Planqué dans un recoin du couloir, en l'occurrence une simple niche de style roman qui abritait la statue d'un phénix. Bien dissimulé derrière l'envergure de ses grandes ailes, Alfie fumait une cigarette, la fumée s'envolant en volutes vers la voûte. Il repose lentement l'arrière de son crâne sur la pierre froide ; ça l'avait toujours aidé à réfléchir, déjà depuis ses premières prises de becs avec Wilfred. Ouais, quand son aîné cherchait à contrôler sa vie alors qu'il n'était pas capable de se gérer lui-même, ça partait souvent en querelles interminables, les laissant finalement bouder chacun dans leur coin respectif. Certes, aujourd'hui, il ne s'était engueulé avec personne - chose suffisamment rare pour être soulignée -, mais il s'était encore pris une heure de retenue et ça l'avait mis passablement de mauvaise humeur. Une mauvaise humeur qui ne s'était bien entendu pas améliorée lorsqu'il avait croisé Salamandra et Aymeric bras dessus dessous au détour d'un couloir. Sans qu'il comprenne réellement pourquoi, il avait senti la chaleur lui monter aux joues, sans parler de cette violente démangeaison au creux de sa paume, une de celle qui l'incitait à sortir sa baguette et à jouer, en chef d'orchestre, un véritable concerto de cris, de sang et de larmes. Toutefois, la simple présence de la jeune Serpentard le retenait dans ses envies meurtrières et, comme il les regardait tous les deux, il ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'elle pouvait bien lui trouver. Soit, il était plus grand, plus fort aussi sans doute qu'Alfie ne l'était lui-même, mais avait-il sa verve, sa malice, sa douceur aussi parfois, quand l'envie lui en prenait ? Sans doute pas. Trop rancunier envers le Poufsouffle, chaque examen visuel auquel il le soumettait ne lui permettait que de souligner davantage ses défauts. Là, une imperfection de sa peau, une broutille dans ses vêtements, peu importait, il y avait toujours chez lui quelque chose qui clochait... Sans mot dire, il avait détourné le regard, ne cherchant même pas à lui ravir la jeune fille sous un prétexte quelconque. Non, il s'était simplement contenté de trouver Finch à la sortie de son cours de potions et il lui avait murmuré quelques mots rapides à l'oreille. « Trouve moi l'emploi du temps de McCawley. » Quelques heures plus tard, comme souvent lorsqu'il exigeait quelque chose de l'un de ses sous-fifres, sa demande était exaucée et il avait dans les mains le précieux parchemin qui lui détaillait en long en large et en travers où Aymeric était sensé se trouver et à quelle heure. Seize heures, fin du cours de Zoologie Magique des sixième années... A vrai dire, s'il est planqué là, ce n'est pas par hasard non plus... Et la raison de sa cachette ne tarde pas à se faire connaître à sa vue ; il semblerait même que le sort joue en sa faveur comme Aymeric sort de la salle en dernier et seul. Un sourire mauvais nait sur les lèvres du Gryffondor et il sort sa baguette sans un bruit. S'il hésite, un quart de seconde tout au plus, c'est sans aucun doute parce qu'il se dit que Sally risque de lui en vouloir (après tout ne lui a-t-elle pas confié éprouver quelque chose pour lui ?) mais il lui suffit de se remémorer la jeune fille accrochée à son bras, ses yeux ambrés perdus sur le visage du Poufsouffle, pour raviver sa détermination. Un simple mouvement de poignet et, comme fauché par un fil invisible, Aymeric s'étale de tout son long dans le couloir. C'est complètement immature et puéril, d'autant plus qu'il n'y a personne pour profiter et se moquer de sa chute, mais ça suffit à remonter le moral du jeune Gryffondor. C'est con, c'est vrai... Il ne peut retenir un ricanement froid et moqueur comme il sort de sa cachette, haussant un sourcil intrigué comme il le regarde d'au-dessus, visiblement méprisant. « Bah alors McCawley, on n'sait plus marcher ? Cela dit c'est pas franchement étonnant avec ces grands pieds que tu te trimballes... » Il laisse à nouveau échapper un rire cristallin, sa baguette bien planquée dans son dos. Lui, coupable ? Jamais, voyons...