Quand avaient-ils attaqués ? Qui avait donné l’alerte en premier ? Par quel côté ses jambes l’avaient-elles emmenées ? Quigg n’en savait rien, ses pensées étaient floues. Il sentait seulement le sang cogner contre sa tempe, sa poitrine semblait brûler de l’intérieur alors qu’il peinait à reprendre sa respiration. Cette nuit du trente-et-un Octobre était censée n’être que pur plaisir, comme le voulait la tradition mais cette fois, le protocole semblait avoir été quelque peu modifié. Halloween était une fête sacrée chez les sorciers, simplement car c’était en ce jour qu’ils pouvaient se balader dans le monde moldu vêtu de leurs traditionnelles robes sans que personne ne leur jette un regard de travers, ils pouvaient même préparer leurs potions au beau milieu du parc de leur quartier que personne n’y aurait vu aucun inconvénients. Alors, imaginez une seconde ce que c’était du côté du monde magique… Les étudiants avides de fêter leur jour, avaient déferlés sur Pré-Au-Lard en masse plus excités que jamais. Jusqu’à ce que tout dérape. À l’heure où le traditionnel banquet allait être servi, le portail refusait de s’ouvrir, puis une voix perçante sortie de nulle part, des sortilèges qui fusaient de tout côté. Quigg n’avait pas eu le temps de réaliser ce qui était en train de se passer que la jeune fille à côté de lui s’était déjà fait frappée d’un sortilège en pleine poitrine. Tout s’était alors enchaîné très vite : entraîné par la foule, il s’était mis à courir vers une destination inconnue.

À présent, il se trouvait dans une ruelle déserte à l’aspect glauque. Sa course folle l’avait scié en deux, sur son front perlait quelques gouttes de sueur. Tout en reprenant son souffle, un million de chose lui traversait l’esprit. Il avait du mal à réaliser qu’à peine un quart d’heure plus tôt, il était assis autour d’une table des Trois Balais en rigolant avec ses amis, un verre de Whisky Purfeu à la main. Il conclut que c’était une attaque…Oui, merci, mais de qui, pourquoi ? Pas le temps de ressasser davantage qu’un bruit de talons martelant le sol à toute vitesse arrivait en sa direction. Sollicité par une partie de son cerveau qui lui criait de se mettre à couvert, le jeune homme se tapit un peu plus dans l’ombre. Baguette tirée, il essayait de maîtriser sa respiration saccadée. Ne pas faire le moindre bruit, ne pas bouger. Comme une biche alertée par un bruit suspect, Quigg guettait l’allée. Au final, c’était ce à quoi il était réduit : un gibier traqué par un mystérieux chasseur. Dans la pénombre, une silhouette féminine se dessina. Dans la faible lueur d’un réverbère, il devina une chevelure brune qu’il avait l’impression d’avoir déjà vu quelque part. Impression confirmée quand la jeune fille pivota sur elle-même de sorte à ce qu’il puisse voir son visage.

Il s’agissait d’une étudiante de sa maison, qu’il avait croisée une ou deux fois dans la salle commune sans jamais lui adresser la parole. Elle ne devait pas lui avoir fait forte impression car il ne se souvenait même plus si elle était dans la même année que lui ou non. Quoi qu’il en soit, elle avait l’air aussi perdue que Verpey. Ce dernier, dans un élan de gratitude, se dit qu’il ne pouvait pas la laisser seule livrée à elle-même. Il sortit de sa cachette, prenant soin de ranger sa baguette pour ne pas effrayer la demoiselle. Tout en progressant dans sa direction, il lui dit presque dans un souffle : « J’te veux aucun mal, ok ? Je comprends rien à tout ce qui se passe, comme toi visiblement. Tu es blessée ? » Il s’avançait vers elle dans l’espoir qu’elle n’allait pas le prendre pour un ennemi et lui jeter un sort. Il n’aurait pas eu le temps d’attraper sa baguette, coincée dans sa ceinture que la rouge & or l’aurait maîtrisé.

Keira avait toujours adoré Halloween même avant de découvrir qu'elle était une sorcière. A l'époque, elle se déguisait avec son père et tous deux allaient récolter des sucreries dans le voisinage. Quand Keira avait découvert l'ampleur de la fête dans le monde sorcier, elle n'avait pu que se réjouir. Même si son père lui manquait un peu, elle adorait parcourir les rues décorées de Pré-Au-Lard, se faire peur entre amis et terminer la journée par le fabuleux banquet d'halloween. C'est donc le sourire aux lèvres qu'elle s'était postée devant le portail du château, impatiente de dévorer les différents mets après une journée de privation en perspective du banquet.

Mais la foule d'élèves n'avançait pas. Alors que tous commençaient à s'agacer, une lumière verte apparut soudainement dans le ciel. Keira reconnut la marque des ténèbres et bien qu'elle ne l'ait jamais vu auparavant, elle savait ce qu'elle signifiait. Elle frémit, espérant secrètement que cela soit une mauvaise farce. Mais son futile espoir fut vite anéanti quand une voix glaciale s'éleva dans le silence effrayé. Chaque mot prononcé terrorisait un peu plus Keira. Elle savait très bien qu'elle faisait partie des personnes visées. Elle voulut se retourner vers son amie Arya mais celle-ci avait déjà disparue dans le chaos crée par l'annonce. Autour de la gryffondor, les gens se bousculaient en criant. On la poussa, quelqu'un lui hurla de fuir et elle choisit d'obéir. Ses jambes, avant paralysées par la peur, se mouvèrent. Elle courut comme elle n'avait jamais couru, l'adrénaline la poussant à partir le plus loin possible. Un sort lui frôla l'épaule, des lumières fusaient de partout. On ne pouvait savoir si on était visé ou s'il s'agissait d'un sort perdu. Keira courait à perdre haleine quand elle entendit un cri d'agonie à quelques pas d'elle. La jeune femme s'arrêta subitement. Elle n'eut pas le temps de rejoindre la personne blessée que trois sorts fusèrent sur elle. Elle parvint à se protéger des deux premiers mais le dernier l'envoya valser une dizaine de mètres plus loin. Une de ses chevilles souffrit particulièrement du choc de l'atterrissage mais elle sentit surtout une objet coupant lui entailler le bras. Entendant des bruits de pas qui couraient vers elle, elle ne réfléchit pas, se releva malgré quelques vertiges et repartit en courant.

Elle vivait un cauchemar. Elle ne comprenait plus rien, tout était flou et sombre autour d'elle. Les pensées de la brune allèrent vers son père qui idolâtrait le monde de la magie. Qu'en penserait-il si ce merveilleux monde finissait par tuer sa fille ? Sa course sans but précis l'amena dans un enchevêtrement de ruelles désertes. Elle ralentit, sa baguette prête à réagir au moindre mouvement. Maintenant qu'elle avait arrêté de courir, sa cheville la lançait et elle préférait ne pas regarder son bras gauche.

Alors qu'elle se croyait en sécurité, une silhouette sortit de l'ombre. Keira se prépara à lancer un sort, elle avait le sentiment tenace que tout le monde lui voulait du mal. La silhouette était masculine mais la brune fut rassurée de voir qu'il ne sortait pas sa baguette. La jeune femme resta méfiante jusqu'à reconnaître le visage du garçon. C'était un gryffondor de son année avec qui elle n'avait jamais vraiment parlé. Il s'appelait Quigg si son souvenir était bon.

« J’te veux aucun mal, ok ? Je comprends rien à tout ce qui se passe, comme toi visiblement. Tu es blessée ? »

Le jeune homme s'avançait vers elle et Keira hésita à lui lancer un sort et fuir, ce qui était plus sûr ou bien le croire et tenter de survivre à deux, ce qui serait plus rassurant. Finalement, elle choisit la deuxième option, gardant tout de même sa baguette à la main.

« Je crois que je me suis foulée la cheville et j'ai un peu mal au bras, mais ça va. Et toi, tu n'as... »

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase que des bruits de pas derrière son dos la fit se retourner brutalement. Elle entendit Quigg se munir de sa baguette derrière elle et espéra de tout son coeur qu'elle pouvait compter sur lui et qu'il n'allait pas la stupéfixier pendant qu'elle était retournée. La silhouette, féminine, approcha d'eux, sa baguette prête à l'attaque également. Elle avait l'air d'une revenante, sortie d'un champ de guerre. Keira réalisa avec désespoir que c'était effectivement le cas. Dans la lueur du réverbère de la rue d'en face, elle crut soudainement reconnaître une gryffondor : Acideen Weasley. Bien qu'elles ne se soient pas adressées plus de quelques mots dans leur vie, la brune avait le sentiment qu'elle serait de leur côté.

« Acideen ? Demanda t-elle d'une voix encore éraillée par sa course folle. »

Peut-être pourraient-ils s'en sortir tous les trois ? Après tout, Acideen était en septième année et Quigg et elle en sixième. S'ils unissaient leur force, ils devraient pouvoir repousser la menace qui planaient sur leurs épaules. Du moins Keira l'espérait.

Fort heureusement, la jeune fille ne l’attaqua pas, bien qu’elle ne rangea pas non plus sa baguette. Quigg la comprenait : s’il se serait lui aussi trouvé dans une position similaire à la sienne, il lui aurait fallut un temps de réflexion avant d’accorder sa confiance à un parfait inconnu surgit de nulle part. Surtout en ces circonstances. « Je crois que je me suis foulée la cheville et j'ai un peu mal au bras, mais ça va. » En effet. Verpey n’avait pas remarqué la position délicate de la demoiselle qui tentait de ne pas prendre appui sur sa cheville et cela aurait été la dernière chose à laquelle il aurait porté attention si elle n’y avait pas fait allusion tellement ses idées se bousculaient. Quant au bras de sa compère de Gryffondor, il distingua quelques tâches de sang qui avaient transpercés son t-shirt. Sur le coup, Quigg s’estima heureux : il avait emprunté un chemin relativement calme comparé à celui qu’elle avait choisit. Il avait certes sentit quelques sortilèges fusés mais aucun ne l’avait atteint assez près pour qu’il soit blessé. « Et toi, tu n'as... » Il s’apprêtait à répondre qu’il n’avait aucune blessure mais il réprimanda sa réponse au même moment que la jeune fille s’interrompit. Des bruits de pas se faisaient entendre. Quigg délogea sa baguette avec rapidité. Les deux Gryffondors tendaient l’oreille, une nouvelle fois assaillit par la peur. Et si c’était un ennemi ? Quigg analysa la situation en essayant de garder son sang froid : la jeune fille ne serait pas opérationnelle très longtemps, il ne fallait même pas songer à fuir, sa cheville la faisait trop souffrir et il était hors de question qu’il l’abandonne. Au final, il était le seul des deux à pouvoir tenir tête au sorcier qui s’approchait. Il déglutit. Sa respiration accéléra. La personne n’était plus qu’à quelques mètres, d’une seconde à l’autre, elle se retrouverait dans la lumière du réverbère… Il s’apprêtait à lancer un sort quand la jeune fille blessée à ses côtés parla. « Acideen ? » Manifestement, elle semblait connaître l’autre demoiselle qui venait de les rejoindre. Quigg fut soulagé. Cette Acideen n’était donc pas une ennemie. Elle paraissait aussi alerte qu’eux. « Keira ? Et… » Il ne réalisa pas tout de suite qu’elle lui demandait indirectement qui il était. « Keira, est-ce que tu saurais te lever ? Il faut absolument qu'on parte d'ici. C'est trop dangereux de rester au même endroit. » Le jeune homme approuva d’un hochement de tête. « Je suis Quigg Verpey. Je suis d’accord. Il ne faut pas qu’on reste ici, à découvert. » Tout en disant cela, il constata que la dénommée Keira avait prit appui sur le lampadaire le plus proche. Il devina les pensées d’Acideen à la manière dont elle l’observa. Allaient-ils devoir l’aider à se déplacer ? Cela n’était pas un avantage, leur fuite s’en verrait considérablement ralentie mais ils étaient tous les deux déterminés à ne pas la laisser à un sort funeste. Quigg décida enfin de se mouvoir. Il s’approcha de Keira et passa le bras de la jeune fille autour de son épaule. « On bouge. Restez vigilantes et soyez prêtes à lancer un sort à tout moment, compris ? »

« Tiens tiens tiens… les Bouffondors et leur courage légendaire … Malheureusement pour vous il est trop tard pour partir » Une voix sifflante résonna dans leurs dos. Trop tard. Ils étaient restés trop longtemps ici, dans cette ruelle qui était pourtant déserte dix minutes plus tôt. Personne n’était à l’abri, ce soir. Il n’y avait aucun endroit où se cacher. Quigg réalisa à quel point son idée de se cacher ou de fuir avait été stupide. Pour sauver sa peau il n’y avait qu’une seule solution : affronter les auteurs de cette macabre nuit. Verpey se retourna, toujours supportant Keira. Tant bien que mal il brandit sa baguette sur l’inconnu. Ils ne pouvaient pas discerner son visage car il était dissimulé sous un masque et sa voix avait été déformée par on ne sait quel sortilège. « Qui es-tu, qu’est-ce que tu nous veux ? » Quigg se doutait bien que le mystérieux sorcier n’allait pas lui révéler ses intentions comme ça, d’un claquement de doigts. En lui faisait la conversation, il réfléchissait à un plan. La seule solution était de mettre à terre l’inconnu mais une attaque de face n’était pas à favoriser. Il fallait se montrer plus rusé. Pour le moment, les Gryffondors possédaient un avantage numérique donc plus de chance de le vaincre mais les acolytes de ce type masqué pourraient débarquer d’une minute à l’autre. Quigg observa le lampadaire. Il murmura à Keira et Acideen assez bas pour que seules elles deux puissent l’entendre. « A mon signal, on les fait exploser. Dans le noir, on aura moins de chance qu’il nous repère. Vous me suivez ? »

Keira ne comprit pas trop ce qui lui arrivait. Elle se maintenait debout et seulement quelques secondes plus tard sa jambe l'avait lâchée. La chute n'avait pas été trop douloureuse mais la gryffondor était certaine que sa cheville était hors d'état de marche. Paniquée, Keire remarqua qu'Acideen s'approchait d'eux comme pour les reconnaître. Elle s'arrêta finalement et Keira l'entendit prononcer son prénom. Rassurée de voir que la gryffondor la reconnaissait, la tension qui s'était installée dans tout le corps de la brune se relâcha légèrement. Toujours à terre, Keira se sentit en position de faiblesse et décida de se relever. Au moment où elle s'apprêtait à agir, Acideen prit la parole :

« Keira, est-ce que tu saurais te lever ? Il faut absolument qu'on parte d'ici. C'est trop dangereux de rester au même endroit. »

Keira allait lui répondre quand Quigg prit la parole à son tour :

« Je suis Quigg Verpey. Je suis d’accord. Il ne faut pas qu’on reste ici, à découvert. »

Pendant que les deux conversaient, Keira avait préféré les actes à la parole et tout en s'appuyant contre le lampadaire le plus proche, s'était redressée. Elle intercepta un regard entre Quigg et Acideen qu'elle interpréta comme de l'hésitation. Est-ce qu'ils se demandaient comme faire pour s'enfuir de ce cauchemar avec Keira qui les ralentirait à coup sûr ? La jeune fille se sentit gênée. S'il venait à leur arriver malheur par sa faute, elle ne s'en remettrait jamais. Décidée à ne pas être un poids pour eux, elle allait proposer qu'ils se séparent pour que chacun optimise ses chances. Bien sûr, elle n'en pensait rien mais elle savait qu'ils ne l'abandonneraient pas si elle leur disait de la laisser là. Quigg prit alors son bras et le passa autour de son épaule tout en ordonnant :

« On bouge. Restez vigilantes et soyez prêtes à lancer un sort à tout moment, compris ? »

Keira n'eut pas le temps de protester qu'une voix glaciale retentit dans leur dos :

« Tiens tiens tiens… les Bouffondors et leur courage légendaire … Malheureusement pour vous il est trop tard pour partir »

Le sang de Keira ne fit qu'un tour. Sa gorge se serra et ses mains agrippèrent sa baguette si fortement qu'elle eut soudain peur de la briser. Elle avait vraiment cru qu'ils s'en sortiraient ou plutôt elle s'était obligé à le croire pour ne pas se mettre à paniquer davantage. Elle regrettait de ne pas s'être imposée plus tôt auprès de Quigg et Acideen pour qu'ils partent ailleurs, avant que la menace devienne aussi présente.
Quigg se retourna alors, entraînant Keira dans son mouvement. Tous deux tendaient leur baguette, prêts à riposter en cas d'attaque. Ou à attaquer ? Keira n'avait aucune idée sur la conduite à tenir. Dans sa lâcheté, leur agresseur avait couvert son visage d'un masque ne permettant pas à ses victimes de le reconnaître.

« Qui es-tu, qu’est-ce que tu nous veux ?  »

Quigg tentait sûrement de retarder leur bourreau. Keira quant à elle essayait juste de tenir debout. Sa jambe valide semblait avoir de plus en plus de mal à tenir son corps transi de peur. Quigg mumura alors :

« A mon signal, on les fait exploser. Dans le noir, on aura moins de chance qu’il nous repère. Vous me suivez ? »

Keira se contenta d'émettre une pression plus importante sur l'épaule du garçon pour approuver. Acideen allait sûrement trouver un moyen d'approuver à son tour, à moins que Quigg n'émette le signal avant. Keira songea à ce qu'il se passerait une fois qu'ils se retrouveraient dans le noir. Ils seraient en effet moins repérables mais si Quigg continuait à la maintenir, tous deux auraient bien du mal à se déplacer, à éviter les attaques et à contre-attaquer à leur tour. Déterminée, Keira retira son bras de l'épaule de Quigg. Elle vacilla légèrement mais parvint à se maintenir dans un équilibre précaire.

« J'arrive à me tenir debout, il n'y a plus de soucis » murmura t-elle

Mensonge. Mais personne s'apercevrait que seule sa jambe droite touchait vraiment le sol. Elle était toujours capable de se défendre après tout. Sa baguette armée, elle était plus que jamais prête à protéger ses compagnons ainsi qu'elle-même.