« Ma poupée, susurra-t-elle. Ma jolie poupée. »

Berçant sa fille contre elle, caressant ses bouclettes brunes, son cœur ne cessait de s’affoler. Il finirait par les trouver, c’était plus que certain. L’appartement n’était pas grand, et elle pouvait l’entendre briser la vaisselle contre le carrelage de la cuisine. Il était ivre de nouveau, complètement bourré, revenant du bar comme tous les soirs. Elle savait qu’il allait la frapper de nouveau, qu’il lèverait la main sur elle jusqu’à ce qu’elle le supplie d’arrêter. Mais tant que c’était seulement elle qui prenait les coups, peu lui importait, il était tout simplement hors de question qu’il lève la main sur Satheen. La petite fille se blottissait contre elle, elle sanglotait, ne comprenant pas tout à fait ce qu’il se passait dans cet appartement. Elle était impuissante face aux pleurs de sa fille, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était de la protéger contre cet ivrogne qu’était son père. Soudainement, elle entendit le pas lourd de son mari se diriger vers la chambre. La crainte commença à s’emparer d’elle, et elle eut tout juste le temps de demander à Satheen de se cacher sous le lit, lorsqu’il entra dans la pièce.

Son cœur loupa un battement, et la terreur la paralysait de la tête aux pieds. Fixant l’homme qu’elle avait su aimé il y a des années de cela, elle percevait les sanglots de Satheen sous le lit. Elle le vit tout d’un coup s’approcher d’elle, et alors qu’elle s’attendait à ce qu’il la frappe, il se baissa et tira la fillette de sa cachette. Sanglotant fortement, la petite fille de sept ans réclama sa mère en hurlant tout ce qu’elle pouvait. L’homme finit par gifler la fillette de toute sa force, si bien qu’elle tomba à terre, ce qui ne fit qu’intensifier ses pleurs. Hors d’elle, la rage se mêlant à la crainte, Emily s’interposa entre son mari et sa fille, le poussant de toutes ses forces, l’injuriant de tous les noms qui lui passait par la tête. Il l’attrapa fermement par les cheveux, et lui cracha au visage ;

« C’est ainsi que tu traites ton mari, petite salope ? J’vais t’apprendre la politesse moi. »

Suite à ses dires, il la poussa à terre, et frappa son visage, pour continuer avec une rafale de coups de pieds dans le ventre. Son corps qui était déjà tâché d’ecchymose encaissait les coups en laissant des râles de douleur s’échapper de ses lèvres. Le visage en sang, elle se recroquevillait comme elle le pouvait pour empêcher les coups de poings violents venir rencontrer son abdomen. A ses cris de souffrance s’accompagnaient les pleurs de Satheen, qui avait fini par se caller contre un coin du mur, son visage entre ses bras.

Tout n’était qu’un brouhaha de cris, de pleurs, de coups, de meubles cassés. Tout ce boucan avait fini par alarmer la plupart des voisins de l’immeuble, si bien que la police ne tarda pas à débarquer dans l’appartement. Le père de famille fut arrêté, non sans frapper les policiers comme il le pouvait. Tandis qu’on emmenait l’homme loin de sa femme et de sa fille, Emily et Satheen furent prises en charge par un hôpital proche de leur immeuble.

«  Satheen, où est le balai ? hurla sa mère du deuxième étage. »

La concernée qui était en train de nettoyer le four, chercha autour d’elle, et ne tarda pas à voir ledit balai. Retirant les gants de ses mains, elle le monta à sa mère qui nettoyait la chambre des parents. Redescendant dans la cuisine, elle vit qu’il ne leur rester qu’une petite heure pour finir de nettoyer la cuisine, et faire les deux salles de bain de la maison. Si elle n’était pas là, à aider sa mère pour son travail, cela ferait bien longtemps qu’elle ne serait plus femme de ménage dans cette famille. Récurant le four de fond en comble, elle s’attaqua ensuite au carrelage, sortant la serpillère. C’était un travail plus qu’épuisant. Sa mère qui avait subi une opération du dos ne pouvait pas nettoyer cette maison seule, en seulement quelques heures. Si bien qu’après les cours, Satheen courait rejoindre sa mère pour l’aider. C’était leur seul revenu d’argent, et sa mère ne pouvait pas perdre ce boulot. Toutes deux devaient se serrer la ceinture à chaque fin de mois, avec le loyer à payer qui était extravagant, les courses, et le crédit de la voiture.

Lorsqu’elles sortirent de la maison, elles ne purent retenir un soupir de soulagement. Elles allaient enfin pouvoir rentrer chez elles, et se reposer. Enfin, Satheen devait faire ses devoirs, elle qui était en en TAL au lycée, elle prenait les cours très à cœur surtout qu’à la fin de l’année elle avait un examen de A Level. Il était tout simplement hors de question qu’elle redouble, ne voulant pas créer plus de soucis à sa mère. Laissant sa mère monter à l’appartement, elle allait chercher le courrier. Regardant très vite ce qu’il y avait, elle tomba soudainement sur une lettre plus que curieuse qui lui était adressée.

Curieuse, elle l’ouvrit et ne put s’empêcher de froncer les sourcils. Elle dut relire la lettre plus d’une fois, assise sur les marches. Elle était soi-disant admise à une école nommée Poudlard. Ecole qu’elle ne connaissait absolument pas. Remontant à son appartement, elle montra de suite la lettre à sa mère. Et quelques minutes après, quelqu’un frappa à la porte. C’était un homme venant du ministère de la magie. Patiemment, il expliquait à Emily et sa fille, que Satheen était une sorcière, et qu’elle irait étudier dès l’an prochain à Poudlard. Assimilant peu à peu les informations, l’homme leur annonça que Satheen bénéficierait d’une aide de la part de l’école puisque sa mère n’a pas assez d’argent pour acheter toutes les fournitures qu’ils lui étaient nécessaires pour étudier à Poudlard.

Satheen n’était pas franchement enjouée à l’idée de devoir laisser sa mère toute seule, et surtout ne pas l’aider dans son travail. Elle craignait plus que tout qu’elle ne s’en sorte pas seule, et la jeune femme ne pourrait plus l’aider de là où elle serait, dans un autre monde. Après beaucoup de discussion, Emily jugea qu’il était mieux pour Satheen de partir à Poudlard, elle aurait déjà une bouche de moins à nourrir, et elle s’en sortirait dans son travail, même seule.

Courant dans les couloirs du château, seul son pas pressé résonnait contre les pierres dures et froides. Les yeux gonflés, les joues rougies, des perles d’eau salée débordaient à l’orée de ses cils, s’écoulant douloureusement le long de son visage. Elle voulait se cacher sous sa couette et ne plus en sortir jusqu’à la fin de l’année scolaire. Elle était fatiguée et lasse, elle était complètement brisée. Son cœur ne semblait pas vouloir réparer les cicatrices encore béantes qui le faisaient agoniser, et son esprit était embrouillé de souffrance, de peine, de honte. La jolie poupée qu’elle était il y a quelques années était cassée, la porcelaine fendue était irréparable, tout comme le mécanisme qui la faisait vivre. Elle n’était qu’un pantin, qu’un jouet que les autres s’amuser à maltraiter, se fichant éperdument des conséquences que cela provoquerait en elle. A chaque pas qu’elle entendait derrière elle, son cœur loupait un battement, craignant que l’un de ses bourreaux attitrés, ne viennent une fois de plus la pousser à bout. Ambroise et Amadeus étaient deux vils serpentards qui s’enjouaient de la voir pleurer, de la voir souffrir sous leurs mots durs, ou sous leurs coups. En plus de ces deux verts et argents, la jeune femme devait encaisser une nouvelle injure, une nouvelle bousculade de ses camarades chaque jours. Serpentards ou autre, ceux qui la prenaient pour une moins que rien à cause de l’origine de son sang se faisait une joie de la martyriser entre les cours. Et peu à peu, sa force, sa détermination étaient piétinées, finissant poussière, la délaissant. Elle se retrouvait sans arme, ne sachant même pas tenir sa baguette face à l’ennemi. Elle n’avait aucun répondant aucune répartie, tout ce qu’elle savait faire c’était encaisser les coups le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’elle craque et qu’elle s’effondre une fois de plus.
Arrivée dans sa salle commune, elle ne fit pas attention aux personnes qu’elle croisait, et courut se réfugier dans son dortoir. Se glissant sous ses draps, elle éclata en sanglots, une fois de plus. Elle ne comprenait pas où elle trouvait encore toute cette eau pour pleurer ses maux, elle devrait être desséchée à présent. Son cœur venait à nouveau d’éclater en mille morceaux à cause de Rihan Parkinson. Serpentard qui lui avait fait croire qu’il l’aimait durant quelques semaines, pour finalement lui démontrer par a+b qu’elle le répugnait. Elle avait aimé dans le vide, elle avait cru le moindre de ses dires, elle s’était laissée aller aux aléas de l’amour. Durant un temps, Satheen avait vu une porte de secours à tous ses malheurs. Si Rihan Parkinson était son petit ami, plus personne ne viendrait l’embêter, plus personne ne s’amuserait de ses larmes. Mais elle avait tout faux, tout ce qu’il avait voulu c’était l’écraser un peu plus, c’était l’anéantir à coups de mots douloureux. Elle se sentait honteusement stupide d’avoir pu croire qu’un garçon, qui plus est un serpentard voudrait d’elle. Quelle idiote. Depuis le temps qu’elle se faisait avoir par la gente masculine, elle devrait le savoir. Visiblement, elle ne semblait toujours pas avoir retenu la leçon, et continuait de chercher vainement l’amour dans le premier garçon venu qui lui portait un peu d’attention. Elle était pathétique et elle s’en voulait de l’être autant. Quelle petite idiote naïve. A présent, elle avait mal, horriblement mal de s’être faite avoir ainsi. Son cœur se tordait de douleur, et elle s’étouffait dans ses sanglots.

Soudainement, elle entendit la porte s’ouvrir. Elle ne voulait voir personne, elle se sentait bien assez humiliée comme ça pour exposer soigneusement son chagrin aux yeux des autres. Mais elle reconnut très vite la voix qui l’interpella. C’était Aprilynne. Sa meilleure amie, celle qui était toujours là pour éponger ses larmes. Satheen se demandait comment elle survivrait si elle n’avait pas la blondinette à ses côtés chaque jour. Parce qu’elle avait beau cacher à son amie le nom de ses bourreaux, elle ne pouvait lui cacher ses peines de cœur. Bien vite, April vint la réconforter, lui promettant de se venger de Rihan. La brunette se calma, et laissa un fin et faux sourire fleurir sur ses lèvres. Malgré tous les efforts d’April, Satheen savait que rien ne pourrait recoudre les blessures déjà bien ancrées en elle, blessures qui resteraient gravées, lui rappelant sans cesse qu’elle n’était qu’une sang-de-bourbe ici bas, et que rien de bien ne pourrait lui arriver. Jamais elle ne gouterait au bonheur, elle était maudite, c’était certain.