Elle en vint à se demander si ils finiraient par s’entendre, ou si leur relation serait toujours aussi tendue qu’en cet instant. Elle avait l’impression de marcher en équilibre sur un fil suspendu à plusieurs mètres de haut. Elle faisait des efforts pour ne pas s’énerver, pour ne pas lui répondre de manière plus cinglante encore. En quelques mots, Ange se contenait. Elle tentait tant bien que mal de faire taire son mauvais caractère. Elle avait promis qu’elle ferait des efforts, s’était promise qu’elle tenterait de faire fonctionner cette union. À présent, elle n’était plus certaine que c’était la bonne attitude à adopter. Las, elle n’avait pas le choix.

« Parce que tu préférais quoi, au fond, Ange ? Te réveiller tous les matins dans mes bras, et ouvrir les yeux pour affronter la réalité, le fait que je ne suis pas celui que tu voulais ? Vivre dans un mensonge ? » Le visage de la jeune femme se ferma, son regard se durcit. Elle se mordit la lèvre pendant quelques secondes avant de répliquer : « Nous vivrons de toute façon dans un mensonge. » Et c’était vrai. Ils devraient donner l’image d’un couple uni, soudé, l’image du couple parfait que rien ni personne ne pourra jamais ébranler. La réalité allait pourtant être bien différente, Ange en avait conscience. Elle doutait voir énormément son époux, peut-être aux galas ou autres évènements mondains, mais la Serdaigle savait qu’elle mènerait une vie plutôt solitaire. Elle devrait remplir ses devoirs d’épouse, engendrer des enfants Lestrange afin de perpétuer le nom de la famille. À part cela, elle doutait avoir une grande valeur aux yeux du jeune homme et cette idée lui faisait froid dans le dos. Elle qui avait souvent cherché l’affection d’autrui allait vite déchanter. Mais Ange avait la chance d’être consciente de cela. Quoique. Parfois elle se demandait si la vie ne serait pas plus facile si elle n’était pas qu’une demoiselle sans cervelle. Une fille qui accepterait tout ce que la vie lui fait subir sans jamais broncher. Oui, parfois elle aurait aimé ne pas être celle qu’elle était. Elle aurait fini par apprécier Rohàn, même si ces sentiments n’étaient pas partagés. Elle aurait fini par être heureuse dans un manoir sans vie, par ne plus se soucier que de ses enfants sans jamais penser à rien d’autre.

Si elle avait été stupide, elle n’aurait pas écouté les rumeurs sur son futur mari. Sa participation aux agissements de l’Ombre, ses multiples aventures. Certes, c’était son cas à elle aussi. Mais voilà, lui cherchait à lui faire la morale alors qu’il ne valait pas mieux qu’elle. « Au moins tu ne te berces pas d'illusions. Mais la différence entre nous, c'est que je sais me montrer discret. Tu n'auras jamais à te soucier d'être déshonorée ou humiliée à cause de mes aventures, Ange, tu fais ça très bien toute seule avec les tiennes. » « Pas si discret que ça apparemment. Les gens parlent Rohàn. Que tu aies fait quelque chose ou non, ils vont parler. Alors des rumeurs sur moi, il y en a, et sûrement plus que ce que l’on ne le croit. Et si tu as envie d’écouter tout ce qui se dit sur moi, grand bien te fasse. Mais je sais ce que je vaux. Et si tu ne commences pas à me faire confiance un minimum, je crois que nous serons très vite malheureux tous les deux. » La Serdaigle soupira et se releva. « Ecoute, je t’ai dit que je voulais tout faire pour que ce mariage fonctionne le mieux possible. Je ne veux pas finir aigrie et seule, je suis donc prête à faire des efforts, à me comporter correctement si tu en fais autant de ton côté. Je sais que nous ne serons jamais le couple parfait que nous sommes censés devenir, mais je pense que nous pouvons arriver à nous entendre un minimum si nous arrêtons de nous jeter à la gorge de l’autre à chaque occasion. Si tu as un problème à régler, évite d’envoyer tes sous-fifres pour m’espionner. Je préfèrerais nettement que tu viennes m’en parler. Je ne suis pas un monstre Rohàn, mais je sais ce que je veux. » La jeune femme ne lui laissa pas le temps de répliquer. Elle venait en quelques sortes de lui offrir une trêve. Une trêve fragile, certes, mais une trêve tout de même. Elle espérait à présent qu’il allait accepter.