« Droite, Nyx. » Je m’exécute. « Ne mets pas les coudes sur la table. » A nouveau, j'agis patiemment, sans broncher. Pourtant, à l'intérieur cela bout. La fureur et la colère, imprégnés dans chaque pore de ma peau, ne demandaient plus qu'à sortir. Ma mère m'avait toujours traitée de la sorte. Ma soeur, de sept ans mon aînée avait mis la barre très haut et, consciente que je n'arriverai pas à surpasser ses exploits, elles s'employaient toutes les deux à me descendre gentiment dès qu'elles en avaient l'occasion. « Regarde Juliette, elle est absolument irréprochable. Regarde ses notes, c'est excellent!Tu te dois de faire exactement comme elle. Surtout quand tu arriveras à Poudlard … Enfin si on ne se rend pas compte que tu es une cracmole. » Le ton était sec et les paroles assez effrayantes, j'étais habituée à ce discours mais il me blessait chaque fois avec la même force. On n'a pas à subir ce genre de remarques quand on a six ans. Je fixais bêtement mon verre d'eau, sachant parfaitement que si je levais les yeux vers une de ces deux araignées, leur air satisfait me mettrait hors de moi. Mon père, assit près de moi, prit ma main dans la sienne, dans un signe de soutient justifié. Il savait la pression mise sur mes épaules. Mac Andrews c'est un nom courant en Grande-Bretagne mais chez les sorciers il très répandu. Une famille de sang-pur plutôt connue, surtout en Ecosse, et respectée pour la droiture de ses membres. Alors, au milieu de ce beau tableau aux airs de perfection, quand on y rajoute une petite fille tête-en-l'air qui grimpe dans les arbres, parle avec ses amis imaginaires et saute à pieds joints dans la boue, cela pose un problème. "Pourquoi n'a-t-elle pas tout directement compris, comme sa soeur ?" doit se demander ma mère dès que le temps le lui permet. Juliette, elle, dès sa naissance s'est montrée calme et attentive, réussissant toutes les épreuves de la vie les unes après les autres. C'est comme si elle était sortie du ventre de ma mère déjà conditionnée pour cette vie de faux-semblants. Un peu à la manière d'Athéna, sortie directement en armure de la tête de Zeus. Juliette, elle, est sortie de ma mère avec ses jupettes et ses chaussettes hautes, un livre sur la métamorphose à la main. Je n'ai jamais reçu de véritables attentions de ma mère durant mon enfance, elle n'avait d'yeux que pour Juliette et ses bonnes notes, Juliette et ses leçons de piano, Juliette et son association de défense des animaux magiques. Mais malgré cela je n'ai jamais été vraiment malheureuse. Je n'ai jamais manqué de rien. Nous vivions dans une grande et belle bâtisse dans la contrée écossaise, tout ce qui me fallait pour vivre ma passion : L'équitation. Mes parents travaillaient au ministère, et étaient souvent absents. Cette solitude ne m'avait jamais vraiment posé problème. « Regarde-moi quand je te parle, Nyx ! » Je sortais de mes songes et posai un regard froid sur celle qui m'avait élevée.

Neuf ans et toujours pas de découverte de pouvoir. En général cela arrivait deux ans ou trois ans plus tôt. Cela m'obsédait, obsédait mon père mais surtout ma mère, qui pleurait souvent à l'idée d'avoir une enfant cracmole. Shame on her. J'étai dans la cours de l'école moldue dans laquelle j'étudiais. Ne vous y méprenez pas, j'avais un précepteur tous les jours à la maison après les cours, mais inquiets à l'idée de me voir sans pouvoir, mes parents avaient préférés assurer nos arrières en me lançant dans le système scolaire moldu, voyant les portes de Poudlard se refermer doucement chaque jour qui passait. J'aimais l'école, j'aimais mes amis moldus et leurs jeux bizarres. J'avais essayé de leur parler du Quidditch mais personne ne semblait comprendre le principe. Et puis, tous les moments passés à l'école étaient des moments loin de ma mère et ne pouvaient qu'être plus joyeux. Elle ne posait jamais les yeux sur moi, comme si j'étais invisible, alors pour lui prouver que j'étais belle et bien réelle, vivante et de plus, son propre sang, je sortais les poings et tirais les cheveux durant les récrées. J'étais une vraie teigne. Je me battais souvent, dès que j'entendais une réflexion, une critique ou une moquerie. Je partais au quart de tour et j'adorais ça; l'excitation de la bagarre. « Qu'est c't'as dit ? » Je me relevais. « Répète ! » Le garçon en face de moi, qui devait faire dix centimètres de plus que moi sembla surpris par mon agressivité. « Que .. Que tu es une sorcière. » La remarque m'arracha un sourire moqueur. Si seulement il savait. Il parlait juste de l'étrange tenue que portaient mes parents quand ils venaient me chercher, de ma manière étrange de m'exprimer, des mots que j'employais, et cette idée farfelue que j'avais que les vampires, loup-garous et créatures magiques en tout genre existaient pour de bon. « Bien sûr que oui ! » leur-disais-je « J'en ai déjà vu avec mon papa. ». Je passais donc pour une menteuse et une folle alliée. Je serrai les poings, prête à la bagarre, excitée à l'idée d’asséner des coups. Je n'eus pas cette chance. La colère qui rongeait mes pores, comme à l'habitude, avait fait son travail à ma place. Le petit garçon devint blême et posa la main devant sa bouche, prêt à vomir. Il ne réussit pas à se retenir et rejeta à même le goudron plusieurs petites limaces avant de s'enfuir en hurlant. Personne ne comprit le sourire qui naquit sur mon visage, et cette expression de soulagement qui me força à m’asseoir sur le banc. Je ne restai pas à l'école ce jour là, après avoir été convoquée chez la directrice, mes parents furent appelés pour une énième bagarre. En général j'étais sévèrement réprimandée et punie par ma mère, mais cette fois-ci les choses se passèrent différemment vu la nouvelle qui venait de nous tomber dessus. Le soulagement fut partagé par tous : j'étais belle et et bien une sorcière à part entière. Mes parents me sortirent de l'école, prétextant qu'ils voulaient me placer dans un pensionnat pour jeunes filles difficiles. - Une idée qui ne devait pas vraiment déplaire à ma mère. - et je ne gardai que le précepteur qui me donnait toutes les cartes pour devenir l'excellente élève que je pouvais être. Parce que oui, malgré mon goût du risque, je restais une enfant très cultivée et ouverte d'esprit, une enfant surdouée. Une enfant à "Haut potentiel", de ceux qui ont un Q.I différent de la normale. Les spécialistes que mes parents et moi avons vu dans mon enfance pour expliquer mon caractère rebelle et parfois mauvais, nous disaient que ma maturité intellectuelle me donnait l'impression d'être différente et incomprise et me poussait à la bagarre.

« Tu es en colère ? » « Je ne suis pas folle. » assurai-je avec force. « Je ne t'ai pas demandé si tu étais folle, mais si tu étais en colère. » Répliqua-t-il poliment, tout en continuant de me fixer intensément. « Si vous êtes ici, vous, un spécialiste du comportement c'est qu'ils pensent que je suis folle. » Il sourit tendrement et posa sa plume. « Non. Tes parents savent que tu es plus évoluée que la normale et c'est justement ça le problème, si je puis dire. Ça peut-être la raison pour laquelle tu passes ton temps à te battre et à être effrontée. Comment se passe les cours à Poudlard, toute l'année ? Je n'ai pas entendu parlé de bagarre. » Il attendit patiemment la réponse, ses yeux bienveillants posés sur moi. Cela m'aida à formuler une explication. Il m'inspirait, par sa gentillesse, aussi fausse soit-elle. « Peut-être que le problème n'est pas la taille de mon cerveau mais la pression étouffante posée sur moi. » Je n'aimais pas parler de ça. Je n'aimais plus parler de ça. Et ce spécialiste qui venait vérifier que tout allait bien pour moi, tous les étés, commençait à me peser sur le système. Je n'étais pas foncièrement mauvaise, bien que mes remarques sarcastiques, mon humour des plus cyniques fassent penser le contraire. Je n'avais pas dans l'intention de défendre la veuve et l'orphelin, ni de me sacrifier à la place d'un pauvre innocent, mais je n'aimais pas l'injustice et l'abus de pouvoir. J'étais pareille à une amazone, désireuse de garder ma liberté, mon indépendance, qui m'avait été difficile à atteindre. Je les chérissais plus que n'importe quoi d'autre, n'hésitant pas, pour ressentir l'excitation de l'affront, à enfreindre les règles de Poudlard. Pas vraiment asociale, plutôt sauvage. Je me savais plutôt jolie, désirée, mais chaque adolescent qui cherchait à m'avoir dans ses filets rebroussait chemin en comprenant le côté impétueux de mon caractère bien trempé. Sinon, j'étais bien entourée, pas mal de personnes timides ou réservées me rejoignaient, se sentant en sécurité dans l'ombre de traits si marqués. Je regrettais juste de ne pas avoir encore rencontré de personne qui me tiendrait tête, qui jouerait avec moi. Parce que si il y a bien quelque chose que j'aime, c'est jouer. Enfance stricte : adolescence sauvage, c'est bien connu.
Le fait d'avoir découvert ma précocité avait rendu ma soeur folle de rage. Elle qui devait se battre et se battre encore pour être au sommet, se retrouvait dans l'ombre d'une petite soeur à l'intelligence naturelle. La guerre était ouverte et je me savais mieux armée, comme si Juliette se retrouvait avec une fourchette et moi avec une épée à deux mains. J'aimais la voir jalouse, la voir rouge de colère. Cela me faisait rire, me faisait plaisir. J'avais donc dans l'optique de réussir brillamment mes études, pour leur clouer le bec, à elle et ma mère et à faire la fierté de mon père. Le seul être qui faisait naître en moi, un sentiment d'amour pur. J'aimais aussi beaucoup les arts. Plutôt touche à tout, je n'excellais pas particulièrement dans un domaine, même si je m'employais à devenir bonne guitariste. Le côté artistique est aussi quelque chose que j'aimais chez moi et que ma soeur m'enviait, elle habituée au côté stricte et carré des cours. L'imagination n'entrait pas dans ses spécialités. Si il y avait bien un sujet dans lequel elle était meilleure que moi, c'était la mode. Elle était toujours parfaitement bien habillée, coiffée et ce n'était véritablement pas mon cas. Loin d'être garçon manquée, j'aimais surtout être à l'aise dans un style un peu rétro. Les cheveux toujours au naturel, maquillée de manière classique, j'étais quelque peu complexée par mon côté maigrichon et mes formes manquantes mais j'étais très fière de mes yeux bleus que l'on disait envoûtant. « Nyx ? » Je posai les yeux sur lui, le regard interrogateur; « Cela t'arrive souvent de disparaître ainsi dans les méandres de ton esprit ? » J’acquiesçai d'un signe de tête. « Oui. Moi et moi adorons discuter toutes les deux. » Il s'empara de sa plume et griffonna quelques mots sur son parchemin. Je levai les yeux au ciel.

« Nyx ? » Je sautai du fauteuil et me jetai sous mon lit, le plus vite possible. Je vis les pieds de mon amie apparaître au niveau de la porte. « Nyx, où es-tu ? » Je posai ma tête à même le sol et fixais distraitement ses vas et viens, entre la chambre et le couloir, la salle commune et la salle de bain. Je la vis s'arrêter face au lit et compris que mes longs cheveux m'avaient trahis. Elle s'approcha, ses genoux tombèrent à terre et sa tête apparut un peu plus loin. « Tu as régressé ? Tu es redevenue une enfant ? » Cette question m'arracha un sourire mauvais. « Je ne l'ai jamais été. » Elle m'attrapa par le bras et me força à sortir de sous le lit. Voir deux jeunes filles de dix-huit ans agir ainsi, c'était assez étrange. Je m'amusai simplement. Filles de riches familles, nous avions toutes les deux vécu une enfance assez bizarre. Nous trouvions une liberté à mener cette vie à Poudlard, loin du cercle familial. J'aimais ma vie ici, mon indépendance, j'aimais ma liberté et je m'épanouissais enfin. Je n'avais jamais eu de caractère renfermé mais je me sentais pleinement heureuse à l'abris des murs du château. Seuls me manquaient mon père, mes amis et mes chevauchées à cheval. Ma vie sociale s'intensifiait ici. J'aidais mes amis et ceux qui me le demandaient - selon mes humeurs - à réviser leurs cours en vue des examens. Ça me plaisait de me sentir utile. J'aimais qu'on ait besoin de moi sans jamais avoir besoin des autres. J'appréciais de faire rire les gens, qu'ils s'esclaffent avec moi, qu'ils s'esclaffent de mes remarques cyniques, de mon ironie grandissante, comme une fille frustrée par la vie mais qui ne la connait pas encore. Avec mes amis, j'aimais bien me dépasser, me laisser aller. Fumer, boire, m'amuser. J'aimais montrer que j'étais intelligente, parce que j'avais trop souffert du manque de confiance en moi durant mes premières années de vie. J'aimais me donner en spectacle et amuser la galerie parce que j'étais invisible aux yeux de ma mère. Finalement, ce qui caractérise notre enfance marquera notre adolescente et notre vie future. Incompréhensible, complexe et sauvage ; j'appréciais qu'on me compare aux femmes-guerrières qui, par leur indépendance, étaient mes modèles.
J'attrape les livres posés près de mon lit et prend le chemin de la bibliothèque. La situation à Poudlard devenait tendue, mais j'étais optimiste, je ne voulais pas réaliser le déclin qui s'approchait. Peut-être n'était-ce là qu'une tension passagère ? Sans conséquence. Quand Lune disparut, cette idée mourut avec elle. Je réalisais, petit à petit, qu'il fallait que je fasse un choix, comme d'autres avant moi. Ma mère et ma soeur étaient plutôt tournées vers les vieilles rancoeurs. Peut-être une habitude familiale ? Durant l’ascension de vous-savez-qui, les Mac Andrews étaient restés le plus éloigné possible du conflit grâce à ma grand-mère qui avait des valeurs très particulières. Je sais pertinemment que si ma mère avait vécue en ce temps là et s'était occupée de la famille, nous aurions tous été agenouillés devant Voldemort. Je ne l'accepte pas vraiment mais j'en suis pleinement consciente. Je sais au fond de moi que si les choses s'envenimaient encore, si le monde sombrait dans l'obscurité, mon instinct me forcerait à prendre partie, et je rejoindrais ceux qui luttent contre les Ténèbres. Non pas par soucis de défendre le plus faible, mais pour défendre la liberté, qui est la chose la plus chère à mes yeux. Je n'aimerais pas en être privée, ni que de d'autres le soient et je ne pourrais évidemment pas regarder la liberté de tous être bafouée sans agir.