« Mr Potter ! Richard Potter. »

Murmures.

Richard était intimidé. Pourtant, il savait exactement ce qui allait se passer, ce qu’il devait faire. Son père et sa mère lui avaient expliqué comment sa répartition se déroulerait. Il devrait s’avancer sur l’estrade et s’asseoir sur une petite chaise. Richard respira profondément et ignora les murmures. Le fils du Survivant. Il était fier d’être un Potter mais ces murmures et cette soudaine pression qu’il sentait étaient nouveaux pour lui. Pendant toute son enfance, ses parents l'avaient considéré comme un petit garçon normal. Il avait un père, une mère. Ce n'est que plus tard qu'ils prirent le temps de lui expliquer (avec son frère) ce qu'il s'était passé. Alors au début, même s'il savait que son père était quelqu'un de plus ou moins reconnu dans le monde sorcier, il ne savait pas grand chose. Ils avaient voulu le protéger. Dans cette grande salle parcourue de murmures, il s'était senti tout d'abord un peu perdu magré sa connaissance de Poudlard. Là ou père attendait qu’il reste lui-même et s’amuse avant tout dans sa deuxième maison, d’autres attendaient … attendaient quoi ? Qu’il soit l’exacte réplique de son père ? La version améliorée ? Difficilement réalisable. Il lui ressemblait, il lui ressemblait comme deux gouttes d’eau mais ils restaient différents.

Il se refusait d’être la copie de ce père qu’il vénérait par-dessus tout. Il était le fils d’Harry Potter mais possédait une entité propre. Il se refusait d’être catalogué comme fils de même si beaucoup de sorciers semblaient attendre beaucoup d’eux : les fils et filles des survivants, des vainqueurs. Qu’attendaient-ils de lui ? Il n’avait rien. Il allait vivre une scolarité normale, être lui-même et non ce qu’ils voulaient qu’il soit. ‘Je veux être à Gryffondor, je veux être à Gryffondor. Je sais. Papa m’a dit que toutes les maisons sont bien mais je veux aller à Gryffondor. S’il vous plait, pas à Serdaigle. Je veux être avec mes cousins et avec mon frère quand il se posera sur ce fichu tabouret. Je veux choisir tout seul.’ C’était sa répartition et il pensait à Priam, à cette volonté qu’il avait toujours eue de le protéger au grand agacement de ce dernier. Pas à Serdaigle, il ne voulait pas aller à Serdaigle. A force de détermination, le Choixpeau le répartirait à Gryffondor. Papa le lui avait dit. Papa ne leur avait rien caché sur l’arrivée au Château tout en leur laissant le loisir des découvertes. De toute façon, il avait lu l’exemplaire de « L'Histoire de Poudlard » Il savait des choses, beaucoup de choses. Oh, il n’était pas aussi intelligent que tante Hermione parce qu'elle était diaboliquement intelligente. Il n'avait pas la prétention d'avoir son niveau. Son envie de savoir, de comprendre les choses était intarissable mais il aimait avant tout cette maison : celle de ses ancêtres. Lorsqu’on lui enleva ce chapeau tout fripé de la tête, Richard sauta presque de son tabouret avec un grand sourire. Fier. Oui, il était fier. Du haut de ses onze ans, Richard venait d’atterrir chez les Gryffondor. C’était le plus beau jour de sa vie : plus beau que la découverte de ses pouvoirs, plus beau que la sensation de voler (pas très haut mais il avait essayé avec maman !). C’était. Magique. Il allait suivre les traces de ses ancêtres, les rendre fiers. Ignorant le reste du monde, Richard se dirigea vers la table des Gryffondor. « Hey Potter, comme ton père hun ? » Petit sourire. C’était sa façon de l’accueillir dans sa nouvelle maison. Il avait hâte de leur annoncer la nouvelle.

L'étape de la répartition passée, Richard pu découvrir Poudlard de son propre chef. C’était fini le temps des histoires noircies et enjolivées. Pendant plusieurs années, Poudlard était un endroit ou il faisait bon vivre. C’était un entre-deux : l'époque n'était pas sombre, angoissante, avec son lot de découvertes macabres. Richard vivait sa vie comme son père avait sans doute rêvé la vivre quand il était plus jeune. C'était calme, paisible et, surtout, c'était sans danger. Sans danger autre que les éternelles rivalités inter-maisons, l'envie de réussir modestement sans en faire des tonnes et, surtout, cet amusement intergénérationnel à faire tourner les professeurs en bourrique avec sa cousine Joy. C'était l'époque dans laquelle s'appeler Potter et Weasley n'était pas un blasphème. Sa cousine était fière pour deux et cela suffisait. Richard voulait juste vivre sa vie sans causer (trop) de problèmes et prendre le risque de recevoir une beuglante faramineuse. Il avait ainsi évalué les limites à ne pas dépasser. Sa mère était une Weasley, la digne fille de Mollly Weasly, celle-là même qui ... enfin ... c'est une histoire de famille. Tous les cousins connaissaient cette histoire, l'histoire de la beuglante incendiaire. Merci, oncle Ron, de nous avoir ainsi indiqué les limites. Merci mille fois.

Si d'apparence, la vie quotidienne valait son pesant d'or, il fallait gratter sous la surface. Cette surface donnait envie, était belle et lisse. Poudlard était comme il aurait dû l'être depuis longtemps. Pourtant, les traces de la victoire sont indélébiles. Elle marque la joie chez les familles s’étant battues pour l’Ordre du Phénix, une rancœur tenace pour les autres. L’ambiance est pesante, lourde et se sent dans chaque pièce pour des raisons différentes. Peut-être aurait-il mieux valu porter un nom plus banal, que l'on retient sans vraiment retenir. Archer par exemple ? Mauvais exemple, très mauvais exemple mais cet Archer, ce Charles, il va bien falloir en parler. Pas maintenant. Reviens à la surface. Oui, la surface. Poudlard n'a pas été que la source de joies enfantines quelque peu naïves. Le château creuse les blessures d'un conflit fraternel chez les Potter. Richard n'avait rien demandé même si le rôle de l'aîné lui collait à la peau telle une sangsue. C'était sa plaie invisible qui s'agrandissait jours après jours avec l'éloignement de Priam. Et Richard crève de trouille. Il craint que cet éloignement s'achève sur une haine déjà bien palpable sans qu'il en connaisse véritablement la cause malgré les indices. C'est son frère, putain. Ce qu'il s'était passé avec Charles lui faisait moindre mal en comparaison. Mais Richard ne fait rien parce qu'il sait qu'il ne peut faire une croix sur les concernés même s'il le devra bien un jour et ils le tuent. S'il doit y avoir un affrontement dans un futur proche, il ne pourra pas. Il n'est pas le digne fils de son père et n'a jamais fait de l'ombre à Priam. Il a juste été lui, quoique les autres en pensent, comme son père le souhaitait.

Poudlard change. Richard ne l'avait pas réellement vu venir. Il y avait ces attaques verbales et non verbales, cette rancœur mais jamais il ne pensait que leurs conséquences seraient aussi grandes ni même qu’elles prendraient plus d’ampleur que cela. Le château ne ressemble plus à l’image dont il en avait autre fois. Les amis d'hier ne sont plus qu'un souvenir et les événements inquiétants surgissent, lui faisant oublier momentanément sa rupture avec Charles. Quand il y pense, c'est dans un coin de sa tête, aux entraînements de Quidditch qu'il ne réussit pas aussi bien. Il est déstabilisé par son frère, son ex-copain pour des raisons différentes. Les deux lui échappent, ils s'éloignent. Le trio ne devient plus que duo même si le lien reste fragile. Et dans ses pensées qu'il garde secrètes, Richard se demande parfois, si le lien qu'il a avec Joy ne s'autodétruira pas de la même façon. Mais Joy c'est la famille, c'est l'Ordre et c'est au moins celle qui ne pensera pas une seconde que Richard souhaite prendre sa place de leader et l'évincer. Les actions de l'Ombre lui font prendre conscience qu'il doit se bouger d'avantage, se lancer dans ce combat comme le faisait Charles autrefois : celui qu'il essayait d'enfermer dans cette relation si parfaite qu'ils semblaient avoir. Double illusion, double chagrin que cette vérité absolue: "Tu l'étouffes, il t'exaspère". A aucun moment ils ne se rejoignaient. Triste vérité. C'est peut-être ça, grandir. Prendre conscience de ses erreurs et avancer tout en se taisant sur ses douleurs cachées qui guériront. La vie continue. L’Histoire se poursuit avec ou sans lui et le jeune homme garde l'image du Gryffondor optimiste et confiant pour ne pas faciliter la tâche à ses ennemis qu'il sait nombreux.

L’avenir est incertain et les alliances restent fragiles. Au plus profond de lui-même, Richard déteste ces ‘fils de’ Mangemorts incapables de savourer la paix telle qu’elle a été instaurée. Ils ont perdu mais auraient pu perdre d’avantage. Les Phénix se sont vengés mais le sang n’a pas coulé, leur revanche s’est faite moins sanglante et dévastatrice que la folie de Lord Voldemort, celui que Richard craint encore aujourd’hui malgré sa putain de mort. Ils auraient pu réclamer beaucoup plus, laisser cette envie de vengeance couler dans leurs veines sans la faire s’arrêter après des années de souffrance. Ces « fils de » ne savent pas se contenter de ce qu’ils ont et cette guerre qui s’annonce sanglante, Richard la déteste d’avance. Quand il sent le courage l’abandonner, le Gryffondor se surprend à vouloir la même fin que celle du premier possesseur de la cape d’invisibilité. C’est égoïste, indigne du Gryffondor qu’il a choisi d’être mais ce passé raconté de nombreuses fois pour qu’ils prennent conscience de leur chance ne cesse de le hanter. La Cape d’Invisibilité, Richard l’utilise lorsqu’il a besoin d’être seul. Il ne peut pas l’utiliser à mauvais escient mais l’utilisera pour l’Ordre si c’est nécessaire. Il fait cependant attention à ce que personne d’autre que lui ne l’utilise et la garde toujours sur lui par précaution. A bien y réfléchir, Joy est peut-être la seule à savoir. S’il a parfois envie de l’utiliser pour disparaître et vivre une vie tranquille et sans soucis, il ne peut pas se permettre d’être aussi lâche et d’abandonner aussi facilement. Il fait partie de l’Ordre parce qu’il y croit, parce que c’est inscrit dans ses gênes et personne ne réussira à l’en faire douter.