Gabriel Vincentelli avait vite fait d’abandonner Esdras ce qui n’était pas pour le déplaire. La cause ? Un philtre d’amour qui avait ensorcelé les sens du Casanova des bleus et bronzes et qui avait fait le bonheur d’un tas d’anciens amants qui n’étaient plus ses cibles prioritaires. Le jeune Cuffe se retrouvait seul à bourlinguer entre les élèves, jouant de vilains tours à certains, rappelant a Cathy Russel sa prise de poids et cherchant à comprendre pourquoi un tel était venu avec un autre. Rien de très peu commun à vrai dire. Pourrir l’existence des gens, voilà ce qu’il faisait le mieux. Pourtant, le métamorphomage avait en tête quelqu’un avec qui depuis longtemps une guerre s’était terminée. Argh qu’il détestait l’engouement de la fête de la Saint Valentin. Il soupçonnait certains petits malins d’avoir ensorcelé les environs pour rendre émotif quiconque respirait l’air de ce maudit kiosque. Esdras Cuffe n’était pas sentimental, loin de là, mais la solitude le pesait en voyant tous ces couples apprêtés et… heureux ? Avait-il vraiment déjà été heureux dans sa vie ? Certes il prenait un plaisir insoupçonné à rendre la vie encore plus dure à son entourage mais en retirait-il une satisfaction durable ? Vivait-il des choses passionnantes ? Ne passait-il pas à côté de certaines choses ? Nom de Merlin Esdras réveille toi ! Ce sont des considérations de bonnes femmes. Il faut te réveiller mon gars… Et si tu mangeais un peu ? Peut-être était-ce un remède à l’enivrement de cet événement si particulier.

Naturellement, le jeune homme se dirigea vers le buffet. C’était quand même le seul endroit où l’on pouvait se sustenter dans cette foule dansante qui respirait le bonheur. Une vrai pub pour soda ! Allez-y, ouvrez du bonheur les gars ! Lui, il s’en fout. Enfin, quelqu’un lui faisait signe à l’héritier de la gazette. Et ce quelqu’un n’était pas n’importe quel quelqu’un. Son sourire idiot fit sourire Esdras qui reprit très vite une expression blasée quand il s’en aperçu. Meredith Minnericht, un ancien rival devenu un « ami », avait toujours cette allure de jeune garçon idiot mais touchant que notre bleu et bronze avait essayé de détester, en vain. Et pourtant, il s’était vraiment donné du mal pour le haïr au plus haut point. Mais rien n’y faisait. Rien n’était parvenu à abimer une relation qui avait très très mal commencé. Comment le rouge et or faisait-il ? Cela intriguait Esdras qui n’avait pas cherché du côté de ce qu’il refoulait profondément. Il hésita un instant avant de s’approcher de Meredith. Il faillit même faire demi-tour. Néanmoins, il remarqua très vite les regards des autres sur lui, des regards qui signifiaient « on a enfin un truc de compromettant sur toi mec, t’es dans la bouse de dragon maintenant ». Ses cheveux blanchirent un peu puis prirent des reflets d’un rouge puissant. Meredith allait vraiment le lui payer. Ce n’était pas le jour et pas le moment de lui faire des grands signes en mode bestfriend. A quoi pensait le Gryffondor ? Ah oui, la réponse était dans la question… Un Gryffondor ça ne pensait pas.

Reprenant consistance, ses cheveux revenant au brun séducteur qu’il avait arboré dés le début de la soirée, le jeune Cuffe gardait son apparence sublimée pour l’occasion. Pourtant, ses pommettes avaient rougis de colère et de honte. Il fonça droit sur Meredith, lui arracha son assiette des mains et la déposa doucement sur la table. Il lui agrippa le bras fermement, sans pour autant le montrer aux autres et l’attira avec lui bien plus loin, en dehors de la foule, sur un ponton au bord du kiosque, là où des oreilles indiscrètes n’auraient pu les suivre ni les entendre. « Assied-toi », lui lâcha-t-il alors que lui-même s’était assis au bord de l’eau, ses jambes pendant au dessus de la surface avec raideur. « Qu’est ce qu’il te prend de m’afficher comme ça ? Tu penses à quoi sérieusement ? Meredith c’est pas que je ne t’aime pas mais… » Et il se ravisa. Il n’y arrivait pas cette fois-ci. Il n’arrivait pas à dire des choses qu’il ne pensait pas, juste pour faire du mal, juste pour prendre son pied. Cette ambiance parasitait ses plans. Ce n’était ni normal, ni anormal ; c’était inédit. La Saint Valentin de mes deux ! Le métamorphomage se transformait en jouvencelle en détresse, prête à être cueillie par le premier sentimental du coin. Que faire ? Attendre ? S’alcooliser ? Ou pour la première fois de son existence être sincère ? « Oublie, je dis n’importe quoi. Avec toi, c’est toujors trop compliqué et incompréhensible ! Je préférais quand on se battait. » Comme à chaque fois qu’il parlait de leur dernière bataille, il avait parlé sèchement, puis il avait porté sa main à sa nuque, machinalement, et il avait sentit la cicatrice en forme de demi-lune qu’il conservait à cet endroit. Ce qu’il avait tissé avec le Gryffondor il se l’expliquait comme ça : c’était le premier qui s’était révélé plus fort que lui dans un duel d’emmerdeurs de première. Cependant, il était encore loin de pouvoir l’avouer à qui que ce soit. Il avait été blessé dans son égo, comprenez-le !

Tout ce que disait Meredith avait un écho dans l’âme et le cœur d’Esdras. Il ne supportait pas l’idée que le jeune homme ne voit en lui qu’un profiteur qui n’était là que quand personne d’autre ne pouvait le divertir. Et pourtant ! C’était le juste retour de flamme de ce que le Serdaigle faisait, constamment, envers le Gryffondor. Son regard se perdit dans la contemplation du lac noir. Il ne savait pas quoi dire.

Il avait d’abord eut peur que Meredith se lève, qu’il franchisse le ponton et qu’ils ne s’adressent plus jamais la parole. Puis il avait sentit cette colère qui montait en lui quand il faisait du mal à cet imbécile heureux qui était assis à côté de lui. Esdras Cuffe avait sentit son regard et il le connaissait tellement par cœur, à force de le fréquenter, qu’il pouvait presque sentir la bonne humeur revenir et un large sourire se dessiner dans la pénombre. Pourtant, ses yeux ne voulaient pas se tourner vers Meredith.

En plus, s’il tournait le visage, le bleu et bronze se trahirait. Pourquoi ? Parce qu’il avait un sourire gêné et il arrivait à peine à garder ses joues unies, rougissant intérieurement et par intermittence. Son don de métamorphomage avait ses limites.

Ses pensées se perdirent dans les lumières du château, ou plus exactement dans leur reflet dans l’eau. Pourquoi ne contrôlait-il plus rien ? C’était surement cette ambiance de mauviette… Le bruit courait qu’un métamorphomage avait du mal à se controler quand les sentiments prenaient le dessus. C’était écrit dans un bouquin. Vraiment nul ce livre.

Qui pourrait croire qu’un truc aussi idiot pourrait avoir des incidences aussi gravissimes ? Esdras secoua la tête et réprima un sourire idiot. Il détestait faire ce genre de sourire. Et s’il n’avait pas été si préoccupé par son sourire, le Serdaigle aurait peut être fait attention à son apparence. Ses yeux avaient repris leur douce couleur verte, sa mâchoire diluée en des formes arrondies était redevenue prononcée. Son teint était un peu rosit par le froid. Machinalement, il se passa une main dans les cheveux.

« Voilà, on la laisse tombé mon apparence toute parfaite. C’était pour ne pas faire cloche à côté de Gabriel. Tu sais comment il est… Si hystérique. »

Il resserra avec plus de force sa veste de costume autour de lui. Rapatriant ses jambes sur le ponton, il plia les genoux et fit reposé son dos contre le flanc de Meredith. Esdras se mettait toujours comme ça quand il n’était que tout les deux. C’était ambigu, mais le Serdaigle était ambigu. Jamais il ne pouvait se décider dans sa relation envers les gens. Certes il faisait en sorte que personne ne l’aime, et il en était conscient, mais certains des plus vaillants de ses ennemis devenaient petit à petit des camarades puis des amis. Oh, il n’était pas du tout nombreux. Meredith était peut-être le seul. Esdras était un solitaire un peu malveillant. Il n’avait pourtant pas un mauvais fond.

« Je suis sur que t’es fier de toi, hein ? Tu as dompté les frasques d’Esdras Ponce Cuffe, le traitre qui héritera du torchon qui sert de quotidien d’informations à ces ménagères collabos qui n’ont même pas sentis les conséquences de la guerre. Tu veux un vrai scoop ? J’ai mentis. J’aimais bien quand on se battait, mais je préfère ce qu’on est maintenant. »

Ces mots n’avaient pas beaucoup de sens à vrai dire. Qu’étaient-ils tous les deux ? Qu’étaient-ils l’un pour l’autre ? Cette idée traversa l’esprit d’Esdras alors qu’il avait déjà fini sa phrase. Et il rougit, très franchement, pour la première fois depuis longtemps. Et dire qu’il se disait sans cœur. Et oui Esdras, ne pas avoir de cœur laisse un trou béant, une grande faille dans lequel quelque chose peut toujours s’engouffrer.