15 février 2002
“Beau bébé, monsieurrr Rrrockwood. » « Merci, vous nous laissez maintenant. J’aimerais être seul avec ma fille maintenant. » « Désolée pour votrrrre femme. » « Merci. Au revoir. Good bye. »
L’infirmière bulgare finit par sortir de la chambre. Malgré ses maigres connaissances de l’anglais, elle venait de comprendre que l’ancien mangement lui demandait « gentiment » de partir. L’homme s’assit sur le lit désormais vide de la chambre, sa fille entre les bras. Les médecins venaient d’emmener le corps de sa femme dans une autre pièce. D’après ce qu’il avait compris, c’était leur morgue mais l’accent du médecin était tel qu’Augustus n’avait pas tout saisi. La vive douleur qu’il ressentait à la perte soudaine de sa femme n’aidait pas. Elle n’avait pas survécu à la naissance de leur fille. Ils savaient tous deux qu’elle avait une santé fragile à l’origine mais ils n’avaient suspecté que donner naissance pourrait être définitif pour elle.
Doucement, il caressa le crane du bébé, des larmes coulant le long de ses joues. « Je crois qu’il ne reste plus que nous deux maintenant. » Il se sentait complètement démuni face à ce bout d’humain. Il n’avait jamais ressenti ce sentiment avant. A part peut-être le jour où il avait tué pour la première fois pour pouvoir recevoir la marque. Ainsi que le jour où il avait rencontré Zora, alors qu’il venait se réfugier en Bulgarie pour éviter le pugilat du mal par le bien.
« Vous avez trrrouvé un nom Monsieurrr Rrrockwood ? » « Zora, Zora Siel Roockwood. »



15 avril 2012
« Zora ? » « Oui ? » « Viens ici. Tout de suite. »
La fillette s’avança à contrecœur. Encore petite pour ses dix ans, elle portait de longs cheveux blonds coiffés en une natte africaine et de grands yeux vert perçants. Pour l’instant cependant, elle n’arrivait pas à garder les yeux fixer sur son père, consciente de l’état d’énervement de son père.
« Qu’est-ce que je t’ai dit à propos des elfes de maison ? » « … » « Zora ! » Le ton d’Augustus se fit menaçant. La réponse de sa fille se perdit en un marmonnement inintelligible. « Répète. » [color=olive]« Que ce sont ni des sombrals, ni des hippogriffes, ni des balais, ni des jouets. On ne joue pas avec, on ne leur monte pas sur le dos pour jouer aux chasseurs de mages noirs. D’ailleurs on ne joue pas aux chasseurs de mages noirs. » récita la gamine, les yeux résolument fixés sur ses chaussures. « Bien, alors explique moi pourquoi Dracus a une énorme bosse sur le front. » « Il ne sait pas marcher droit et il s’est pris la porte ? » « Zora ? » « D’accord, d’accord, je le r’ferais plus. » « Monte dans ta chambre. Tu redescendras quand je te le dirais. Pour l’instant tu es punie. »
La fillette se détourna pour prendre la direction de sa chambre. Augustus s’affala dans son siège. Cette gamine allait le tuer. Elle lui rappelait beaucoup sa mère, beaucoup trop maline pour son propre bien. Il était fou de voir à quel point Zora ressemblait à sa mère, aussi bien physiquement que mentalement. Augustus avait l’impression de rencontrer la fillette que sa femme était lorsqu’elle était plus jeune. Curieuse de tout, maline, et toujours intéressée pour apprendre. La gamine ne rêvait que d’avoir sa propre baguette magique, car la théorie ne commençait à plus suffire à satisfaire sa soif de connaissances. Le fait d’habiter pas loin de Sofia faisait qu’aujourd’hui la fillette parlait aussi bien anglais que bulgare. Au moins cela l’occupait car elle pouvait discuter avec les tableaux du manoir qui prenaient toujours du plaisir à lui raconter le folklore bulgare. A côté de ça, elle était bien trop casse-cou, toujours à grimper aux arbres et à vagabonder avec les voisins. Il allait lui falloir une activité pour évacuer ce trop-plein d’énergie. Son poste au ministère bulgare au département des mystères ne lui permettait plus de se consacrer autant qu’il le voulait à l’éducation de sa fille et il commençait à se méfier des éducateurs qu’il avait employés.
Un bruit sourd se fit entendre à l’étage supérieur. « C’est pas moi, c’est tomber tout seul. » Bon, peut-être pas si maline que ça.



1er septembre 2016
Zora épousseta son uniforme, encore vierge de tout écusson. Elle se demandait ce qu’elle faisait là, nerveuse. Elle connaissait la Bulgarie comme sa poche. Là-bas, elle donnait son nom sans que cela ne fasse de remous. Depuis que son père et elle étaient revenus en Angleterre en juillet dernier, Zora avait la nette impression de ne pas avoir sa place dans ce pays. Elle savait ce que son père avait fait. Elle connaissait l’histoire du monde sorcier anglais, son père ne lui avait jamais rien caché mais il ne l’avait jamais forcé quoique ce soit. Bien sûr, son mépris pour les nés-moldus et l’Ordre du Phénix était évident mais l’homme calme et tendre de temps à autres qui lui avait servis d’éducateur et de figure paternelle ces quatorze dernières années ne semblaient pas correspondre à l’image officielle donnée des mangemorts, ces personnages assoiffés de sang et prenant plaisir à torturer ses victimes. Les deux images ne semblaient pas vouloir se superposer.
Aujourd’hui, elle avait donné deux fois son nom dans le train et n’avait reçu que des regards de travers. Elle avait finalement choisi de s’isoler dans un compartiment avec un livre pour être tranquille, honteuse et encore plus furieuse de l’être. La guerre était finie depuis presque 20 ans et personne ne semblait oublier.
La cérémonie de répartition commença finalement et Zora fut surprise mais aussi soulagée d’entendre d’autres noms associables à des noms d’anciens mangemorts. Mais elle entendit aussi les noms d’anciens membres de l’Ordre. « Roockwood, Zora. » A l’entente de son nom, Zora tira sur sa robe de sorcière mal à l’aise. Les murmures qui accompagnaient chaque nom historique reprirent. Elle qui était plutôt discrète se sentit un peu trop exposée alors qu’elle faisait face à la foule pour s’asseoir. Le choixpeau finalement posé sur sa tête, elle put enfin faire abstraction du reste. « Hum, Rockwood … Je me demandais bien si j’allais en voir encore d’autres de ceux-là. Un homme intelligent que ton père. Il aurait pu user de ses qualités intellectuelles à meilleur escient pourtant. » Zora se mordit la lèvre. « Aha, tu n’es pas d’accord ? Je comprends, tu es très attachée à ton père. Où vais-je te mettre alors ? Serpentard, surement pas. Quoique ton ambition dévorante pourrait t’aider à t’y faire une place royale. Gryffondor non plus, olalalah non de non, surement pas ! Tu ferais une Poufsouffle épouvantable, j’en suis certain. Je ne vois pas beaucoup d’autres choix que SERDAIGLE ! »
Zora retira le choixpeau et se dirigea vers la table qui semblait correspondre à la maison indiquée. Les sept ans lui paraissaient déjà longs.



15 avril 2021
« Tu ne lâches donc jamais tes livres ? »
Zora leva les yeux de son livre pour regarder sa petite amie arriver. Cette dernière s’assit à ses côtés et se saisit de son manuel.
« Mais il est très intéressant », protesta-t-elle. « Rends le moi, je ne l’ai pas fini. »
« Il ne vaut mieux pas, tu vas en avoir pour la nuit et j’aimerais bien en profiter un peu. »
La jeune fille se pencha vers Zora et l’embrassa doucement. « Bonjour Zora. » « Bonjour », répondit la Serdaigle, déjà plus encline à laisser tomber son manuel .
« Occlumencie ? Tiens, tiens, tiens … Ton paternel t’aurait-il converti ? »
« Oh arrête avec ça hein ! » s’énerva Zora. « Ce n’est pas de la magie noire, contrairement à ce que tu pourrais croire. » « Je n’en sais rien avec toi, tu sais, » répondit l’autre jeune fille. « Qui me dit que tu n’y as jamais touché ? » « Moi, et ça devrait te suffire. Je te l’ai déjà dit. Tu n’as pas confiance ? » « En toi si, en ton père beaucoup moins. Et ca te va bien de dire ca, tu n'as confiance en personne ! Pas même en moi. » "Ce n'est pas vrai !" "Ah oui tu crois ? Alors pourquoi on se dit à peine bonjour quand on est en public ?"
« Tu sais quoi ? » lança Zora, après un moment de réflexion, plus furieuse que jamais. « Je crois que ça ne sert à rien de discuter. »
Elle embrassa sa petite amie brusquement puis se leva avant de s’éloigner. L’autre jeune fille resta au sol, surprise par la réaction de Zora.
« Où est-ce que tu vas ? » « A la bibliothèque. Tu sauras où me trouver pour me présenter tes excuses. »



15 août 2021
« Eh Zora, tu viens jouer avec nous ? »
Zora leva les yeux de son livre pour les poser suspicieusement sur la silhouette dégingandée de son voisin, Mark Strader, un ancien Gryffondor. Derrière lui s’alignait trois autres garçons et une fille, qu’elle connaissait de vue pour avoir tous appartenus à Gryffondor deux à trois années au-dessus d’elle. Visiblement, ils ne semblaient pas tous enchanté par la proposition faite par leur camarade.
« Mon balai est en réparation. »
Cela sembla ravir les comparses de Mark qui semblaient heureux d’éviter la compagnie de la fille d’un ancien Mangemort notoire. Cependant, Mark devait être totalement inconscient de l’état de ses camarades car il insista.
« Oh ne t’en fais pas, il nous en reste deux. Allez viens, Zo’, il fait beau, tu vas pas faire ta Serdaigle et rester toute seule à réviser ? »
Devant l’attaque faite à sa maison, Zora faillit décliner mais l’envie d’énerver les amis de Mark fut plus forte et elle haussa les épaules. « Pourquoi pas ? » sourit-elle en tapant dans la main de Mark. Son sourire ne fit que s’élargir devant les têtes de dix pieds de long des autres. "Cool!"
Ne pas titiller le dragon qui dort. Abrutis.



10 janvier 2022
« Lune a disparu », chuchota une voix.
Zora releva la tête vers la table d’à côté, pour voir qui avait parlé. Le regard de travers et suspicieux que lui lancèrent les deux jeunes hommes lui fit montrer les dents. Il détourna tout de suite la tête et Zora se replongea dans ses fiches de révision. Du moins essaya. Lune Roederer avait disparu. En soi ce n’était pas une nouveauté, Zora l’avait su avant ces idiots. Quoique tout le monde l’avait su avant eux. Au moins une semaine qu’elle était introuvable, il leur en avait fallu du temps pour se réveiller à ceux-là.
Zora ne savait pas trop quoi penser de toute cette situation. Elle oscillait entre deux positions contradictoires. Elle comprenait les actions menées par les antis nés moldus, elle ressentait une véritable rancune envers les descendants des Héros, des Victorieux de la guerre. Elle voulait laver l’honneur de son nom. D’un autre côté, elle ne savait pas qu’elle était la meilleure solution. Elle n’était pas particulièrement anti nés-moldus même si elle ne recherchait pas leur compagnie plus que ça. Elle ne sous-estimait personne. Les nés moldus avaient fait leur preuve. Hermione Granger était l’exemple vivant. De même, Zora ne se voyait pas toucher à la magie noire. Elle n’avait pas confiance en ses capacités à se restreindre à un tel accès à la puissance. Elle avait soif de magie, elle avait soif de puissance mais elle savait que de ce chemin-là, on en revenait pas, ou très difficilement.

Zora n’avait pas parlé de tout cela avec son père. Sujet difficile. Ils n’avaient pas approfondi la question de la guerre et elle avait surtout fait ses recherches seule. Aujourd’hui, elle ne savait pas comment il se positionnait dans le débat. Elle savait que si il avait cédé une fois, ce n’était pas pour l’extermination des nés-moldus mais pour la puissance. Ils n’étaient pas bien différents tous les deux. De ce qu’elle avait compris, Augustus avait finalement compris qu’il n’y avait aucune puissance à baiser les pieds d’un exterminateur de nés-moldus prenant plaisir à faire souffrir tout le monde, même ses fidèles.

Incapable de se concentrer, Zora finit par ranger ses affaires et se dirigea vers la sortie de la bibliothèque. En chemin, elle croisa une Serdaigle de l’année supérieure qui forma silencieusement le mot « Mangemort » avec ses lèvres. Les livres qui lui tombèrent dessus quelques instants plus tard n’étaient bien sûr pas du tout, du tout du fait de Zora. Le cri que la Septième année émit était particulièrement satisfaisant. Cela faisait du bien de faire du mal aux autres, cela la soulageait grandement. Zora sortit de la bibliothèque avec un grand sourire.