Nom : Appelbaum, retenez-le bien, c’est celui de votre prof préféré (et accessoirement du prof le plus canon de Poudlard) Non, un peu de sérieux, c’est le nom de jeune fille de ma mère, quel crime cela aurait été de le laisser croupir aux oubliettes quand on sait que le nom de mon géniteur, c’est Jones. Prénoms : Meridwen, sans doute pioché dans une légende celtique encore non identifiée à ce jour, malgré mes recherches. Après, il y a Khalen, rarement utilisé. Surnom : Merry, on ne tape pas dans l’originalité mais avouez que c’est mignon. Après, c’est parti pour les jeux de mots pourris, Merry Christmas et tout ça… Âge : 29 ans. Je sais, je sais, je passe toujours pour un élève. L’année prochaine, j’ai trente ans. Attendez-vous à un drame. Date et Lieu de Naissance : 29 février 1992, j’ai donc un anniversaire tous les quatre ans, j’ai demandé si je pouvais compter un an de plus qu’à chaque fois qu’il y a effectivement un 29 février, on m’a dit que non (j’aurais sept ans, ce qui vaut pour mon âge mental, on va dire). Quant au lieu, c’était un super manoir du côté des moldus, aux alentours de Londres. Nationalité : vous aurez du mal à trouver plus british que moi au niveau des bizarreries, mais j’ai sans doute de lointaines origines germaniques, d’après le nom. Pureté du sang : sang-mêlé, ma mère était une sorcière, bien qu’elle n’ait jamais jugé utile de m’en faire part. Mon père est un moldu bien placé dans son petit univers restreint. Ancienne maison : Serdaigle, ça me rend quelque peu nostalgique de repenser au bon vieux temps où personne, même pas mes compagnons de dortoir, ne voulait traîner avec moi. J’ai vite compensé en me plongeant dans de longues conversations avec mon oreiller. Poste occupé : professeur d’étude des runes ou la raison pour laquelle les élèves de Poudlard attendent impatiemment d’entrer en troisième année pour choisir ce cours. J’adoore les traductions, en particulier les bien foireuses produites par mes élèves. Orientation sexuelle : bisexuel, mais ça ne vous regarde absolument pas, à moins que vous ne soyez intéressé ? État civil : divorcé d’une harpie moldue (ils en ont de très beaux spécimens), sans aucun regret. Actuellement, je suis donc célibataire, tout à fait libre pour un dîner en tête à tête.

Baguette : elle est fine, très flexible, je n’ai jamais réussi à la casser, non pas que j’aie essayé mais je suis assez maladroit. Elle est en bois de pommier, je me demande parfois si ma baguette connaissait mon patronyme. Le pommier est l’arbre d’Aphrodite, un symbole fort de l’amour, donc. Peut-être parce que j’ai une certaine tendance à être polyamoureux. Autant que je m’en souvienne, elle abrite un crin de licorne. Je trouve cette baguette trop féminine à mon goût. Bref, si vous l’avez vue quelque part, prévenez un de vos professeurs, ça fait une semaine que je l’ai paumée. Patronus : Un adorable petit pingouin. Je sais, ça fait inoffensif comme ça, mais un pingouin, ça a trop la classe, c’est en smoking toute l’année. Je me remémore toujours un jeune homme soignant quelques écorchures et ecchymoses sur ma peau, à l’infirmerie de Poudlard. Épouvantard : un troll, je ne supporte pas ces odieuses créatures, moches à tel point que j’en deviendrais aveugle, je n’ai jamais été capable de surmonter cette peur. En fait je me demande si j’ai déjà pu en observer un plus d’une demi-seconde, parce que je m’évanouis à leur simple vue. Et quand je tombe dans les pommes, c’est pas à moitié, parole d’Appelbaum. Particularité : je n’ai aucun don particulier, de toute façon, ça avait cent pour cent de chances d’être foireux avec moi. J’ai une propension à m’évanouir, un sens de l’orientation carrément bidon et je saigne du nez lorsqu’on me stresse, rien de très admirable, quoi. J’ai un tatouage aussi, mais il faut me déshabiller pour le voir… Bref, concentrons-nous sur l’essentiel : avez-vous remarqué mes magnifiques yeux perçants ? Avez-vous déjà fait usage de la magie noire ? Euh… Non. Je perds déjà ma baguette les trois-quarts du temps, comment voulez-vous que je m’adonne à la magie noire ? Laissez-moi à mes traductions, c’est la seule chose que je fais correctement. Attendez, je me suis essayé au vaudou une fois sur mes demi-frères et ma demi-sœur, ça compte ?

« Où est passé ce morveux ? C’est la troisième fois cette semaine que je retrouve mon flacon de parfum brisé et mes produits de beauté vidés dans la baignoire ! » Du haut de l’escalier, la tête calée entre les barreaux, j’observe la scène, le cœur battant à l’idée qu’elle va encore me punir pour un crime que je n’ai pas commis. Mes deux jumeaux de frangins regardent notre mère s’énerver de l’embrasure d’une porte, ceux-ci mêmes qui se sont glissés hors de la salle de bains trois minutes plus tôt. De toute façon, elle n’ira jamais les accuser, eux. Je suis le seul coupable possible pour elle. « Qu’est-ce que c’est que ça ? Du sang ? » J’écarquille les yeux tandis qu’elle examine des taches rouges qui tombent plic ploc sur le carrelage étincelant du hall. Plic, une autre, ploc, une sur sa robe blanche. Je mets un certain temps à me rendre compte que les gouttes proviennent de mon nez, complètement ensanglanté. Mais c’est trop tard, elle a relevé la tête en gueulant. « Maman, maman, c’est pas moi, j’te jure ! » Je me redresse et m’enfuis, tandis qu’elle se lance à ma poursuite, montant les escaliers quatre à quatre. Au moins, grâce à moi, cette grosse dondon fait du sport. Elle me hurle après et moi je braille, courant les mains devant pour me débarrasser des obstacles, tels que ma sœur qui joue à la poupée en plein milieu du bazar, ce qui fait partie du plan, forcément. J’atteins enfin ma chambre et, avec l’agilité maladroite d’un chaton, j’escalade le rebord de ma fenêtre pour atterrir sur le toit du manoir familial. Je grimpe encore un peu, pour être sûr qu’elle ne puisse pas m’attraper. Je replie mes genoux contre moi, en position de défense. Elle passe son visage joufflu et furibond par la fenêtre et me regarde méchamment, comme si je n’étais qu’un sale rat à tuer à coups de balai. J’ai envie de lui crier qu’elle est dégueulasse à voir, mais je ne veux pas être à nouveau privé de dîner. « Ramène-toi, petit merdeux ! » Je ne bouge pas tout en la fixant de mes yeux cristallins. Mes yeux, elle les déteste. Elle ne peut supporter que je sois une petite merveille de la nature quand elle-même et ses trois autres enfants ne font qu’évoquer une truie et ses porcelets. Quoique, les bébés cochons sont nettement plus mignons. De mon perchoir, je peux apercevoir une voiture qui zigzague dans l’allée. Notre père est de retour, mais ça ne me sera d’aucun secours. Environ cinq minutes plus tard, une deuxième tête sort par la fenêtre, ma mère ayant continué à vociférer des horreurs à mon égard. « Meridwen, descends de là s’il te plait. C’est dangereux là-haut. » Sa voix est douce, rassurante, cependant je reste sur mes gardes. Certes, je suis son préféré, mais il obéit comme un gentil toutou à sa femme. Heureusement, celle-ci quitte son poste pour me laisser à mon père qui me tend la main. « Papa, pourquoi elle n’aime pas mes yeux ? » Il parait surpris, celle-là, je ne la lui ai jamais posée. Toujours des pourquoi elle me hait, pourquoi elle m’accuse tout le temps, pourquoi elle ne s’occupe pas de moi… « C’est sans doute… parce que tu lui rappelles quelqu’un d’autre, Merry. »

Je tremble et je sens que mon nez va, pour la énième fois, se mettre à pisser le sang. Cela fait une semaine que l’on m’explique que nous partons en croisière. Les valises ont été entassées dans le coffre du 4x4 haut de gamme de mon père et là, on vient de s’arrêter devant la villa des voisins. Enfin, nos voisins les plus directs. Ma mère sort tranquillement de la voiture, sa peau gondolant sous sa robe trop serrée, ouvre le coffre et s’empare de ma propre valise pour finalement la poser sur le chemin de pierre qui mène à la porte d’entrée. Mes frères et ma sœur ricanent et j’essaye en vain de croiser le regard de mon père dans le rétroviseur. Elle vient m’ouvrir la portière, dans l’idée, apparemment, que je rejoigne mon pauvre bagage. Je la dévisage, interloqué, les yeux déjà baignés de larmes. « Allez, dehors, tu vas passer tes vacances chez les Andersen. » Je proteste faiblement, sachant que je n’obtiendrais aucun soutien, pas même de la part de mon père. Je me retrouve donc planté devant une demeure inconnue, sans assez de force pour faire un signe d’au revoir à ma famille, exactement comme un chien abandonné au bord de la route pendant un voyage. J’ai l’impression de rester des heures immobile, les larmes dégoulinant sur mes joues, se mêlant au sang qui coule de mon nez dès que mon organisme est en proie au stress. Cependant, sentant une présence derrière moi, je me fige davantage, paralysé par la honte d’avoir été ainsi jeté par ma propre famille. Une main bienveillante se pose alors sur mon épaule, et je sursaute à ce contact. Perdant mon sang-froid, je me dégage et me retourne vers deux petits vieux à l’air inoffensif. Je veux dire, si moi je ressemble à un lapin apeuré, eux on dirait… des marmottes, peut-être ? Avec des cheveux gris et des lunettes. « On ne te veut aucun mal, petit. Je suis Achille, et c’est mon épouse, Estelle. Elle a fait une délicieuse tarte, rien que pour toi. » Je les observe avec attention, toujours sous le choc. Estelle ne dit pas un mot et je finis par interroger Achille du regard. « Elle est muette. Mais c’est une femme exceptionnelle, tout comme ta mère. » Alors là, je suis médusé. Ce type est en plein délire, il doit avoir Alzheimer et plein d’autres maladies mentales. Je ne trouve même pas quelque chose de sensé à répondre à cela. « Allez, viens, allons manger cette tarte. »

Assis, au beau milieu d’une cuisine spacieuse et ultra moderne pour des personnes de leur âge, je ne sais plus où me mettre. J’ai envie de disparaître, de me cacher sous le tapis, de tomber en poussières. Pendant trois semaines, je vais vivre en profitant de ces deux petits vieux qui n’ont jamais demandé à m’avoir dans les pattes, il y a de quoi être gêné. « Vous… Vous avez dit… » Il prend place en face de moi, tandis qu’Estelle me sert un verre de lait, qui n’attend qu’une part de tarte aux abricots pour l’accompagner. « Que ta mère est exceptionnelle, c’est de ça que tu veux parler ? » J’ai essuyé mes larmes et je suis maintenant prêt à entendre toutes les âneries imaginables au sujet de ma très chère mère. « Oui… S’il vous plait. » Silencieuse, Estelle semble pourtant faire part de sa désapprobation à Achille, mais il lève les yeux au ciel. « Il doit savoir… Petit, tu te souviens de Tabbata ? C’était ta baby-sitter, autrefois. » L’incompréhension règne dans toutes les interfaces de mon cerveau de gosse de dix ans. Tabbata a été virée quand j’avais à peine six ans, parce que ma génitrice s’en était plainte à multiples reprises, jusqu’à ce que mon père cède et renvoie une jeune femme tout à fait compétente. « Tabbata a accouché au manoir des Jones, tu es au courant de cette histoire ? » Je crois que je ne veux plus saisir un traître mot de ce qu’il a à me dévoiler sur mon passé. Je suis qu’un gamin, mal-aimé peut-être, mais j’ai tout ce qu’il me faut. « Le bébé… est mort à la naissance. » Estelle quitte la pièce, comme si elle ne souhaitait pas en voir davantage. « T’a-t-on dit qu’il était né la même année que toi ? Que ta mère, Mrs Jones, est restée cloitrée durant près de neuf mois au manoir sans recevoir une seule visite, avec Tabbata ? Te souviens-tu des yeux de Tabbata ? Ils étaient comme translucides et variaient de couleur, comme les tiens. » Je pousse un petit cri étouffé. Tabbata… Maman ? Mais alors, pourquoi était-elle partie en me laissant aux mains de cette famille de dingues, loin derrière elle… ?

« Elle l’aimait, sérieux ? Moi je pense que Tabbata n’a pas réfléchi une seule seconde lorsqu’elle s’est dit que Victor serait le mari et le père idéal. » Achille et Estelle m’observent longuement derrière leurs lunettes, ils me font penser à un couple de sages qu’on viendrait consulter pour connaître le futur. Une petite tape sur l’épaule d’Achille m’informe qu’Estelle n’est pas de mon avis, puis elle se lève pour s’occuper de ses plantes. « Elle n’aime pas que tu parles de tes parents ainsi, en les appelant par leur prénom. » Je soupire, sachant très bien que je ne pourrais plus faire marche arrière de ce côté-là. Cela faisait plus de trois ans que papa et maman étaient devenus Victor et la sale harpie. N’écoutant pas le reproche d’Achille, donc, je poursuis. « Victor est plein aux as, ok, mais déjà marié avec trois gosses. A la limite, j’aurais pu l’accepter, s’il avait été un modèle de perfection physique, mais on est loin du compte. D’ailleurs, c’est vraiment mon père ? Tabbata devait être gravement belle pour que je sois aussi réussi. » Estelle se retourne vers moi, je vois à son visage qu’elle rit silencieusement, comme toujours à cause de mon narcissisme d’adolescent. J’avoue que je le fais un peu exprès pour la faire rire. « Vous savez où elle est ? » Ils me jaugent tous deux, reprenant aussitôt un air solennel. « Non, mais elle nous a demandé de prendre soin de toi. Ah oui, nous avons une grande nouvelle à t’annoncer… Tu as remarqué des événements étranges autour de toi, ces temps-ci ? » Je les regarde comme s’ils venaient de s’échapper d’un asile psychiatrique. Etrange comment ? L’amour que me porte ma mère me rend déjà perplexe. « Comme… de l’eau qui bout sans que la plaque soit allumée ? Victor pense à un problème technique… » Achille acquiesce, semblant soudain plein d’espoir. « Etais-tu énervé à ce moment-là ? » Je grimace, pas trop sûr de pouvoir me souvenir de tous les incidents mineurs de mon existence par cœur. « Je sais pas… Peut-être… Ma sœur avait cassé mon cerf-volant, mais elle n’a pas été punie. Comme d’habitude, en fait. » Il parait de plus en plus enthousiaste et j’ai du mal à comprendre où il veut en venir. « Tu es un sorcier ! » Il a presque bondi de sa chaise pour embrasser Estelle, comme s’il lui annonçait qu’il a gagné au loto. Quant à moi, je cherche la caméra cachée. « Merry, nous travaillions autrefois pour le Ministère de la magie. Tabbata y travaillait aussi. Nous sommes des sorciers. Et tu vas intégrer une nouvelle école, tu as reçu ta lettre. » Ok, ils se sont mis au hasch.

La lettre est entre mes mains tremblantes, débarrassée de son enveloppe jaunie, tandis que je la lis à voix haute, comme me l’a conseillé Achille. Je tente de me concentrer sur les mots, mais je n’arrête pas de buter sur les syllabes, sentant leurs regards intenses sur ma petite personne. Une fois ma laborieuse lecture terminée, je repose le papier sur la table, quelque peu perturbé. Je relève les yeux vers mes vieux préférés, cherchant peut-être un semblant de moquerie dans leur attitude, mais rien. Ils sont on ne peut plus solennels. « C’est une invitation pour Halloween ? C’est dans longtemps, Halloween… » Ouais, leur délire est quand même assez poussé, je me demande où ils sont allés puiser une telle inspiration. Le silence se fait long et j’hésite à rentrer au manoir des Jones, j’y serai peut-être plus à l’aise. Pour une fois dans mon existence ma maison me semble être un lieu où je pourrais être en sécurité. « Je présume qu’un petit tour de magie s’impose. » Estelle lui tend une baguette – magique, je parie – dont il s’empare avec assurance, avant de prononcer des mots que je saisis à peine. Presque aussitôt, ma lettre se met à voltiger comme un papillon. Je fronce les sourcils, essayant tant bien que mal de trouver le trucage. Rien. Ils me sourient tous deux, visiblement satisfaits. « C’est un pensionnat. Tu seras débarrassé de ta mère d’adoption et elle de toi. Bien sûr, on ne leur dira rien au sujet de la magie, ils n’ont pas besoin d’être au courant. Que dis-tu d’aller faire un peu de shopping, à présent ? » Je me remets machinalement debout, sous le choc. « Pas… tout de suite… Je vais marcher un peu, je crois. »

On est en septembre. Je suis à Poudlard pour ma quatrième année. Encore un an à fréquenter davantage l’infirmerie que les salles de cours. Je suis officiellement un danger public, c’est comme si on l’avait marqué au fer rouge sur mon front. Personne ne veut m’approcher, je suis une espèce de taré à éviter par-dessus tout. Ma réputation a fait le tour de tous les professeurs et de tous les élèves, et le seul qui m’a en pitié, c’est l’infirmier, justement. Faut dire, il a eu tout intérêt à s’habituer à ma compagnie, j’ai réussi l’exploit d’être blessé ou de blesser quelqu’un au moins une fois par semaine pendant trois ans. Et je suppose que je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin. Je ne compte plus le nombre de mes bourdes, de toute façon, j’ai probablement explosé le record du monde. Chutes en balai, syncopes à cause des mandragores, sorts ratés, créatures magiques rendues agressives par ma faute, potions qui implosent, saignements de nez systématiques, évanouissements divers durant le cours de défense contre les forces du mal, et ce n’est qu’un aperçu de ce que je suis capable de faire. Heureusement, l’année passée, j’ai découvert un cours pour lequel les risques encourus sont minimes : l’étude des runes. Aucun incident ne s’est encore produit pendant, si seulement je pouvais remplir tout mon horaire rien qu’avec ce cours… En plus, mes notes sont excellentes comparées aux piètres résultats dans les autres matières. On m’a soupçonné d’avoir triché, d’ailleurs, sans pouvoir le prouver. « Hey, mais voilà la terreur ! Restez pas trop prêt, vous pourriez vous prendre sa baguette dans l’œil ! » Des ricanements fusent de toutes parts. Moi qui espérais que mes camarades oublient mes anciennes prouesses, c’est foutu. Me voilà reparti pour une année en solitaire. « Laissez-le tranquille. Viens avec moi, Merry. » Sans un mot, mais le regard un peu triste, je suis Darwin, l’unique gars qui ait assez de cran pour m’approcher, jusqu’à l’infirmerie. M’asseyant sur un des lits mis à disposition pour récupérer, je ne fais que contempler le plafond. « Déshabille-toi. » Je reste immobile devant son ton autoritaire, me demandant s’il s’adresse bel et bien à moi. « Q-quoi ? » Il rigole doucement, sans doute à cause de mon air ahuri. « Tu es puceau ? » Je cligne exagérément des yeux, prêt à admettre que je suis en plein rêve et que je vais me réveiller très vite. Apparemment pourtant, je suis bien dans la réalité réelle et vraie. « Je – non ! » Il rit à nouveau, plus franchement cette fois. Je dois avouer que mon non n’a rien de convaincant, bien que je collectionne les petites amies lorsque je retourne du côté des moldus pour les vacances. « Je plaisante, Merry. Je veux juste voir tes cicatrices, je n’ai pas réussi à soigner toutes tes plaies l’année passée, il y en avait trop. Euh… Tu saignes du nez. Désolé, c’est ma faute. » Je plaque directement mes mains sur mon nez, atterré par sa mauvaise blague. Maintenant il sait que ses taquineries m’ont fait quelque chose. Merci, stupide nez. Il prend mes mains dans les siennes et les décroche gentiment de mon visage, essuyant ensuite les traces de sang avec un tissu mouillé. « Personne ne s’est jamais occupé de moi comme ça… Merci… » Il semble étonné par mes paroles, mais le sourire revient rapidement sur ses lèvres. « C’est mon travail, Merry. » Je hoche la tête, le laissant examiner mes cicatrices dans le silence. C’est son travail, et pourtant, j’aimerais parfois que ce soit tellement plus que ça…

En théorie, c’est le plus beau jour de ma vie. Je dis bien en théorie. Parce que tout le monde dit ça du jour de son mariage, n’est-ce pas ? Que ce soit dans les soap opéras, dans les récits de maison de retraite ou les discours enfantins, tout le monde dit la même chose. Cependant, dans la pratique, c’est assez… différent de l’idée que je me faisais de mon mariage. Pourquoi ? Parce que je sais pertinemment que je suis sur le point d’épouser une pouf. Pardonnez-moi l’expression, mais j’essaye de rester poli. C’est même pas une insulte pour elle. Ajustant mon nœud papillon que les habilleuses de ma fiancée ont bien trop serré, je pense à notre merveilleuse vie de couple à venir. Je suis foutu. La porte de ma chambre grince et je fais volte-face, me retrouvant face à quelqu’un de pour le moins… inattendu. « Darwin ? Qu’est-ce que euh… Que fais-tu ici ? » Il sourit, mais détourne le regard, comme gêné par ma question. « Je voulais te rendre visite… Je n’imaginais pas arriver à un moment pareil. Désolé. » Me rendre visite, oui, pour ? Je n’ose même pas le lui demander. « Qui est l’heureuse élue ? Elle était à Poudlard ? » Je demeure la bouche entrouverte tel un idiot, hésitant sur la réponse adéquate à donner. « Non, ce… c’est une moldue. » Il esquisse un autre sourire, pourtant, il me parait presque attristé par cette nouvelle. « C’était donc ça… J’ai toujours cru que tu finirais avec un homme. » Je reste sceptique face à ses premiers mots, les suivants étant légitimes au vu de mes dernières années à Poudlard. « Ça quoi ? » Mon ton est plus agressif que je ne l’aurais souhaité, me comportant comme un chien de garde sur la défensive. Il est surpris, cela se voit sur son visage. « Tu as disparu de la circulation, Merry. Tu as été diplômé en tant que professeur, puis on ne t’a plus jamais revu dans le monde magique. » C’est pas grave, je n’ai manqué à personne, à coup sûr. Au final, je suis bien moins dangereux parmi les moldus que chez les sorciers. Enfin, à personne… peut-être qu’à lui… Non, je rêve. « Tu… Tu es tombé amoureux d’elle et tu n’as pas voulu l’inquiéter avec des histoires de sorcellerie, n’est-ce pas ? » Amoureux d’elle ? Il ne la connait pas encore. C’est une simple histoire d’argent. « Pourquoi tu es là, Darwin ? » Il semble confus, maintenant, contemplant le sol aussi bien que moi autrefois, dans son infirmerie. « Oh, tu as de la compagnie, darling ? Je ne veux pas vous déranger, mais vous avez l’air dépressifs, tous les deux, et je n’ai pas envie que Meridwen me dise non devant trois cents invités. » Elle s’accroche à mon bras, comme pour épater la concurrence, et je me contente de soupirer. Un ange passe tandis que Darwin, médusé, dévisage ma fiancée maléfique. « Je te présente ma future femme, Eugenia Hemfire. C’est… un ami. » Elle lui tend sa main gracieuse et entoure la sienne de ses doigts de fée. « Enchanté, ami de mon futur époux. » Il a exactement la même réaction que tous les gens qui l’ont rencontrée. Il faut dire, on a rarement l’occasion d’admirer une telle beauté d’aussi près. On la dirait tout droit sortie d’un conte : cascade de cheveux étincelants, yeux de biche, corps de poupée Barbie, peau digne d’être utilisée pour une pub clearasil... Tout le monde me dit que j’ai beaucoup de chance et je dois être le seul à ne pas le penser. « Eugenia, je ne devrais pas te voir en robe avant la cérémonie… » Elle s’écarte légèrement, tournoyant dans sa robe en dentelle blanche. « Je voulais partager ça avec toi… Je pensais qu’on pourrait faire un tour de manège avant qu’on ne me coiffe, mais tu as un invité, alors… Vous seriez gentil de ne pas le faire saigner du nez… » Elle repart aussi étrangement qu’elle était apparue, comme une nymphe nimbée d’un voile de mystère… Ouaich. « Un tour de manège, c’est ce que je crois ? » Je ne détache pas les yeux de la silhouette gracile de ma fiancée avant qu’elle ne disparaisse au bout du couloir. Je me rappelle soudainement que Darwin existe. « On a consommé avant le mariage, si c’est ce que tu veux savoir. »

Nous voici devant l’autel, après avoir été conduits à l’église par nos parents respectifs, sous le regard d’un prêtre et de beaucoup trop d’invités et, surtout, de Darwin. Ma tension est palpable, j’ai peur de m’évanouir ou de saigner du nez. Je ne peux m’empêcher de visualiser la tache de sang qui imprègne peu à peu la robe d’Eugenia. « Eugenia Mathilda Hemfire, voulez-vous prendre pour époux Meridwen Khalen Jones ici présent ? » Tout ceci est bien trop pompeux, je m’ennuie à mon propre mariage. « Oui, je le veux. » Elle sourit, la garce, sous son voile finement brodé. « Meridwen Khalen Jones, voulez-vous prendre pour épouse Eugenia Mathilda Hemfire ici présente ? » Je jette un œil à l’assemblée, mon père est au premier rang, fier de ce que je m’apprête à faire. Eugenia, c’est lui qui me l’a présentée. Faire une alliance économique avec un de ses puissants rivaux en mariant son fils à la fille de celui-ci, c’est désuet, mais bon. Je suppose qu’il me l’a proposée à moi à défaut de pouvoir l’épouser lui-même, mes deux frères étant hors-jeu d’office à cause de leur physique. J’ai naïvement espéré que l’on finirait par réellement s’aimer. Si ça a été mon cas, ça n’a guère été réciproque. Mes yeux s’accrochent à ceux de Darwin, debout dans le fond de l’église. Il semble me supplier de dire non. Il est si loin de moi, à cet instant, ce n’est peut-être que mon cerveau qui déconne, trop heureux de trouver une raison pour me débarrasser de ma future femme. Brusquement, je réalise ce qui est en train de se passer. Les gens dans l’assistance me fixent avec consternation, un chuchotement continu parcourt la salle de long en large. Me retournant vers Eugenia, aussi figée qu’une statue, je prends une grande inspiration, avant de souffler un : « Oui, je le veux. » définitif. Mes fantasmes au sujet de Darwin durent depuis bien trop longtemps pour qu’ils soient réels. J’aurai une femme superbe, à défaut d’avoir quelqu’un qui m’aime.

La suite royale d’un hôtel de luxe. Une bouteille de champagne et deux flûtes qui trônent sur la table de nuit. Des petites bulles qui remontent à la surface du cristal et paf, éclatent, tout comme mon bonheur la première fois que j’ai croisé Eugenia. Eugenia qui se prélasse dans une baignoire probablement incrustée de diamants en ce moment même. J’entends les bruissements de l’eau à chacun de ses mouvements de ballerine russe. Je suis assis au bout du lit, bien trop grand quand bien même on aurait voulu tester toutes les positions. J’ai à peine desserré mon nœud papillon, n’ayant enlevé aucun morceau de mon costume de marié à part la rose blanche de ma boutonnière, avec laquelle je joue depuis tout à l’heure. « On dirait un autiste. » J’ai rarement côtoyé quelqu’un d’aussi sympathique qu’elle, je sens que nos années de vie commune vont être agréables. Elle est entièrement nue, sur la pointe des pieds comme pour ne pas abîmer le parquet hors de prix, ses longs cheveux mouillés rabattus vers l’arrière, mettant en valeur son visage de poupée de porcelaine. « Tu vas rester habillé ? C’est notre nuit de noces, Merry… » Elle se rapproche de moi, m’évoquant plus un félin prêt à me bouffer qu’une douce dulcinée. Je tente de me persuader que son corps n’a aucun effet sur moi. « T’as pas eu assez avec le serveur et ton cher ami Anton ? Si tu veux, je peux appeler le garçon d’étage… » Ses lèvres se crispent en une grimace peu plaisante, même pour ses traits de sirène. « C’est un mariage arrangé, tu ne penses pas que je vais t’octroyer l’exclusivité ? » Je soupire, fatigué de nos disputes incessantes qui se terminent toujours par une réconciliation sur l’oreiller. Mais je ne la laisserai pas gagner, cette fois. « Tu aurais pu te retenir le jour de notre mariage… C’est un mariage arrangé, n’attends donc pas de moi que je sois un mari exemplaire. » Elle me pousse d’un coup de pied sur le lit, se jetant sur moi pour arracher ma chemise. Quand je dis qu’elle veut me bouffer, c’est pas une blague. En plus, cette salope a fait du tae kwon do. « Ecoute-moi bien, Merry, tu me trompes une seule fois et tu te retrouves à la rue avec toute ta famille. J’ai beaucoup plus d’expérience que toi en matière d’infidélité, alors ne joue pas au plus malin. » Pourquoi… j’ai dit oui ? C’est une mante religieuse, cette femme. Elle couche avec le premier venu et m’interdit d’en faire de même. Ce mariage est fait pour durer… « Maintenant, tu vas remplir ton devoir de mari bien docilement. » J’ai hâte de partir en lune de miel. On va retrouver mon cadavre dans une gondole à Venise. Au moins, je pourrais me vanter d’avoir une mort romantique…

Seul au milieu d’un pub de Pré-au-Lard, je commence à douter qu’il viendra. A-t-il au moins reçu mon message ? Après tout, mon hibou est un déficient mental que je ne suis pas prêt de revoir de sitôt. Il lui faut approximativement quatre mois pour me retrouver à chaque envoi. Je parcours le pub du regard, rien n’a vraiment changé durant mon absence. Tout est à sa place, exactement pareil, même le poivrot dans le coin de la salle. Peut-être même qu’il y a des anciens camarades de classe parmi ces gens, mais je serais bien incapable de les reconnaître. C’est pas comme si j’avais été ami avec l’un d’entre eux, aussi. Enfin, la porte s’ouvre sur Darwin. Je lui fais signe dans le vide, jusqu’à ce qu’il me repère et vienne s’asseoir en face de moi, visiblement soulagé de m’avoir trouvé. Aucun mouvement d’affection de sa part ou de la mienne. Comme d’habitude, en fait. « Je suis content de te voir. » Je fais la moue devant cette entrée en matière conventionnelle et distante. On dirait que nous sommes deux parents éloignés qui se retrouvent pour une quelconque fête annuelle. Mais bon, je ne peux rien attendre de plus de Darwin. « Comment ça se passe avec ta femme ? » La question m’agace, genre qu’est-ce qu’on en a à foutre d’Eugenia ? On ne sortira donc jamais de ces discussions mondaines sans intérêt ? Je regarde ailleurs, un sourire ironique aux lèvres. « J’ai finalement pu prouver son infidélité, ma famille va se faire un pactole sur ce divorce. Je préfère rester à Pré-au-Lard en attendant, elle est folle de rage. » Et c’est peu dire. Deux gardes de la sécurité ont dû se ramener dans le bureau de mon avocat pour la trainer – porter même – dehors parce qu’elle a essayé de me fracasser le crâne avec un presse-papier. « Je suis désolé… Je ne pensais pas que… » Je l’interromps en levant la main pour qu’il cesse de parler. « Tu pensais que j’étais retourné vivre parmi les moldus pour elle, mais ça n’a jamais été le cas. Eugenia n’est qu’un pur hasard… dont je me serais bien passé, pour tout te dire. » Il m’observe avec attention, ce qui a le don de troubler mes pensées. « La vérité c’est que… Quand j’ai eu mon diplôme, je suis parti dans les pays nordiques… là où l’écriture runique est née… » Il fronce les sourcils. Il ne comprend pas où je veux en venir ou alors il a du mal à me suivre. « Je suis au courant… Quel est le rapport ? » Baissant les yeux, je me prends de passion pour les nœuds de bois qui parsèment la table. « Tabbata… y était. » Je marmonne les mots, comme si cela pouvait les rendre moins réels. Je n’ai jamais parlé de Tabbata à qui que ce soit. Personne n’a jamais voulu creuser, aussi, mais peu importe. « Tabbata ? » Je soupire. « Ma mère. Elle ne m’a même pas reconnu, tu sais ? » J’enfouis mon visage dans mes mains, dévasté à l’idée que le souvenir de cette rencontre me fasse toujours autant de mal, me mordant la lèvre inférieure avec force pour éviter de défaillir en plein milieu d’un pub. Il n’y a pas plus pathétique. Tabbata, ma mère, celle qui devait être exceptionnelle et qui avait, de toute évidence, une excellente raison de m’avoir abandonné, a refait sa vie loin de moi sans jamais tenter de me retrouver. Je ne lui ai pas dit qui j’étais, j’ai simplement tiré un trait sur le monde magique, certain de trouver le bonheur dont j’avais besoin dans une existence niaise et superficielle de fils de riches moldus. Je sens alors une main douce dans mes cheveux, geste réconfortant qui ne fait que m’anéantir davantage, me rappelant pourquoi je suis revenu vers Darwin après tout ce temps. « Viens chez moi, tu me raconteras tout ça pendant que je fais mes potions. J’ai une boutique, maintenant, tu sais. » Il est si fier en m’annonçant ça que j’ai envie de l’embrasser.

« Ça va, Merry, ne t’inquiète pas. » Je sais bien qu’il dit cela dans l’unique but de me rassurer, ce qui ne marche absolument pas. Je ne peux pas rester calme alors qu’il est couché sur un lit chez un de ses amis médicomages par ma faute. « J’ai failli te tuer, tu es grièvement brûlé et la maison est détruite. » Il esquisse un sourire un peu tordu par la douleur alors que je n’ai qu’une envie, c’est qu’il m’engueule. « Je vais bien, je te promets. Et il suffira de la réparer.» J’étreigne sa main dans la mienne, et je crois qu’il en a moins besoin que moi, au fond. Je suis tellement énervé par son calme olympien, je me retiens de le secouer pour lui crier qu’il devrait me haïr. « Elle est en cendres, Darwin ! Tu peux pas dire que c’est rien ! » Le médicomage revient dans la pièce, sans doute alerté par mon ton excédé. « Merry, il doit se reposer. J’ai dit que tu pouvais rester, mais si tu continues, je vais te demander de partir. » Je serre les dents, faisant signe que je vais me contenir, et il nous laisse seuls à nouveau. Darwin caresse ma joue, essuyant des larmes de colère au passage. Je me déteste à un point tel en ce moment-même que je ne peux supporter qu’il s’occupe de moi ainsi. « Ton nez ne saigne plus. » Portant une main au milieu de mon visage, je constate que c’est vrai, l’état de stress s’étant atténué au profit de la colère à mon égard. « C’est parce que tu es hors de danger… Pourquoi tu ne m’en veux pas ? » Il me fixe un instant et je fais un effort surhumain pour ne pas détourner les yeux. « J’ai voulu que tu utilises ta baguette pour allumer le feu, je ne peux m’en prendre qu’à moi. Et puis, regarde cette brûlure, elle fera une très jolie cicatrice. J’ai toujours trouvé les cicatrices attirantes. » Un léger rire s’échappe de sa bouche et je souris, bien que toujours amer. Il le remarque et m’attire vers lui pour déposer un doux baiser sur mes lèvres, avant de me souffler à l’oreille un : « Je t’aime Merry. » qui accélère les battements de mon cœur. Pourtant, au fond de moi, je sais que ce ne sera plus comme avant.

Des jours et des mois entiers à être hanté par cette cicatrice dévorant la moitié de son torse, sans pouvoir le toucher. Elle me nargue à chaque fois qu’il retire son haut pour me rejoindre dans le lit. Je dors à peine, rêvant chaque nuit de ce qu’aurait été ma misérable vie s’il était mort, ce soir-là. Il a beau me dire tous les mots d’amour et me serrer dans ses bras à chacun de mes cauchemars en me murmurant qu’il est là, tout ce qu’il y a de plus vivant, je suis rongé par la culpabilité. Je ne cesse de me répéter que si ce médicomage n’avait pas trainé dans le coin, il serait… « Merry, j’ai un cadeau pour toi. » Je relève les yeux vers lui, assis dans le fauteuil où je passe le plus clair de mes journées à déprimer. Il est radieux, magnifique, et je ne fais que me demander pourquoi il est encore avec moi. Il soulève un drap d’une cage où est enfermé un perroquet du Gabon qui me toise d’un air méprisant. « Comme ton hibou ne revient plus, je me suis dit que le côté exotique te plairait. Le vendeur a dit que tu pouvais lui apprendre à parler. Il te tiendra compagnie. » Tendant le bras, je l’attrape par le poignet et l’attire vers moi pour l’embrasser. « Je n’ai pas besoin de compagnie, je t’ai, toi… Mais merci. » Il me rend mon baiser et, pour une raison obscure, j’ai l’impression qu’il me dit au revoir.

Au beau milieu de la nuit, je me réveille en sursaut après le cauchemar habituel. Les draps sont vides à côté de moi et l’angoisse me prend au ventre tandis que je me mets à fouiller les pièces de la maison à la recherche de Darwin. « Une lettre, une lettre. » Cette voix n’a rien d’humain et je termine nez à nez avec le perroquet anonyme qui semble avoir le cerveau grillé à répéter toujours les mêmes mots. En effet, une lettre est accrochée à son perchoir. Je la lui arrache des pattes puis la déchire et la jette avec rage dans la cheminée après l’avoir lue. Le perroquet s’est tu et le silence devient pesant. Je demeure immobile, me rendant compte que toute la colère du monde ne le fera pas revenir. Il est parti. D’après lui parce qu’il ne supporte plus de me voir souffrir et parce que je serai mieux sans lui. D’après moi parce que je suis un sombre idiot égoïste qui n’a jamais rien foutu de sa vie et parfaitement inconscient de sa chance. « Sale con. » Cynique, je souris à la bestiole à plumes qu’il m’a offerte. « Ça résume assez bien la situation, en effet. »

Ouaich. Je ne sais plus trop qui a eu cette idée, Luxure ou moi. Ah, Luxure, c’est le perroquet. J’ai finalement cru bon de le baptiser. Bref, ça fait un bail que je ne suis pas venu à Poudlard, c’est une sensation étrange, comme si rien n’avait vraiment changé. Malgré le coup de vieux que ça me donne rien que de penser que je vais peut-être y enseigner. En tout cas, j’espère qu’ils n’ont pas rendu les robes obligatoires pour les professeurs. Je préfère de loin mon costume violet, même si j’ai toujours eu mauvais gout en matière de vêtements. « Meridwen Appelbaum. » J’entre enfin dans l’immense bureau du directeur de Poudlard, qui est accompagné d’un… professeur, je suppose. Vu l’air hautain et dédaigneux avec lequel il me considère, je parierais pour un ancien Serpentard. Je n’ai jamais eu la cote auprès des membres de cette maison. Je prends place sur la chaise que l’on me désigne, déposant la cage de mon piaf sur le sol – je l’emmène partout avec moi – et leur adresse un grand sourire hypocrite. « Bonjour. Comme vous le savez, le cours d’étude des runes est en baisse de fréquentation. Un professeur jeune et dynamique pourrait attirer davantage d’élèves. » C’est cool, ça, le directeur fait mon speech à ma place. « Et canon. » Il se stoppe dans les cent pas qu’il a commencés pour se retourner vers moi. « Pardon ? » Je roule des yeux, ce que je dis me parait pourtant évident. « Je disais simplement que j’étais… Oui, enfin, continuez. » L’homme qui n’a rien à faire là se met alors à chuchoter quelque chose à l’intention du directeur. « Ce type n’a pas l’envergure pour faire partie du corps professoral. Regardez-le, enfin. » Sauf qu’il n’est pas franchement discret. « Euh… Je vous entends, vous savez… » Il fait volteface et me pointe de son index accusateur, comme si j’étais la cible d’une chasse aux sorcières. Oubliez ça. « Il a passé des années chez les moldus à lézarder, sans rien faire d’utile pour le monde magique. » Je grimace devant autant de théâtralité. « C’est impoli de pointer les gens du doigt. On ne vous l’a jamais dit ? » Le directeur, lui, semble bien se marrer. Le professeur – ou peu importe son métier – l’entraine un peu plus loin pour à nouveau casser du sucre sur mon dos en m’observant en coin. « Son dossier dit qu’il a été soupçonné de tricherie… » C’est pas faux, tiens. Disons un point pour lui. « Allons, il n’était pas assez doué ou futé pour tricher. » Wah, la défense est bien assurée. Un - un. « Moi je pense qu’il cache bien son jeu, les Serdaigles ne sont-ils pas réputés pour leur intelligence, justement ? » Je pense surtout que le choixpeau a choisi au hasard à défaut de trouver une seule qualité chez moi. « Ah, non, non, je ne cache rien du tout, je suis tout ce qu’il y a de plus naze en magie. Sauf quand il s’agit de runes... Désolé, c’est que je vous entends toujours, même si vous marmonnez... » Il est prêt à exploser, son regard lance des éclairs peu avenants. « Il n’a apporté que des problèmes tout au long de sa scolarité ! » Il s’emporte très vite, ce monsieur. Je hausse les épaules en levant les yeux au ciel. « C’est vrai… Mais du moment qu’on ne me demande pas de faire des potions ou de jeter un sortilège, ça devrait aller. » Le directeur revient pour s’asseoir à son bureau, en face de moi. « En ce cas, je pense que vous êtes celui qu'il nous faut. Bon retour parmi nous. » Il me fait un sourire franc et je reste sous le choc. J’ai envie de lui demander s’il est sérieux, mais cela ne serait pas professionnel. Je lui serre donc la main en me levant et repart vers la porte. « Je vais te faire grimper au septième ciel. » Je m’arrête net, effaré. « Pardon ? » Je me retourne lentement, mort gêné. « Euh, non, c’est pas moi, c’est Lux. » Je souris comme pour leur inspirer de prendre la situation du côté drôle. « Lux ? » Le directeur adopte un regard interrogateur alors que l’autre homme est sur le point de me dénigrer encore une fois. Je lâche donc un rapide : « Mon perroquet. Excusez-le, c’est un beau parleur. » et m’empresse de quitter la pièce pour engueuler Lux et ses manières de rustre.

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