« Resteras-tu cette nuit ma colombe ? » Un sourire sur ses lèvres carmins, tandis que ses doigts noue lascivement les liens de son trench noir. Était-ce la question qu’elle avait espéré entendre ? A n’en pas douter, alors que son regard semble déjà pétiller d’une étincelle inexplicable, avant de se tourner, portant un masque désolé et pourtant envieux. « Je crains que ce ne soit pas possible ce soir. Demain peut-être ? » Ou jamais. Telle était la pensée de la jeune femme de vingt-quatre ans. Se donner aux hommes qu’elle pouvait côtoyer n’était pas dans ses projets. Certes, il y avait quelques temps déjà que son innocence s’était perdue dans la chair d’un autre, pour autant, glisser dans les bras d’hommes qui ne pouvaient lui apporter qu’un vague intérêt n’avait jamais été sa tasse de thé. Quand bien même l’homme pouvait être au goût de toute femme qui se respecte. Certains sacrifices sont bénéfiques dira t’on. Oh certes, elle ne doutait pas que le jeune héritier de la famille Blackwood était un excellent amant, mais le vérifier était une autre paire de manche. Sans doute son cœur appartenait-il déjà à quelqu’un d’autre, un détail non négligeable. Qu’importe car à cet instant, et de son déhanché noble, s’approche de sa cible, jeune ministre du département des mystères, pour mieux nouer ses bras autour de sa nuque. Fidèle actrice de son jeu, colle déjà son être contre le sien, attise les braises d’un feu dangereux avant de glisser ses lèvres contre les siennes, recueillant un baiser langoureux où se mêlent passion et désir. Est-ce cet instant qu’elle choisit pour délivrer sa sorcellerie, son envoûtement ? Sans aucun doute, car l’homme se fait pressant, à l’en pousser contre le mur le plus proche sans jamais la délivrer de ses lèvres. Délicieux gémissement quand son dos se plaque sur la surface, enflammant les sens. L’amant est fiévreux, et souhaiterait bien plus qu’un simple échange, remontant cette cuisse pour un bien meilleur accès, quand l’actrice joue des sens, s’abîme contre la vague. Elle pourrait céder, défaire cette sublime veste et rester cette nuit, continuer d’attiser ce désir… n’en fait rien pourtant, décollant ses lèvres des siennes, murmurant qu’elle ne peut décemment pas rester, prétextant un rendez-vous bien moins intéressant mais important tout de même. Mensonge, mais tellement convaincante. La voilà qui parvient enfin à s’échapper, à quitter ce lieu de débauche, de perversion malsaine. Pour autant, l’est-elle aussi ? Il lui semble que ce jeu dure depuis bien longtemps, de bien avant qu’elle soit capable de se glisser dans un lit pour parvenir à ses fins. Certes, elle n’avait jamais cédé à cette luxure pour gagner du temps dans son avancée pour le pouvoir, pour mener à bien ses ambitions. Avait-elle même jamais sut qu’elles étaient ses envies ? Elle en doutait parfois. Là se figeait le caractère de son paternel : l’ambition, le besoin de reconnaissance. Peut-être voulait-elle redorer l’image des Vershades après tout. Complication, son front se plisse. Elle ignore ce qu’elle veut réellement. Néanmoins, elle sait que c’est ancré là, dans son être. Une réputation. Et ces hommes sont le parfait moyen de se faire connaître, de rappeler au monde sorcier qu’il existe des personnes qui valent d’être connus, bien plus que d’autres. Son ancêtre à réussi, peut-être pas de la même façon, mais son nom a finit par être oublié. La belle ne désire qu’assurer son avenir après tout, même celui de ses enfants, par la renommée, et ce pouvoir même infime qu’il contient. L’argent ne l’intéresse pas, ne l’a même jamais fait. Mais déjà la belle bifurque dans une ruelle, avant de finalement transplaner. Ses obligations sont ailleurs, bien loin de ce lieu qu’elle a quitté avec impatience. Son cœur balance vers un lieu bien moins fréquenté des simples sorciers, là où la sauvagerie possède un autre mode de vie, là où une âme sœur l’attends.

Une nouvelle fois encore, le regard unique de la délicieuse poupée se porta sur le couple se tenant au milieu de la salle de réception, sans jamais réussir à se décider sur l’effet que lui faisait les deux amants qui venaient de s’unir devant les dieux. Était-ce un merveilleux couple comme semblait le clamer les vieilles femmes des deux clans ? Certes, l’on pouvait penser que les deux gens s’accordaient parfaitement, et pourtant, le doute semblait encore subsister dans l’esprit de la jeune femme. L’homme qui servait d’époux à sa tante ne lui semblait bien sous aucun rapport. Ce ne pouvait qu’être un mariage de circonstances arrangeant les deux partis. Un soupçon qui ne se concédait que trop lorsqu’elle déviait son regard vers le fils du marié en question, d’un an son aîné, et dont la réputation ne pouvait que la faire grimacer aussi intérieurement qu’extérieurement. Du reste, il lui semblait d’ores et déjà que ses prunelles ne cachaient guère l’animosité qu’elle pouvait lui porter, certainement deux lames aiguisées prêtes à être plantées dans sa chair au moindre faux pas qu’il pourrait commettre à l’encontre de la nouvelle lignée qu’il venait de rejoindre, à moins que ce ne soit une haine pincée à l’encontre de cette réputation qu’il pouvait trainer telle une ombre persistante et venant entacher l’air de parfait fils qu’il arborait fièrement en ce jour. Elle ne cachait pas posséder elle même une réputation semblant scandaleuse, mais il s’avérait que celle-ci était bien moindre comparée à la sienne. Oh qu’il lui coûtait en l’instant de souffrir de sa présence, de supporter l’arrogance peinte sur son visage, au moins tout autant qu’elle commençait à se lasser de cette cérémonie qui n’en finissait pas, se prolongeant, d’aurore au zénith, d’après-midi en soirée, fatiguant son air docile, de jeune demoiselle de bonne famille. Il ne lui tardait que trop de pouvoir enfin s’éclipser, se délivrer de cette robe couleur ciel d’été, de dénouer ce stupide chignon lui conférant un air discipliné… d’ôter tout ce qui semblait emprisonner son être et sa personnalité. Son impertinence étouffait sous la bienséance, tandis qu’elle se souvenait déjà avoir gratifié le couple de ses félicitations et autres politesses destinées à montrer son accord et soutien. Un soupir glacé, alors qu’elle rêve déjà de déchirer tout pans de cette robe d’une journée, de se déchausser pour mieux courir jusqu’à l’orée de ces bois qu’elle a déjà repéré… S’évader quelques minutes, elle y songeait de plus en plus, allant presque jusqu’à chercher le regard de sa douce génitrice pour un accord, quand bien même pourrait s’en passer, bien trop effrontée. Une once de courage, un désir bien trop fort, et le premier pas qui se lance en direction d’une sortie improvisée, quitte à glisser le long du balcon, sauvageonne assumée. L’idée eut sans doute aboutit à une réelle existence, si une ancienne n’avait eu pensée aussi ridicule qu’inconcevable « Augustus ! Pourquoi ne pas enjoindre nos enfants à se rejoindre sur la piste et fortifier nos relations ? » Oh l’ingrate, l’infâme dont elle n’avait put deviner le visage ni même reconnaître la voix, mais qu’elle rêvait déjà d’étouffer avec une part de ce délicieux gâteau attendant d’être découpé, ou de jeter du haut du balcon. Une colère venant ensevelir son parfait teint de porcelaine, alors que son regard cherche celui de sa génitrice, comme dans l’espoir d’être sauvée de cette infamie qui ne saurait avoir lieu, car déjà elle savait qui serait son partenaire, celui-là même qu’elle ne voulait pas dans sa famille, qu’elle refusait même de rencontrer lors de diverses réceptions de familles à venir. Ne lui en déplaise, le choix ne lui fait guère laissé, son nouvel oncle ayant déjà glissé sa paume dans la sienne, venant lui arracher un frisson autant de dégoût que de peur. Une frayeur qu’elle ne pouvait encore déceler, se rapprochant bien malgré elle de son cavalier, consciente que ses pas ne lui appartiennent plus, qu’on la traîne paisiblement vers une destinée dont elle ne veut pas. D’un geôlier à un autre, et sa main se retrouver prisonnière d’une autre qui se veut fieffée menteuse. De tout ce temps, son visage s’est vu perdue, comme si tout son être ne daignait pas vouloir comprendre ce qu’il était en train de lui arriver, et passe bientôt à une autre composition, pour plaire à cette assemblée sans aucun doute, sa peau se laissant cajoler par la douceur qu’elle devinait fielleuse de son cousin en devenir. Quelques notes tombent déjà, venant couvrir les quelques soupirs romantiques de ces dames, sans pour autant cacher la proximité instaurée, son prénom glissé sur l’air suave qui saurait faire fondre n’importe quelle demoiselle. « Tybalt… », se contente t’elle de murmurer sous un étrange sourire, de ceux qui voudraient insinuer qu’elle voudrait en finir avec la corvée imposée.
Dès lors, voilà que l’actrice joue son jeu, laissant son partenaire la mener à sa guise vers un endroit plus éloigné du couple de la journée, bien consciente des regards jetés sur leur petit duo, ce couple à part, cette effarante parodie. Sans doute eut-elle voulut imposer une distance entre leurs deux êtres, une limite respectueuse afin que jamais une seule parcelle d’elle ne vienne frôler celle de son autre, mais c’eut été bien entendue trop en demander à cet associé, frissonnant de répulsion sous cette paume effleurant de bien trop près son corps, lui laissant l’amère sensation d’être nue dans les bras du diable. Son regard se clos, ce n’est qu’une danse, qu’un instant qu’elle trouvera trop long mais qui ne durera pas plus de trois minutes, cinq tout au plus, puis se rouvre, consciente que chacun ici présent ne daignera pas manquer une miette de cet événement, et glisse sa main libre sur son épaule, délicieuse charmeuse, laissant enfin l’homme conduire la danse, appréciant finalement le fait qu’il soit bon danseur. C’est au moins une honte de moins à supporter. Mais la perfidie s’insinue, se glisse tel un serpent entre les deux jeunes gens, dont la conscience s’est déjà fait une propre idée de l’autre, et le mal-aimé de glisser quelques mots à son oreille, comme une confidence n’appartenant qu’à eux, une complicité destinée à amuser la galerie. « Bienvenue dans la famille cousine. ». La belle ne cesse de sourire, et pourtant, ses veines se glacent, comme une sentence prononcée, bien trop véridique pour en penser le contraire, un destin aussi moqueur qu’un geai. Elle pourrait s’enfuir, mais se contente de jouer de ses airs, reculant doucement son visage du sien, le regard se faisant insolent avant d’en devenir pétillant, esquissant finalement une mine ravie, comme un amusement de ce qui vient de lui être glissé et que nul autre ne pourrait deviner. Un secret dont elle saurait jouer, rapprochant finalement et bien trop dangereusement son visage du sien, avant d’apposer un baiser aussi chaste que perfidement tendre sur les lèvres de ce nouveau cousin en signe de bienvenue. Une réponse pourtant amère qui semble déjà dire « profite bien de cet instant, il n’est pas près de se renouveler. », enflammant néanmoins les spectateurs, allant jusqu’à l’applaudissement pour l’audace. Et l’instant qui se voulait des plus horripilant se transforme dès lors en amusement tandis qu’elle à deviné sous ses lèvres l’indicible terreur, celle de ne plus répondre que d’elle, de ne vivre plus que pour elle, devenir le pantin d’une ascendance que l’on croyait perdue ou inexistante. Un secret pour un autre, le ciel la laisse tranquille malgré ce contact, la laisse essuyer seule la tempête des prunelles adversaires, le laisse entrevoir la joueuse qui ne lui laissera pas le dernier mot, avant de finalement esquisser un air soulagé, amusé, ému, pour mieux glisser son visage contre lui, tournant ce dernier vers son cœur, donnant un aspect particulièrement idyllique à la scène, d’une tendre amoureuse appréciant le contact de son amant, bien qu’intérieurement, la créature n’aspirait plus qu’à quitter définitivement les bras de son partenaire pour ne jamais plus y retourner. Parfois, le destin vous joue de drôles de tours.

Quatorze ans. L’âge de déraison, l’âge de l’imperfection et des boutons, mais aussi l’instant le plus important dans l’histoire de tout jeune sorcier qui saurait se respecter. Ce moment important où un choixpeau aussi vieux que le monde déclarerait devant toute assemblée l’importance de la personne qu’il coiffe. L’heure pourtant, n’est pas arrivée à cette conclusion, au détriment d’un train prêt à voyager vers l’écosse, laissant ses wagons se remplir d’élèves aussi impatients que bruyants. D’un dernier signe de main saluant ses parents l’accompagnant, la jeune enfant s’assoit dans son compartiment, accompagnée de quelques amis bien proches, de ceux qui n’ignorent pas tous ses secrets et qui ont eu l’audace, le bonheur ou le malheur d’expérimenter chacun des tours de la jeune sorcière en devenir. Un bond, voilà que le train lance son départ, sous l’exclamation des premières années qui vont enfin connaître l’école de sorcellerie dont ils ont tant entendus parler. L’héritière Vershades elle-même ne cache son enthousiasme de pouvoir enfin déambuler dans les couloirs, découvrir les tableaux tout autant que les livres de la fameuse bibliothèque. La conversation même débute alors sur les futures découvertes, nouvelles aventures à vivre et partager, tandis que les paysages défilent, que le train s’arrête à certains passages pour prendre d’autres futurs étudiants et anciens. Les heures défilent, le temps tout autant, et les passages se font nombreux de wagons en wagons. Certains courent après leurs crapauds, d’autres leur chat… et d’autres, derrière la dame aux bonbons. Les éclats de rires vont et viennent, et l’angoisse grimpe. Bientôt, ils sauront. Bientôt, ils y seront. N’eut été alors un événement dérangeant, une mise en garde du ciel qui n’était pas attendue de sitôt, car sous les passages des élèves, il en est un qui attire le regard de l’héritière Vershades, un dont elle ne connaitra pas le visage, ni même la fragrance, mais qui a sut captiver son attention bien malgré elle, la fige dans l’espace et le temps, proposant à ses mains de venir se crisper sur le cuir du siège, invitant son regard à s’effacer, laisser place aux centaines d’étoiles de son regard autrefois pétillant. L’iris se fait minuscule à disparaître sous le bleu de son ciel, sous ses astres par dizaines, et sa voix si douce de se faire cristalline, tintinnabulante, venue d’ailleurs et pourtant d’elle. « Au lendemain de l’équinoxe de la fonte des neiges, le temps de la paix sera résolu. Car rien ne dure ni ne perdure, et l’Ordre mènera au chaos, le chaos engendrera l’Ombre… D’une étincelle qui se perd dans les ténèbres, au matin sera évanouie, à la nuit allumera un feu virulent à l’esprit vengeur, la vengeance mènera sa faucheuse à faire sa moisson. Car rien ne dure, ni ne peut perdurer. » Un vertige puis le silence tandis que la mortelle retrouve sa place, desserrant ses jointures, incapable de se rappeler les paroles qu’elle vient d’énoncer, incapable même de se remémorer avoir quitter son corps l’espace de quelques secondes pour glisser l’avertissement des dieux à ses camarades. Et loin, bien loin d’elle, dans un département fermé au regard des curieux, un cristal s’emplit déjà d’une âme bleutée quand une étiquette s’inscrit d’une plume invisible le nom des protagonistes qui ne sauraient savoir ce qui les concerne. C’est la le fardeau du futur.