Une stupidité, ce Ligare Carcerum. Vraiment. Heloym, en toute honnêteté, adorait Cedrella. Elle était sa meilleure amie sur terre, bien évidemment, et la personne qu'il chérissait le plus dans cet univers et les autres. Il l'aimait, même, aussi bizarre que ce mot puisse être sur sa langue, dans sa bouche. Il aimait sa manière de se lever tard le matin, et sa manière de froncer les sourcils quand elle ne comprenait pas, et sa franchise déroutante. Il l'aimait. Bizarrement, de travers, à côté de la plaque, mais il l'aimait. En revanche, il trouvait ça idiot d'être collé à elle. Au début, l'idée l'avait séduit. Ca ne le changerait pas trop de d'habitude, hein ? On disait que Ella et Hel étaient toujours collés, inséparables ; qu'il était son ombre, qu'elle était le soleil qui le guidait. Maintenant que ces phrases idiotes prenaient tout leur sens, Heloym commençait à s'en lasser. Il avait l'impression d'étouffer, à toujours savoir que les yeux bruns d'Ella s'attardaient sur lui ; et incapable de trouver le sommeil, quand elle était si proche, si là, tout le temps quelque part. Il l'aimait à peu près autant qu'il avait besoin de temps seul, pour se retrouver, pour se chercher, pour méditer, pour se calmer. Or, le Ligare Carcerum l'en empêchait. Il avait été tenté de rompre le sortilège, de s'écarter d'elle et de perdre, ainsi toute particularité magique (et peut-être, sa malédiction de voyance?) mais il savait qu'Ella chérissait trop cette part d'elle pour la sacrifier pour ses beaux yeux.

Il était donc maussade, aujourd'hui. Visage fermé, esprit ailleurs, lisant sans trop le voir le livre qu'il avait dans les mains, téléguidé. A côté de lui, Cedrella faisait de même ; et ce silence obstiné était lourd, était désagréable. Ils étaient rarement aussi silencieux. Elle avait toujours quelque chose à dire, à raconter, une vanne à partager ; et lui était toujours du genre à renchérir, pour l'inviter à parler plus, plus vite, encore, pour ne pas laisser ce genre de silence s'abattre. En vain, pour une fois. Et quand, enfin, ils partageaient une telle accalmie trop rare, c'était de ces silences agréables, reposants, qui apportent de la sérénité à l'esprit. Pas cette chose lourde et insupportable qu'il devait porter sur ses épaules comme une épée de Damoclès. Ils finirent par se glisser, Heloym et Cedrella, dans le couloirs des courants d'air, sachant pertinemment qu'ici, personne ne viendrait les déranger. Les autres élèves n'aimaient pas trop les fantômes mais ceux-ci n'avaient jamais dérangé ni la gryffondor, ni le pouffsouffle. Ils étaient assis contre un mur du couloir, à lire leurs livres respectifs sur des cours plus ou moins importants, plongés dans ce silence qui, il semblait à Heloym, annihilait tous leurs sens. Lui faisait froid dans le dos. Il détestait cette situation mais ne trouvait rien à dire ; alors il restait silencieux, borné, à lire des mots qui ne prenaient pas de sens dans ses pensées.

N'y tenant plus, il finit par sauter sur ses pieds et par ouvrir la bouche pour parler (certainement pour enjoindre Cedrella à l'accompagner dehors, faire quelque chose, n'importe quoi, ou la bibliothèque, ou les cuisines) mais il fut pris de court en entendant les pas caractéristiques de deux élèves dans le couloir, si silencieux, si calme quand déserté par les spectres. Il tourna la tête à droite et ses yeux tombèrent dans ceux de Victoria Parker. « Salut ! » deIls en étaient où ? En la regardant se rapprocher, Heloym fronça les sourcils en essayant de se remémorer leur dernière rencontre. Ah oui. Une dispute. Une énième. De son fait, en plus. Parfois, il s'en voulait d'être si paradoxal, avec elle. De lui faire vivre un enfer, juste après lui avoir dit une énième vanne, juste après avoir ri avec elle. Il se faisait l'effet d'un fou, d'un traître, de ceux dont on ne comprend rien. Il articula, à son tour, un sourire sur ses lèvres alors que Cedrella saluait timidement Victoria – pas vraiment son genre – avant de renfoncer son nez dans son bouquin. Apparemment, elle voulait leur laisser un peu de temps pour se connaître – comme toujours – ou bien elle était juste passionné par son livre. Heloym, gêné, n'avait que ce rictus un peu maladroit sur le faciès, se passa une main dans les cheveux en observant la personne liée à Victoria et lui adressa un bref signe de tête. « Salut. » finit-il par lâcher du bout des lèvres, baissant machinalement les yeux. « Désolé pour la dernière fois. Je me suis vraiment comporté comme un con. » Ella gloussa, il la fusilla du regard avant de regarder Parker dans les yeux.