« Khalen, regarde-moi ! » Provocateur, je plongeai alors mon regard sombre dans le sien. « Pour te voir me faire la morale ? Non, merci. » Un sourire arrogant étira mes lèvres couvertes de sang, alors qu’Anton, mon assistant social les nettoyait avec un coton imbibé de désinfectant. Malgré la douleur, je ne cillai pas, habitué à masquer mes émotions avec une habileté insolente. « Ne joue pas au con avec moi, Khal, je ne suis pas ton père, mais je suis le plus habilité pour te remettre à ta place. Personne ne te connaît mieux que moi et je sais que toute cette nonchalance ne sert qu'à cacher ta haine et tes cicatrices. » Piqué au vif, je ne répliquai pas, comme dérangé par sa lucidité. « Et je ne parle pas des marques qui marbrent ton corps de gamin. » Cette fois, je ne supportai pas sa remarque déplacée et je me levai vivement afin de le repousser. « Ne t’avise plus de me juger, dans ton costume délavé. Tu penses me connaître juste parce qu’un diplôme te donne le droit de nous sermonner ? Tu ne sais rien de moi, de la rage qui me porte, de la rancœur qui me bouffe… Tu brasses de l’air tous les jours dans ton bureau minable, en te faisant passer pour le père de gamins – comme tu dis – qui n’ont rien demandé. Mais se contenter des avantages et être payer pour garder un œil sur nous, ne fait pas de toi un père, ou un mentor. Tu n’es rien d’autre qu’un pantin du système. Tu nous pousses dans le caniveau comme les autres et tu espères qu’on y restera bien gentiment et avec le sourire en plus. C’est pathétique… » Contrairement à ce que j’imaginais, il resta impassible, m’écoutant sans montrer le moindre état d’âme. Sous mes yeux révoltés, il sortit même une clope afin de la fumer, juste sous mon nez. « Je te connais mieux que tu ne peux l’imaginer. Non pas parce que je suis ton assistant social, mais parce que je sais qui tu es. Ou plutôt qui était tes parents… » Sous le choc, je le dévisageai, le souffle court. « Prouve-le ! Qui étaient-ils et pourquoi sont-ils morts ? » J’étais à deux doigts de l’implosion, incapable de retenir ma fureur face au rictus amusé qu’il m’adressait. Clairement, ce mec jouait avec moi et, impulsif, je venais d’entrer dans son jeu, sans même réfléchir. « Puisque j’ai enfin ton attention, tu vas d’abord écouter ce que j’ai à dire… » Et puis quoi encore… C’était hors de question ! Prenant ma veste, j’amorçai un demi-tour pour sortir de son bureau, quand il me barra soudainement la route, avec une vitesse surréaliste. Je n’avais rien vu venir. « Si tu veux que je réponde à tes questions, tu vas devoir poser ton cul sur cette chaise et écouter tout ce que j’ai à te dire. Crois-moi, quand tu sortiras d’ici, tu en sauras plus sur ton identité que tu ne l’as jamais espéré… » Malgré moi, je ne pouvais pas me résoudre à laisser passer une telle chance… Comme tous les enfants ayant grandis dans un foyer après le décès de mes parents, je rêvais de lever le voile opaque dissimulant mes origines. A quartorze ans, j’avais à présent besoin de ces réponses pour me construire et pour aller de l’avant. Alors, je n’avais pas d’autre choix que de m’asseoir sur cette chaise et de supporter cette épreuve. « Bien. Premièrement, je ne t’ai pas appris à te battre pour que tu te battes avec tous les mecs qui croisent ta route, mais pour te défendre, pour que tu sois en mesure de faire face aux épreuves qui t’attendent, pas pour ces ridicules actes de délinquance qui t’ont conduit à passer 8 mois dans cette maison de redressement. Tu viens à peine de sortir et tu reprends déjà tes vieilles habitudes ? Traîner avec ces mecs extrémistes, est-ce vraiment la seule ambition que tu nourris ? Parce que crois-moi, tu vaux mieux que ça. » Exaspéré par sa leçon de morale, je lui adressai un grognement de dédain, tandis qu’il m’ignorait pour continuer son étrange discours. « Tu n’es pas un jeune homme comme les autres. Ton destin ne se cantonnera jamais à ses combats de rue, à ces vols, à ce vandalisme primaire. » C’était bien beau tout ça, mais s’il voulait me convaincre, il allait falloir qu’il m’en dise plus sur ce que j’étais, sur ces géniteurs qui étaient morts dans des conditions obscures trois ans après ma naissance. « Je sais que tu ne voudras pas me croire, mais tu es un sorcier, Khalen... » Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres, et je le toisai avec amertume. Ce mec était fou et il me faisait perdre mon temps avec toutes ces conneries... « Et toi, tu es ma marraine la fée, c'est ça ? Mais bien sûr... » Il sembla encaisser le coup, conscient que je n'étais pas comme tous ces gamins crédules qui pensaient s'être retrouvés dans un foyer, parce qu'ils avaient été enlevé par des extra-terrestres. « C'est pour cela que tes parents sont morts... Tous deux étaient partisans d’un mage noir et après sa chute, ils ont été enfermé dans une prison réservée aux sorciers... Malheureuseument, ils avaient le sang chaud, tout comme toi et c’est en essayant de s’enfuir qu’ils ont été tué. » Serrant les dents, je sentais peu à peu la haine m'envahir, alors qu'il salissait mon histoire avec ces mensonges ridicules. Prêt à le frapper pour qu’il se taise, je me redressai sur ma chaise alors qu’il m’observait sans émettre le moindre mouvement, toujours aussi calme. « Si tu ne me crois pas, alors pense au moins à ça… Il ne t’est jamais rien arrivé d’étrange ? Rien qui ne sorte de l’ordinaire ? Quelque chose qui serait comme un don, quelque chose d’inexplicable… » Soudain, je sentis mon sang se figer dans mes veines, me coupant dans mon élan plein de haine. Comment pouvait-il le savoir ? Je n’avais parlé à personne de cet évènement. Simplement parce que Zane et moi étions en train de nous embrasser à ce moment-là. J’avais les mains posées à plat sur son torse, quand son tee-hirt avait soudainement disparu sous mes doigts. D’abord persuadé que c’était l’alcool que nous avions bu qui nous jouait des tours, les choses étaient devenues plus étranges encore quand nous avions passé des heures à chercher le vêtement, en vain. Sans savoir comment je m’y étais pris pour le faire disparaître, nous avions dû nous rendre à l’évidence, l’alcool n’avait rien à voir là-dedans. A la fois excités et effrayés par cette découverte, nous avions gardé cela secret, tout comme notre relation d'ailleurs. Alors comment Anton pouvait-il être au courant ? « Je vois… Ton regard en dit long. Et si tu veux bien te calmer 5 minutes, tu pourras alors découvrir la suite de cette histoire, notamment ton départ imminent pour Poudlard, l’école de magie réservée aux sorciers. Là- bas, tu apprendras à maîtriser tes pouvoir, mais avant nous irons acheter tout ce dont tu as besoin pour ta première année. » Au fond, je n’y croyais toujours pas, mais il était parvenu à m’intriguer et j’avais hâte de voir comment il allait justifier tout ça. Si seulement j’avais su ce qui m’attendait, peut-être que j'aurais cessé de le prendre de haut, avec mes grands airs.



« Pédales. » Depuis que j’avais commencé ma scolarité à Poudlard, j’avais si souvent entendu cette insulte que je ne pouvais même plus tenir le compte. En effet, j’avais décidé de ne plus me cacher. Cette nouvelle vie en tant que sorcier sonnait comme un nouveau départ pour moi et je voulais me libérer de mes chaînes. Je n’étais plus dans un gang, je n’avais plus à craindre la haine des petites frappes avec lesquelles je traînais autrefois. Dans ce château, tout me semblait possible. Enfin libre, j’avais imposé mes choix sans honte et outre les insultes, je m’étais souvent battu, armé de ma baguette ou même de mes poings. Mais soyons honnête, j’aimais ça. Éprouver ma force, prouver que je n’aurais plus jamais honte de ce que j’étais. Au contraire, j’en étais fier. C’était pour ça que j’avais invité un homme lors de ce bal de noël. A présent en dernière année, je n’avais pas eu de mal à trouver un autre gryffondor assez courageux pour assumer notre relation au grand jour. Alors les insultes des jeunes serpentards sans la moindre originalité, me faisaient presque de la peine. Et Jeffrey ne faisait pas exception. En fait, il était même un fervent adepte dans l’art de m’insulter, toujours flanqué de son bel acolyte, Sven Lindqvist, qui ne perdait pas une occasion d’en rire. Sans réfléchir, je répondis donc au tac au tac : « Puceaux. » Echange si habituels que le jeune homme continua sa route vers le buffet - accompagné de son meilleur ami - comme s’il s’était contenté de me saluer. Malgré moi, la silhouette de Sven, et son regard ambré, captèrent inévitablement mon attention. Ce mec m’avait toujours beaucoup attiré, sans que je ne sache pourquoi. Peut-être parce qu’il restait un mystère insoluble à mes yeux. Quelle que soit l’insulte que me balançait son ami, il restait muet. Comme si ce qui se passait ne le concernait pas.

Amusé par cette joute verbale, Swann - mon partenaire - fit courir ses doigts sur ma nuque avant d’embrasser l’arête de sa mâchoire. « Cette fête est pourrie... Un bal, c’est bon pour les midinettes... En plus, si on remonte maintenant, la chambre sera à notre entière disposition. » L’idée ne me déplaisait pas, je devais l’avouer, mais sans savoir pourquoi, mon regard ne quittait pas Sven qui avait suivi son camarade serpentard jusqu’au buffet, se retrouvant à présent seul devant les boissons. « Encore quelques minutes, j’ai envie de profiter des boissons avant de partir. Tu en veux ? » Un petite moue sur les lèvres, il se retint sans doute de protester afin de ne pas me braquer. Il savait très bien que si nous nous disputions maintenant, il finirait sa nuit sans moi. « Oui, rapporte moi un verre. » Comme pour lui donner un avant goût de ce qui l’attendait, je capturai ses lèvres avec fougue, ignorant les regards qui se posaient sur nous alors que j’approfondissais le baiser, allant jusqu’à mordiller sa lèvre avec délice. « Tu triches... » Flatté qu’il me cède si facilement, je ris à sa remarque avant de murmurer. « Non, je tire simplement parti de tes faiblesses, Swann. » Sur ces mots, je me détournai de lui afin de rejoindre le buffet. Avec nonchalance je m’installai à côté de Sven, le provoquant sciemment, tandis que nos regards se croisaient, en silence. Allez savoir pourquoi je ressentais le besoin de venir le chercher de cette façon. Pourquoi lui et pas Swann ? Le besoin de toucher l’inaccessible, de pousser mes détracteurs dans leur dernier retranchement ? Ou tout simplement l’incapacité d’admettre qu’il me plaisait vraiment. Même sa façon de me regarder, insondable et pénétrante m’attirait, m’arrachant quelques frissons. « Dis donc elle te va bien cette tenue, Lindqvist. » Mon regard effleurait son corps, alors que je me mordillais la lèvre d’un air aguicheur. Un manège qui ne me rendrait sans doute pas crédible et pourtant, j’étais secrètement sincère. Et contre toute attente, il rougit, comme s’il y avait cru. Comme s’il avait été touché par mes propos... Mais je n’osais pas y croire. C’était un serpentard, un gamin qui riait aux blagues homophobes de ses camarades.

Troublé, je m’emparai sans plus attendre des deux verres que j’étais venu chercher avant de faire volte face, bien déterminé à retrouver Swann et à oublier toutes ces conneries. Du moins, c’était ce que je pensais. « Ça t'amuse ? Je suis pas Jeffrey moi alors ne me force pas à te détester.» Surpris, je le dévisageai sans comprendre pourquoi il s’énervait subitement. Ça le dérangeait à ce point que je fasse mine de le draguer ? Parce qu’il ne supportait pas les homosexuels ou c’était simplement avec moi qu’il avait un problème ? Non parce que j’avais vraiment du mal à croire qu’il ne me détestait pas déjà... « Tu n'es pas lui, mais vous êtes toujours ensemble, à rire de vos insultes homophobes, alors si tu me détestes pas, tu fais bien semblant... » Au fond, j’aurais aimé penser qu’il était différent, mais à voir le genre de mecs avec qui il traînait, j’avais le plus grand mal à le croire. « C'est ça oui... » Intrigué, je fronçai les sourcils. Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? J’avais beau sonder son regard, son visage, je ne parvenais pas à saisir son changement soudain de comportement. De la colère, il était passé à un ton moins assuré, sans que je ne sache ce qui en était à l’origine. « Tu n'as pas l'air sur de toi. C'est parce que Jeffrey n'est pas là ? » Certes, c’était plutôt bas comme réplique, mais après tout, je n’étais pas en reste moi non plus au niveau des remarques acerbes et pas seulement parce qu’il s’agissait d’un serpentard.
Mais, comme pour me prendre à nouveau de court, il émit un rire moqueur, marquant ainsi l'apothéose de mon manque de compréhension vis à vis de ses changements constants de comportement. Ce mec était vraiment étrange. « Comme d'habitude Khalen, tu es complètement à côté de la plaque... » Au moins, on était d’accord sur une chose. Avec lui, j’étais toujours dans le flou le plus total, perdu dans les méandres d’un esprit qui n’avait aucune similitude avec le mien. A croire que nous n’étions pas fait pour nous comprendre. Alors pourquoi je revenais continuellement me brûler les ailes ?