Ban de Bénoïc. Ce nom lui trottait dans la tête depuis ce matin, surgit d'un songe étrange et épique mettant en place des tournois médiévaux, des joutes entre chevaliers blancs et chevaliers noirs pour l'honneur d'un souverain. Les lances de joutes étaient toutes ornées, ou presque, d'un foulard féminin. Un des chevaliers n'annonçait pas son nom mais se présentait comme le fils de Ban de Bénoïc. Gabriel était persuadé de connaitre cette histoire. Il en avait parlé à un de ses camarades mais ce dernier s'était gentiment fichu de lui. « Gab', t'as joué aux échecs jusqu'à 1h du matin, ton adversaire et toi n'arrêtiez pas de parler comme des chevaliers du moyen-âge ... Et puis, vous avez un peu abusé de la boisson, je crois. » Cohérent, avait pensé Gabriel. Il s'était levé avec un léger mal de crâne, signe qu'il avait en effet forcé sur l'alcool. Il tenait très bien, donc pour qu'il y ait un peu de douleur, c'est qu'il avait du vraiment boire. Beaucoup.

Mais ce nom le hantait toujours. Il avait passé toute la journée à tenter de le replacer dans son contexte, mais il lui manquait un élément essentiel. Le nom de ce chevalier qui ne s'était présenté qu'avec le patronyme de son père. Agacé, il avait finalement prit les chemins de la bibliothèque, espérant y trouver un ouvrage qui saurait le renseigner. Mais il n'avait pas vraiment confiance dans les bouquins du monde magique. Peut-être parce qu'il ne savait pas vraiment comment chercher dedans ou qu'il ne comprenait pas toujours tout ce qui était écrit. Il avait grandit avec les moldus et personne ne lui avait enseigné le moindre principe magique, en dehors de Poudlard. Il aimait beaucoup la littérature mais lorsqu'il essayait d'en discuter avec ses camarades, seul Avaon était capable de tenir une conversation. La journée était terminée et le soleil s'était déjà couché, en cet hiver froid et persistant qui s'annonçait rude. Il frappa discrètement à la porte de la bibliothèque avant d'entrer, connaissant la règle d'or de ce lieu sur le bout des doigts. Il ne fallait faire aucun bruit, si on voulait pouvoir y rester pour étudier. Il n'y avait personne. Surpris, Gabriel s'avança dans l'antre des livres et fouilla la pièce du regard. Les longs rayonnages de livre avaient toujours eu sur lui un double effet un peu étrange. Il était à la fois rassuré par tout ce savoir et intimidé par la lourdeur de l'ambiance. Il préférait les librairies. Plus vivant, plus joyeux, plus convivial. Ses yeux bleus clairs se posèrent finalement sur la silhouette d'un adulte qui travaillait, au bureau du bibliothécaire. Tiens, où était passé la vieille teigne qui ne supportait pas le moindre bruit de respiration ? Peu importait, Gabriel voulait mettre la main sur le nom de ce chevalier. Silencieusement, il s'approcha du seul bureau occupé et s'apprêtait à parler lorsque le jeune homme, visiblement inconscient de la présence de Gabriel, murmura d'un ton contrarié « Dire que je pourrais être en train de discuter avec les Détraqueurs ».

Le Serdaigle arqua un sourcil. S'il avait bien tout écouté, les Détraqueurs n'étaient pas à proprement parler des créatures très bavardes. Esquissant un sourire amusé, il lança doucement « C'est tout un concept, de parler avec des créatures qui aspirent tous les souvenirs heureux de quelqu'un ... » Devant la mine surprise et désorientée du jeune homme, Gabriel s'excusa « Pardon, j'ai frappé mais je crois que vous n'avez pas entendu ... » Il esquissa un sourire amical et gentil, avant de demander « Je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps mais j'ai besoin d'un renseignement ... Savez-vous où je peux trouver un ouvrage qui traite de Ban de Bénoïc ? » Il avait totalement conscience du côté loufoque et inédit de sa demande mais Gabriel ne lâchait jamais l'affaire avant d'avoir obtenu ce qu'il voulait. « Je crois qu'il s'agit d'un personnage de la légende Arthurienne ... »

Lancelot. Le gentil bibliothécaire venait de répondre à sa question mais Gabriel n'eut pas le courage de lui dire qu'il pouvait abandonner ses recherches. Le jeune homme paraissait s'amuser comme un fou, à fouiller dans les rayonnages pour trouver le fameux ouvrage dont il avait parlé un peu plus tôt. Docile et curieux, Gabriel l'écoutait bavarder sans trouver le temps de pouvoir en placer une. C'était amusant, de voir l'adulte s'égarer dans sa passion, visiblement enchanté de voir un élève s'intéresser à autre chose que les banalités courantes, ingrédients pour les potions élémentaires vues en cours, recherches sur les loups-garou et autres créatures de DCFM, particularités des métamorphoses de base ... La légende Arthurienne, pourtant emprunte d'une magie fascinante, n'était absolument pas évoquée à Poudlard. « Et d’où vous vient ce soudain intérêt pour le père de Lancelot ? » Il fallut une petite dizaine de seconde à Gabriel pour réaliser que cette fois, le bibliothécaire s'adressait à lui. Se reprenant rapidement, il répondit calmement « J'ai fait un rêve étrange cette nuit, un tournoi mettant en scène le fils de Ban de Bénoïc et je n'arrivais pas à retrouver son nom. Mais je suis curieux d'en lire la légende. Je cherche juste un livre qui me donnera les éléments de base, l'histoire classique. Rien de très compliqué ... »

Il avait peur que le bibliophile ne lui tende un ouvrage en latin, une langue qu'il ne connaissait absolument pas, en lui disant que la légende se trouvait là. Il voulait juste se renseigner, pour sa propre culture. Pour satisfaire sa curiosité. « A vrai dire ... J'ai déjà lu des livres sur la légende Arthurienne. C'est une histoire qui me fascine le plus mais je n'ai aucune idée de la façon dont elle est vue, dans le monde magique. Je ne connais que la version moldue de la légende ... » Darius, son premier amant, lui avait fait la lecture d'une oeuvre intitulée Les dames du lac et il avait eu envie de lire tout le roman. Après l'avoir dévoré, il s'était jeté sur le suivant mais sa curiosité n'était pas satisfaite. Il avait eu soif de connaissance à ce sujet et s'était composé, pour lui-même, un petit coin de bibliothèque sur cette légende, rassemblant les ouvrages les plus courants et quelques uns plus obscurs.

« Docteur ... Hoover, c'est ça ? » Il n'avait pas été très attentif à la présentation du jeune homme mais sa mémoire enregistrait beaucoup de chose à son insu. Il avait par exemple retenu que le bibliothécaire connaissait son nom. Il poursuivit d'une voix curieuse « J'ai cru comprendre que vous veniez d'arriver. Si je peux me permettre ... pourquoi un ancien mannequin, qui a ensuite travaillé au ministère de la magie, se retrouve à la tête de la bibliothèque de l'école ? » Simple curiosité. Il connaissait évidemment le modèle, il avait regardé les magazines. Mais il se demandait si le mannequinat avait été un choix. Lui voulait partir à New York et devenir modèle de mode moldu, il ne se voyait pas terminer ses jours dans une école, si prestigieuse soit-elle.