Une lettre était partie avant la réunion de l’Ombre Britannique. Le ministère ne contrôlait surement pas les correspondances du personnel de l’école, et même si cela avait été le cas, la lettre de Matveï n’aurait montré qu’une stupide correspondance avec une société de vente de plumes rétractables. L’avantage sans doute de l’âge et de l’expérience du fils Gregorovitch, c’était qu’il n’avait pas besoin de faire ses preuves. Le parchemin subtilement ensorcelé avait été accroché à la patte d’un corbeau. Le slave n’avait confiance qu’en ces oiseaux pour les envois à longs courriers. Rien de très surprenant sans doute, mais aussi une manière supplémentaire pour ne pas alerter les intercepteurs de hiboux anglais. Ainsi, avait-il écrit avec élégance un message à destination de l’Ombre bulgare, l’organisme en demi-sommeil dont il était encore le chef de file. L’idée avait germé grâce à Rohàn, mais les différences géopolitiques avaient posé la filiale slave comme un exemple de violence et de subtilité qui aurait fait rougir plus d’un britannique. C’était la règle dans un univers baigné de magie noire et de valeurs martiales, véhiculées par les positions partisanes de l’institut Durmstrang. Son organisation consignait ce que l’on pouvait décemment savoir de la situation anglaise. Voilà une habitude qui était attribuée sans doute à l’influence du fonctionnement moscovite, encore très présent dans les esprits sorciers d’Europe de l’Est. Conserver une trace permettait de l’utiliser un jour ou l’autre. Non pas que l’Ombre slave et l’Ombre britannique ne soient en compétition. Les deux organisations n’avaient comme ressemblances que la conservation d’une certaine idéologie puriste et la solidarité des « héritiers » des périodes les plus sombres. Autant dire qu’à l’Est, l’Ombre était moins marginale et ne se satisfaisait pas de réunions nocturnes dans une salle de bain. Enfin, il ne pouvait pas en vouloir à Rohàn. Leurs réalités étaient aussi éloignées qu’elles leurs étaient familières. Matveï comprenait ce qui animait l’Ombre britannique même s’il la considérait comme trop molle… Surtout face à ce prétendu Ordre. La gueguerre ce serait fini dans le sang en Bulgarie, avec l’étouffement de l’affaire par les autorités. Oui, la position du pays était de se refaire une image proprette pour attirer les sorciers, aujourd’hui plutôt tenter par l’originalité des britons. Toute une histoire qu’il s’agirait de ne pas trop développer.

Néanmoins, il t’est plus aisé lecteur de comprendre pourquoi Matveï Gregorovitch se tenait derrière Rohàn Lestrange pendant son discours. Il était son homologue, un peu comme quand un chef d’Etat en reçoit un autre. La direction du mouvement était à deux têtes à Poudlard. Le nouveau garde-chasse, engagé pour sa dureté et soutenu par un des rares patronymes bulgares encore respecté en Grande-Bretagne, avait plutôt l’habitude d’être à la fois la tête pensante et le poing qui frappe. On ne savait pas très bien ce qu’il faisait là d’ailleurs. Il n’était pas si évident que les membres de l’Ombre soit au courant de son rang dans l’organisation éponyme de l’Est. Cette dernière n’était pas inconnue, devenue référence d’un activisme violent. Quoiqu’il en soit, il se tenait derrière le Serpentard avec un sourire énigmatique. Dans sa tête, beaucoup de choses se bousculaient. Il n’avait pas un cœur à se soucier des souffrances familiales. L’homme qui avait fréquenté des dragons et vécu dans la plus grande austérité analysait plutôt les rouages de cette organisation. Les murmures, les regards accusateurs, la discipline un peu lâche et surtout la suspicion mutuelle. Rien de très glorieux quand on savait que les membres de l’autre Ombre usait et abusait des serments inviolables pour consolider leur organisation. La traitrise n’était donc pas une option viable. On ne fait pas ici un tableau plus valorisant de l’Ombre slave. A y penser d’ailleurs, elle était sans doute plus effrayante, plus obscure et plus difficile à maitriser. Elle évoluait en groupuscule qui serait un moment ou à un autre dissous dans un autre organe plus important. Cela évoluait comme ça depuis bien longtemps chez les slaves. Néanmoins, Matveï était là en digne représentant d’une poigne impitoyable, emplie de sournoiseries et de subtilités. Sans doute n’était-il pas aussi abrupt qu’un dragon, mais il n’était pas non plus aussi prudent qu’un serpent. La cohésion du groupe, il s’en fichait pas mal d’autant plus qu’il n’avait de compte à rendre à personne, à l’exception de Rohàn, de par l’amitié qui les liait

« Il va leur arriver quelque chose. Quoi ? On ne peut le savoir que par l'intermédiaire de miss Bloodworth. » Il était sorti de son silence, faisant partager sa voix graves aux légers accents étrangers. Matveï était un jeune homme séduisant, cela l’avait toujours aidé à se rendre audible malgré sa voix de basse. « Mais mettons nous une seconde dans l’esprit de votre Ministère. Il vient de renforcer sa présence ici. Edimbourg n’est plus vraiment le centre de l’attention. Depuis bientôt un an, vous bouleversez Poudlard. Vous êtes les héritiers, le but est de maitriser votre engouement, limiter votre action sans pour autant fâcher votre communauté nationale qui est attachée à la réputation de votre école. Alors que faire ? Le retour de vos parents ne vous sert pas. Ils ont une raison de s’attaquer à de tels individus à cause de leur activisme trop précipité. Vous, vous n’êtes que des enfants. Que faire de vous alors ? Enfermer vos proches et les menacer, faisant ainsi pression sur l’Ombre, c'est ce que je choisirais pour vous faire rentrer dans le rang. Le signal est clair : ils vous attendent au tournant. Il faudrait être idiot pour ne pas comprendre que l'Ombre rassemble certains héritiers. La sentence sera surement suspendue à votre niveau de docilité. Soumis ou insoumis ? Emprisonnement simple à Azkaban ou baiser du Détraqueur ? Il semble que la balle soit dans votre camp. » Son regard se tourna vers Elizabeth Bloodworth. Il n’osait pas encore parler des atouts de l’Ombre  sur l’échiquier et quels atouts ! La fille du nouveau maitre en ces lieux. En plus de servir pour quelques informations, elle représenterait peut-être un terme un moyen de pression pour l’Ombre. Lui ne se salirait pas les mains pour les britanniques, il ne pouvait que les conseiller sans demi-mesure et en n’engageant que lui-même. Il n'avait pas avancé, resté derrière Rohàn comme s'il avait été son ombre. Après tout, pas besoin de se mettre en avant. Il avait toujours détesté ça. Il ne fallait pas faire mettre toutes les mandragores dans le même potager.