Je me suis toujours ennuyée, d’absolument tout. Je ne supportais pas les jouets, je n’aimais pas les autres enfants, j’ignore pourquoi j’étais autant blasée, j’ignore pourquoi je me sentais toujours autant en colère et encore aujourd’hui, je me demande ce qui m’animait. Je n’ai jamais cessé de me battre, d’injurier, de gueuler contre tous ceux qui me disaient quoi faire. Pourtant, je n’avais pas vraiment de raison d’être aussi…perturbée. Mes parents étaient des gens normaux, complètement désabusés et incapables de gérer leur gamine, se demandant à qui était la faute, se la rejetant souvent, mais au fond, ils étaient juste complètement paumés. Des solutions, ils en cherchèrent, je ne compte plus le nombre de fois où j’ai changé d’école et le nombre de fois où moi, je n’ai jamais changé. Cogner, cracher, gueuler, c’était la seule chose pour laquelle j’étais vraiment douée. Ca…Et la musique…Cela avait été leur dernière solution, judicieusement conseillée par un pédopsychiatre, pour me canaliser, et au fond, cela fonctionnait bien mais l’emmerde, c’est que je ne pouvais pas passer 24h sur 24 accrochée à un instrument. Etre en classe, assise, à écouter, ça m’emmerdait. Je n’étais pas bonne à vrai dire, me concentrer, ce n’était pas vraiment mon truc et je savais que ça faisait chier papa et maman. C’était peut-être pour ça toute cette colère, j’en sais rien, et je m’en fous en fait. Maintenant qu’ils sont morts…est-ce que ça sert vraiment à quelque chose que je trouve la raison du "pourquoi je leur faisais vivre un enfer".
Oui, ils sont morts. J’étais haute comme trois pommes, ils m’avaient collée chez ma tante pour pouvoir passer un petit week-end entre eux, des vacances, loin de moi, loin des emmerdes que j’engendrais et mon dieu…Je leur en voulais, je prenais cette décision comme un véritable abandon, une trahison ! Ils se tiraient, allaient s’amuser, et moi je devais me faire chier chez Tante Jenna qui, soit dit en passant, se serait bien passée de m’avoir dans les pattes et elle me le fit rapidement comprendre. Mes parents m’abandonnaient, c’était ce à quoi j’ai pensé pendant toutes ces heures passées loin d’eux, je n’étais vraiment pas foutue de comprendre ce que c’était que de réellement être abandonnée et la vie prit un malin plaisir à me le rappeler avec son sens de l’humour de merde ! Mes parents sont jamais revenus de leur petite escapade…Noyer qu’on me disait…Mais je le savais, je le voyais à la gueule de Jenna qu’on me mentait, qu’on me cachait un truc !

Pourtant, je n’ai jamais vraiment cherché à savoir, et cette rage en moi ne s’est pas vraiment estompée, au contraire. La culpabilité s’ajoutait à tout ça et autant dire que c’était un mélange sacrément explosif. J’ai fini par pousser ma tante à bout, assez pour qu’elle me colle en accueil, parce qu’elle ne pouvait plus me gérer, parce qu’elle n’en avait plus la force, parce que de toutes façons, j’arrêtais pas de fuguer et, je la cite, "Si tu ne veux pas de moi, va voir ailleurs si tu trouves quelqu’un capable de t’aimer". Okay, je l’avais cherché et franchement, je lui en veux pas, même moi je me serais foutue dehors. C’est là que je l’ai rencontré…Cette tête froide, la gueule hautaine, puant les emmerdes et forcément, quand ça pue les emmerdes, j’y suis irrémédiablement attirée. Le plus drôle dans tout ça, c’est que je pourrais vous donner chaque détail de cette rencontre, le t-shirt qu’il portait, le jeans, la coiffure, le décor de la maison qui m’accueillait mais franchement, je serai pas capable de vous dire quand, ni même quelle famille d’accueil c’était en fait, la numéro 2 ou 3, j’aime bien le changement, j’aime bien faire chier, les pousser à bout, tant et si bien que j’ai collectionné les familles jusqu’à mon entrée à Poudlard.

Mais il fallait croire qu’à partir du jour où nous nous sommes vus, il était décidé qu’on ne se quitterait plus vraiment. On se retrouvait à Poudlard, et j’ignore si c’est sa présence ou le temps, mais la colère que je ressentais a simplement fini par s’estomper, petit à petit, enfin…Je reste pas franchement le genre de fille qu’il faut fréquenter, je n’estime pas ma vie comme étant précieuse et je préfère clairement vivre tout ce que je peux vivre ouvertement, la drogue, le sexe, les bagarres, tout ça, ça continue de faire partie de mon quotidien l’air de rien. Parce que, honnêtement, c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour ne pas avoir l’impression d’errer comme un fantôme dans un monde qui me semble complètement absurde et qui m’échappe. L’hypocrisie du monde, voilà ce qui me rend complètement dingue, j’ai l’impression de ne pas en faire réellement partie, peut-être que c’est pas la bonne époque, peut-être que je suis simplement pas faite pour vivre. Je ne sais pas, rien que ça me donne simplement envie de détaler, je n’aime pas réfléchir et je n’arrête pas de réfléchir pour autant.

Mais il y a une chose dont j’étais certaine, une constante dans ma vie, Loki…On a toujours eu l’art de se séparer, de s’aimer, de s’engueuler, s’éloigner et revenir. Parce qu’il n’est qu’un con mais aujourd’hui…Ce qui représentait pour moi l’unique personne que je pouvais perdre, l’unique personne qui me permettait de me sentir moins conne dans ce monde, cette personne m’a simplement échappé.

Il y a des jours où je me dis, que j’aurais vraiment adoré être l’une de ces blondes nunuches, naïves et franchement ignorantes, ça m’aurait évité d’avoir mal, ça m’aurait peut-être même évité d’avoir peur.
Ce que j’attends de la vie aujourd’hui ? Absolument rien, je me rends compte qu’au fond, elle n’est qu’une pute et que la seule façon de s’en sortir, c’est d’être encore plus garce qu’elle. Mais au fond, croyez-le ou non, je suis pas aussi pute qu’on pourrait le croire, j’aime vivre, j’aime être franche, je mâche pas mes mots, je suis vulgaire, même trop parfois, mais franchement, c’est rien à côté de la vie…

Elle m’a tout enlevé et surtout elle m’a enlevé quelque chose de trop précieux et de la pire des manières. Si seulement je n’étais pas aussi curieuse, suspicieuse et méfiante, je ne l’aurai pas suivi, je n’aurai pas découvert ce qui se cachait derrière son comportement trop bizarre. Mais ça n’aurait pas été drôle, ça n’aurait pas été tragique ! Je l’ai suivi, je l’ai vu, et j’ai compris. Pourtant, il a fallu que je lui demande, que j’en ai le cœur net, que ça sorte de sa bouche, et quand il a admis que "sa meute" était derrière la mort de mes parents, ça m’a détruit, littéralement. Vous savez, ce que j’aimais chez Loki, c’est qu’il n’attendait absolument rien d’autre de moi que d’être moi-même et aujourd’hui, j’apprends qu’au fond, tout ça n’a été qu’un putain de mensonge. Je sais pas pourquoi il l’a fait, peut-être qu’au fond ça le faisait bien triquer de se taper l’orpheline de mecs qu’ils ont bouffés, j’en sais rien…Je passe mon temps à essayer de trouver une explication, comme si ça pouvait atténuer la douleur. Beaucoup de gens se sont souvent permis de juger notre histoire, comme si ce n’était que des coucheries mais pour moi, ça allait au-delà de ça, il y avait quelque chose d’étrange entre nous, quelque chose de profond, j’ai l’impression de parler comme la pauvre ado que je suis mais sincèrement…Honnêtement…Je l’aimais…Il avait beau jouer les cons, j’ai toujours cru que nous étions pas si différents, c’est un mec bien malgré les apparences, loin du monstre qu’il laisse voir aux imbéciles. Mais maintenant que j’ai vu le véritable monstre en lui, est-ce que tout est obligé de changer ? Au-delà du fait qu’il ait une part de responsabilité dans cette colère qui m’a rongé pendant des années…Au-delà de ça…Il y a ce mensonge.

Est-ce que j’aurais pu lui pardonner s’il m’avait craché la vérité dès le départ ? J’en sais rien, honnêtement, je crois que je l’aurais même pas cru et que je l’aurais insulté. J’ignore si j’arriverai un jour à lui pardonner ça, je n’arrête pas d’y penser, ça me donne envie de vomir, ça me donne envie de mourir aussi. Je veux juste qu’on me laisse en paix, je veux juste trouver la paix. J’ai peur, peur de ce qu’il pourrait me faire, peur de ce qu’il pourrait devenir, peur pour lui…J’ai surtout peur pour lui…Est-ce que toutes ces années ensemble doivent encore compter après ça ? Putain, Loki, tu me fais trop réfléchir et je déteste ça. Je peux pas croire qu’autant de temps passé ensemble soit seulement qu’un long tissu de mensonges, il doit bien avoir une part de vérité là-dedans, quelque chose d’intact, de réel, mais quoi ? C’est ce que je cherche encore, c’est ce qui, aujourd’hui, m’évite de sauter du haut de la tour d’astronomie.
Et quand j’aurais ma réponse, peut-être que je n’aurai plus envie de vomir en repensant à ces images, peut-être que j’arrêterai d’imaginer Loki bouffer mes parents en barbecue, absurde, je suis sûre que ça le ferait bien marrer si je lui racontais…Mais aujourd’hui, c’est pas comme si j’avais envie de lui parler, ni comme s’il voulait que je lui parle…

J’ai des réponses à trouver et après…

Après….

Je sais pas…Je sais plus...