Pré-au-Lard.
Ses yeux balaient les environs lentement, analytiquement, alors que son air distant se transforme, lentement, en moue maussade. Une bourrasque de vent le fait frissonner, ébouriffe ses cheveux ; ses yeux se plissent imperceptiblement et sa lippe se tord à nouveau d'une grimace désagréable, mal à l'aise. Trop de gens. Trop de froid. Trop de
trop. Aujourd'hui, Judah Lothbrock est seul, avec son café brûlant à emporter dans la main, dardant le monde de ses prunelles glaçantes avec un mélange doux-amer de mépris et d'intérêt. Comme si la cause humaine – autrement, la cause différente à lui – était particulièrement curieuse, l'incitait à observer en dodelinant de la tête et en marmonnant dans sa barbe. Une fois n'était pas coutume, Oberon et Thaddeus Croupton ne l'accompagnaient pas, avaient préféré rester au château pour quelque obscure raison – et, rétrospectivement, Judah ne préférait même pas savoir. Il se contentait de marcher lentement, posément dans les rues remplies d'élèves de Poudlard de Pré-au-Lard, s'autorisant parfois un regard en coin dédaigneux, parfois une injure soufflée quand on osait le bousculer. Il amenait parfois son récipient à sa bouche, buvait une longue gorgée de café sans fermer un seul instant les yeux, et continuait de marcher. Il avait trouvé refuge, momentanément, dans une librairie déserte des ruelles sinueuses et méconnues de la petite ville sorcière, et en était ressorti avec un sac rempli de bouquins plus assommants les uns que les autres, ayant pour la plupart les sujets passionnants de la médicomagie et des potions. On aurait tendance à penser – vu ses airs je-m'en-foutiste et ses notes parfois désastreuses en cours -, que Judah avait tout d'un cancre. C'était peut-être le cas, d'ailleurs. Toutefois, un Lothbrock, lui, ne pouvait pas se permettre d'en être un – et puis, pour être honnête, le jeune gryffondor était passionné de tout ce qui était guérison et élaboration de potions. Autant à cause d'Arwen qu'à cause de ses origines.
En parlant de celle-ci, le passif de sa famille lui revint en pleine figure lorsqu'il aperçut, alors qu'il cheminait dans une rue plus fréquente de Pré-au-Lard, la petite frimousse de sa sœur. Il ne réfléchit pas une seule seconde en s'avançant vers elle à grandes enjambées, jetant au passage son café et sans jamais la lâcher du regard, magnétisé, une nouvelle idée germant en lui. Cela faisait bien longtemps que Judah n'avait pas eu l'occasion de parler avec sa sœur –
à cœur ouvert ? Pas vraiment : on ne pouvait pas vraiment considérer qu'ils s'étaient parlés à cœur ouvert une seule fois dans leurs vies. Daenerys, aussi étonnant que cela puisse paraître de la part d'un jeune homme comme l'était Judah, lui manquait affreusement même si il se refusait de l'avouer. Sa petite sœur restait sa petite sœur, après tout, même si il avait toujours eu du mal à mettre en valeur ses sentiments et son attachement envers les autres que lui. Même auprès de sa propre famille. Lothbrock sœur ne semble pas l'apercevoir et c'est seulement quand elle le percute brusquement qu'elle plante son regard dans le sien, de cette même couleur bleutée étrange qui pourrait en fasciner plus d'un. Même si la couleur est la même, l'éclat, lui, est différent. On aperçoit une intelligence, une douceur qu'il n'y a pas chez son frère dans les yeux de Dany ; et chez lui, cette étincelle cruelle et vicelard, qui vous promet qu'il vous enfoncera un couteau dans le dos sous peu, quand vous vous y attendriez le moins.
« Dany. » susurre-t-il simplement, retenant au dernier moment la grimace ironique qui menace de lui tordre les traits. Finalement, il regarde d'un air mauvais les filles accompagnant sa tendre sœur et celle-ci décampe après avoir dardé Daenerys d'un air étrange genre
t'es sûre qu'on te laisse avec lui ? Oui, elle est sûre. Pourquoi ne le serait-elle pas après tout ? Ce n'est même comme si il allait lui faire du mal. Il reste son frère.
Leurs regards se rencontrent à nouveau et, machinalement, il se recule d'un pas pour la darder en entier, machinalement. Il a l'impression qu'elle change, grandit de jour en jour jusqu'à ressembler trait pour trait à leur feu mère. Le fils est l'ombre du père, la fille est le portrait craché de la mère.
« Hum..qu'est-ce que tu veux ? » finit-elle par demander, presque défiante, le Gryffondor en face d'elle arquant un sourcil surpris comme toute réponse. Nouvelle moue tordue d'un sourire suffisant ; il attend quelques secondes puis, la prenant de court, il passe un bras autour de sa taille et l'attire brusquement contre elle en la serrant machinalement contre son torse. Il la lâche au bout d'une demi-seconde.
« Mais passer du temps avec ma sœur adorée, voyons. » ricane-t-il en se penchant vers elle pour la darder dans les yeux, penchant légèrement la tête sur le côté dans une parodie presque animale de la moquerie et, paradoxalement, de l'amusement sincère.
« J'ai l'impression que tu m'évites depuis quelques temps. C'est ce que m'a dit Thadd : j'ai l'impression qu'elle t'évite
. Je lui ai dit : Dany ? Non. Jamais.
Ce n'est pas ton genre, si ? » Cette fois, ses deux sourcils bruns se arquent sur son front alors qu'il se poste devant elle, trop imposant, peut-être trop dangereux – et, malheureusement, impénétrable. Il croise les bras sur son torse, la darde de ses yeux réprobateurs.
« Moi, ton si cher frère ! » ironise-t-il finalement, en roulant dzs yeux.
- Spoiler:
je suis désolée du fait que ce soit pas terrible et que j'ai pris tant de temps ; j'espère, toutefois, que cela te conviendra.