Enfant je pensais être née dans une famille unie et soudée. Or les querelles entre mon père et mon oncle, je ne voyais qu’autour de moi une belle harmonie familiale. Une mère qui se souciait de mon bien être, un père qui m’offrait tout ce dont je rêvais et un frère qui m’accompagnait dans nos jeux, donnant vie à notre manoir. Malheureusement lorsqu’on est enfant on en perçoit par tout. Lorsqu’on comprend on est obligé de grandir. Vite très vite.


Les cris résonnaient derrière le fracas des objets qui se brisaient les uns après les autres jusque dans ma chambre. Je savais de qui venait ces cris, je me doutais ce qui les provoquaient. Du haut de mes sept ans je comprenais que mon père n’était pas tant le père dont je m’efforçais de ne pas casser l’image. Celui d’un père aimant. Si je ne saisissais pas toutes les proportions de la violence dont il était capable de faire usage je savais que son attitude envers Orion n’était pas celle du père dont je m’étais forgée l’image des années auparavant. Abandonnant mes cahiers de dessins j’entrais dans la chambre dévastée de mon frère. Fou de rage il ne semblait pas lui-même, bien loin du frère souriant et protecteur que je suivais comme son ombre. « SORS ! » pesta-t-il en me voyant m'approcher de lui. « NE ME TOUCHE PAS ! ». Les paroles me heurtèrent plus fort que ne l’aurait fait une claque. Je me stoppais dans mon élan, figée devant ce déchainement de violence. Mais je ne voulais pas abandonner, je ne le laisserai pas se détruire ainsi. Avant que j’ai pu esquisser le moindre geste un elfe de maison était apparut entre moi et Orion. Je compris à la seconde même où il apparut qu’il n’aurait pas dû s’interposer entre nous, qu’il le paierait de sa vie. Sa mort ne me touchait que peu, seul m’importait mon frère. Je voyais tout ce sang s’épandre de plus en plus sur lui, sur le sol, sur les objets environnants mais pas une seule fois je ne songeais à l’épreuve que subissait ce pauvre elfe pour s’être interposé entre moi et Orion. Je n’étais pas encore cette âme insensible à cette époque mais je n’avais jamais considéré un elfe comme un être à part entière. Juste un esclave né pour servir et ce jusqu’à sa mort. Il n’y avait à mes yeux pas plus grand homme pour une créature telle que de mourir pour ses maitres. Maintenant qu’il était mort, qu’Orion avait épuisé son déchainement de violence je savais que je pouvais approcher. Posant mes mains sur lui, je ne sourcillais pas lorsqu’il leva la main prêt à me frapper. Je savais qu’il ne le ferait pas. Qu’il en était incapable. Comme épuisé de tout cela il s’effondra dans mes bras, tandis que je savourais le bonheur de retrouver mon frère, celui que je pouvais avoir dans mes bras sans qu’aucune once de violence ne l’habite. J’avais profité qu’il tombe dans un lourd sommeil pour enterrer le corps de l’elfe et effacé toute trace de ce qu’il s’était produit. Il ne fallait pas que cette histoire arrive un jour aux oreilles de mon père. Jamais.

Mais je savais que je ne pouvais pas tout dissimuler à leurs yeux. Que mon père n’acceptera jamais un tel manque de respect dans sa propre maison. SES propres enfants qui cassent SES objets ? J’avais raison. Lorsqu’il comprit que les objets brisés n’étaient pas du tout à un cambrioleur mais un l’un d’entre nous, je vis son visage se déformer sous la colère et je compris qu’il infligerait à Orion le même châtiment qui avait provoqué tout cela. C’est pourquoi j’avouais tout simplement une faute qui n’était pas la mienne. Mon frère m’avait toujours protégée c’était maintenant mon tour. Je ne pris totalement conscience de cette double personnalité qu’était capable d’endosser mon père lorsqu’il abattit le premier coup de ceinture. Mes yeux plantés dans les siens, malgré la douleur je refusais de les baisser. Un manque de respect pour lui, je le savais mais je ne céderais pas avant de ne plus être capable de lever la tête. Je ne serais jamais la fille faible qu’était ma mère, celle que mon père pourrait dompter à souhait. Je n’étais pas son animal ou bien même son défouloir mais bien sa fille. Les coups ne s’arrêtèrent que lorsque je m’écroulais au sol, incapable de tenir sur mes deux jambes plus longtemps. Satisfait, il remit sa ceinture comme si de rien n’était quand bien même elle était tâchée de mon sang. N’était-ce pas ainsi qu’on éduquait ses enfants ?


« DOLORIS ! » De la souffrance. Encore et toujours de la souffrance. Tous les muscles de mon corps semblaient s’étirer, me brulaient. Tous mes os semblaient se briser. Ma tête menaçait d’exploser. Mes poumons n’arrivaient plus à inspirer de l’air. Je perdais la notion de tout ce qui m’entourait, rien d’autre n’existait à part la douleur. Un cri s’éteignit dans ma gorge avant même de franchir mes lèvres. Non je ne crierai pas. Jamais je n’ai crié devant mon père et ça ne commencerait pas aujourd’hui. Des larmes ? Quand bien même je l’aurais voulu ma fierté m’en aurait empêché. Pleurer devant lui se serait accepter ma défaite, accepter qu’il puisse avoir un total contrôle sur moi. Je ne pouvais pas laisser cela se produire, je ne pouvais pas m’abaisser devant un être que je ne respectais même pas. Un homme qui un jour s’écraserait dans la paume de ma main ne serait plus rien d’autre que poussière. Ces pensées m’aidèrent à tenir jusqu’à que la douleur cesse. Mes muscles se détendirent, l’air influa dans mes poumons tandis que je ressentais cet étrange sentiment de vide. Plus rien ne m’habitait après ces séquences de douleur, même la haine désertait. J’avais l’impression de n’être qu’un corps sans plus être capable de ressentir autre chose que de la lassitude, du désintéressement de tout. « Tu vois Orphée tout ce que la magie peut nous apporter. Tu contrôler les autres, les faire agir à ta guise. C’est ça le réel pouvoir. » . J’hochais la tête sans que les paroles de mon père ne réveillent une quelconque flamme destructrice. Le pouvoir m’était égal. Certes il y avait quelque chose de grisant à pouvoir surpasser quelques âmes faibles, pouvoir faire de mes désirs quelque chose d’incontournable pour eux. Mais si je m’initiais à la magie noire, si je travaillais si dur pour pouvoir la maîtriser, ce n’était pas pour acquérir la fierté de mon père. Cette fierté je m’en fichais, elle ne m’atteignait pas, pas plus que la déception qu’il pouvait parfois ressentir à mon égard. Non si je faisais ça, c’était pour pouvoir suivre à jamais les pas de mon frère, rester à ses côtés quoi qu’il arrive.


Je pensais que ma rentrée à Poudlard serait une libération et je savais au fond de moi que ma mère espérait que je m’ouvrirai aux autres. Loin de là. Toute cette foule, toutes ces personnes plus inintéressantes les unes que les autres, tous ces bavardages incessants, ces piailleries m’en rendaient folle. J’avais passé ces trois dernières années, presque seule à subir les violences permanentes de mon père, à ne jamais décrocher plus de dix mots par jour et à ne jamais entretenir une conversation. Et voilà que je me retrouvais dans un bain de foule, une foule criarde à des lieues de ce que j’étais. J’avais cette impression d’être un fantôme dans cette foule, de ne pas appartenir à ce monde, d’être en marge de lui. On ne m’a jamais fui, bien au contraire cette marginalité ne cesse d’attirer les gens autour de moi, sans que je ne puisse réellement être avec eux, mon esprit est toujours ailleurs, loin d’eux. Seul mon frère me permet de ne pas m’enfermer totalement dans ce monde intérieur. Pas même les autres serpentards, les enfants de famille de sang pur n’arrivent à me sortir totalement de ma torpeur perpétuelle. Au fond ils ne sont pas différents des autres l’orgueil en plus.