We had it all, I screwed it up

& in your eyes, I can still see my youth

Il avait fallu que ça tombe un 31 Octobre et il avait fallu qu’elle se souvienne de la date. Il avait fallu que ça la fasse tiquer, qu’elle le cherche du regard et se retrouve à sourire à cause de son costume, l’espace d’une seconde. Il avait fallu qu’au fond, tout ça ait encore de l’importance, même dans un moment pareil.

Zane. Il se tenait à l’autre bout de l’assemblée et c’était son anniversaire, Alesya le savait. Elle savait aussi qu’elle n’aurait surement pas dû s’en rappeler, pas plus qu’elle n’aurait dû lui acheter quelque chose pour marquer le coup… Peut-être était-ce la récente discussion dans l’ancienne salle d’histoire de la magie, peut-être était-ce en souvenir du bon vieux temps… tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle risquait de s’en mordre les doigts mais qu’elle s’en foutait copieusement. Ils avaient un peu de temps, avant le coup d’envoi, avant les ennuis, avant l’heure de vérité… Ils avaient un peu de temps et elle voulait sauter sur l’occasion, sans trop savoir pourquoi. Surement parce qu’à se tenir là, tous, armé, avec des consignes pour créer le chaos et perturber les gens au plus haut point, ils donnaient à cette soirée des airs de fin du monde. Dans la brise, dans la pénombre qui menaçait comme une veuve avance jusqu’à la tombe de son défunt époux, Alesya se tenait là, sentant sa gorge se serrer, son pouls accélerer.

Ils n’étaient plus en bons termes mais les choses allaient mieux. C’était le moment ou jamais, non ? Il y avait bel et bien un risque qu’ils n’en reviennent pas, de cette initiation à la con ? Pourquoi, pourquoi fallait-il qu’elle pense à lui au beau milieu de cet instant si décisif ? Pourquoi fallait-il que dans un événement qui changerait surement le court de l’histoire, elle se retrouve à le regarder, à chercher quoi lui dire ? Avant qu’elle n’ait pu y répondre, elle se retrouva non loin de lui, guidée par ses pieds et dans la foulée, elle attrapa sa hanche. Il était 18h, ils avaient le temps, elle le savait, alors elle le soustrayait pour quelques instants à la foule d’adolescents voulant faire leurs preuves. Ignorant Rohàn, Eithlenn, Amadeus, ignorant tous les autres, elle entraina Zane brusquement, sans un mot, jusqu’à une allée adjacente. Et puis elle s’arrêta, subitement, baissant la cape qui couvrait sa tête, dévoilant ses cheveux, son visage. Elle le regarda, plantée devant lui et un sourire sincèrement amusé, heureux, alla éclairer ses traits, brillants jusqu’à ses yeux. La nervosité rendait tout ça tellement plus décalé. Zane, habillé en femme, avec sa carrure si spéciale, si familière, sa grande taille, ses muscles fins. Elle se mit à rire, une seconde et tira un petit paquet qu’elle lui fourra dans les mains. Une flasque, pleine. Comme ça, sans raison réelle, juste parce qu’elle se doutait qu’il trouverait là dedans une certaine utilité.

« Joyeux Anniversaire, Goyle » souffla-t-elle, la voix un peu heurtée par l’appréhension. Elle n’était pas tranquille, malgré cette assurance dont elle se vantait. L’Ombre, c’était quelque chose de sérieux, il savait à quel point elle pouvait devenir anxieuse dans ce genre de moment.

Ils se connaissaient trop, c’était une tare, soit disant, mais au moins, elle n’avait pas besoin de parler.

Il alluma une cigarette, habitude, semblant touché par le cadeau. Elle avait vu juste, vraisemblablement, mais quelque part, elle n’avait aucun mérite. Ils se connaissaient trop, ils avaient été amis, amants, sa première fois, le premier cœur qu’elle avait brisé… Zane, elle lui avait fait du mal, elle ne méritait pas qu’il ouvre ses bras pour l’accueillir, pour la rassurer, en sentant que clairement, ça n’allait pas. Elle avança, pourtant, consciente que c’était là un geste qu’elle ne pouvait pas laisser passer. Pas après trois ans de menaces, trois ans à se sauter à la gorge, trois ans à se détruire, doucement mais surement, l’un par vengeance l’autre par orgueil. La dernière fois qu’il l’avait vu, il avait encore affirmé vouloir la tuer, alors qu’il tende les bras, gentiment, doucement, avec cette nonchalance qui faisait qu’à ses côtés, elle se sentait bien, c’était exceptionnel, inespéré, c’était quelque chose qu’elle ne pouvait pas laisser passer. Elle fit un pas en avant et se retrouva contre lui, appuyant son nez contre son cou. Le geste était amical, elles étaient loin, bien loin, ses nuits passées contre sa peau, mais elle se surprit à trouver ça si rassurant que d’être contre le grand brun.

Comme elle ne pouvait oublier son anniversaire, son corps ne pouvait oublier les vieilles manies. Son odeur, sa chaleur, c’était des paramètres qui, pendant longtemps, avait été un repère, quelque chose de stable. Ce qu’Ezechiel lui apportait aujourd’hui, cela avait été Zane qui le lui donnait, fut un temps. Elle déglutit, relevant un tout petit peu la tête, observant les clavicules du jeune homme alors que ses cheveux retombaient devant son visage. Elle ressemblait surement à une gosse, à cet instant, mais de toutes les grandes gueules de l’école, Alesya était surement la moins assurée, au final.

« Si j’échoue, je peux me pendre, je crois… » souffla-t-elle, bien qu’elle n’en ai pas eu besoin. Non, elle n’était pas prête, malgré son impatience. Non, elle ne voulait pas faire ce qu’on lui demandait, malgré son allégeance. Elle trembla contre lui et nerveusement, elle se retrouva à nouveau à sourire, demandant tout bas « Et Pourquoi t’es plus canon que moi, en robe ? C’est genre, pas juste, ça… » et dans ce genre de mondanité sans importance, perdue entre ses bras, protégée du vent, elle attendait que ça se passe, un peu, espérant que ses ordres de missions changent pour quelque chose de plus facile, de plus… anodin. Abîmer Frédéric était un ordre douloureux. Certes, ils auraient pu faire pire, car elle voyait bien qu’Ezechiel n’était pas là ce soir et qu’il payerait cet affront, mais quand même. « Bordel, j’vais me rater, c’est pas possible autrement... » souffla-t-elle « Tu t’souviens de nos plans pour gouverner l’école… qu’on était cons » ajouta-t-elle avec un sourire « mais ça semblait plus facile, plus évident, moins… » moins à l’arrache, voilà ce qu’elle avait envie de dire. Une poignée d’adolescents et jeunes adultes pour détruire tout l’équilibre magique, ça ne semblait pas si réaliste et pourtant, l’Ombre affirmait que c’était leur devoir, leur destiné.

Elle, elle en tremblait. Nerveuse et mal assurée, derrière son masque de parfaite teigne.

Adelaïde. Saffra. Traitre à son sang. Sang-de-Bourbe. Elle le regarda, se redressant de son mieux. Elle ne sentait plus sa peur, elle ne sentait plus sa légère gêne, elle ne sentait plus le baiser qu’il avait déposé sur sa tête en la gardant contre lui. Non, tout ce qui venait, à cet instant, c’était une rage incroyable, une jalousie inexplicable. C’était avec ça, qu’il la remplaçait ? Certes, elle l’avait cherché, mais… Elle baissa le regard, sentant ses poings se rouler en boule et d’un coup, ses angoisses revinrent, la secouant, lui tordant le ventre. Vivement, elle se dégagea comme elle le pouvait et fit quelques pas en arrière, hagarde, jetant sur Zane un regard presque sale, un regard blessé. Elle avait perdu tout droit de lui dire quoi faire, qui voir, elle n’avait de toute façon jamais eu la prétention de le contrôler, même à l’époque où ils avaient été ensemble, mais ça…

Saffra, qui lui volait Ezechiel bien trop souvent, devait-elle aussi lui prendre Zane ? Et Adelaïde… certes, sur le plan technique, elle était d’accord avec le Serpentard. La petite Weasley avait certaine valeur mais ça restait une… une fille de vainqueurs. La gorge nouée, elle arriva à murmurer « Ils nous haïssent pour ce que son nos parents, soit, faisons pareil. Sa grand-mère a tué ma tante, ses parents ont tué le meilleur ami de ton père.. on est des parias à cause d'eux… » elle savait que ce n’était pas la petite brune qui était responsable de ces agissements mais la colère et la haine était trop fortes. Galvanisée par l’idée du combat, par la peur, par l’appréhension face à ce qu’elle devait faire, voilà qu’elle se sentait péter un câble, partir en vrille. Elle en lâcha sa baguette et l’instant d’après, elle vit volte-face, écrasant sa main contre le mur, hargneuse. Elle continua, frappant encore et encore, folle, déchargeant toute la tension qui la tenait debout, perdant patience, perdant tout bon sens avant de s’arrêter, subitement, le souffle court. Redressant la tête, elle utilisa sa main encore valide pour dégager les mêches de cheveux qui barraient son visage.

Il l’avait oublié. Elle l’avait cherché mais il l’avait oublié, au profit d’une sang-de-bourbe, au profit d’une foutue Weasley. Elle ne valait pas mieux, surement. Elle sentie sa précieuse confiance s’émietter. Comment pouvait-elle combattre alors qu’elle n’arrivait même pas à avouer ses erreurs passées, quand elle n’arrivait même pas à affronter Zane pour lui dire, enfin, tout ce qu’elle lui avait caché pendant des années. Elle passa une main devant sa bouche et réalisa qu’elle tremblait comme une feuille. La pression, d’habitude si bénéfique sur Alesya, commençait à la ronger.

« T’peux pas la protéger, ta place est avec nous » souffla-t-elle, ne pouvant se retenir « T’souviens pas ? On avait dit qu’on combattrais côte-à-côte » à l’époque, oui, ils l’avaient juré… Il s’était engagé sur un coup de tête, il avait perdu sa flamme et quelque part, ça la chagrinait, c’était un point commun en moins pour eux, c’était à nouveau le perdre un peu.

Elle était soudain prête à détruire le monde pour lutter contre la douleur qui lui pinçait le cœur. On aurait pu croire qu’en trois ans, elle aurait su apprendre à se contrôler… ouais, on aurait pu le croire. Ce n’était pas le cas.

En d’autres circonstances, elle se serait mis à rire, dédaigneuse et blasée par tant d’exagération. En tout autre circonstance, oui, elle aurait probablement reproché à Zane de dramatiser mais à vrai dire, ce qu’il venait de dire, d’évoquer, la possibilité que jamais ils n’en sortent, que ça soit leur dernière soirée, leurs derniers moments de vie ou de liberté, c’était ce qu’ils pensaient tous alors que les minutes s’égrainaient. Tous les membres à venir, là, pauvres petites recrues qui attendaient que le sort se déroule, avec une épée de Damoclès pendouillant nonchalamment au-dessus de leur tête. Ils n’étaient que des gosses, des gosses armés et nourris à la haine, des gosses devenus dangereux par des années de brimades. Dispersés dans le village, à attendre, tapis dans cette ombre qu’ils trouvaient familière et rassurante, ils jouaient bien plus que ce qu’ils possédaient. Le pari était risqué et la requête du jeune homme était donc légitime… Oui, il avait raison de demander, c’était probablement le moment où jamais, c’était ce dont ils avaient besoin pour se vider le crâne, pour sortir mutuellement de leur système respectif.

Elle ne pouvait pas, pourtant.

Elle ne pouvait pas faire sortir ces mots, cette explication qu’il attendait tant. C’était au-dessus de ses forces, elle en était persuadée. Sa gorge se serra et comme une gosse dont on démasque brutalement les mensonges, elle se sentit piégée, coincée, prise dans les phares d’un magicobus arrivant beaucoup trop vite sur elle, inéluctablement. Elle avait envie de pleurer, à la place elle secoua la tête, ses mèches brunes voletant doucement autours de son visage fin. Elle ne pouvait pas, elle le savait, elle le perdrait à jamais… Et elle ne pouvait pas partir au combat en sachant qu’il la haïssait encore plus que précédemment, elle ne pouvait pas partir après avoir finalement lâché qu’elle avait tout gâché par peur quand ils auraient pu être parfaitement heureux, tous les deux, ensemble pour bien plus longtemps que les dix-huit pauvres mois qu’elle lui avait accordé. « Moi j’veux pas » souffla-t-elle, fuyante « J’veux pas tourner la page, j’peux pas, j’peux pas renoncer à la rancœur, j’peux pas Zane, pas maintenant, pas comme ça, pas quand… » elle détourna la tête, prête à frapper à nouveau dans le mur « Pas quand c’est la seule putain de chose qui nous lie, cette haine à la con… ça et l’Ombre, tu parles d’une belle équation… » Elle secoua à nouveau la tête pour se reprendre, refusant d’être faible, refusant de pleurer.

Au fond, pourtant, elle le savait, elle lui devait la vérité, elle n’avait pas le choix, il le faudrait bien. Elle avait une chance, une occasion pour rendre les choses plus saines. « Je… » mais non, les mots ne voulaient pas venir car à nouveau, elle avait peur. Elle l’avait abandonné pour qu’il ne puisse pas la planter et voilà qu’elle avait peur, tellement peur, que sa confession le chasse. Elle se fit violence, elle se fit mal à en mourir, relevant la tête et présentant un regard dans lequel dansait un paquet incroyable de regrets. « J’ai tout fait foiré parce que j’pensais que ça ferait moins mal que si c’était toi, j’voyais pas comment tu pouvais m’aimer, comment tu pouvais vouloir être avec moi, alors… » alors elle avait tout détruit, elle l’avait trop aimé et n’avait jamais pensé ça réellement réciproque.

Il aurait dû partir en la traitant d’égoïste.

Il aurait dû partir et ne jamais plus lui parler et à vrai dire, elle l’aurait mérité. Elle avait été odieuse avec lui, malhonnête et cruelle. Elle lui avait fait du mal, elle s’était brisée au passage, elle avait détruit sans vergogne mais non sans hésitation tout le bonheur qu’ils avaient su trouver, toute la complicité, toute la simplicité de leur relation. Elle l’avait cassé, abîmé et cela avait eu un impact clair parce qu’elle avait été la première, parce qu’ils avaient été, quelque part, fait l’un pour l’autre, une putain d’évidence. Elle se souvenait encore de la surprise des gens, lorsqu’ils avaient commencé à se haïr, à s’envoyer des coups. La plupart des élèves s’attendaient à ce que les deux Serpentard foutent le bordel, ensemble, encore longtemps, une sorte de hit-couple… Elle avait tout brisé, aussi aurait-elle mérité qu’il se venge, à présent. Mais non. Parce que Zane était plein de surprise, ou bien parce qu’il avait été odieux juste pour obtenir la vérité, pendant toute ses années, ou bien encore parce que c’était un peu la fin du monde et qu’ils devaient composer avec, il s’était approché. Non pas pour la gifler mais pour la prendre entre ses bras, pour la serer contre lui, pour la rassurer, pour la torturer, aussi, un peu.

Dans ses propos, il y avait tous les torts qu’elle avait pu avoir, petite idiote de seize ans pensant comprendre le monde, pensant comprendre l’amour. Il y avait des promesses, aussi, tout ce qu’elle avait besoin d’entendre. Ils survivraient à cette nuit, ils ne se quitteraient jamais vraiment, malgré le passé dans le verbe aimer. Elle savait, de toute façon, que quoi qu’elle fasse, Zane aurait toujours sa place, exactement comme il l’avançait. Ce n’était pas possible autrement, elle ne pouvait pas fonctionner sans savoir qu’il était là, quelque part, même très loin, même en colère contre elle. Elle déglutit, forçant un sourire pour se rassurer, aimant le fait qu’il tente de la faire rire, parce qu’il était surement le seul à cet instant à pouvoir apaiser sa peur, ses angoisses…

Et puis la donne changea. Comme d’amis ils étaient passés à amants, des années plus tôt, voilà que plus rien n’était pareil à nouveau. Il l’avait trop détesté pour qu’elle reste de marbre face à ce baiser soudain. Un baiser chaud, tendre, un baiser pour la calmer, pour lui pardonner, un baiser pour appuyer ses propos, un baiser pour la garder contre lui encore un peu. Appuyée contre le mur, caché contre lui, sentant ses mains, une sur sa hanche, l’autre sur sa nuque, elle rendit le baiser sans même y réfléchir, passant ses bras autours de la taille fine de Zane. Il était travesti, elle n’était pas libre, ils allaient risquer leur vie mais dans le chaos qui se baladait non loin, prêt à attaquer, elle ne voulait pas réfléchir, elle était trop bien, malgré les conséquences à venir.

Alors elle se redressa et se surprit à mordre doucement ses lèvres pour lui demander de rester encore un peu, une trêve avant le carnage, une trêve pendant laquelle elle alla passer ses mains sur ses épaules, contre son cou, douce comme elle avait appris à l’être avec lui, des années plus tôt. Une minute d’éternité dans la guerre à venir…

quand le monde court à sa perte...

Et voilà qu’il prenait soin d’elle, avec un sourire, avec douceur, avec des plaisanteries, cherchant à détendre l’atmosphère. Dans un sursaut étrange, elle se surprit à penser à leur première fois, au fou-rire juste avant, tant ils étaient mal à l’aise, tous les deux, mal à l’aise mais là-dedans ensemble. D’une certaine façon, être avec Zane rendait les choses beaucoup plus supportables. C’était une autre forme d’initiation, de découverte, là. C’était le moment de savoir si elle allait être à la hauteur, si elle était digne de sa famille et d’une certaine façon, il l’apaisait, un peu. Ils étaient dans le même bateau, toujours. Alors elle se laissa soigner, alors elle ne dit rien et se laissa faire, malgré la légère douleur. Sa main se ressoudant la tirait, pourtant, mais encore une fois, c’était supportable.

Et c’était pour cela, aussi, qu’elle avait haït devoir le haïr. Cela ne semblait pas naturel, pas lorsqu’il pouvait être comme ça, presque tout à elle, même pour quelques minutes, pas lorsqu’il la protégeait, la rassurait. Elle était faible, surement, elle avait besoin de ce genre d’attention, sans doute, mais derrière le masque, il y avait tant d’insécurités et d’angoisses que de pouvoir s’accrocher à quelque chose, à quelqu’un comme lui, était… salvateur, à cet instant. Ce qu’elle s’en voulait d’avoir ruiné, partiellement, l’humanité qu’il possédait. Elle n’eut pas le temps de s’excuser à nouveau que déjà, il changeait de sujet, lançant une question dont la réponse pourrait fâcher. Ouvertement, il demandait si elle avait quelqu’un et elle se retrouvait à douter de sa réaction. Il serait peut-être content pour elle, mais il y avait aussi une forte probabilité pour qu’il le prenne mal. Très mal. Après tout, elle avait râlé, indirectement, contre Saffra et Adelaïde, qui ne semblaient être que des histoires sans importance… Et elle, à côté, elle s’était mariée. Hypocrisie bonjour.

Certes, elle pouvait tout expliquer et se douter qu’il comprendrait mais à nouveau, ça semblait au-dessus de ses forces. De son mieux, elle articula cependant « On va dire que… je suis passée d’un extrême à l’autre » Parce que c’était le cas. D’une fille facile et ingérable, elle était devenue une épouse et essayait, tant bien que mal, de s’y tenir. Certes, elle venait de l’embrasser… ou il l’avait embrassé et elle avait rendu le baiser, mais tout de même, elle faisait de son mieux. Elle avait expliqué à Baesyl, elle avait été fidèle jusqu’à présent, même si c’était étrange et plus difficile que prévu, parce que les mauvaises habitudes avaient la peau dure.

Elle avait retiré son alliance pour ne pas qu’on la reconnaisse et la portait à son cou, au bout d’une chaine. D’un geste hésitant mais souple, elle tira sur les maillons pour montrer l’anneau à Zane, qu’il comprenne seul. Ce n’était pas une bague de fiançailles, non, c’était une alliance. Elle allait se faire tuer sur place, elle allait lui faire mal… Elle serra les dents, sa main libre prête à le retenir pour s’expliquer, un peu, le mieux possible du moins.

Zane la surprenait, parfois. Souvent. Toujours. Elle se vantait de le connaître mais trois années avaient passé et il lui était parfois difficile de prévoir ses réactions. L’éloignement, la douleur, le choc, oui, elle avait pu s’en douter, les voir venir, parce que ça semblait logique, ça semblait mérité : il prendrait de la distance parce qu’elle n’était qu’une petite garce, une hypocrite, parce qu’il jugerait qu’elle se foutait de sa gueule allégrement… Elle s’était douté qu’il allait se souvenir de la flasque et en boire un peu. Beaucoup à vrai dire. Elle ne s’était pas avancée quant au fait qu’il resterait pour discuter, cependant. Pourtant il l’avait fait. Et il était extrêmement posé, au point que cela en devienne étrange. Certes, il était blessé, sur le coup et il s’avérait un peu menaçant, mais ce n’était rien d’autre que cette attitude typiquement sienne que de dire tout haut ce qu’il aurait dû penser tout bas et ça, elle en avait encore l’habitude. Elle l’avait laissé parler, sans répondre à ses questions, sans chercher à le couper, avant de se retrouvée choqué. Profondément, même.

Détruisant la distance entre eux, il était revenu la prendre dans ses bras et il la tenait, continuant son discours, la faisant sourire, même, avec sa dernière phrase. Il lui souhaitait du bonheur, il était tranquille, raisonnable et doux, un amour à vrai dire… Elle ne l’avait surement jamais mérité, pour le jeter de la sorte. Tout comme elle ne méritait aucune des personnes évoluant dans son entourage. Hormis Rohàn, parce qu’ils se valaient bien, connards de première, une affaire de famille.

Elle hocha la tête, pelotonnée contre lui, dans ses bras familiers. « C’est un sang-pur, oui, mais j’crois qu’il s’en fout. Il aurait dû être là ce soir, mais il se la joue Suisse, il a surement raison… j’avais peur que l’Ombre me demande de m’en prendre à lui, parait que certains ont eu cette chance… » Elle releva le nez, le regardant. Il tenait à la Weasley, s’il devait la blesser, il en souffrirait, quand bien même elle se sentait jalouse au possible, petite fille mal assurée ayant besoin de savoir qu’on ne l’oubliait pas. Elle ne pouvait, cependant, exiger de Zane qu’il passe sa vie dans le deuil de ce qu’ils avaient été, c’était injuste et cruel. Il devait avancer, soit… en espérant qu’il n’ait pas à réellement tuer celle qui semblait lui redonner un peu le sourire en ce moment. Il méritait, plus que quiconque probablement… Et en parlant de bonheur, elle reprit, plus bas : « Quant à dire si je suis heureuse... c’est compliqué, j’imagine, j'suis presque sûre... Je ne sais pas vraiment à quoi ça ressemble, j’me suis jamais autorisé à l’être vraiment, ça ressemblait trop à de la faiblesse. Y’a qu’avec toi, avant… lui, que j’osais. Et ça m’a fait tellement peur que… la suite, tu la connais… » Elle bafouillait, elle détestait ça, peu douée avec ce genre de mots, tellement meilleure dans l’acidité, dans les insultes. « Mais il est… patient, il encaisse, il est là, toujours... j’crois que j’lui fais du mal, j’dois être douée pour ça. » souffla-t-elle, réalisant que dans la bagarre, elle n’avait pas pu dire au revoir à Ezechiel, au cas où. Elle pressa son visage contre le torse de Zane, se cachant un peu. Définitivement, il n’y avait pas pire jeune femme qu’elle, quoi qu’on en dise.

Une carapace. Il était surement une des personnes les mieux placées pour en parler, de cette foutue carapace, cette armure qu’elle dressait autours d’elle, murailles impénétrable pour qu’on ne la blesse pas. Ce mur en avait brisé, des héros valeureux qui avaient voulu passer outre, qui avait voulu le détruire, pierre par pierre, pour sauver la princesse derrière, ne se doutant pas qu’elle était maudite, douce enfant portant toute la noirceur d’un dragon, d’un monstre sanguinaire. Elle n’était pas capable de laisser les gens s’approcher simplement et c’était un miracle que de la connaître un peu, Zane en avait payé les frais et à présent, amoché, il luttait pour retrouver un semblant de bonheur. Tout cela était sa faute et elle voulut aller s’enfouir plus bas que terre, petite idiote. Elle resta droite, cependant, contre lui, l’écoutant. Il parlait d’avant, y mélangeant le présent, semblant la cerner, encore et toujours, semblant comprendre sans qu’elle ait à expliquer. Il avait souvent su lire entre ses lignes, oui, parce que d’une certaine façon, ils étaient fait du même bois, nés sous la pression, différents sans vraiment l’être, armé de tout ce qu’ils pouvaient attraper, violence, sarcasme et cruauté pour survivre dans ce monde qui ne voulait pas d’eux. Elle déglutit, manquant de craquer et de laisser des larmes incongrues filer. Foutue nervosité.

Zane changea de sujet, cependant, reculant un peu, la forçant à se tenir debout toute seule, comme la grande qu’elle se vantait d’être. Il tira un masque, le lui présentant et demanda soudain : « T'en penses quoi ? C'est assez moche pour qu'on me reconnaisse pas ? En plus de ça, j'ai la cape bien sûr, et j'vais utiliser un sort que j'ai vu dans un livre l'autre jour pour avoir une voix de femme. » et automatiquement, elle afficha un sourire, imaginant la scène. Le souci, cependant, c’était qu’Adelaïde n’en rirait probablement pas. Non, tout l’amusement des déguisements allaient filer lorsqu’ils devraient les utiliser pour leurs noirs desseins. Elle hocha la tête, alors, hésitant une seconde avant de souffler « J’pense que je te reconnaîtrais quand même, même déguisé en gorille et parlant fourchelangue, mais j’suis pas la plus impartiale des juges, tu sais… » et c’était la vérité, car malgré les années, elle connaissait encore tout de lui. Sa façon de parler, d’attaquer, de jeter des sorts, de marcher, sa façon de se tenir, de tenir sa baguette, ses sourires, ses regards, son odeur… son odeur. Relevant la manche de son vêtement, elle inspira profondément le tissu. Evidemment, le parfum de sa peau avait transféré, trop caractéristique, trop habituel. Elle sentit son ventre se tordre, presque comme une vieille impatience se mettant à tituber soudain, mais elle passa outre. « Si elle te reconnait, ça sera avec ton odeur, Goyle » murmura-t-elle, tirant sa baguette. « Approche, ça serait con qu’elle associe tout ça et réalise plus tard que tu sens comme le bourreau qui l’a agressé, ça serait un peu un tue-l’ amour, non ? » Et elle tendit un peu son arme, prête à effacer toutes les effluves rassurantes et familières de l’épiderme et des vêtements du jeune homme. Quelque part, dans sa maladresse un peu brusque, elle laissait à entendre qu’il finirait avec Adelaïde et venant d’elle, c’était un pas incroyable.

Il serait à même de s’en rendre compte, elle le savait, tout comme il verrait que, dans ses propos, s’avérait bien déterminée à ce que tous s’en sorte ce soir.

Cette nuit, c’était les petits détails qui allaient faire toute la différence. Les scrupules, les attitudes, les jurons ordinaires, l’odeur d’un vêtement… tout le monde serait sur le qui-vive, les réflexes seraient décuplés et les proies remarqueraient, pour assurer leur survie, des choses qu’elles auraient d’ordinaire laissées au hasard. Zane et son parfum, si caractéristique que c’était presque un blasphème que de le sentir sur quelqu’un d’autre, c’était le genre de paramètre trop traitre pour passer inaperçu.

Il ne fallut qu’un sort, qu’un tour de baguette à Alesya pour changer son odeur et le Serpentard se laissa faire sans broncher. Il lui faisait confiance et parce que ce n’était pas anodin après tout ce qu’ils avaient pu traverser, elle ne comptait pas en abuser. C’était parce qu’il méritait mieux de vivre dans la haine, également, qu’elle cherchait à se comporter décemment et qu’elle irait trouver, dès qu’ils se seraient séparés, quelqu’un ayant autorité pour dire que Zane était apte à intégrer l’Ombre sans détruire la Weasley. C’était surement un traitement de faveur mais si une personne en était digne, c’était lui. D’autant qu’elle ne voulait pas que, Merlin sait par quel miracle, Adelaïde l’amoche. Alors elle surveillait. Elle surveillerait. Fronçant les sourcils, elle l’écouta mentionner Mina, sa douce et tendre petite sœur qui, pour le coup, n’était surement pas taillée pour ce genre d’expédition.

« Et pourtant, vous la laisser là, dans l’Ombre, vous la laisser aller se trouer l’âme… » Répondit-elle, un peu plus sombre. « Enfin, je crois… c’était elle, à côté d’Amadeus, non ? Petite brune, toute fragile… ça a beau être une Goyle, je… » Elle ne termina pas sa phrase. Rohàn ne s’était même pas donné la peine de chercher à la dissuader, pourtant les deux garçons chercheraient-ils à laisser leur cadette sur la touche. Pour la protéger, oui, mais à quoi bon. Elle était déjà brimée, déjà stéréotypée, autant qu’elle aille jusqu’au bout et fasse ses preuves… Mais bordel, qu’elle était jeune. Alesya souffla, remontant ses mains et cachant son visage. Tout cela avait semblé plus simple en rêve. « Moi aussi je dois tacler des Weasley... deux d'entre eux... » Souffla-t-elle finalement, aveux qui se faisant attendre mais qui n’aurait pas dû sonner de la sorte. Cela aurait dû être un jeu d’enfant, quelque chose de simple… dans sa voix, pourtant, il y avait toutes les suppliques du monde. C’était des Weasley, oui, mais la moitié du duo s’avérait être quelqu’un que jamais elle ne voulait avoir à blesser. JAMAIS.

Elle secoua la tête. Non, ce n’était pas déplacé. Enfin… si, extrêmement, mais elle connaissait trop Zane pour s’en formaliser. Il avait une grande gueule, il disait toujours ce qu’il pensait et il avait su la faire rire, fut un temps. Elle afficha un sourire. Voilà que ça revenait, doucement. C’était déplacé, mais elle n’avait pas envie d’être sérieuse ou révérencieuse, pas maintenant, pas quand il était déguisé en femme, pas quand tout pouvait se terminer d’un coup, pas quand elle devait aller fracasser Frédéric pour rentrer dans un groupuscule qui, comme celui avant lui, était probablement destiné à mourir étouffé. Elle souffla et d’une petite voix, cherchant à se grandir, elle murmura « Mais non, mais non, on les démontera et on se sauvera, Bonnie and Clyde, trop loin pour qu’ils nous attrapent, on ira martyriser d’autres gens, ailleurs, en se faisant passer pour morts pour pas qu’ils nous choppent et… » Elle se tut, brusquement, détournant la tête. Elle avait encore un peu besoin de ses bras, l’espace d’une seconde, sans arrière-pensée. Elle se rapprocha et se retrouva contre son torse. « Maiiis. Tu pues… tain, ça sent plus comme avant… » Murmura-t-elle, captain obvious ayant elle-même changé l’odeur du jeune homme, trop caractéristique.

Dire qu’à cet instant, elle aurait dû chercher la présence d’Ezechiel. Il était loin, en sécurité probablement, elle l’espérait du moins. Si quiconque l’abîmait, elle… Elle blêmit, soudain, choquée, secouée. « Tu dois amocher quelqu’un qui compte à mort ? Putain, putain, putain… » Elle fit un pas en arrière, puis un autre, passant ses mains devant son visage alors que ses épaules claquaient contre la pierre du mur. La panique emplissait ses veines et c’était évident, visible, surtout pour lui qui la connaissait. Voilà qu’elle avait peur pour la vie d’Ezechiel, parce qu’il comptait, tellement. Sans se soucier du nombre de secondes qu’il faudrait à Zane pour mettre deux et deux ensemble, soudain trop tiraillée par sa panique, elle déclara très vite « Il faut que tu m’aides à trouver Althéa Nott, il faut que je la neutralise avant l’attaque, sinon… » Elle se tordit les doigts, prête à partir, prête à aller stupéfixer la sœur jumelle de son époux pour s’assurer que rien de fâcheux ne se produise. La logique voulait que la blonde s’en prenne à quelqu’un de cher à son cœur et les chances qu’il s’agisse de son frère dont la neutralité dérangeait étaient trop grandes pour qu’Alesya prenne le risque.

Tout sembla s’accélérer et elle se sentit presque tomber sous la pression.

Elle était là, perdue, prête à s’écrouler dans sa terreur, prête à tomber et à se recroqueviller contre le mur, petite fille incapable d’agir. La pression n’était pas quelque chose qui la dérangeait, d’ordinaire, mais tout était soudain si réel… Pour Zane aussi, les choses avaient dû devenir plus réaliste, prendre du sens… bien vite, il souffla, après avoir difficilement déglutit : « C'est Ezechiel alors ton mari?... Maintenant je comprends mieux pourquoi il me déteste sans que je lui ai jamais rien fait. »

Il tira une cigarette qu’il alluma et Alesya afficha un sourire très maigre. Oui, Ezechiel haïssait Zane, d’avoir été le premier, d’avoir compté, parce qu’il voyait le jeune Goyle comme une menace. A ce stade, elle ne savait même pas s’il avait raison ou non, de lui en vouloir ainsi… surement que non, Zane irait aimé Adélaïde et ils resteraient juste bons amis, proches mais d’une façon platonique… Elle avala sa salive et eut l’impression de faire descendre du verre pilé dans sa gorge. L’instant d’après, Zane souffla, cherchant à la rassurer : « Écoute, je ne pense pas que l'ombre soit allée jusqu'à opposer des jumeaux. Et même si c'était le cas, je doute qu'Althéa lui fasse du mal. » Elle n’eut pas le temps de secouer la tête, de lui dire qu’il ne comprenait pas que déjà, il enchainait : « Je suis certain qu'il s'en sortira sain et sauf... Mais là c'est trop risqué d'aller la stupéfixier. Finit ta mission et... Tu ira voir ensuite. Je pense que c'est le mieux à faire. Ton mari je crois savoir que c'est un bon sorcier, alors il s'en sortira tout seul sans problèmes avant que tu n'arrives. Et réfléchis, si l'Ombre sait que tu l'as sauvé... Ils vous feront du mal à tous les deux.»

Il comprenait surement, pourtant. Il venait d’une famille comme la sienne, comme celle d’Ezechiel, on l’avait rompu aux pratiques sombres depuis son plus jeune âge, il savait faire, il était même censé aimer ça. Et il connaissait d’autres gosses de Mangemorts, il savait de quoi ils étaient capable, tous, tout comme elle savait ce que les autres étaient censés accomplir, certains, du moins. C’était ça, d’avoir accès à quelques informations, ça vous torturait lorsque vous réalisiez à quel point tout pouvait vous tomber sur la gueule. Prête à hoqueter, paniquée, elle secoua la tête, comme pour dire à Zane qu’il ne comprenait pas, là. D’une voix heurtée, elle lâcha alors, sachant qu’elle allait surement le regretter « Je sais de source sûre que la Black doit attaquer son frère et qu’elle le fera surement, tu crois qu’Althéa est moins motivée ? C’est une Nott, ils ont souffert, ils ont tellement souffert, rejeté mais sans pouvoirs après la guerre… nous, on a eu la belle vie, comparée à eux, tu sais… toi avec l’influence Malefoy, moi avec les Lestrange et ce que ça pouvait encore bien vouloir dire… » Comme une gamine des rues, elle passa sa main devant son visage. « Lui, il ne pourra jamais attaquer Althéa, le problème, c’est que je ne suis pas sûre de l’inverse… et si quelqu’un de l’Ombre décide de l’aider pour punir sa neutralité… » Elle aimait Ezechiel. Si fort. Assez pour que cela soit rebutant pour Zane. « Désolée » souffla-t-elle, consciente de sa folie soudaine et sur un coup de tête, elle s’élança dans l’allée, prête à aller défendre le Serdaigle, à foutre un sort à sa jumelle pour la neutraliser. Ils savaient tous les deux ce que ça voulait dire, ce qu’il restait d’arriver à Alesya. Trahison, voilà ce qu’elle était sur le point de faire. Le crime le plus haut dans la hiérarchie post-Mangemort… Trahison, de quoi se faire descendre, surement. Bille en tête, pourtant, elle allait quitter le recoin sombre, espérant qu’il ne soit pas trop tard, bornée…

Pauvre idiote, idiote amoureuse, idiote sans la moindre jugeote, pas foutue d’écouter Zane…Fut un temps, et même encore aujourd’hui à vrai dire, probablement, elle se serait jetée de la même façon pour le défendre lui…

Elle s’était retrouvée par terre, comme une idiote. Par terre, incapable de se tenir droite, de se tenir debout, ses jambes lui faisant défaut. C’était humiliant, déplaisant, c’était atroce à vrai dire, quand tout ce qu’elle avait en tête était de protéger Ezechiel, parce qu’il le fallait, parce qu’elle n’avait pas le choix. Zane semblait plus raisonnable, surement, car ce n’était pas de la jalousie qui le poussait à la retenir, non. C’était autre chose, de l’amitié peut-être, ou bien une inquiétude qu’il ne pourrait jamais réellement chasser… au fond, elle s’était trop intéressée à ce qu’il faisait, après leur rupture, pour ne pas comprendre. Il était un partie intégrante de sa vie et elle, de la sienne, c’était comme ça et ça ne serait jamais autrement… Elle fut secouée, cependant, lorsqu’il la redressa subitement et lui colla une gifle retentissante. Cela devait être une manie chez les Goyle, à croire qu’ils avaient tous rêvé de lui en coller une et que l’opportunité se présentait enfin… Zane n’était pas comme Amadeus, cependant. Loin de là. Ce n’était pas pour se venger, qu’il l’avait frappé et elle savait aussi que si ce n’était pas la première fois qu’il en crevait d’envie, c’était la première fois qu’il allait au bout de son geste.

Parce qu’elle devait vraiment le mériter, cette fois.

« Oui, tu peux être désolée, d'être aussi conne! Tu veux te faire tuer idiote?! » Elle retrouva un peu de sensibilité dans ses jambes, alors qu’il la tenait toujours. Furibond, il la secouait, comme pour faire entrer le message. Il n’y avait qu’elle, surement, pour comprendre que cet emportement était une preuve indéniable d’attachement. On ne se donnait pas de mal pour ceux dont on avait rien à foutre…. « Je te laisserai pas aller te faire tuer pour les beaux yeux d'Ezechiel! » Et pendant un instant cependant, les certitudes de la jeune femme titubèrent. C’était facile, de croire qu’il faisait ça au nom des années passées, mais c’était assez simple, également, de voir autre chose, dans ses yeux, dans son regard inquiet. Elle déglutit difficilement, manquant de s’écrouler alors qu’il relâchait un peu la pression autours de son bras, réalisant surement qu’il lui faisait mal : « Désolé. Pardon de t'avoir giflée. Mais il le fallait, parce que je t'aime, et j'ai pas envie que t’aille te faire zigouiller par des fous furieux. » Et alors qu’il touchait la trace brulante de la gifle, s’approchant pour venir y poser ses lèvres, l’espace d’une seconde, Alesya se retrouva à trembler comme une feuille. Elle n’avait jamais voulu ça, quoi qu’elle en dise, avoir le pouvoir de mettre Zane hors de lui, de le faire agir violemment. Elle avait toujours su que c’était dans son tempérament mais c’était étrange d’en être la cause véritable, sur le coup. Elle secoua la tête. De qui se foutait-elle ? Toute la haine qu’il avait manifesté au cours des trois dernières années n’étaient pas provoquée ou destinée à quelqu’un d’autre qu’elle… C’était juste différent, là. Plus sincère, peut-être. Et donc, plus perturbant. Il chercha à la rassurer, la ramenant une nouvelle fois sur terre : « La Black... J'l'aime bien, mais c'est un cas à part. Et sa relation avec son frère, c'est un peu tendu. Althéa je la connait bien, et je suis certain qu'elle ira jamais jusqu'à lancer un sort qui pourrait blesser gravement ou tué son frère. Ils sont plutôt proches tous les deux, ils s'aiment. Comme moi, j'irai jamais lancer un Sort sur Wilhemina... Amadeus par contre ça j'suis pas certain qu'il hésiterai. »

Et à nouveau, elle fut secouée par un sursaut. « C’est cette incertitude qui fait que je ne peux pas lâcher l’affaire. C’est de savoir que là, sur le champ, j’irais probablement dézinguer Rohàn, si on me le demandait, parce que je lui en veux… alors si Althéa… » Elle remua la tête, baissant les yeux. Elle n’arrivait même plus à parler. Elle était faible, au final. Faible, humaine, une petite idiote. Mais quelque part, c’était là une vulnérabilité pardonnable. Elle aurait surement foncé pour défendre Zane, si les choses avaient tourné différemment. Elle le ferait surement encore à présent, d’ailleurs. Elle croisa son regard en relevant le nez et elle souffla doucement, pour se forcer au calme. Peine perdue. D’une certaine façon, c’était aussi pour ça qu’elle ne s’autorisait pas à aimer, qu’elle ne voulait pas laisser les gens s’approcher. C’était trop facile, pour elle, de perdre la tête. Prête à aller se faire tuer pour ceux qui comptaient…

Dans la distance, le premier signal se fit entendre. Un bruit anodin, pour la plupart, un craquement sonore, mais les jeunes rebelles savaient ce que cela pouvait signifier. Ils avaient encore trois coups du genre avant de devoir attaquer. Elle hésita un instant avant de demander, tout bas « J’ai deux faveurs… Petit un : je peux t’emprunter un peu de ton cadeau d’anniversaire ? Petit deux : si tu la croise… si tu vois que c’est Ezechiel qu’elle attaque… » Elle savait qu’elle était cruelle de demander ça quand il aurait mieux à faire, comme protéger sa petite Weasley, mais là… elle pouvait aider, elle le savait. La réputation de Zane était assez bonne pour qu’on la croit si elle lançait qu’il était bon à intégrer l’Ombre sans épreuve.

Et doucement, l’idée monta, alors qu'elle attendait, plantée devant lui, perdue dans le silence et dans la peur…

Des cris, dans la distance, des cris assez fort pour qu’elle tourne la tête, posant son regard sur la marque des ténèbres qui fendait à présent le ciel. Cette trace, elle ne la connaissait que trop bien, elle avait passé son enfance à l’observer, tatouage mystérieux sur le bras de son père, stigmate qu’il ne cachait jamais en privée, dans l’intimité de la maison mais qui en société semblait attirer le mauvais genre de regard, le même style de réaction que leur patronyme. Elle avait vite comprit, sans même qu’on lui explique correctement, elle avait appris à ne pas craindre tout ça, à ne pas en avoir peur et pourtant… pourtant un tremblement atroce secoua sa colonne vertébrale pendant un instant interminable. Elle sentit Zane, à ses côtés, qui encaissait un frisson et l’instant d’après, la voix du jeune homme la sortit de sa torpeur. « Va falloir qu’on y aille, je crois… » Souffla-t-il, comme sonne le fin, le glas, la tempête prête à s’abattre sur leurs têtes.

Ils n’étaient, au fond, que deux gosses. Deux gosses qui jouaient à la guerre depuis toujours. Cette fois, cependant, c’était pour de vrai, c’était réel et Alesya sentit sa volonté tituber soudainement. L’espace d’un instant, elle plongea sa main pour saisir les doigts du jeune homme, cherchant un peu d’assurance. Il s’en sortirait, elle ferait en sorte de s’assurer que ça soit sans se déchirer l’âme, même, elle avait confiance, même si tout enchainer sembler titanesque. Protéger Ezechiel, faire pareil avec Zane, gérer sa propre mission, sa vengeance soit disant méritée… Elle avala sa salive, sentant l’alcool lui bruler encore la gorge. Faible, elle ne supportait plus ce genre de chose quand elle était stressée, ses sens devenant trop accrus pour qu’elle puisse consommer quoi que ce soit. La présence réduite du jeune Goyle dans sa vie jouait surement, aussi, car c’était avec lui qu’elle avait commencé à abuser et sans lui, elle en avait perdu l’habitude.

Elle secoua la tête. La question n’était pas là. Serrant ses doigts autours de ceux de Zane, elle tourna la tête quelques secondes et murmura très vite : « Si tu te fais descendre, je te jure que je te retrouve et que je viens hanter the crap out of you… » Elle réalisa la connerie dans ses propos et fronça les sourcils, le coupant avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit. « Ta gueule » un sourire et puis la fin « tu sais ce que je veux dire » Et elle s’approcha, sur la pointe des pieds, déposant un baiser au coin de ses lèvres.

L’instant d’après, elle avait lâché ses doigts et tiré sur sa capuche, filant dans la pénombre. Sur un dernier regard elle fit comprendre que si elle ne s’accrochait plus à lui, il avait encore une place spéciale, un truc différent. Combien, après tout, pouvaient se vanter d’avoir provoqué l’inquiétude de la Lestrange ? Elle pouvait les compter sur les doigts d’une seule main et lui trouvait sa place, naturellement. Assez pour lui réchauffer le cœur et la lancer dans le combat, farouche, belliqueuse, petite valkyrie qui trop longtemps s’était acharné contre son premier amour, ce garçon dans la ruelle, déguisé en femme, avec une flasque dans son sac et une baguette en pommier…

Sujet clos

Zalesya ; to be continued