« Tu n'es qu'un bâtard, Gabriel. Un bâtard sans père, un fils de bâtard, un pauvre abruti qui croit que parce qu'il est mignon, tout lui est du. Un pauvre con. Va te faire foutre, toi et ta magie du diable. » Gabriel s'empara d'un verre d'eau presque vide pour l'envoyer à la gueule de sa génitrice. Qu'elle se taise, bordel, qu'elle arrête de gueuler, cette hystérique alcoolique. Qu'elle se taise, à tout jamais, tel était son voeux le plus cher. Que cette mégère décharnée, ravagée par le tabac, la drogue et l'alcool s'étouffe dans son mépris, dans sa colère, dans ses pitoyables lamentations.
Il venait d'avoir 15 ans. Depuis un an, il faisait ses études à Poudlard. Pourquoi l'école britannique alors qu'il vivait en Italie ? Il avait un jour posé la question à l'école et on lui avait répondu que c'était une des dispositions prises par son père, longtemps avant sa naissance. Gabriel avait regardé son interlocuteur d'un air méprisant avant de dire qu'il n'était le fils de personne. Il n'avait plus jamais abordé le sujet.
« Tu es tellement pathétique. Si j'avais su que ton père était une engeance du diable, il n'aurait jamais posé ses sales mains sur moi. Regarde toi, pauvre petit garçon blond qui brandit un bout de bois comme si ça pouvait t'apporter la gloire. Et ça veut être mannequin ... T'es bon qu'à ça, de toute façon. Te taire et pavaner. Et encore, te taire, c'est laborieux.» Excedé, Gabriel hurla à plein poumon « MAIS TA GUEULE, BORDEL ! FERME LA ! ». La puissance de cette voix d'homme dans ce corps d'adolescent encore à peine formé eut l'effet escompté. La mégère se tut, choquée. Gabriel s'empara d'un couteau de cuisine qui trainait là avant de se lever pour s'approcher de sa génitrice, petit corps recroquevillé sur lui-même dans lequel on discernait à peine les vestiges d'une beauté banale. Il n'avait rien hérité d'elle. Absolument rien. Elle était d'un châtain clair terne, avec des yeux marrons sans chaleur et des traits presque anguleux. Il était grand, très grand, surtout pour ses quinze ans, blond comme les blés et avec des yeux d'un bleu profond, comme le grand large de cet Océan qu'il ne connaissait pas, l'Atlantique, et son visage restait très doux, avec des traits bien dessinés, parfaitement harmonieux. Il ne connaissait pas son père, il n'y avait aucune photo de lui, mais qui qu'il soit, il avait du être magnifique, dans sa jeunesse.
« Qu'est-ce ... qu'est-ce que tu fais !? » La voix rauque de cigarette et d'alcool de la harpie avait soudain grimpé dans les octaves. Comme une petite souris, elle couinait de peur face à son fils, trop grand et trop musclé pour elle. Contrairement à sa mère, Gabriel ne touchait ni à la clope, ni aux drogues et quand il buvait, c'était par plaisir, avec des potes, en soirée. Jamais jusqu'à l'ivresse totale. « Je t'ai dit de la fermer, putain ! » D'un geste souple et rapide, il leva le bras pour poser la lame sur la gorge de sa mère, la fixant droit dans les yeux. « Plus jamais, tu m'insulte. Est-ce que c'est clair ? T'as compris ce que je t'ai dit ? Plus jamais. » Terrifié mais encore hargneuse, la génitrice du beau blond lui cracha au visage. Il appuya plus fort la lame sur la peau de celle qui lui avait donné la vie mais à qui il ne devait absolument rien. Rien qu'une vie de misère aux crochets d'une société qui ne voulait plus d'eux. Dans son monde à elle, celui des moldus, il n'était rien. Un gamin de la banlieue de Rome vivant dans un logement social avec une ivrogne notoire. Un enfant des HLM qui s'amusait à faire cramer des bagnoles pour faire passer le temps, avec des potes. Quinze ans et déjà criminel. Quinze ans et déjà capable de tuer sa propre mère. Ou ce qui s'y apparentait, dans un monde idéal. Mais il ne vivait pas dans ce monde. Il vivait dans un endroit où, pour vivre, il fallait écraser les autres. Un endroit où ceux avec qui tu as grandit, tant bien que mal, deviennent tes ennemis parce qu'ils te font de l'ombre. « C'EST BON ! Lâche moi ! Lâche moi ! » Lentement, Gabriel reposa sa génitrice sur le linoléum craquelé de la cuisine miteuse dans laquelle ils se tenaient. Il retira la lame, la gardant cependant à la main par précaution. Puis il lui rendit son crachat avant de détourner les talons pour quitter l'appartement, claquant la porte derrière lui.

Il n'avait pas encore dix sept ans. Mais Darius était plus vieux, de deux ans. Il avait presque vingt ans, le beau Darius. Brun comme la nuit, avec des yeux verts pétillants de malice, ce sourire tordu qui lui conférait un charme bizarre, à la fois attirant et inquiétant. A Rome, personne ne comprenait comment ce gamin pouvait être encore en vie. Il affichait clairement, dans sa manière de s'habiller, de bouger, de se tenir, de parler, qu'il était gay. Qu'il aimait les hommes. En Italie, ce genre de chose n'était pas à afficher au vu et au su de tous. Mais le beau Darius le faisait, sans gêne et sans pudeur. Beau comme un dieu.

Spoiler:

« Hey, Angel ! Tu viens ? » Le beau blond leva la tête en souriant, esquissant un signe de la main avant de répondre d'une voix grave « Ouais, j'arrive, allez y. » Malgré tout ce qu'on pouvait lui reprocher, Gabriel était un excellent élève. Il compensait ses origines moldues par une assiduité exemplaire. Il n'hésitait pas à passer la nuit sur quelque chose qu'il ne maîtrisait pas correctement afin de l'assimiler totalement. C'est peut-être pour cette raison qu'il s'est retrouvé à Serdaigle quand il pensait avoir le caractère froid et cruel des Serpentard. La mort ne lui fait pas peur, il n'est pas irréprochable. Il est violent, méchant, bagarreur et impulsif mais à côté de ça, il est très intelligent, malin. Seulement ... Les Serpentard sont réputés pour leur attirance pour la magie noire. Lui, ça ne le branche pas. Depuis qu'il est à l'école, il n'a jamais essayé ne serait-ce qu'une seule fois.
Terminant de rédiger son devoir de potion pour la semaine suivante, le beau blond relu son parchemin avant de le glisser dans son sac, soigneusement rangé entre deux cahiers pour ne pas le froisser. Origines miséreuses, il veillait à toutes ses affaires. Par l'intérmédiaire du même professeur qui lui avait expliqué pourquoi il était à Poudlard et pas à l'académie Française, il avait reçu la clef d'un coffre fort à Gringott. Dedans, une petite fortune l'attendait. Il ignorait tout de son père, le coffre était au nom que sa mère lui avait donné. Mais il s'était servi de cette petite fortune pour s'acheter des affaires propres et neuves, du matériel pour ses cours, des bouquins complémentaires ... Et c'était tout. Aucune folie. Pas même un balais. Pourtant, il en avait rêvé. Mais il était économe. Cet argent lui servirait peut-être à aller un jour à New York et à s'y faire un nom. En attendant, il n'y touchait que lorsque c'était vraiment nécessaire.
Se levant d'un geste souple, il déploya sa grande silhouette et attrapa son sac pour le passer en bandoulière par dessus sa chemise blanche. Sa cravate aux couleurs de sa maison était soigneusement nouée autour de son col. Il donnait l'impression d'être tiré à quatre épingles, parfois. Mais il arrivait qu'il traine dans les couloirs avec la chemise hors du pantalon, la cravate à peine nouée ou alors simplement posée sur ses épaules, le col déboutonné, la veste sur l'épaule et les cheveux en bataille ... Selon ses humeurs, il ressemblait à un élève modèle ou bien à un top model rebelle. Les professeurs l'appréciaient parce qu'en classe, c'était un élève studieux et attentif, un des meilleurs de sa promotion. Mais c'était tout. En dehors de ce côté parfait élève, il était froid, hautain, assez antipathique au premier abord.
« Ah, te voilà Angel ! » Une jolie rousse lui sauta au cou, recouvrant sa peau de rouge à lèvre carmin. Julia, si sa mémoire était bonne. Mais il ne s'en souciait pas vraiment, c'était juste une distraction. Déposant son sac sur l'herbe verte du parc de l'école, il s'installa contre le tronc de l'arbre sous lequel l'attendait sa petite cours d'amis. Il n'accordait aucune importance à la maison mais curieusement, il y avait peu de Gryffondor dans ses amis. La belle Julia s'installa sur ses genoux et demanda alors, d'une voix fluette et assez détestable « Pourquoi on t'appelle Angel, au fait ? » Agacé par tant de stupidité, Gabriel la cassa d'un ton sec « T'as jamais entendu parler du best-seller appelé La bible ? Non ? Bah va l'acheter, tu seras moins con. » Vexée, la jolie rousse se leva, récupéra son sac et quitta le petit groupe d'un par outré. Ironiquement, Gabriel lança que ça lui ferait des vacances. Ses amis rigolèrent de bon coeur, amusé par cet humour sarcastique et piquant dont savait si bien faire preuve le grand blond. A Poudlard, tout le monde savait qu'il était aussi intéressé par les filles que par les garçons. Et on lui foutait la paix, avec ça. Parce que lorsque Gabriel se mettait en colère, les gens finissaient à l'infirmerie. Il avait déjà risqué d'être renvoyé, pour ça. Seuls ses notes exemplaires et son comportement en classe le tiraient d'affaire, à chaque fois. Mais beaucoup s'accordaient à dire que le Choixpeau s'était fourvoyé, dans son choix. Le beau blond n'aurait jamais du finir à Serdaigle.

Pourtant, il y était et il s'y trouvait plutôt bien.