Mihrimah avait fini par s'habituer à ne plus avoir Ashara à ses côtés. C'était avec nonchalance qu'elle avait rejoint sa table au cours d'histoire de la magie, que les Serpentard partageait avec les Serdaigle. La place libre à sa gauche eut pour seule utilité de supporter le sac de Mihrimah, qui comportait davantage de vide que de cahiers ou livres. C'était l'unique matière de la matinée et fidèle à elle-même, la Black ne comptait pas s'accrocher aux discours ennuyeux du professeur. Elle détestait l'histoire de la magie depuis son enfance. La vipère se rappelait sa préceptrice, Miss Fields. « Listen, sultana. I'm here for you, not for your mother's coffee. Okay ? So now, listen. » La voix sévère de Miss Fields résonna dans son fort intérieur, ainsi que le son que produisait sa baguette une fois qu'elle tapotait sur son bureau de fillette. A l'instar de Miss Fields, les enseignants de Poudlard avaient décrété que Mihrimah souffrait d'une lourde déconcentration lorsqu'il n'y avait rien de suffisamment intéressant à ses yeux dans le contenu d'un cours. Elle sortait uniquement de sa torpeur pour la pratique ou lorsque le sujet se révélait être assez accrocheur. « Aujourd'hui, nous continuerons à débattre sur la guerre entre gobelins et sorciers, sur les fautes de chaque parti. » Un soupir échappa à Mihrimah, qui n'hésita pas à enfouir sa tête entre ses bras croisés. Devant, Rohàn et Amadeus échangeait un regard mitigé. Le Goyle posa sa main sur la table qui appartenait jadis à Ashara, s'apprêtant sans doute à faire une remarque avant de se souvenir que cette place resterait éternellement vide à chaque fois qu'ils entreraient dans cette pièce. Amadeus n'accorda pas l'once d'un regard à Mihrimah, se retournant brutalement. Trois mois plus tôt, leur relation si électrique s'était calmée et les deux Serpentard semblaient prêts à se trouver un terrain d'entente... avant qu'Ashara, leur meilleure amie, ne chute de la tour des Serdaigle lors de l'attentat de février. A partir de là, la bataille avait recommencé. Ne souhaitant pas y penser davantage, Mihrimah ferma les yeux, cherchant à s'évader... jusqu'à s'endormir pour se réveiller une fois que la sonnerie annoncerait la fin de l'heure.

________________

« I still love him... If i can't, tell him, Mihrimah. » Les doigts d'Ashara, entremêlés dans les siens, lâchèrent prise. Les paupières de la Selwyn-Velaryon papillonèrent pour se fermer avec douceur, tandis que ses lèvres roses frémirent, cherchant à dire de derniers mots à sa meilleure amie. « And I love you too, Mihrimah... my sweet cousin, my dark paradise. » Et ce fut avec un sourire serein qu'Ashara quitta le monde des vivants pour rejoindre celui des morts. Tétanisée, refusant de croire à la réalité, Mihrimah quitta l'infirmerie, se précipitant dans les escaliers en quête d'un endroit quelconque où on ne la verrait pas. Elle tomba nez à nez avec un Amadeus plus grand que jamais, les traits durcis par la fureur. Mihrimah lui attrapa le bras, sans parvenir à le faire... comme s'il n'était pas réel, comme si lui aussi, était un fantôme. La voix, puissante, s'éleva. « I have nothing to talk with such shameless people like you, Mihrimah Sultan. Because it's your fault, it's only you ! »

________________

Le réveil fut agressif et un goût amer flottait dans l'air, comme si l'odeur de la mort la suivait. Le professeur avait posé la main sur son épaule, la réveillant au passage. « Mihrimah... je sais que vous n'aimez pas l'histoire de la magie, cela fait des années que je ne peux plus rien faire pour vous. Juste vous aider à prendre le chemin de la sortie.  » Ses camarades avaient quitté la salle et elle était la dernière... à la ramasse, coincée dans un cauchemar qui venait de prendre fin. Jetant la lanière de son sac sur son épaule, elle détala. Comme chaque vendredi, ils avaient trois heures de pause. Par une des vitres du couloir, Mihrimah put voir Rohàn, Vela ou encore Loki dans le parc. Ils ne prenaient pas tous la même direction, mais une chose était sûre : les ASPIC montaient au cerveau des septièmes années et il était temps de prendre l'air au lieu de continuer diverses dissertations. Sauf qu'elle n'avait aucune envie de les rejoindre. Elle ne réclamait que son lit douillet ou les fauteuils meolleux de la salle commune. C'était là qu'elle devait être.

Mihrimah se hâta de rejoindre les locaux des Serpentard, desserrant le foulard noué autour de son cou et libérant sa longue chevelure brune qu'elle avait noué en un chignon. Elle secoua la tête, profitant de cette petite liberté. Il n'était pas toujours aisé d'être femme et Mihrimah se sentait mieux à l'état sauvage plutôt que suivant les codes pointilleux de la haute sphère magique. Ses chaussures raclaient le sol des cachots, son ombre courant après sa silhouette. Ce fut avec soulagement qu'elle entra dans la salle commune après avoir donné le mot de passe au tableau. La pièce était vide, quoiqu'il n'y avait que deux premières années au coin du feu. Deux microbes qui ne la dérangeraient pas. Malheureusement, au moment où Mihrimah s'apprêtait à s'allonger sur un des canapés, un jeune homme dont elle ne connaissait que trop bien le visage fit irruption : Amadeus Goyle. Celui-ci marchait droit vers le dortoir des garçons, de sa démarche assurée. Hors de question de le supporter plus longtemps. Poussant un juron, elle se dirigea vers l'autre corridor qui menait au dortoir des filles. Là-bas, ils ne s'importuneraient pas mutuellement.

Mais le problème était qu'elle n'était pas des plus adroites lorsqu'Amadeus était dans les environs. Sans s'en rendre compte, elle lui écrasa violemment le pied pour ensuite trébucher, se rattrapant à temps grâce au bras du Goyle... qu'elle relâcha immédiatement, se rendant compte de sa bêtise. « T'aurais pu faire attention, Goyle !  » pesta-t-elle avec virulence, bien qu'au fond, Mihrimah savait pertinemment qu'elle était la fautive. Mais ce n'était pas devant Amadeus qu'elle l'avouerait, ô grand jamais. Elle était connue pour sa fierté, souvent mal placée. « J'attends des excuses, ne crois pas partir comme si de rien n'était. » La Black était plus cinglante que jamais, comme pour lui renvoyer la balle de leur dernière querelle : en Corse, lors des funérailles d'Ashara. C'était la dernière fois qu'ils s'étaient adressés la parole, mis à part lorsqu'elle lui avait ramassé son stylo trois jours plus tôt par excès de gentillesse.

J'avance dans le couloir en essayant de me montrer attentif à ce que mes camarades me disent. J'essaie de faire un effort pendant les premières minutes. Puis mon esprit vagabonde. Je n'entends qu'un charabia que je ne veux même pas comprendre. Je porte mon regard brun mordoré sur le bâtiment devant nous, qui s'approche à mesure de nos pas. Cette journée touche à sa fin. Certains élèves ont déjà fini leurs cours et se permettent de venir se détendre dans le parc. Je détache mon écharpe verte et argent sur mon épaule tout en montant les quelques marches qui nous amènent dans le hall de Poudlard. Je commence à avoir un peu trop chaud ou est-ce cette fièvre qui ne me quitte pas depuis mon réveil? Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que cette écharpe devient obsolète. Je me dirige vers le premier étage pour assister au dernier cours de la journée. Je suis suivis par Cassius, un autre Serpentard. Jusqu'à ce que ce dernier, s'éclipse au débout du deuxième couloirs afin de suivre Missy, sa petite-amie. Je soupire intérieurement. Mes pas me mènent doucement jusqu'à la salle de mon prochain cours. Histoire de la Magie, rien de plus barbant, surtout en fin de journée. Au matin, après le petit-déjeuné, c'est déjà dur mais en fin de journée, cela l'est tout autant, même plus. Je vois la silhouette de Rohàn qui vient vers moi. Pendant quelques secondes, je regarde dans son sillage, cherchant des yeux la silhouette longiligne d'Ashara. Je sais que c'est devenu inutile. Ashara ne franchira plus aucune porte de Poudlard. J'entre dans la salle de classe. Je jette un oeil autour de moi avant de poser mes yeux sur une place précise. Je finis toutefois par aller à ma place. Je me laisse tomber sur la chaise, n'ayant même pas envie d'ouvrir mon sac et de déposer ce foutu bouquin sur la table. Je laisse Rohàn ouvrir le sien.

Il me semble que le cours dure une éternité. Les minutes s'égrainent lentement. Et je me surprends à plusieurs reprises, à regarder l'horloge en bois qui orne l'un des murs de la salle de classe. Pitiés que cette heure finisse. Le professeur a beau essayé d'intéresser les élèves, la plupart d'entre-eux rêvassent dans leurs coins. Quant aux autres.... Mon regard se pose sur la silhouette effacée de Black. Elle semble s'être assoupie. Je soupire intérieurement avant de reporter mon attention sur le professeur. Le calvaire se termine, des minutes plus tard. Je suis l'un des premiers à quitter la salle. Je laisse Rohàn qui veut aller dans le parc. Quant à moi, je dois passer à l'infirmerie. J'ai besoin d'une potion. Je me fraie un chemin jusqu'au troisième étage. Je dois attendre quelques minutes avant que l'infirmière en chef me donne ce pourquoi, je suis venue. Une fois la potion Pimentine en main, je quitte l'étage. Je regagne d'un pas mesuré et assuré, les cachots de Serpentard. Le cours de magie m'a donné un mal de tête. A moins que ce sont les rumeurs qui courent sur Mina qui me torturent les méninges. En entrant dans la salle commune des verts et argents, je remarque deux uniques élèves de premières années. Ils sont près de la cheminée et lisent quelques pages de la Gazette. Je traverse la pièce tout en dénouant ma cravate. Je retire un bouton de ma chemise, puis un second. C'est à ce moment là que je suis bousculé. Je porte mes yeux sur le fautif ou plutôt la fautive. Black. Elle a sa tête de déterrée. Elle a les yeux d'une fille qui a du mal à trouver le sommeil. Aux paroles de cette dernière, je l'observe tout en fronçant les sourcils. Je connais Mihrimah depuis mon entrée à Poudlard, l'année de mes quatorze ans. Nous nous sommes rencontrés dans le Poudlard Express,  puisque nous avons partagé le même compartiment pendant tout le trajet. Rohàn ne cessant pas de lui parler. Je crois qu'il avait déjà un ticket avec elle. Mais elle et moi, nous n'avons jamais eu une excellente entente. Elle est tout juste cordiale. Et justement, c'est grâce aux efforts d'Ashara qui en avait marre qu'on se frite en sa présence. Pour elle, j'ai fait l'effort de supporter la Black. Même si on ne peut pas dire que nous sommes réellement amis. Nos caractères sont un peu trop semblables. Il y a constamment des étincelles dès que nous sommes ensemble. Malgré tout, grâce à Ash' les choses se sont arrangées petit à petit. Mais tout ça, c'est avant l'attentat de la tour des Serdaigle. Avant que la Black abandonne lâchement sa meilleure amie au profit de son connard de frère. Ce jour-là, Ashara est morte, prise au piège dans l'éboulement de la tour. Je ne lui pardonne pas son attitude et encore moins le choix qu'elle a fait, ce soir là. Depuis, je ne peux plus la supporter. Son regard, son allure, sa silhouette, tout en elle, m'énerve. Quand je la regarde, je vois Ashara à ses côtés. Et ça, c'est insupportable.

« Tu te fous d'moi, Black! C'est toi qui me fonce dessus. Si t'es pas capable de mettre un pied devant l'autre, reste au pieu! » Les deux élèves qui sont dans la pièce, nous regardent avant de sortir. Visiblement ils ressentent la tension et préfèrent s'éclipser. Je repose mes yeux bruns sur la sorcière quand elle reprend la parole. « Des excuses? Tu rêves. Et arrête ton cinéma. Tu m'as jamais impressionné, ça va pas commencer aujourd'hui. » Je la toise de mon mètre quatre-vingt-huit, la dépassant de bons nombres de centimètres.

Qui se ressemble s'assemble, disait-on. Ce proberve était en faux en ce qui s'agissait d'Amadeus et Mihrimah. Leurs tempéraments étaient si électriques qu'ils ne pouvaient se supporter bien longtemps. Durant des années, Ashara avait été le bouclier qui empêchait l'un de sauter à la gorge de l'autre. Cette période était révolue. Ashara n'était plus, tout autant que l'entente naissante entre le Goyle et la Black avait volé en éclats suite à ce tragique évènement. Comment en avaient-ils pu en venir à là ? La rage d'une perte, sans doute. Mihrimah se rappelait parfaitement de sa première rencontre avec Amadeus, dans le Poudlard Express. Il lui avait donné l'impression d'être un adolescent fort, à l'avenir viril... il était tous ce qu'elle appréciait chez un homme. Malgré qu'ils ne cessaient de se quereller, cela n'avait pas empêché Mihrimah de tomber amoureuse de lui. Quoique « amoureuse » était un bien grand mot. Elle n'avait jamais aimé quiconque, car si elle était sortie avec Rohàn à une époque, Mihrimah n'avait pas été chagrinée par la rupture. Quand on aimait, ce n'était pas ainsi qu'on se comportait lorsqu'une histoire s'achevait. En fait, elle n'avait aucune idée de ce qu'on ressentait une fois qu'on se heurtait de plein fouet à l'amour. Mihrimah n'avait même pas envie de le savoir. Amadeus était peut-être juste un béguin, un beau garçon qui la transformait en potiche maladroite lorsqu'il faisait irruption dans la même pièce qu'elle.

Mihrimah n'avait jamais laissé sous-entendre qu'il l'attirait. Inexpérimentée en la matière, elle émettait des réserves à le faire et elle avait masqué cette attirance en la remplaçant par une attitude déplorable et agaçante. Amadeus n'y avait vu que du feu et Mihrimah s'était laissée faire prendre dans son propre jeu. A présent, ils se détestaient presque. Ce n'était pas de la haine, plutôt une énorme rancoeur pour leurs coups bas, l'agressivité d'Amadeus, l'immaturité de Mihrimah, la mort d'Ashara... des tas de torts non-excusés. Ce manège ne semblait pas prêt de s'arrêter : une nouvelle fois, Mihrimah était au taquet. Si un ou une autre lui aurait fait la même chose, cette personne aurait terminé à l'infirmerie voir Ste-Mangouste depuis des lustres. Sous certains aspects, on pouvait s'accorder à dire qu'Amadeus était relativement patient et miséricordeux envers Mihrimah. Il ne fut pas démonté par les exigences de la Black, au contraire. « Tu te fous d'moi, Black ! C'est toi qui me fonce dessus. Si t'es pas capable de mettre un pied devant l'autre, reste au pieu ! » Si elle était de bonne humeur, Mihrimah aurait éclaté de rires face à la réplique du Goyle.

Mihrimah était douée pour prendre les situations sérieuses à la légère. Oui, elle lui avait foncé dessus involontairement. Sauf qu'il était impossible qu'elle s'excuse devant lui, ni devant quiconque, d'ailleurs. Mihrimah n'était même pas navrée. « Des excuses ? Tu rêves. Et arrête ton cinéma. Tu m'as jamais impressionné, ça va pas commencer aujourd'hui. » Il ne l'effrayait pas non plus. Ses propres parents n'avaient aucune emprise sur elle lorsqu'il s'agissait de la terrifier, ce qui signifiait clairement que Mihrimah était un cas spécifique. « Bien, ça nous fait un point commun. Tu ne m'impressionnes pas non plus, ton corps n'a même pas pu résister à une blessure au Quidditch. T'es pourri jusqu'aux os, Amadeus. » Tout autant que le caractère explosif de Mihrimah n'avait su combattre un renvoi. Jadis, elle avait été la capitaine de l'équipe de Quidditch des Serpentard et avait pris un malin plaisir à exercer de l'autorité sur Amadeus via cette activité. C'était les seuls moments où elle avait eu l'occasion de le matraquer sans qu'il ne riposte en public. « Et je ne parle pas que de cette bousculade. Tu me fatigues et tu n'as fais que me froisser depuis que l'on se connaît. Alors, je mérite des excuses. Je ne suis pas n'importe qui. » C'était un caprice. En vérité, Mihrimah avait commencé les hostilités depuis la nuit des temps. Si elle ne lui avait pas répondu d'un ton désagréable à cause de sa susceptibilité dans le Poudlard Express six ans plus tôt, peut-être qu'Amadeus aurait été un ami. De belle stature pour une femme, Mihrimah arrivait au menton de son camarade, déjà grand. Ses yeux d'un azur perçant et tendre à la fois sondait ceux d'Amadeus, d'un sublime brun mordoré. Elle n'avait pas peur, pourtant, une autre aurait pu s'évanouir. Le spectacle d'un Amadeus en colère n'était pas beau à voir. « C'est un mot à six lettres : pardon. Ce n'est pas difficile. » Mihrimah arqua un sourcil, provocante. Pardon... pardon pour me faire croire que si Ashara est morte, c'est de ma faute, allait-elle ajouter sans parvenir à le faire.

Je fais des efforts depuis trop longtemps. Des efforts consentis pour Ashara, parce qu'elle a toujours insisté en ce sens. Parce que Mihrima est sa meilleure amie. Parce qu'elle est la seule fille, proche de la Black. Alors je concède. Je tempère mon caractère. Je me tais alors que parfois, ma langue me brûle. Ashara désamorce sans arrêt nos conflits. On la respecte pour ça. Elle sait, probablement qu'on peux s'entendre. La Serdaigle a toujours le bon feeling avec les autres. Elle sait aussi que nous sommes trop fiers pour tenter un quelconque rapprochement. Je laisse faire, me contentant de supporter la présence de la brune. Je m'éclipse quand c'est possible. Nous limitons nos échanges. Et jusque là, ça se passe bien. C'est la meilleure solution. Mais Ashara est morte. D'elle, il ne reste que des souvenirs et de l'amertume. Trois mois que je n'ai pas vu son visage, que je n'ai pas entendu sa voix. Chaque jour, je  vis sans la présence de la jeune femme. Elle me manque mais je suis trop fier pour l'avouer. Et puis, à quoi bon. Cela ne peux pas la faire revenir. Sans elle, l'entente cordiale vole en éclats. Plus de compromis, plus de capitulation, plus rien. Ces derniers mois sont éprouvants. Je ne cherche pas la compagnie de la brune et inversement. Cela me va. Je n'ai pas besoin d'autre chose. L'ignorance a toujours été bénéfique quand il s'agit de nos échanges. C'est même la meilleure chose à faire. Mais la Black ne semble pas comprendre que je n'ai plus envie de rire. Finis nos jeux, nos querelles maladives et incessantes, je veux juste qu'elle me foute la paix. Qu'elle passe ses nerfs sur Rohàn. Ce dernier a toujours eu une tendance sado-maso. Surtout quand on inspecte de plus près sa longue liste de petites-amies. Faut vraiment avoir une case en moins pour sortir avec le Lestrange. A moins que ce soit le prestige du nom qui fait tout oublier. Quoiqu'il en soit, je suis lasse de faire des efforts avec la Black. Ashara n'est plus là pour tempérer mon caractère. Et je n'ai pas envie de faire des efforts. Je trouve que j'en ai déjà fait assez durant toutes ces années. Je pose mon regard sur la jeune femme. A ses premières paroles, j'ai presque la sensation qu'Ashara va venir nous secouer tous les deux. Mais non, elle ne peut plus faire ce genre d'apparition. Son visage, son rire, je ne peux les voir qu'en rêves, ou en cauchemars. Sa silhouette n'est plus faite de chair et de sang. C'est un spectre qui me hante, m'angoisse et rallonge le nombre de mes insomnies.

Un léger sourire se place sur mes lèvres. J'observe la Black. Je connais plus coriace que la jeune femme. Ses petits excès de colère me font presque rire. « Une blessure du à ton incapacité en tant que capitaine, à mettre en place de bonnes tactiques. La pourriture, tu sais ce que c'est, pas vrai. Je préfère avoir un genou détraqué, plutôt qu'une âme comme la tienne. T'es irrécupérable Black. Et je suis pas le seul à l'avoir compris. » Je garde mes yeux  sur elle. En tant que capitaine de l'équipe de Serpentard, elle a carrément foiré. Mais elle a au moins pris son pieds en me donnant des ordres. C'est bien le seul plaisir qu'elle peut avoir avec  moi. Non pas qu'elle est désagréable à regarder, bien au contraire. Seulement, il n'y a pas que le physique qui compte. Et puis, franchement, j'ai vraiment pas la tête à tout ça, en ce moment. Je la laisse volontiers remettre le grappin sur Rohàn. Cela m'arrange en même temps. Je sais que ce dernier cherche à se venger depuis qu'Alesya m'a embrassé après un match de Quidditch. Je sais qu'elle veut nous brouiller. Et d'ailleurs, elle a probablement réussi, vu comment les relations entre son frère et moi, se sont distendues et dégradées. Je crois que j'ai trop espéré que Rohàn ne soit pas aussi influençable. Apparemment, j'ai tort. Reportant mon attention sur la Serpentard. « Oooh je t'ai froissé. Il faut vraiment que je te fasse des excuses alors. On ne froisse pas la fille d'un sultan. » Mon ton est faussement amusé. Cette conversation m'ennuie. Elle me fait perdre mon temps. Je repousse sans ménagement la Black contre le mur juste derrière elle. « Tu me fais perdre patience Black. Ton pardon, tu vas l'attendre longtemps. Pas après tout c'que tu as fait. Inverse pas les rôles. » Je retire la main que j'ai posé près de sa tête. Et je recule. Je l'observe. Je sais ce qui la met dans cet état. Parce que je ressens la même chose, mais je fais pas chier tout le monde, contrairement à elle. Je serre les dents avant de me redresser.

Plus de cent fois, Mihrimah s'était demandée s'il n'était pas plus judicieux de faire un pas vers Amadeus afin de cesser cette bataille qui durait depuis près de sept ans. Plus de mille fois, Ashara avait tenté de la raisonner... sans doute parce que la défunte Serdaigle était consciente que la Black n'y était pas pour rien dans l'affaire. Mihrimah était fautive. Comment pouvait-elle réclamer des excuses de la part du Goyle ? C'était incroyable... c'était totalement elle. Souvent, la jeune femme ne se montrait pas des plus logiques. Elle était loin d'être stupide, mais se laissait avoir par son impulsivité, par sa nette tendance capricieuse. C'était un aspect négatif de sa personne, qu'on ne se plaisait pas à entrevoir. Mihrimah, malgré sa fraîcheur, était puérile. Elle n'était mature et sérieuse que lorsqu'une situation l'exigeait.

« Une blessure du à ton incapacité en tant que capitaine, à mettre en place de bonnes tactiques. La pourriture, tu sais ce que c'est, pas vrai. Je préfère avoir un genou détraqué, plutôt qu'une âme comme la tienne. T'es irrécupérable Black. Et je suis pas le seul à l'avoir compris. » Amadeus déraillait. Mihrimah était une excellente capitaine, les professeurs eux-mêmes s'accordaient à le dire. Son principal défaut en tant que leader était qu'elle n'avait pas de self-control lorsqu'il s'agissait de Quidditch. C'était une pile électrique, qui avait réussi à mener l'équipe des Serpentard à une multitude de victoires... mais pas de la bonne façon. Ses tactiques n'étaient pas pacifiques, au contraire. D'une détermination féroce, elle en était venue aux mains plusieurs fois et sa méthode de jeu était des plus brutales. C'était pour cette raison que le directeur l'avait éloigné des rennes de l'équipe, l'évinçant au profit de Zane lorsqu'elle lança volontairement son Souaffle dans le crâne d'une joueuse de Gryffondor. Ou bien elle cédait sa place, ou bien on la renvoyait définitivement de l'école. Mihrimah avait fait son choix et à ce jour, ne jugeait pas être responsable de la blessure d'Amadeus. S'il souffrait de cet handicap, c'était uniquement parce qu'il était piètre joueur : leurs coéquipiers avaient survécu, pourquoi pas lui ? « Oooh je t'ai froissé. Il faut vraiment que je te fasse des excuses alors. On ne froisse pas la fille d'un sultan. » Exactement. On ne froissait pas une sultane. Le Goyle ne savait pas à qui il se frottait. Il avait saisi l'ampleur des choses, de ses insultes. Voilà ce que sa dérision lui insufflait à l'oreille. Sa raison, elle, lui disait qu'il était mieux de la fermer si elle ne souhaitait pas finir au cimetière le lendemain. Il la repoussa agressivement, faisant en sorte que le dos de Mihrimah heurte le mur qui se trouvait derrière elle. Ce n'était pas la première fois qu'il la poussait de cette façon. Parfois, Amadeus avait fait bien pire. Il ne craignait pas de la briser, parce qu'en la côtoyant, Mihrimah Black donnait l'impression d'être imperméable et incassable. « Tu me fais perdre patience Black. Ton pardon, tu vas l'attendre longtemps. Pas après tout c'que tu as fais. Inverse pas les rôles. »

Mis à part rendre le quotidien d'Amadeus infernal, Mihrimah n'estimait pas être l'unique source de ses ennuis. Les coups bas de Mihrimah envers le Goyle étaient futiles, sans intérêts. Ils étaient juste destinés à l'emmerder, à lui faire savoir que cela ne se finirait jamais tant qu'elle ne trouverait pas une solution. Parce qu'en se montrant si immature et détestable, Amadeus ne saurait pas la vérité. Il ne saurait pas qu'elle l'appréciait plus qu'elle ne le devrait, qu'elle avait accepté sa rupture avec Rohàn sans broncher, émettant même des signes de soulagement car elle avait à l'époque compris qu'elle n'avait d'yeux que pour l'héritier Goyle. Elle ignorait le pourquoi du comment, sachant qu'il n'avait jamais été très aimable envers elle. « J'étais une excellente capitaine, j'ai su mené notre équipe à la victoire suprême durant trois ans. C'est plutôt toi qui n'a pas pu suivre le rythme imposé. » Mihrimah s'était redressée, sa voix se faisant tranchante. La jeune femme ne cillait pas. La Black marqua une pause, les lèvres pincées, s'interrogeant sur ce qui allait suivre. Devait-elle avoir le courage de prouver qu'elle n'était pas une dure à cuire et que ses réclamations n'étaient pas seulement des caprices ? Dernièrement, Amadeus l'avait réellement blessé. Autrefois, c'était un jeu. Désormais, il passait à l'étape supérieure depuis la mort d'Ashara. Lorsque ça devenait sérieux, Mihrimah ne pouvait le laisser faire. « Avant février, mes torts étaient égales à ceux d'un enfant. Depuis la chute de la tour des Serdaigle, les tiens sont ceux d'un adulte. D'un homme, qui sait parfaitement ce qu'il profère. Tu m'as traité de meurtrière, même si tu as utilisé un autre terme. » Mihrimah se souvenait de la falaise, du vent qui fouettait son visage... des mots qui avaient franchi la bouche d'Amadeus lorsqu'il l'avait rejoint dans le but de la faire culpabiliser. « Et je peux le jurer : je n'aurais pas eu l'audace de t'accuser d'une telle chose. Alors, regarde-moi et avoue que tu as faux. Sur toute la ligne. » Elle était indéniablement fâchée mais son ton était égal. Encore une fois, sans le faire exprès, Mihrimah tentait de masquer ses émotions alors qu'elle en pleurait encore une fois la nuit tombée, l'obscurité dissimulant ses larmes dans le dortoir. Puis ses camarades s'endormaient, n'entendant et ne voyant plus rien. Personne ne savait qu'elle était blessée, anéantie par la perte de sa cousine ainsi que par les regards méprisants et les accusations de l'héritier Goyle.

Sa stupidité m'exaspérait par moment. Elle voulait être considérée comme une femme à part entière capable de rivaliser avec un homme, une sorcière douée. Mais en l'observant, je ne voyais qu'une gamine immature et capricieuse. Une fille qui avait toujours eu ce qu'elle voulait et que même ses parents avaient été incapable de la remettre à sa place. Une fille qui pensait tout savoir mieux que quiconque. Une fille qui se mêlait de choses qui ne la regardait pas. Cela avait fait d'elle, une sorcière qui n'avait pas l'habitude d'être remise à sa place. Qui ne supportait pas qu'on lui tienne tête et qu'on lui dise les vérités comme elles étaient. Ce genre de fille avait tendance à m'énerver. Même Wilhelmina était plus sérieuse que ne pouvait l'être la Black. Ou alors n'était-elle ainsi qu'avec moi? Avais-je la primauté de son caractère puéril? Je ne savais pas si je devais en être flatté. Tout ce que je savais, c'est que j'en avais assez qu'elle me colle comme elle le faisait. Si elle voulait un clébard, elle pouvait toujours adopter. Elle n'avait pas encore compris que je n'avais pas envie de lui adresser la parole? Ou devais-je lui écrire un parchemin? Peut-être avait-elle des problèmes de compréhension. Je commençais à le penser en m'apercevant, qu'elle ne semblait pas vouloir lâcher prise. Têtue en plus de cela. Aux paroles de la Black, je portais mes yeux ambrés sur elle. Je soupirais intérieurement. Elle n'avait toujours rien compris. A  croire qu'elle écoutait mes premiers mots et se refermait ensuite comme une huitre. Ou alors ne voulait-elle entendre que ce qui l'intéressait réellement. Mais que voulait-elle? J'en étais là dans mes réflexions quand elle aborda une nouvelle fois, ses habilités en tant que capitaine des Serpentard. Elle ne comprenait vraiment rien à rien. C'était exaspérant. J'avais l'impression de parler à un mur. « Tu étais tellement excellente que le directeur t'a écarté de l'équipe. Cela ne te fait pas réfléchir quant à l'attitude que tu avais sur le terrain et avec ton équipe? » Je l'observais. Est-ce qu'elle faisait exprès de ne pas comprendre? Mirhimah n'était pas une mauvaise capitaine. Mais c'était plus sa grande gueule qui l'avait mené à ce poste, plutôt qu'à ses réelles compétences. Un capitaine devait être là pour souder les autres et faire ce qu'il pensait être le meilleur pour gagner un match. Black pensait d'abord à elle, à imposer son point de vue plutôt qu'à écouter les autres. La preuve, le directeur de notre maison lui avait retiré son poste. Si vraiment, elle était une excellente capitaine comme elle le disait, elle aurait gardé sa place. Au lieu de ça, c'était Zane qui avait récolté le titre. En même temps, elle devait être un peu énervée de voir mon petit frère lui voler la vedette. « Une tactique ce n'était pas seulement la force mais c'était aussi la logique. Et on ne pouvait pas dire que tu lui donnais toujours la priorité. »

Quant à mon accident, ce qui s'était produit sur le terrain de Quidditch, un matin d'octobre, me concernait. Si j'avais chuté, c'était de ma faute. Je n'avais jamais fait aucun commentaire sur ce qui s'était passé. Alors qu'elle se permettait de juger de mon attitude ou même de mon ressenti vis à vis de l'accident, me mettait hors de moi. Pourquoi venait-elle à aborder le sujet alors que je ne l'avais jamais mis sur le tapis? Ni même pour m'en plaindre et encore moins pour rendre fautif quelqu'un? J'étais un excellent joueur. En tant que gardien j'avais évité la quasi totalité des buts averses. J'avais sauvé la mise de ses tactiques pourries plus d'une fois. Mais à force de miser sur les coups bas, tout le monde avait agi de la même façon. Et on en était venu à se défendre sur un terrain plutôt qu'à jouer. A oui pour ça, elle était super en tant que capitaine. Sauf qu'un capitaine n'était pas censé agir de cette façon. A force de vouloir jouer dur, elle avait oublié pourquoi elle avait été choisi pour mener l'équipe. Mais je n'étais pas d'humeur à lui rappeler le rôle d'un capitaine. Elle avait fait des erreurs, qu'elle assume. Sauf qu'elle n'était pas douée pour assumer les choses. Je le savais. C'était une lâche qui s'était toujours cacher derrière son caractère de merde. Même fautive, elle était incapable de reconnaître ses torts. Et cela continuait. Elle n'avait pas changé. Et pourquoi six ans étaient passé depuis notre rencontre. Les gens changeaient mais elle, elle était restée la petite fille de quatorze ans, qui avait imposé sa présence aux autres. Elle agissait toujours de la même façon. Elle était incapable de remarquer quand elle gênait et quand elle était en tort. Je ne connaissais pas de fille plus têtue et plus hermétique à toute conversation. Parler avec elle, était devenu un exercice fatiguant et fastidieux. Gardant mon regard sur elle, je la vis pincer les lèvres comme à chaque fois qu'elle était contrariée. J'abordais un sujet délicat et je le savais. Mais autant crever l'abcès vu que c'était elle qui abordait le sujet. Elle voulait des excuses. Mais elle avait elle-même des torts qu'elle ne voulait pas assumer. Toutefois ces paroles me faisaient sourire. « Je n'ai jamais employé ce terme et tu le sais. Mais si tu l'utilises c'est que tu dois avoir tes propres raisons. » Je m'avançais à nouveau vers elle, l'obligeant à rester contre le mur. Mon visage surplombait le sien. Mes yeux scrutaient les siens. J'étais à quelques centimètres de son visage. « Inutile de m'accuser de quoi que ce soit. Il suffit de regarder le bleu de tes yeux. Tu me rends coupable de ce qui s'est passé. Ça t'énerve que je sois toujours vivant et pas elle. Tu aurais préféré que ce soit moi qui tombe de cette tour, avoue-le. Sois franche avec toi même. Dis-le que tu me voulais six pieds sous terre. »

A chaque fois qu'Amadeus se permettait de critiquer ouvertement Mihrimah, ses remarques étaient en général justes et pleines de sens. Ce n'était pas un jeune homme des plus brillants mais il était indéniablement pertinent et avait un certain talent pour déceler les faiblesses d'autrui. A l'instar de Mihrimah, remuer le couteau dans la plaie de l'ennemi était un point fort chez le Goyle. « Tu étais tellement excellente que le directeur t'a écarté de l'équipe. Cela ne te fait pas réfléchir quant à l'attitude que tu avais sur le terrain et avec ton équipe ? » Il la détaillait du regard, lui rappelant son frère aîné Judicaël lorsqu'il la réprimandait. Bien entendu, qu'elle avait réfléchi à l'attitude qu'elle avait eu en tant que capitaine suite à son renvoi. Oh que oui, elle avait été excellente mais trop impulsive. Mihrimah n'avait pensé qu'à son plaisir personnel et avait poussé ses joueurs à l'excitation et la brutalité. Si elle avait favorisé ses capacités de poursuiveuse ainsi qu'une union solide entre coéquipiers, les choses se seraient déroulées autrement. Le soucis était qu'elle ne comptait pas l'avouer. Pas à lui. Il n'était pas un ami. « Une tactique ce n'était pas seulement la force mais c'était aussi la logique. Et on ne pouvait pas dire que tu lui donnais toujours la priorité. » La Serpentard avait saisi, inutile de faire des précisions. Effectivement, elle donnait la priorité à ses pulsions et non pas à la cohérence. C'était ce qui la caractérisait si bien, c'était ce qui la différenciait tellement d'Ashara lorsqu'elles étaient inséparables. Les deux siamoises, l'ange et le démon.

Fut un temps où Mihrimah n'était pas aussi démoniaque. Une courte période où elle s'était assagie pour une raison quelconque et où elle s'était vue recevoir son insigne de capitaine de l'équipe de Quidditch des Serpentard au domicile familial. C'était une belle journée d'août que la jeune femme n'était pas prête d'oublier, autant que la soirée où on lui retira ce poste était gravée dans sa mémoire.
Puis, plus tard, Mihrimah s'était métamorphosée. Elle était devenue aussi monstre qu'à ses heures perdues, une véritable tornade. Ce tournant correspondait-il au moment où elle s'était plongée plus que jamais dans la magie noire ? Peut-être. Ce qu'elle savait, c'était qu'Amadeus n'appréciait pas cette Mihrimah. Il l'aimait un peu plus une fois qu'elle se calmait, comme lors des semaines qui avaient précédé la mort d'Ashara.

Cette perte avait changé le quotidien de Mihrimah. Désormais, on la voyait souvent seule à marcher dans les couloirs. On ne l'apercevait plus assise au bas de son chêne favori dans le parc, à rire aux éclats ou à se prélasser. On ne l'entendait plus chuchoter des mots à l'oreille d'une certaine blonde angélique lors des cours communs avec les élèves de Serdaigle. Oh que oui, les choses avaient évolué. Et il n'y avait plus Ashara pour servir de médiatrice entre le Goyle et la turbulente Black. Alors oui, pas étonnant que le bel héritier Goyle se confronte en cette minute précise à la sultane. Celle-ci s'était dégagée du mur d'où Amadeus l'avait plaqué quelques instants plus tôt. Mihrimah réclamait des excuses qu'elle méritait amplement, mais la requête était ardue lorsqu'il s'agissait d'Amadeus Goyle. Il était fier, brutal et ne se retiendrait pas pour la verbaliser. Elle était bornée, arrogante et connaissait par coeur le domaine des disputes. L'un pour l'autre, ils étaient des adversaires égaux sauf que d'un oeil extérieur, c'était Amadeus qui dominait la bataille. Grand et imposant, et de l'autre côté, une Mihrimah gracieuse mais plus délicate. Ils étaient seuls et étaient libres de se livrer à un duel s'ils le désiraient. Mais en fallait-il en venir à là ? Non. Ashara ne serait pas satisfaite de ça. Ce n'était pas ce qu'elle voulait et ils se devaient d'honorer la défunte Serdaigle. « Je n'ai jamais employé ce terme et tu le sais. Mais si tu l'utilises c'est que tu dois avoir tes propres raisons. » Ce n'était pas ce terme, certes, mais c'était un mot qui approchait largement la définition de meurtrière. Elle l'avait vu dans son regard, plusieurs mois auparavant. Elle haussa les sourcils, ostentatoire. Lui, s'avança vers elle, la forçant à se plaquer de nouveau contre le mur de pierres. Mihrimah n'avait pas le choix. Ou c'était le recul, ou c'était lui contre elle. Hors de question, impensable. La Black détestait voir les yeux du Goyle scruter son visage, parce qu'Amadeus savait lire ses expressions et ses ressentis. Il était doué pour ça. Indigné, elle baissa brièvement ses iris bleutés vers le sol, avant de relever la tête. Elle était digne et ne devait pas se permettre de regarder ailleurs. Impétueuse, elle l'affrontait malgré cette proximité qui la mettait mal à l'aise. « Inutile de m'accuser de quoi que ce soit. Il suffit de regarder le bleu de tes yeux. Tu me rends coupable de ce qui s'est passé. Ça t'énerve que je sois toujours vivant et pas elle. Tu aurais préféré que ce soit moi qui tombe de cette tour, avoue-le. Sois franche avec toi même. Dis-le que tu me voulais six pieds sous terre. » Mihrimah ne s'était pas attendue à de tels propos. Amadeus était à mille kilomètres et des années lumières de la vérité. En toute sincérité, elle n'avait jamais pensé qu'il était préférable qu'Amadeus tombe de la tour à la place d'Ashara. Elle ne le détestait pas et elle n'était pas ce genre de personne. Ses yeux s'écarquillèrent sous la surprise, puis se plissèrent légèrement. Amadeus était fou. « Tu oses ? » murmura-t-elle, vérifiant qu'il n'y avait pas leurs camarades dans les parages. Bien, aucun garnement à l'horizon. Ce qu'elle s'apprêtait à dire était des plus personnels, elle n'avait aucune envie que les autres entendent. « Quoique j'ai pu te dire en six ans, quoique j'ai pu te faire, je n'ai jamais voulu qu'il t'arrive le moindre mal. Sinon, je me serais personnellement débrouillée pour t'atteindre. » Mihrimah cessa de débiter, réfléchissant à la suite. Parce qu'elle était prête à le dire mais qu'elle s'était stoppée, interdite. Devait-elle franchir ce cap ? Il était temps de se dévoiler, au lieu de jouer l'immature et celle qui se braquait. Peut-être qu'il était tard pour que leur relation s'améliore, mais qu'importe, au moins, Amadeus serait au courant. « Si c'était nécessaire, j'échangerais ma vie contre la tienne. Alors, ne parle pas de cette tour. N'insinues pas que j'aurais voulu te voir mourir à la place d'Ashara. Si tu étais important pour elle, tu l'es pour moi. Et après ce que je viens de te dire, je n'ai plus qu'une envie, c'est... » Mourir. C'était la première fois qu'elle se livrait à lui et Mihrimah avait l'impression que même périr dans les flammes de l'Enfer était plus aisé. Elle ne termina pas sa phrase, cherchant des yeux une issue. Il la bloquait, elle ne pouvait aller nul part ailleurs. Elle était forcée de prendre son courage à deux mains et de rester.