We used to be friends

Amitiés brisées et vilains secrets

D’un geste souple, elle remonta sa capeline et couvrit ses cheveux, regardant autours d’elle pour s’assurer que personne n’était en mesure de la voir. Baguette à la main, sur le qui-vive, elle se trouvait dans une ruelle tranquille, une ruelle où la déferlante de panique n’avait pas encore frappé. Dans le carreau sale d’une porte de service, elle se regarda pendant une seconde, puis elle leva son arme et pointa son visage. L’instant d’après, ses traits se paraient de noir, de sombre, un voile lugubre devant sa peau de porcelaine, de quoi la rendre totalement méconnaissable.

La mission était simple, à peine une formalité. Les Weasley n’étaient que des profiteurs, de la raclure, de la vermine. Leur grand-mère, précieuse Molly, était responsable de la mort de Bellatrix Lestrange et toute cette famille n’était, au final, composée que de traitres à leur sang qu’il fallait remettre à leur place. Aussi facile, aussi enfantin que ça. Les jumeaux souffriraient de sa main, elle pouvait le faire. Elle inspira profondément, se corrigeant sans un mot. Non. Elle pouvait blesser Joy, elle pouvait la secouer, la tourmenter, elle pouvait la faire pleurer, ce n’était pas un problème, loin de là… mais Frédéric ? Lui faire mal, le blesser via sa sœur, l’attaquer directement. Elle n’avait pas tant d’amis que ça, détruire l’un des seuls pouvant prétendre à ce titre n’étaient pas vraiment… judicieux. C’était le prix à payer pour entrer dans l’Ombre, pourtant. Et elle avait attendu ce moment toute sa vie. Elle inspira, se redressant, tendant ses épaules de son mieux et sa main se ferma un peu plus fort autours de la baguette qu’elle tenait.

Elle ferait ça lâchement. Elle avait modifié sa voix, son apparence, elle n’était plus Alesya, juste un membre de l’Ombre, rien de plus, il n’en saurait jamais rien, il ne la démasquerait pas. Joy non plus, de toute façon, elles ne se connaissaient plus. Elle souffla, se faisant violence et s’imposant un calme totalement feint. L’excitation et l’appréhension se mélangeaient dans ses veines, rendant son pas étrangement léger. Elle le réalisa en arrivant au bout de la ruelle, là où ils se tenaient. L’endroit semblait désert, silencieux malgré les hurlements de terreur qui s’élevaient dans la distance. Mauvaise, elle fixa les deux adolescents, avalant difficilement sa salive et lançant de son mieux « Tiens… » elle se secoua, redonnant de la force à sa voix « Les grumeaux Weasley… premier à payer, les Weasley, non ? ». L'ébauche d'un sourire diabolique remonta ses lèvres. En fait, ça serait peut-être aussi simple que prévu.

Son sourire s’accentua doucement. Un peu, puis beaucoup. Ils avaient sursauté, Frédéric du moins et l’espace d’une seconde, elle s’était imaginée capable de les réduire en cendre tous les deux. Elle observait, dans la pénombre de la ruelle, masquée, impossible à identifier, se demandant ce qui pouvait bien passer dans la tête des deux Weasley. Surement se demandaient-ils quel malheur allait tomber sur leurs précieux crânes, à moins qu’ils n’aient déjà été en train de chercher au fond de leurs cœurs le courage –tout relatif- dont avaient fait preuve les membres de leur famille pendant la VoldWar II. Ce qu’elle aurait aimé entrer dans leurs têtes, avoir le don de Rohàn, ce qu’elle aurait aimé pouvoir visiter, par curiosité, pour savoir l’effet que tout cela pouvait avoir sur eux. Mais non, elle ne pouvait pas. Ils étaient en position défensive et elle ne devait pas montrer de faiblesse, de vulnérabilité. Elle devait être froide, solide, se tenir droite. Elle repensa aux conseils de son frère, donné six ans plus tôt alors qu’Ezechiel venait d’être envoyé dans la mauvaise maison, alors que la suite arrivait, à savoir Joy-la-traitresse… Elle souffla, imperceptiblement, laissant les consignes résonner en elle. Tête haute, reste fière, reste droite, Lestrange, parce qu’ils te fixent, tous, ils attendent, ils observent, ils veulent te voir tomber, ne leur donne pas se plaisir, sers toi de ton foutu dos et débrouille toi pour ne pas flancher.

Aussi simplement que ça, alors qu’ils bougeaient et semblaient s’armer en face d’elle, elle sentit ses scrupules s’envoler pour quelques secondes. L’envie de rire en caquetant, de se vanter, de faire des dégâts prenait le pas, surtout face à Joy, foutue Joy. « Tiens, un frustré de Serpentard, je suppose. Les premiers à se cacher derrière un masque, n'est-ce pas ? » Alesya leva les yeux au ciel, son masque la cachant cependant. Vraiment ? Elle retint de justesse un rire qui l’aurait surement trahie car toute l’école le connaissait, à force, mais bien vite, ce fut au tour de Frédéric de parler : « Qu'est ce que tu veux ? » et à son tour, la Gryffondor roula des yeux, rapidement, pas assez cependant pour que cela échappe à la Serpentard. Bien, des tensions, des conflits, qu’ils se détruisent mutuellement, qu’ils se sabordent, ça serait plus facile pour elle, d’autant que… la Bouffone d’or vola la baguette de son frère et cette fois-ci, Alesya pouffa. Ah bah, ils étaient beau, les descendants de l’Ordre du Pheonix, perdus dans Pré-au-Lard avec une arme pour deux. Elle secoua la tête, prête à répondre à la question de cet ami dont elle devait ignorer les affinités quand la petite brune surenchérit. Parce que sa pseudo-démonstration de force n’était pas assez, clairement, elle demanda, redondante : « Qu'est-ce que l'Ombre compte faire ce soir ? »

Un sourire plus mauvais que l’enfer déforma à nouveau les lèvres d’Alesya. C’était si simple d’oublier son humanité, d’oublier les souvenirs, de devenir simplement, purement, la garce qui prendrait le rôle de leader de l’Ombre une fois que Rohàn aurait foutu le camp. « Et bien » commença-t-elle, tenant toujours sa baguette mais semblant jouer avec, l’observant, concentrée. « A vrai dire, peut-être aurions nous dû être plus clair en laissant les marques sur le terrain, mais on manquait de place, vous en prenez trop… le message d’origine était… » elle sembla réfléchir un peu plus fort, pointant sa baguette et marquant chaque mot comme une écolière récitant sa leçon « ah, oui ‘Tous les Sang-de-Bourbes et les traites à leur sang méritent de mourir’, voilà… ce qui fait que, bim, vous rentrez dans la catégorie… » Elle fit un pas en avant, ses bottes faisant crisser la terre de la ruelle, rappelant à tous que le village était rural, que seule la rue principale était pavée et qu’ici, il n’y avait rien, pas même un auror pour les aider. « Ce que je veux, c’est une école propre…. Et ce qu’on va faire ce soir, c’est s’amuser, mais à notre façon… » déclara-t-elle d’une voix particulièrement tordue, malsaine, se surprenant elle-même. Ce besoin de reconnaissance la faisait bien trop facilement rentrer dans un rôle, celui du bourreau.

Au fond, elle aimait ça, elle le savait. C’était plus fort que la culpabilité et ça faisait d’elle quelqu’un d’horrible. Tant pis, c’était le prix à payer pour avoir le pouvoir, la force, pour dominer. D’un revers de baguette, elle lança un sortilège, sa voix résonnant à nouveau entre les murs gris : « Expulso » et Frédéric se retrouva contre le mur, l’espace de quelques instants, punaisé là comme un papillon sur un tableau de collectionneur. « Les dames d’abord » murmura-t-elle, odieuse, s’approchant de Joy, commençant par les comptes à régler et présentant son dos au garçon du duo « Ou devrais-je dire les goules ? » C’était peut-être idiot de sous-estimé le Serdaigle, sage et posé, au profit de la Gryffondor, bornée et fonceuse, mais sur le coup, elle n’avait pas réfléchit, portée par l’adrénaline.

Ils allaient payer et elle allait réussir.