Dans son dortoir, Rohàn ne pouvait pas voir l'état du ciel nocturne, mais il n'en avait pas besoin pour deviner le climat ; une nuit sans lune, sans étoiles, une nuit ténébreuse et porteuse de mauvais présages s'annonçait. Ce n'était pas pour rien qu'ils avaient choisi d'agir à cette date, il n'était pas question de partir en mission sans consulter les présages du ciel et se couvrir du regard du phénix, et de la lumière, fut-elle lunaire. Une main posée sur la fenètre unique de leur chambre collective, regardant sans le voir un poisson collé à celle-ci chercher à gober ses doigts, il se concentrait, cherchait à être en conscience de sa magie pour ne pas perdre son sang froid ce soir. Lui qui avait plus eu l'habitude de commander, de mépriser, connaissait quand même quelque peu les missions « sur le terrain », mais ce à quoi ils s'attaquaient ce soir, c'était bien plus grand, bien plus grave comme transgression que tous les meurtres qu'il aurait pu commettre. Personne ne s'attaquait à une licorne impunément, encore moins un Lestrange. Refermant ses doigts sur le verre, faisant déguerpir le poisson, le jeune homme réprima un frisson à la simple pensée d'une créature aussi pure. Il le savait, lui n'était pas quelqu'un que l'on pouvait sauver, ramener du coté du bien, mais détruire son antithèse serait le pas suprême, de non retour sur cette voie qu'il avait choisi, embrassé depuis son enfance.
Mais l'heure n'était plus aux questions, et dans le silence du sommeil de ses camarades – du moins ceux qui se trouvaient dans leurs lits – il revêtit une lourde cape, se faufilant sans un bruit hors de la pièce pour rejoindre les autres au dehors. Pas question de grands rassemblements, d'actions groupées, leur alliée était la surprise, la vitesse, et pour cela, ils devaient être peu nombreux, rapides et furtifs. Même si dans l'Ombre, tous ne répondaient pas à cette description... Rohàn ne savait pas qui serait avec lui, il ne s'était pas occupé de toute cette administration, se concentrant sur l'essentiel, l'action, mais il avait en tête quelques noms tabous, quelques personnes dont la présence signifierait directement l'échec de la mission. Et ca, il le prendrait très mal. Gravissant les marches menant jusqu'au rez de chaussée, veillant à ne pas se faire voir, il se montrait presque serein, sur de lui, sans aucune nervosité. L'excitation de la chasse n'avait pas encore envahi son corps, mais il était un bloc de glace sans émotion, dans l'attente. Il était né pour ça, il ne vivait que pour ces moments là, et il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur.
Le serpentard avait tout de même une petite pensée fugitive à cette soirée qu'il avait du annuler avec un certain gryffondor ; certes, le dit gryffondor ne savait rien de cette annulation, tout simplement parce qu'il ne lui en avait pas parlé à la base, mais il avait prévu pendant quelques jours de l'enlever dans un couloir et de le ravir dans une alcôve, à la vue de tout passant tardif, avant que ce plan ne tombe à l'eau avec leur mission. Il ne savait pas où le jeune homme serait affecté, ni même s'il participerait, mais il avait bien l'intention de prendre un peu de bon temps après tout cela.

Se calant à l'ombre d'une colonne, près de l'entrée, pour voir arriver toute personne rapidement, il sourit en se sachant le premier sur place. Peut-être était-il un peu trop enthousiaste pour cette mission qui ne se passerait sans doute pas sans heurts, mais il ne pouvait toujours pas se débarrasser de cette impression d'anniversaire en avance. C'était trop beau, c'était trop bon, et il allait profiter jusqu'à la dernière seconde de cette chasse qu'il n'oublierait surement pas de sitôt.

Comment dormir ? Comment même chercher le sommeil ? Quand le cerveau prend le contrôle sur votre organisme rien n’y fait. Les hormones sont des éléments capricieux dont les pouvoirs relèvent presque de la magie. Sixte était assis sur son lit, depuis une heure déjà. Le rendez-vous approchait, trop lentement. Tuer une licorne, voilà une mission palpitante, pas que la vie qu’il menait à Poudlard manquait de piquant. La nuit tout paraissait menaçant, c’était peut-être la raison pour laquelle Sixte vivait la nuit. Il ne se sentait chez lui que la nuit. Ses yeux étaient habitués à l’obscurité, à tel point qu’il en était devenu nyctalope. L’heure approchant doucement, son impatience grandit. Le dortoir était silencieux, bien trop silencieux à son goût, l’animation manquait la nuit. C’était la raison de ses aventures nocturnes. Son corps encore nu sur les draps se contracta instinctivement à l’entente d’un bruit de pas entrant dans la chambre.

Une, deux, trois, les secondes défilaient et le bruit des rideaux de soie se refermant se fit entendre. Aussitôt Sixte s’habilla, et nonchalamment il prit la plus belle des capes que sa mère avait pu lui faire, longue, avec une capuche particulièrement plongeante dont les yeux étaient découpés. La commande avait fait sourire sa mère qui n’était pas dupe. Elle ressemblait trop à la cape qu’il avait ramené déchirée et maculée du sang d’un né-moldu qui s’était défendu après sa première mission. Les parents de Sixte n’étaient pas peu fiers de leur petit dernier. A défaut d’être une fille, il avait le gêne du mal ancré en lui. Cette cape était si noire qu’elle faisait passer les ombres nocturnes pour du bleu nuit.

Ses pas glissaient contre le marbre du sol, les cachots étaient devenus un lieu qu’il connaissait parfaitement. Sortir du château fut un jeu d’enfant et arrivé au point de rendez-vous il fut le premier. Pas étonné pour un sou il avait plus d’une heure d’avance. Cette fichue manie d’être trop excité à l’idée d’entamer une mission lui avait complètement court-circuité la notion du temps. Ne pas connaître très bien les membres de l’Organisation l’ennuyait un peu, en Bulgarie il avait été l’un des maillons les plus forts de l’Ombre, arrivé à Poudlard il n’était qu’un bon élément, un élément remplaçable. Cependant avec les mois, il avait découvert des gens inutiles à ses yeux, il méprisait autant les sorciers qui s’engageaient dans un mouvement sans en avoir l’étoffe que ceux qui s’opposaient par simple réaction morale. Aussi l’angoisse de se retrouver avec des bouffons incapables de manier une baguette le traversa.

Il attendait déjà depuis une quarantaine de minutes peut-être quand quelqu’un sembla approcher, s’enfonçant dans un recoin obscur Sixte disparut du regard de l’étranger, il aurait pu utiliser un sortilège de disparition mais la cape de sa mère était parfaite pour dissimuler sa présence. Sa baguette à la main il était déjà prêt à parer à toute attaque d’un membre de l’Ordre qui aurait obtenu des informations de seconde-main. A l’évidence c’était un garçon, voilà qui éliminait une partie des idiots avec qui il ne voulait pas avoir à chasser l’être le plus pur qui soit. La licorne, drôle de bestiole, comment l’attraperaient-ils ? C’était une question à laquelle il n’avait pas encore de réponse, cependant il donnerait un spectacle de magie s’il le fallait pour piéger l’animal. Après quelques minutes passées à regarder l’individu patienter, avec ce qu’il lui semblait être une certaine impatience il sortit de l’ombre. « Belle nuit pour un tour en forêt n’est-ce pas ? » Sa capuche masquait totalement son visage, à l’exception peut-être de son menton, et son accent bulgare n’avait jamais été très prononcé grâce à la mixité culturelle que sa mère lui avait apporté et à ses frères élevés dans la tradition britannique. Aussi il n'avait pas peur d'être découvert trop facilement, à moins qu'il ne connaisse la personne en face de lui, auquel cas, il n'y aurait aucun doute sur leur partenariat.

I’ve been begging for blood on the walls, I don’t care if I’m playing with fire, I’m aware that I’m frozen inside † Le souffle un peu trop court, elle avançait, arpentant les couloirs, ses pas battant les dalles polies par les passages répétés de dizaines de générations de jeunes sorciers. Combien avaient fait leurs preuves ici ? Combien avaient pu comploter contre le monde en ces mêmes lieux ? Le Mage Noir avait fréquenté cette école et en cette sombre nuit, elle ne pouvait s’empêcher de songer à la portée de leurs actes. Se pressant, elle s’engouffra dans un énième couloir alors qu’un sourire mauvais retroussait ses lèvres. Le chaos régnerait, ce soir, enfin. Il était temps, il était plus que temps, l’Ombre se mettait enfin en marche, puisant sa force dans chaque recoin délaissé de l’Histoire. Ils n’étaient qu’une bande d’adolescents à peine dégrossis et armés de baguette qu’ils ne maîtrisaient pas encore totalement mais la jeune femme avait tendance à passer outre cette idée. Plus que des gamins rebelles, ils étaient la voix d’une génération bafouée et ce soir, ce soir la donne allait changer. Le sabotage du terrain de Quidditch, l’attaque de Pré-au-Lard, la disparition présumée de Lune, tout cela ne menait qu’à une chose, qu’à un show magistral qu’ils allaient orchestrer. C’était la terreur, l’insécurité, c’était le mal qui, non content de frapper à la porte de ces petits cons trop assurés, vivant dans l’impunité que procurait cette fausse paix, s’invitait à présent à l’intérieur du lieu le plus sûr de la communauté magique d’Angleterre. Il était encore trop nombreux à penser que Poudlard n’était rien d’autre qu’un îlot épargné par les ravages de la haine, il fallait que ça chance. On aurait pu penser qu’après la Bataille de Poudlard, certains auraient pu réaliser que cette école n’était qu’un asile, qu’une maison de fou sur le point d’exploser mais non… C’était à croire que la seule à réellement le voir, c’était elle.


Tirant sur sa capuche, elle la ramena au-dessus de sa tête pour cacher partiellement son visage, jouant des ombres que projetait le tissu. Sa silhouette la trahirait surement, quand bien-même elle portait une cape de voyage qui neutralisait un peu son apparence. Elle était petite, elle avait une façon de bouger bien à elle et ceux qui la connaissaient pouvaient la reconnaître… le problème étant que tout le monde connaissait Alesya Lestrange, la discrétion n’ayant jamais été son fort. Elle était silencieuse, pourtant, ce soir. Peut-être à cause de ce qui se tramait, peut-être à cause de la force avec laquelle elle pouvait anticiper chaque coup qui serait porté contre l’institution cette nuit. A nouveau, elle se mit à sourire, mordant l’intérieur de sa joue et atteignant enfin le Grand Hall. Elle n’avait eu que des vagues échos concernant les autres tâches mais quand elle voyait les résonnances de ce qu’on lui avait demandé de faire, elle ne pouvait que deviner le travail des autres membres de l’Ombre. Ils grandissaient, ils étaient de plus en plus nombreux, les gens devaient commencer à comprendre l’intérêt d’être du côté de la détermination, cette fois. Il n’y avait ni élu ni Dumbledore pour les arrêter… et ce soir, il n’y avait pas non plus de membre de l’Ordre pour les freiner.

Alors qu’elle franchissait les lourdes portent de chêne qui formaient l’entrée de l’école, elle se surprit à nouveau à penser à ses collègues. Elle se crispa légèrement, pensant aux ratés de Pré-au-Lard et se demandant si l’Ombre n’avait pas fait l’affront de la coller en tant que nounou d’une bande d’empotés bien trop jeunes. Assurément, c’était possible, mais elle discerna deux silhouettes un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres et réalisa, à la taille qu’ils semblaient faire, qu’au moins elle ne serait pas occupée à moucher ceux avec qui elle devrait travailler. Elle regrettait quelque peu le choix de Loki de se tenir loin de l’Ombre. Elle le comprenait mais ils bossaient bien ensemble, elle pouvait lui faire confiance… Tirant un peu mieux sa capuche, elle dissimula correctement ses traits en s’approchant des deux, se plantant devant eux sans un mot.


Elle était pratiquement pile à l’heure, peut être une ou deux minutes en avance et elle les observait, se demandant depuis combien de temps ils poireautaient là, sans discrétion, sans bon sens. Si un professeur passait dans les parages, assurément, ça se terminerait bien trop vite, à moins que l’adrénaline ne les fasse agir rapidement. C’était à l’évidence deux garçons et lorsqu’elle posa son regard sur le second, le plus large d’épaule des deux, un sentiment de gêne, profond et viscéral, lui vrilla la colonne vertébrale sans qu’elle puisse mettre son doigt sur une raison quelconque.

Elle avala sa salive, nerveusement, se retenant de faire un commentaire. La nuit serait longue.

♫ These words are trapped inside my head
Tell me to run before I'm dead
Chase the rainbows in my mind
And I will try to stay alive ♫


« J'espère que tu ne vas pas faire de bêtises... » La voix de la Grosse Dame résonna dans le couloir, mais Charles n'y répondit pas, comme à son habitude. Elle le savait très bien, ses sorties nocturnes étaient devenues plus fréquentes ces derniers temps, que ce fut pour aller rejoindre Rohàn ou pour profiter d'une petite balade au clair de lune sur son balai – Charles se renfrogna en pensant à l'astre nocturne, la disparition de son meilleur ami avait marqué au fer rouge son esprit, et il se sentait coupable de ne pas avoir été là pour le protéger. Mais il ne pouvait se permettre de penser à lui, pas ce soir. Il rentra la tête dans ses épaules et rajusta la capuche, ne laissant visible que sa mâchoire. J'espère que tu ne vas pas faire de bêtises... Un sourire amer, triste, retroussa la commissure de ses lèvres. Le temps de l'innocence était révolu, et c'était la mort dans l'âme qu'il se dirigeait vers le meurtre de son idéal. Tuer une licorne, son coeur se serra à nouveau. Un animal aussi pur, il n'en sortirait pas indemne, aucun d'eux.

Les licornes sont des créatures aux puissants pouvoirs magiques. Le sang de licorne est un élixir de longue vie ; cependant tuer une licorne est un acte ignoble et celui qui se risque à le faire ne gagnera qu'une demi-vie et une vie maudite. Pour commettre un tel crime il faut n'avoir rien à perdre et tout à gagner. Les mots résonnaient encore dans son esprit, piégés, comme pour lui rappeler sans cesse la portée des actes qu'ils commettraient cette nuit. Ce soir, il perdrait une partie de son âme. Il avait tant perdu ces derniers temps, et son seul point d'ancrage était probablement une cause désespérée, qu'il l'avait, sans le vouloir, entraîné dans ses ténèbres. Tuer... une licorne. L'acte en lui-même était ignoble, mais sur une telle créature, Charles s'en voudrait toute sa vie. Cependant, il ne serait pas seul durant cette mission. Avec un peu de chance, il ne serait pas celui qui devrait achever la pauvre bête. Il fallait qu'il fasse le maximum pour la capturer, mais il resterait en retrait au moment du meurtre.

Des bruits de pas résonnèrent quelque part derrière lui. Instinctivement, il accéléra le pas. S'il se faisait surprendre ainsi, il aurait de sérieux problèmes, et sa place dans l'Ombre serait encore plus remise en cause. Certes, se faire prendre l'empêcherait d'aller à la chasse à l'innocence, et peut-être cela sauverait-il son âme, mais il n'était pas un lâche. Non il ne se défilerait pas, il avait eu tout le temps pour réfléchir aux conséquences de son entrée dans l'Ombre, maintenant il allait assumer son choix. Il s'engonça un peu plus dans sa sombre cape et rabaissa au maximum la capuche sur son visage. Il n'avait pas besoin de voir où il allait, il avait tant de fois arpenté le château de nuit qu'il en connaissait les moindres recoins, et les moindres dalles qui, surélevées, pouvaient poser problème lors d'une ballade trop distraite. Les yeux rivés sur le sol, il faisait son maximum pour se déplacer le plus silencieusement et rapidement possible. S'il trainait trop, il allait être en retard.

Enfin, il parvint au sommet des escaliers du Grand Hall. Une silhouette encapuchonnée sortit de l'escalier qui menait aux cachots et e rapprochait des portes. Sans faire de bruit, il se glissa derrière une armure et attendit. Était-ce un allié ? Dans la pénombre qui régnait sur le château, il ne pouvait distinguer ses amis de ses ennemis à cette distance. *Ne te pense jamais en sécurité*, lui avait enseigné Vela. Ses doigts se crispèrent sur sa baguette, et il attendit quelques minutes avant d'entamer la descente qui le conduirait au parc. Il se glissa entre les deux portes du château, encore entr'ouvertes.
La nuit était noire, pas moyen de voir où la silhouette avait disparu sans allumer sa baguette, et ainsi révéler sa position. S'avançant prudemment, il finit par les repérer : trois silhouettes encapuchonnées, plus noires que les alentours du parc, nourrissant de noirs desseins. D'un pas déterminé, il les rejoignit, priant pour qu'il y eut un membre qu'il connaissait. La nuit allait être assez pénible, s'il devait être avec ces ersatz de Serpentard comme Goyle ou d'autres abrutis dans son genre que Charles détestait, il allait devenir fou.



Spoiler:

Il ne faisait pas très chaud, et franchement, Rohàn se les gelaient, caché derrière son pilier. Il n'avait pas vraiment cherché à voir si quelqu'un d'autre se trouvait déjà sur place, imaginant qu'à cette heure de la nuit, toute personne qui chercherait à se cacher et ne faisant pas partie de l'Ombre n'aurait pas vraiment intérêt à venir le déranger. Au contraire, elle ferait sans doute chemin dans la direction opposée, et c'était bien dommage, il aurait aimé procéder à un petit échauffement.
Une ombre pourtant se détacha sur le peu de lumière dégagé par les étoiles et Rohàn ne fit pas un geste avant qu'elle ne s'approche, déterminant qu'il ne s'agissait pas d'un ennemi. Un membre de la résistance n'aurait pas hésité à tirer d'abord et poser les questions ensuite – en même temps vu leur durée d'espérance de vie, il valait mieux pour eux – et la phrase prononcé par le jeune homme le fit tilter aussitôt. Sortant de son repaire, prenant une inspiration un peu altérée par la compréhension de qui il avait en face de lui, il chuchota un « Sixte? ». Ils n'étaient pas sensés divulguer leurs identités, mais il aurait reconnu sa voix partout, à force de l'entendre dans la salle commune de Serpentard.
L'envie de lui lancer une petite blague salace pour détendre l'atmosphère apparut aussitôt, alors que la tension dans ses épaules disparaissaient, maintenant qu'il savait à qui il avait affaire. Au moins, l'un de ses acolytes serait quelqu'un dans lequel il avait plus ou moins confiance. Ils n'étaient pas forcément proches en dehors de leur jeu, mais Sixte n'était pas quelqu'un qui se retournerait contre lui. Le Lestrange garda cependant le silence le temps de vérifier l'identité de son ami, puisqu'il pouvait aussi avoir imaginé cette voix.
Une nouvelle silhouette les rejoignit au bout d'un moment, amenant une très légère sensation de déjà vu dans l'esprit de Rohàn. Il connaissait ce pas, cette taille...mais il ne savait pas mettre un nom sur cette impression. Préférant ne pas s'attarder sur ça, sachant que viendrait un moment où la personne se révélerait, il concentra son attention sur le jeune homme lui faisant face. « Depuis le temps que je te réclamais une ballade en amoureux au bord du lac, après tout. » Il se doutait que sa voix serait facilement reconnue, étant donné qu'il l'utilisait sans vergogne dans tous les couloirs et à toute occasion pour assurer son autorité, mais entre gens de bonne famille, de mêmes convictions, il n'y avait aucun risque que cela lui explose à la figure, non ?

La dernière silhouette qu'ils attendaient arriva à ce moment là, et Rohàn, ne se souciant pas de deviner son identité non plus, trop intéressé par leur rassemblement, lui fit un signe de tête. Il faisait trop nuit pour deviner son visage sous cette cape, et il se contenta d'un simple « On a pas toute la nuit, allons-y. » avant de faire volte face et de s'enfoncer dans le parc, vers la forêt interdite. Il n'avait pas entendu les bruits suspects s'approchant d'eux, perdu dans son propre monde de sensations qui s'était activé dés qu'avaient été remplies les conditions de la chasse, le sang battant à ses oreilles suffisant. Qui m'aime me suive ~

Sixte redoutait ce moment. C'était bien la peine de s'entrainer sans relâche si l'on flanchait à la dernière minute. Cette dose d'excitation qu'il ressentait était mêlée d'une peur bleue comme un enfant prêt à commettre une bêtise qui hésite encore en pensant aux conséquences de son acte. Mais il n'était plus un petit garçon dont la punition serait de rester sans balai miniature pendant deux jours. Il mettait sa vie et son âme en jeu. All-in comme ils disent. Soit tu en sors vivant et damné soit tu n'en ressors pas entier.

Rohàn était donc l'un de ses acolytes voilà une bonne nouvelle. Il y en aurait au moins un dont il pouvait être sûr au regard de ses compétences. Les deux autres arrivèrent une fille assurément a la démarche féline qu'elle amenait avec elle. Quelque chose de familier dans sa silhouette lui rappelait quelqu'un mais dans le noir et sous l'effet des hormones il n'aurait pas su dire qui. Le quatrième arriva pile à l'heure voir même légèrement en retard.

Si Sixte appréciait Alesya il avait beaucoup de mal à voir en Rohàn un chef. Aussi lui emboîter le pas comme pour répondre a un ordre lui fendit le coeur. Bon gré mal gré il se mit à le suivre alors qu'un bruit se faisait entendre derrière eux. L'attaquer ? Le mettre en quartier ? Sixte l'eût fait volontiers mais il faudrait livrer bataille et l'inconnu était peut être de taille a se défendre vaillamment. Alors que ses comparses d'une nuit ne l'étaient probablement pas... ''Plus vite.'' Ses instincts de meneur l'avaient rattrapé et il se détesta mentalement de se montrer si directif. Ici il ne dirigeait pas. Du moins pas officiellement il était un peu l'invité de l'Ombre britannique il devait se comporter comme tel.

Spoiler:

Ils étaient trop statiques et elle détestait ça. Ils étaient en plein vent, à attendre un quatrième membre dont ils ignoraient l’identité, ne se reconnaissant même pas entre eux, ne cherchant à vrai dire pas tellement à le faire. C’était une abhération, quelque part. Alesya aimait bien pouvoir confier sa vie à quelqu’un, selon l’occasion et ignorer qui se trouvait à ses côtés ne la pousserait pas à tel geste, clairement. Oh well, tant pis. Elle se tourna légèrement en entendant des bruits de pas, voyant la dernière silhouette, encore un garçon vraisemblablement, qui se rapprochaient d’eux et les rejoignaient… Groupe au complet, enfin, les choses pouvaient commencer et…

Un bruit se fit entendre derrière eux mais elle ne s’en soucia pas, non, trop concentrée sur celui qui venait de parler, le plus grand des deux sur lequel elle avait braqué un regard noir et immonde, pouvant presque tué, dès qu’il avait ouvert la bouche. « On a pas toute la nuit, allons-y. » avait-il lancé, cet abruti… Son abruti de frère, qui se tenait là, déterminé, qui s’était élancé et prenait la tête du groupe comme si c’était dans son bon droit. Connard. Enflure. Foutu Lestrange. Elle suivit le mouvement histoire d’être à distance de sortilège et murmura tout bas, espérant qu’il l’entende : « You must be fucking kidding me » mais ce sursaut de sarcasme fut vite avalé par un autre élan de meneur. Le second se pressa, accélérant le pas et lançant un « Plus vite » qui fut suffisant pour trahir son identité et à faire sourire la jeune femme. Etait-ce le bulgare ? Assurément, elle en aurait mis sa main au feu, connaissant assez la voix à présent. Jetant un regard par-dessus son épaule et se demandant à présent qui était le dernier, ne faisant plus vraiment confiance à son instinct puisqu’elle n’avait pas été fichue de reconnaître son propre ainé, la personne qu’elle connaissait depuis le plus longtemps au monde… Certes, il était masqué, mais quand même… dans la pénombre, elle ne parvint à discerner quelconque trait familier et elle se retourna pour regarder où elle allait, plutôt que de tomber comme une idiote aussitôt. Elle était, pour le moment, la plus jeune et comptait bien s’en défendre farouchement, quand bien même ils ignoraient sa présence. Plus pour longtemps. L’idée de se ramasser dans la boue lui piqua l’imagination et accélérant le pas, elle se mit à courir sur quelques foulées, passant à côté de Sixte. Glissant sa main contre son poignet, elle alla appuyer au creux de ses veines en un geste bien trop familier, habituel, dont elle se servit comme léger support. Ses phalanges logées contre le jeune Serpentard à qui elle se confiait bien trop souvent, elle se dépêcha de flanquer un coup de pied latéral dans les talons de son frère, s’assurant ainsi qu’il perdre l’équilibre et se vautre, peu importe la puérilité du geste.

Sautillant presque, dynamique alors que Rohàn s’écrasait dans l’herbe du parc, elle passa devant lui et fit volte-face, l’observant et tirant sur sa capuche pour dégager partiellement ses cheveux. Gamine odieuse, merdeuse, elle s’en foutait, elle avait réussis son coup. « Bah alors, Lestrange, on veut diriger mais on n’tient pas debout ? » demanda-t-elle, préférant ignorer ce qu’elle ressentait à l’idée de devoir travailler avec ce frère qu’elle aimait plus que tout mais qu’elle fuyait à présent. Se concentrant sur son ivresse non-alcoolisée et l’impunité de l’instant, elle adressa un regard et un sourire goguenard à son camarade. Le quatrième restait un mystère pour eux et pendant un instant, elle hésita à pointer sa baguette dans sa direction, tirant à vrai dire son arme et enclenchant le geste, décidant que finalement, savoir à qui elle devrait, ou non, son salut, ne pouvait pas être une option dans pareille situation.

Spoiler:

Charles se figea en entendant la voix de Rohàn. Ce qu'il avait tant espéré était arrivé, il était dans le même groupe que lui, et pourtant, la peur tétanisait son corps, incapable de bouger, ou même de parler. Un rapide coup d'oeil autour de lui le rassura : aucune des deux autres silhouettes n'avaient remarqué la tension qui s'était éprise de son corps – comment en aurait-il pu être autrement dans cette pénombre – ni son silence. Déjà les trois sorciers s'éloignaient, en direction de la forêt, tandis que lui restait planté là comme un piquet, ne sachant comment réagir. Machinalement, il les suivit, légèrement en retrait. L'estomac noué, il réfléchissait à tout ce que la présence du Lestrange impliquait. Il serait en sécurité, une fois qu'il connaîtrait son identité. Les deux autres lui étaient encore inconnus, mais il s'en foutait à présent, Rohàn était là, et tout ce donc il avait envie, c'était de lui sauter dessus et de l'embrasser. Mais il ne pouvait le faire, pas avec ces deux-là dans les parages. Charles se surprit à espérer que, pendant la chasse à la licorne, ils se sépareraient et que Rohàn serait son acolyte. ' « Plus vite. » Encore perdu dans ses pensées, Charles ne put reconnaître la voix de Sixte, néanmoins il comprit le sens de ses mots, aussi accéléra-t-il le pas pour se retrouver juste derrière le trio. Il avait raison : toujours dans le parc, ils étaient trop à découvert, proies faciles pour un professeur en quête d'élèves désobéissants.

Soudain, alors qu'ils s'approchaient de la Forêt Interdite, Rohàn trébucha et s'étala sur le sol, encore détrempé par l'averse de l'après-midi. Une violente envie saisit le jeune Gryffondor d'aller aider le serpent, mais il se ravisa au dernier moment. Non, il n'était pas en sécurité avec lui dans les parages. La tentation était trop forte, et les autres apprenaient la vérité, Alesya serait rapidement au courant, et Charles ne donnait pas cher de sa peau devant l'aveu d'un tel secret. « Bah alors, Lestrange, on veut diriger mais on n’tient pas debout ? » Quand on parlait du loup, ou, en l’occurrence, de la vipère. Charles s'était donc retrouvé avec les deux Lestranges. Quelle ironie du sort... S'il ne pouvait pas faire pire comme association vis-à-vis de son secret, il ne pouvait pas faire mieux comme alliés. Charles se taillait la part du lion quant à ses camarades de chasse et il en profita pour observer le dernier membre, dont les traits lui apparaissaient plus nettement, maintenant qu'il était habitué aux ténèbres. Sixte. Un léger sourire fendit le visage de Charles en deux quand il reconnut son ami. Il avait beaucoup de chance ce soir. Le seul à savoir pour lui et Rohàn. Son sourire disparut instantanément. Cette nuit s'annonçait folklorique.

Pas de répit pour le Gryffondor, qui fut pris, à sont tour, pour cible par la Lestrange. Il ne bougea pas, amusé par la situation. Il était le seul dont l'identité n'était pas encore révélée, la dernière touche de mystère dans ce quatuor inattendu. Deux frères et soeurs, des amis, et des amants. Oh il allait se révéler, et prendre un malin plaisir à voir Rohàn se décomposer, en comprenant la situation. Le Rouge et Or aurait aimé faire durer un peu plus le suspense, mais la baguette d'Alesya était menaçante, et il ne tenait pas à finir à l'infirmerie. Aussi dit-il dit d'une voix suave « Bonsoir Alesya. Sixte.  », en retirant sa capuche. Non il n'allait pas mentionner Rohàn ; après tout, ils ne se connaissaient pas vraiment, s'attaquant de temps à autres dans les couloirs. Fier et arrogant comme le Gryffondor qu'il était, il toisa férocement le frère Lestrange, le défiant du regard. Seul lui pourrait voir l'éclat de démence qui habitait les yeux de Charles lorsqu'ils se retrouvaient ensemble, et la faim qui le consumait. Réprimant un sourire satisfait, il se retourna vers la vipère brune. « Je vous rappelle qu'on a une mission a exécuter, alors si ça ne vous dérange pas, vos blagues de première année, vous vous les gardez pour plus tard. », dit-il en leur passant devant, prenant la tête du groupe. Jeune Gryffondor arrogant, la révélation de son identité lui avait donné un regain de confiance en lui et d'insolence. Qui ne resterait certainement pas longtemps impunie... Un Rouge et Or qui menait un groupe de Vert et Argent, un petit lionceau qui ne connaissait rien en matière de magie noire à la tête de trois vipères malfaisantes ; décidément, cette nuit était placée sous le signe de l'ironie. Profitant de cette énergie nouvellement acquise, il accéléra le pas. Ils ne seraient en sécurité qu'une fois dans la Forêt Interdite. Enfin, aussi en sécurité qu'on pouvait l'être dans l'endroit le plus dangereux du Royaume Uni.

Ils étaient comme une bande de chiens fous, de louveteaux jouant au chef. Avec leur manie de se passer les uns devant les autres pour assumer une miette de pouvoir, ils n'étaient pas discrets, pas en synchronisation, ce que Rohàn redoutait. Oh, il était le premier à vouloir commander, à aimer le pouvoir, mais il avait aussi des moments où ce n'était pas le plus important dans son esprit, où le bien de la mission passait avant celui de son égo.
Du moins, c'était jusqu'à ce qu'il ne tombe dans l'herbe mouillée, sans avoir le temps de crier de surprise ou de mettre les mains en avant, ne voulant pas briser sa baguette. Un léger grondement en sentant l'air s'échapper de ses poumons se fit entendre, et il se remit très vite sur ses genoux, jetant un regard noir à la silhouette encapuchonnée qui s'était permise de lui faire cette blague de mauvais goùt, prêt à lui faire gouter sa magie, jusqu'à entendre sa voix. Vicieuse, persifleuse, cette voix il l'aurait reconnue entre mille, celle de sa charmante petite sœur. Ne retirant pas sa capuche, mais sachant très bien qu'elle sentirait son regard enflammé sur elle sans cela, il serra les dents, n'osant pas croire qu'elle préférait faire passer ses envies de gamine avant leur mission. Et ca voulait commander, vraiment. « Si tu voulais me dire bonjour et avoir un calin, il fallait le dire plus tôt Alesya. Ta façon de te faire remarquer ne s'arrange pas avec l'âge. » Il prenait un ton de dérision, de sarcasme, bien qu'il n'en mène pas large au fond, ne sachant pas trop comment réagir à l'idée de se trainer sa baby sister dans les jambes. Devait-il l'attacher à un arbre et l'empécher d'être exposée au danger, comme son instinct le lui disait, ou lui foutre une bonne claque pour sa façon d'être ?
Se relevant tranquillement, il s'arréta cependant net en entendant la dernière voix de leur groupe s'élever, et une sueur froide lui couler dans le dos. Shit. Charles. Comme si là haut, quelqu'un se foutait vraiment de sa vie, on lui avait collé dans la même équipe, Charles, Alesya, et Sixte. Une envie soudaine de faire demi tour, d'abandonner une mission qui venait de voir ses chances de réussite s'effriter devant ses yeux, il se contint cependant, et fit volte face pour observer le jeune homme ayant baissé sa capuche. Même des semaines après, il ne savait toujours pas quoi penser de son arrivée dans l'Ombre, du pourquoi il venait ici, avec eux. C'était un Gryffondor, pas un tueur.
Sentant son regard sur lui, il resta donc de marbre, ne sachant que trop ce qu'il signifiait. Charles pensait pouvoir dominer un peu, maintenant, pensait que la présence des deux autres serpentards le mettrait à l'abri d'une action de Rohàn. Comme il se trompait. Le laissant le dépasser, le Lestrange remarqua la silhouette du garde chasse se découpant dans l'ombre de sa fenêtre, et siffla d'une voix basse, tirant sur le bras d'Alesya pour qu'elle avance, espérant atteindre le sous bois avant qu'il ne les remarque pour de bon. Ils n'étaient que des ombres sur de l'ombre, ils ne devaient pas se faire voir. Abandonnant pourtant bien vite le contact avec sa sœur, se préoccupant un peu plus de celui qui les avaient devancé, il eut tôt fait de le rattraper en quelques enjambées, et se voyant protéger des regards par les arbres, l'attrapa à la gorge, sans idée déplacée derrière la tête, pour l'instant.

« You don't fucking get to order me around, honey. » Un chuchotement grave et qui ne porterait sans doute pas jusqu'aux oreilles des deux autres, tandis qu'il appuyait sur sa trachée, dans un geste qu'il connaissait par cœur. Tu vois Charles, Rohan aussi est content de te voir o/

Quelle bande de bras cassés ils faisaient. Incapable de la moindre coordination comme si chacun voulait jouer au plus con. Alesya allait les battre à plate couture si elle continuait son petit jeu de peste inconséquente et Sixte n'en avait que faire. Si la fratrie Lestrange voulait s'entre-déchirer qu'elle le fasse lors d'un duel et que le vainqueur prenne la tête de l'Ombre anglaise. Mais qu'ils ne mettent pas sa vie et plus important encore sa mission en danger sinon il viendrait lui-même les torturer. Quant à Charles, même si Sixte avait pour lui une certaine tendresse il fallait reconnaître que ses connaissances en matière de magie noire était tellement réduites qu'elles ne valaient pas la peine d'être mentionnées. Aussi il fallait espérer de sa part des preuves d'intelligence conséquentes pour contrebalancer sa faiblesse magique. Et pour l'instant tout ce que le Bulgare voyait c'était un lionceau impétueux qui ne savait pas quoi faire de sa soirée à part essayer de montrer qu'il avait sa place.

Rien ne sonnait juste à ce moment là, le danger n''était plus leur priorité il fallait qu'ils disparaissent pour de bon, dégainant sa baguette il lança un sortilège de pulvérisation dans l'herbe du parc, le sortilège créa un écran de poussière et de sable semblable à une rafale de vent sur une place qui se déplaçait derrière eux, au moins le garde-chasse ne verrait pas distinctement et penserait avoir rêvé. Le petit groupe entrait maintenant dans l'aurée de la forêt et leur présence se faisait de plus en plus imperceptible, dans le doute Sixte propulsa une poignée de poudre de disparition instantanée du Pérou derrière eux, cachant aux yeux de tous leur présence.

« Je suppose que les présentations n'ont pas besoin d'être faites... Maintenant si l'un de vous veut jouer les chefs qu'il le dise. Dans le cas contraire admettons que nous sommes tous les quatre dans un sacré pétrin. Chasser la licorne s’avérera déjà compliqué, si en plus on se tire dans les pattes aucun de nous ne sortira de cette forêt satisfait ou même en vie.» Sixte ne voulait pas prendre la tête des opérations, ses connaissances en matières de magie étaient trop différentes de celles de ses camarades pour qu'il pût prétendre au trône. Ils étaient tous les trois semblables sur leurs bases aussi qu'un d'eux prenne la tête était logique. Mais Sixte n'y voyait pas une nécessité, l'anarchie dans un groupe de quatre était aussi une bonne solution, il fallait juste qu'ils s'accordent leur confiance et même s'ils se connaissaient tous plus ou moins bien, ce n'était pas gagné. Charles ferait forcément confiance à Rohàn, Rohàn forcément confiance à Charles, Alesya ferait probablement confiance à son frère même si elle voulait sa place et réciproquement. Et lui qui lui ferait confiance ? Il était le nouveau, bien sûr il avait fait ses preuves, mais il restait l'électron le plus neuf de la bande, il était normal qu'on le guette du coin de l'oeil. Mais ces considérations devraient attendre, ils avaient une longue route à faire et une difficile chasse à mener.

Peut-être aurait-il dû se rendre à Pré-au-Lard. Peut-être aurait-il dû boire pour faire taire son deuil, un soir de plus à supporter, une nuit de plus à gâcher. Peut-être aurait-il dû trouver un semblant de compagnie. La tête entre les mains, attablée au centre de cette cabane qui lui servait de foyer, il était sobre pourtant, assez pour entendre les commotions, dehors, les voix. Ils étaient nombreux, suffisamment pour faire tiquer le garde-chasse qui se redressa, allant ensuite se planter près de sa fenêtre. Comme une petite vieille tirant son rideau pour observer les voisins trop bruyants, Byron scruta la nuit et pu jurer voir des ombres bouger. Dans l'instant, il attrapa ses pompes et les enfila, saisissant ensuite son arbalète et ouvrant la porte à la volée. S'aventurer près de la forêt était déjà une connerie, mais alors la nuit... Ils avaient intérêt à avoir l'estomac bien accrochés, les merdeux qui s'aventuraient près de la lisière à une heure pareille, car le gardien des clés et des lieux n'était pas d'humeur. « Qui est là ? » lança-t-il à la volée, descendant les quelques marches de son perron et s'approchant de la barrière de bois rustique qui délimitait 'son' espace. « Montrez vous avant que je me décide à tirer des flèches à l'aveugle ». Sa voix tonna, sérieuse, alors qu'il armait son arbalète, tenant encore la clenche, histoire que la menace en reste une, histoire d'éviter de faire, tout de suite, une brochette de première année trop courageux. Ils n'étaient pas loin, près de sa cabane, près des arbres, il pouvait le sentir... quoi que. Etait-ce des capes, qu'il voyait voler, en haut du parc ? What the fuck ?

IEntre la présence de Charles, Rohàn jouant les coqs et Sixte se montrant un peu trop démagogue et raisonnable, Alesya réalisa qu’elle avait du mal à déglutir, à respirer correctement. L’adrénaline devait prendre le dessus et elle ne connaissait que trop bien ce rush. Mission foireuse, danger imminent… la dernière fois qu’elle s’était retrouvée dans pareille situation, Loki l’avait retrouvé à moitié éventrée au beau milieu de la gare de Pré-au-Lard. Elle était, à l’époque, partie seule et l’avait regrettée mais face à ce groupe qu’on lui imposait, elle n’était pas certaine de s’en sortir mieux. Elle était passée d’une assurance folle et ivre à un sérieux amer et froid en voyant son frère se redresser, en le voyant filer vers le Gryffondor et l’agresser comme ça, brutalement. Elle ne saisissait pas tout et elle détestait ça, parce qu’elle sentait que cette espèce de rivalité, cette supériorité que son ainé cherchait à imposer allait leur couter cher, une fois perdus dans les bois.

L’espace d’un instant, elle décida de relâcher la pression qui tendait ses épaules. Sixte leur avait offert quelques minutes, réflexe intelligent, les dissimulant et neutralisant surement la menace que représentait le Garde-chasse. La petite brune ne le craignait pas tant que ça mais il fallait être réaliste, McFarlane, tout hybride méprisable qu’il puisse être, connaissait mieux les bois qu’eux quatre réunis. S’il le désirait, il les courserait en les poussant directement vers les centaures ou pire, les araignées géantes et aucun d’eux ne pourraient l’empêcher sans se retrouver face à une arbalète. L’éloigner n’était pas plus mal et certainement, les tours du jeune Bulgare seraient suffisant, pas vrai ? Nope, pas vrai. « Qui est là ? » elle laissa un frisson courir le long de sa colonne vertébrale et avant qu’elle ne puisse réagir, il surenchérit, de sa voix forte et rauque, pas lycane pour rien « Montrez-vous avant que je me décide à tirer des flèches à l'aveugle ». L’idée en elle-même n’était pas si effrayante, il y avait peu de chance qu’il touche quelqu’un en tirant au hasard mais ce soir, la petite Lestrange se demandait si le hasard et la chance étaient réellement de leur côté. Dans le doute, elle serra sa baguette et jetant un rapide coup d’œil à son frère, à Charles et à Sixte elle braqua ensuite son regard en direction du château. Il devait y avoir une autre mission dans les parages, ou un tour de garde de Préfets, ou quelques abrutis perdus dans le parc… Dans le doute, elle arqua son bras et balança un sort et comme un feu d’artifice, la gerbe d’étincelle violette qui s’échappa de sa baguette alla s’écraser un peu plus haut dans le parc, assez haut pour déranger le saule cogneur, rebondissant pour partir vers le lac. Si la provenance était claire, elle espérait que quelque chose attirerait l’attention du garde-chasse. Intuition féminine ou semblant d’idée quant à la localisation de certains de leurs camarades, restes de rumeurs entendues dans les couloirs... « Je crois que j’viens de l’envoyer sur Lucifer. Oh et puis merde, il voulait faire ses preuves. Voilà, loup-garou, qu’il fasse ses preuves… » souffla-t-elle sans montrer de pitié ou d’inquiétude.

Faisant volte-face, elle regarda son autre frère, celui qu’elle avait toujours connu, pas le bâtard nouvellement arrivé et d’une voix mauvaise, narquoise, elle lança « Sixte a raison, arrête de te la jouer ‘haine ancestrale Serpy-Gryffy’, c’est pas le moment, sauf si tu tiens réellement à ce que je passe devant ». Rohàn pouvait mener, c’était dans son sang, s’il se concentrait, s’il faisait l’effort de ne tuer personne. Cela faisait chier Alesya de l’admettre mais pour le moment, elle était prête à lui céder ça. Croisant le regard de Sixte, elle chercha un peu de soutient, même silencieux, le même genre d’appui que dans leurs lettres échangées. Dans ce bordel, il était le seul à qui elle pouvait faire confiance, probablement, même si elle ne comprenait pas vraiment le délire de Rohàn face à Charles.

Rohàn était au final moins prèt à cette mission qu'il n'avait bien voulu le faire croire jusque là. Il n'aurait jamais du réagir comme ça devant Charles, pas alors qu'ils étaient en lieu découvert, trop près de la chaumière du garde chasse pour qu'il ne s'apercoive de rien s'ils discutaient. Certes, Alesya n'arrangeait rien à le faire tomber et à se moquer de lui, mais il n'avait plus quinze ans et il devait être capable de supporter la pression, de la laisser couler sans s'accrocher. Il aurait bien le temps après leur macabre promenade de s'expliquer avec elle sur la façon dont elle se comportait avec lui. Sixte leur offrit un peu de temps en les recouvrant d'un nuage de poussière et Alesya enchaina en envoyant Byron chasser d'autres membres de l'ombre – ce qui ne lui faisait vraiment ni chaud ni froid, à vrai dire – ce qui voulait dire que c'était désormais à son tour de reprendre le contrôle et de se montrer à la hauteur de la tâche. Comme le bulgare l'avait dit, attraper une licorne serait déjà bien assez difficile sans qu'il ne cherche à arracher en plus la tête du premier qui le regardait de travers, mais laisser filer son tempérament à la con était comme demander à Alesya de se comporter comme une poufsouffle ; impossible.
Regardant un long moment sa sœur qui venait de lui dire qu'elle prendrait la tête des opérations s'il ne se bougeait pas, il finit par gronder un peu, et abaissa les yeux pour les rediriger vers l'orée des bois, laissant Charles se défaire de sa poigne sans broncher. Merde. Il pouvait le faire.

Un autre regard énervé en direction du gryffondor pour lui faire remarquer que son insolence était dument notée – et qu'il la paierait cher plus tard – fut tout ce qu'il s'accorda avant de redresser les épaules, de prendre une inspiration, et de chercher au fond de son être les capacités qu'il avait à diriger une bande de bras cassés. « Bon bah bougez vous, on a pas toute la nuit. » Monsieur mauvaise foi avait parlé, on avance !
Sous les branches, il faisait encore plus sombre, et c'était à peine si le Lumos qu'il avait lancé lui permettait de voir où mettre les pieds, mais il distinguait une sorte de sentier qui était tout aussi bon à suivre que se risquer dans les orties et les buissons sinistres qui les entouraient. Il valait mieux faire le moins de traces possibles pour l'instant, et ils penseraient ensuite à couper court vers l'hypothétique licorne qui les attendaient.
Les bruits étaient distordus dans l'obscurité et à part la respiration de ses alliés, Rohàn ne reconnaissait rien. Il avait toujours l'impression d'entendre des sabots, mais n'ayant jamais bien réussi les soins aux créatures magiques, il avait totalement zappé la présence de centaures dans les bois et mettait ce bruit sur le compte de son imagination ; il n'y avait pas de licorne aussi près, ils l'auraient apercu, cette pouffiasse de poney brillant à décoller la rétine.

Le chemin se divisa bientôt, et il soupira, ne sachant par où aller. Pour un peu, l'un des deux ramenait en cercle vers l'extérieur, le parc, et un Byron énervé, ce qui n'était pas vraiment pour lui plaire, ou s'enfonçait vers des endroits inconnus et franchement pas agréables. Mais puisqu'il devait les guider, ou du moins tenter de contrôler l'action, il allait devoir choisir.. ou poser la question. « A votre avis, on prend par où ? Merlin, Alesya, regarde où tu fous les pieds ! » Franchement, quelle gourdasse, elle n'était pas capable de marcher ? À coup sur elle avait mis des talons pour sortir, comme s'ils allaient s'amuser dans les rues de l'Allée des Embrumes. Faisant demi tour pour l'aider à se relever, brusque et énervé, il grimaça en voyant le sang qui brillait sur les branchages et mousses du sol. Une belle trace fraiche pour quiconque, humain ou créature, cherchant à les trouver. Merci la frangine.
Lançant le premier sort qui lui venait à l'esprit pour nettoyer les dégats, il eut cependant à peine le temps de se protéger les yeux et d'envoyer balader sa sœur derrière lui avant de se prendre une armée d'épines de bois et de petits caillous dans la tête. Erf. La prochaine fois qu'il lancerait un Réducto, peut-être qu'il réfléchirait au fait qu'il était un peu trop bourrin pour ne pas détruire uniquement le sang, mais aussi tout le reste. Un beau trou fumant ornait désormais le sol et le serpentard sentit un liquide chaud bien familier commencer à couler dans son cou, sans savoir encore où exactement il était blessé.
Bravo Lestrange, comment aggraver la situation en deux secondes chrono.

Elle avançait, tirant sur son dos, ses épaules, forçant pour rester bien droite et regarder au loin, dans cette pénombre à peine troublée par la lune qui, difficilement, passait les branchages au-dessus d’eux. Peut-être aurait-elle dû être plus attentive, un peu moins fière, peut-être aurait-elle dû être plus débrouillarde… une douleur vive au creux de la main et au niveau des genoux lui indiqua rapidement qu’elle venait de se vautrer, de trébucher et ce même avant qu’elle ne réalise le petit vol plané qu’elle venait de faire. Idiote. Gourde. Pestant, elle voulut se relever seule mais bien vite, une voix pleine de reproches l’engloba et une main solide se ferma autours de son poignet, la tirant vers le haut. Rohàn, critique et mauvais, la réprimandait, surement à raison puisqu’elle n’était pas foutue de tenir debout quand pourtant elle lui reprochait de se vautrer ( et l’aidait à le faire, à grand renfort de croche-pates sournois et bas ).

Elle saignait, elle pouvait le sentir, mais ce n’était trois fois rien, rien d’inquiétant en tout cas… Rohàn décida cependant d’en faire tout un plat. Il avait peut-être raison mais ça, elle n’était pas prête de le reconnaître, oh non… et alors qu’il faisait preuve de trop de zèle, lançant un sortilège qui presque aussitôt lui revint à la figure, Alesya dû retenir un sursaut de rire. Dans la précipitation, elle n’avait pas remarqué qu’il l’avait poussé pour la protéger, trop occupée à se moquer, parce qu’elle se sentait mieux quand elle n’était pas la plus faible, pas la plus maladroite, quand Rohàn faisait des erreurs. C’était cruel, surement, idiot aussi, mais c’était surtout plus fort qu’elle. Elle avait beau l’admirer, elle savait qu’ils passeraient une vie toute entière à se tirer la couverture pour tenter d’avoir le dessus. Se dépêtrant de l’arbre contre lequel il l’avait envoyé pour qu’elle échappe à l’explosion qui le laissait blessé et sale, elle repoussa toute sympathie, toute compassion, luttant un instant. Il aurait surement été plus simple de s’occuper de lui, de rentrer simplement au château… mais non. Ils étaient en froid, ils étaient en mission surtout, aussi referma-t-elle ses doigts autours de sa baguette, jetant un regard mauvais à son cadet. « Tu restes avec le bouffondor, sinon tu vas nous ralentir, frérot » lança-t-elle, d’un ton acide. Il y avait quelque chose de très moqueur dans sa voix et même si elle s’en voulait de maltraiter Charles à cet instant, elle voulait se montrer froide, pragmatique, réaliste. Dans la forêt, son meilleur atout serait Sixte. Pas Charles qu’elle voulait protéger, étrangement, pas Rohàn qui chercherait à la couver pour assurer sa supériorité. « Nous, on file par-là, vous n’aurez qu’à prendre l’autre chemin, il doit vous mener de l’autre côté de la clairière, j’suis sûre… » lança-t-elle en pointant, pour eux, un sentier menant clairement vers les profondeurs du bois, là où Byron McFarlane refusait de les emmener lorsqu’il aidait le professeur de Soin aux Créatures Magiques.

Sans plus de cérémonie, elle passa à côté de Sixte, s’engouffrant entre les buissons pour disparaître dans la pénombre, celle menant à la clairière des licornes, maugréant simplement à l’intention de son frère « et évite de te vider de ton sang, j’ai pas envie de devoir expliquer à Père comment Lucifer est d’un seul coup devenu le seul héritier mâle de la famille… » Ultime coup bas avant de disparaître de la vue des deux qu’elle laissait derrière, piètre leadeur sur le coup.

Charles marchait silencieusement aux côtés d'Alesya, quelque peu perdu dans ses pensées, ne prêtant pas vraiment attention à tout ce qui l'entourait. Ce chemin, il le connaissait bien ; cela faisait six ans qu'il parcourait la Forêt Interdite en long, en large et en travers pour aller se faire quelques frayeurs nocturnes, surtout les soirs de pleine lune, avide des voir ces créatures sanguinaires dont il rêvait tant, ou simplement pour aller respirer un coup, s'amuser et décompresser. Le silence qui pesait dans les bois amplifiait chaque craquements de brindilles sous leurs pieds, chaque froissements de feuilles mortes qui jonchaient le sol, les rendant facilement repérable par le garde chasse ou pire... Mais ils n'avaient pas de temps à perdre, ils en avaient assez gaspillés en retrouvailles et « amusements », il fallait qu'ils se dépêchent un peu. De plus, ils étaient quasiment certains d'avoir envoyer le McFarlane dans la direction opposée.
Soudain tiré de ses méditations par la voix de Rohàn râlant après sa soeur, Charles se retourna. Pris dans ses pensées, il n'avait pas vu la Serpentard qui marchait pourtant juste à côté de lui tomber et s'étaler sur le sol, continuant d'avancer jusqu'à ce que la voix grave du Lestrange ne le ramène à la réalité. Mais le plus beau était encore à venir. Apercevant des reflets rougeâtres à la lueur de la baguette du leadeur, Charles en avait déduit qu'Alesya s'était ouverte et ce sang, frais, risquait d'appâter plus d'une créature au dessein belliqueux. Rohàn, qui avait sentit la menace aussi, avait décidé de ne laisser aucune trace, mais c'était sans compter sur ses talents de bourrin. Franchement, quel idée... Un simple Evanesco aurait suffit, plutôt que faire créer une explosion. Levant les yeux au ciel, Charles retint un léger soupir. Alors c'était ça les Lestrange ensemble ?! Ce monstre de violence et cette petite peste qui agaçait l'école entière ne se résumait qu'à deux gamins ne sachant pas marcher et aggraver leur situation qui n'était déjà pas bien confortable. Trouver une licorne n'était vraiment pas un jeu d'enfant, toutes ces odeurs de sangs et tout ce raffut n'allait certainement pas les y aider. Cependant, Charles ne put s'empêcher de réagir à l'explosion et à l'idée que Rohàn ait pu se blesser. Se ravisant à temps, il se félicita finalement d'avoir continué à avancer un peu plus tôt, se retrouvant ainsi en retrait, hors du champ de vision d'Alesya. Elle n'avait pas compris l'assaut du Serpentard sur lui plus tôt, mais il n'allait certainement pas lui donner d'autres occasions de le faire. Restant impassible du mieux qu'il pouvait,
« Tu restes avec le bouffondor, sinon tu vas nous ralentir, frérot » Charles lança un regard noir vers Alesya, pas sûr cependant qu'elle puisse le voir. Il était peut-être le Gryffondor de l'équipe, mais au moins il n'avait pas fait de conneries jusqu'à présent, contrairement à elle qui s'amusait à traîner son aîné dans la boue pour au final, se rendre compte qu'elle était au même niveau que lui. Piqué au vif, et ce parce que c'était elle qui l'avait dit – il l'aurait bien moins mal pris si cela était sortit de la bouche de Sixte ou même Rohàn – il se retint cependant de tout commentaire, préférant ne pas aggraver un peu plus la situation. De plus, elle lui offrait l'alternative qu'il avait souhaité depuis qu'il savait que Rohàn était avec lui, même si elle les envoyait dans une direction dangereuse. A croire qu'elle les considérait vraiment comme des boulets destinés à finir comme appât pour les Acromentules...

Enfin, elle avait disparu dans la pénombre aux côtés de Sixte, ayant toutefois pris soin de rabaisser une nouvelle fois son aîné. Charles ne connaissait pas vraiment leur histoire, à vrai dire, il ne connaissait pas grand chose des Lestranges tout simplement – les fois où lui et Rohàn se retrouvaient, ils ne prenaient pas vraiment le temps de se parler même si l'envie y était, quant à Alesya, ils avaient rarement l'occasion de se poser pour parler tranquillement – et leur petite joute verbale agaça un peu plus le Gryffondor. Se séparer ne serait finalement pas une mauvaise idée si ça les empêchait de se tirer constamment dans les pattes. Charles attendit un moment, scrutant la pénombre pour voir l'éclat faibles des baguettes des deux Serpentards disparaître au loin, pour pouvoir se tourner vers Rohàn. « Laisse moi voir ! » Il trouva rapidement la blessure, quelque part au-dessus de son oreille gauche, parmi les boucles soyeuses du Lestrange. « Episkey ! » La blessure superficielle se referma aussitôt, ne laissant aucune trace, et se reculant un peu, Charles utilisa un sortilège de Récurage pour nettoyer le sang et la terre qui maculaient les vêtements de Rohàn. La pureté appelait la pureté, et ce n'était certainement pas dans cet état qu'une licorne se pointerait devant eux. « La prochaine fois, laisse moi m'occuper de la magie et on te laissera les violences physiques pour la licorne, hein ?! » dit-il, taquin, ayant retrouvé l'habituel sourire qu'il arborait à chaque fois qu'il était en sa compagnie, avant de prendre sa main et de l'entraîner avec lui sur le chemin aux araignées sans vraiment prendre les devants. Il ne voulait pas se faire plaquer à nouveau contre un arbre. Du moins, pas de suite...

Rohàn savait très bien qu'il n'était pas au mieux de sa forme pour agir ainsi et se blesser de manière aussi idiote, mais la présence d'Alesya lui portait comme toujours sur les nerfs, le rendant instable - du moins plus encore qu'à l'accoutumée - et il ne pouvait plus réfléchir ou utiliser les bons instincts de duelliste qu'il avait engrangé depuis des années. Se faire rabaisser par sa petite sœur était une juste punition pour son erreur, mais il devait tout de même s’empêcher de grincer des dents et de répondre de façon cinglante, pour lui prouver que lui aussi pouvait jouer à ce petit jeu là. Ce qui le gênait aussi, c'était la présence de Charles avec eux. Il avait l'impression d'avoir quelque chose à lui prouver, un standing à respecter, alors que non, il n'avait rien à se reprocher. Charles l'avait déjà vu à son pire, après tout, il savait ce qu'il était, alors pourquoi se craquer devant lui faisait tant de mal à son égo ? Aucune idée, mais en tout cas, il ne recommencerait plus.
La proposition d'Alesya arrivait comme une fleur, ce qui le rendit automatiquement suspicieux ; pourquoi les mettre ensemble, lui et Charles ? Il ne pouvait s’empêcher de penser qu'elle avait des soupçons, et qu'elle les suivrait pour s'en assurer, ce qui voulait dire qu'il ne pourrait rien faire au gryffondor. Damnit. Il aurait pourtant eu bien besoin de se calmer les nerfs. La partie un peu plus rationnelle de son esprit lui rappela cependant que Sixte et Alesya étaient capables de travailler ensemble, et que c'était sans doute simplement parce que sa sœur ne voulait pas être vue en compagnie d'un rouge qu'elle le lui refourguait. Pas de chance pour elle, ce gryffondor là, il l'aimait plutôt bien.

Décidé à se montrer donc le plus mature, il se contenta de hocher la tête, malgré la douleur qui se manifestait, et il accueillit sans broncher sa dernière pique avant de voir la silhouette de sa soeur disparaitre. C'était de bonne guerre, ça, et il trouvait ça même mignon qu'elle lui demande de ne pas mourir. Derrière la garce, se cachait toujours sa baby girl.
Se laissant acoster par Charles, il leva un sourcil en se voyant totalement soigné et nettoyé en un tour de baguette, clignant des yeux en sentant toute douleur s'effacer. Le gryffondor venait de faire un bon dans son estime, Rohàn ne savait pas lancer un sort de soin efficace et indolore. "Si tu me soignes pour ensuite me dire d'aller me faire empaler par une licorne, c'est contre productif, j'espère que tu le sais." Un merci lui aurait arraché la langue, assurément, mais il se laissa guider par la main, trouvant un certain confort à avancer en sa compagnie sans lui sauter dessus pour le plaquer contre un arbre. Sa libido s'était certes réveillée un peu, mais il savait se retenir, et la mission était plus importante que le sexe.

Un mauvais pressentiment commença cependant à courir le long des bras du serpentard, lui hérissant le poil et remontant le long de sa gorge. Il n'aimait pas être exposé aux yeux de tous, et les buissons les entourant étaient soit trop calmes, soit un peu trop bruissants pour que le vent y soit pour quelque chose. Lâchant Charles, il raffermit sa prise sur sa baguette, se mettant en retrait de quelques pas. "Tu ouvres le chemin, je te couvre. J'ai l'impression qu'on va avoir très vite de la visite..." De quelle sorte, aucune idée, mais surement pas amicale pour lui.

Wrong place, wrong time. La forêt interdite dont une partie s’étendait au bord du parc de Poudlard n’était jamais l’endroit le plus accueillant, mais la nuit, c’était, si possible, pire encore que le jour. Il y avait dans ces bois, une force étrange qui poussait à l’inquiétude, à la crainte. Les plusieurs centaines d’espèces animales magiques gargouillant en ces lieux ou la nature hostile et parfois néfaste ? Sans aucun doute un peu de tout cela. Les forêts dangereuses étaient le domaine de prédilection des harpies. Non seulement parce qu’elles participaient grandement de la menace des dits endroits, mais également parce qu’elles n’avaient pas vraiment de don pour le camouflage et que la peur était encore le meilleur moyen pour éviter la visite inopportune des autres êtres magiques. Les Femmes-oiseaux* avaient, de plus, un sixième sens, celui de sentir les âmes. De la même manière que les humains sentent une odeur, captent un son, perçoivent une image, les harpies devinent les âmes. Celles des êtres, des créatures et des plantes. Celles des vents et des eaux. Très utile pour discerner une présence et donc un potentiel danger.
La semi-harpie avait trouvé en cette forêt, un refuge. Elle s’y sentait plus à l’abri que n’importe où ailleurs dans Poudlard et ce, malgré les remarques incessantes des professeurs sur les risques auxquels s’exposaient les petits curieux ou les rebelles stupides (ils n’utilisaient pas exactement ces termes, mais l’idée était celle-ci) qui osaient s’y aventurer. Elle s’aventurait chaque fois plus loin dans les profondeurs des bois et même s’il était rare qu’elle y croise une âme hostile ou humaine, elle avait remarqué la présence, de plus en plus fréquente, d’élèves. En petits groupes ou de façon solitaire, ils avaient investi l’endroit pensant trouver un peu de calme pour pratiquer toutes sortes d’activités plus ou moins illicites. Andy n’aimait pas cet envahisseur soudain qui contre carrait souvent ses plans, mais telle que sa nature, prudente, discrète et indifférente, le lui ordonnait, elle s’éloignait des intrus sans mettre le nez dans leur affaires.

Cette nuit-là, la petite Poufsouffle avait, encore plus que d’ordinaire, l’intention de rester à l’écart de tout mouvement humain. Elle avait fermé son gilet large aux couleurs de sa maison lourdement posé sur ses frêles épaules et tiré sa capuche pour cacher les boucles blondes qui s’échappaient de sa queue de cheval initialement haute mais dont l’élastique avait perdu de sa fermeté et était descendu vers le milieu arrière de son crâne. D’un pas rapide elle s’était dirigée vers la forêt. Les cris du garde-chasse l’avaient avertie. Méfiante, elle se concentra pour accroitre la portée de chacun de ses sens et resta un instant immobile, en alerte. La présence de deux personnes s’imposa à elle. Vers l’est, ou plein sud ? Andy tournait la tête à droite puis à gauche, rapidement, les yeux grands ouverts et le cou tendu comme un hibou dans la nuit. Concentrée sur Alesya et Sixte pour s’éloigner d’eux le plus possible, Andy ne se rendit compte de la présence de l’autre duo qu’un fois qu’elle entendit leurs voix. Se maudissant intérieurement de son inattention, Andy chercha sa baguette sans la poche intérieure de son pull. Où était cet inutile bâton quand on avait besoin de lui. La jeune fille réprima un grognement et se tapit dans l’ombre des arbres entre lesquels elle se trouvait. Faire taire le vent, le faire souffler vers elle pour porter les sons dans sa direction et non dans la leur. « J'ai l'impression qu'on va avoir très vite de la visite... » Surtout ne pas faire de bruit.

Spoiler:

Jamais on n’a vu, jamais on ne verra, la famille sombral voler avec les hippogriffes. Lou-Sixte était un sombral perdu au milieu d’une bande d’hippogriffe, il aurait pensé que Rohàn et Alesya étaient de puissants sorciers dotés d’un cerveau à toute épreuve… il semblerait que l’épreuve de la cohabitation était déjà trop dure pour eux. Quant à Charles, ce garçon avait du potentiel en tant que papier-peint. Depuis le début de leur mission il n’avait rien fait de mal, non, mais il n’avait rien fait de bien non plus. Voyant Alesya chuter devant lui, oui il marchait derrière, primo parce qu’il ne connaissait pas aussi bien la forêt qu’eux et parce qu’il valait mieux quelqu’un qui savait se servir d’une baguette pour couvrir leurs arrières. Avec les Lestrange… eh bien disons qu’il se souvenait des prouesses pyrotechniques de Lucifer et n’avait pas très envie de finir avec les fesses roussies.

NON PAS UN RED… Et voilà ! Rohàn dans toute sa splendeur, un gros bras qui se voulait plus intelligent et subtil qu’il ne l’était… Sixte soupira de façon très ostentatoire. Comment pouvait-on réfléchir aussi peu alors qu’on avait une aussi grosse tête ? Plus les choses avancées plus il était conforté dans son idée qu’Alesya, qui était probablement une gamine pourrie gâtée, ingrate et inconséquente par moment, représentait leur avenir aux dépends de son frère. Assistant à la scène un peu passif il emboîta le pas à Alesya lorsqu’elle indiqua le chemin qu’ils prendraient tous les deux, ne pouvant résister à un petit rire en entendant la dernière pique de la Princesse. Avant de partir il lança un dernier regard à Charles qui semblait ravi de la chose bien qu’il tentât de le dissimuler… A ce rythme leur secret tiendrait trois jours.

Ils marchaient tous les deux en silence côte à côte, et cela ne plaisait pas trop à Sixte. « Alesya, toi qui connait mieux cette forêt que moi tu as une idée de vers où on va ? Et surtout quelles bestioles nous attendent ? » Anxieux ? Non, il était impatient. Depuis quelques minutes ils marchaient et les ombres jouaient un étrange balais, il se trompait sûrement mais quelque chose les suivait, quelque chose ou quelqu’un. Peut-être que les deux autres membres avaient plus de chance, même s’il était autorisé d’en douter, avec Rohàn à ses côtés Charles devrait non seulement veiller à ne pas être blessé mais aussi que Rohàn ne le blesse pas ou ne nuise pas à sa propre santé. Quelle misère... « Il y a quelque chose qui marche à côté de nous. Cela fait bien cent mètres que ça avance à notre rythme et vu la discrétion dont ça fait preuve ça ne peut pas être Rohàn et Charles qui se sont trompés de chemin. » Cela ne lui disait rien qui vaille. Alesya était en état de se battre mais pas au mieux de sa forme, il aurait peut-être dû s’occuper de ses blessures mais avait estimé qu’elle était assez grande pour se faire un pansement si elle le voulait. Sa baguette à la main Sixte était prêt à lancer un sortilège pour clouer au sol l’animal. L’action, le danger lui avaient presque fait oublier pourquoi ils étaient là. La licorne… elle allait être longue cette mission nocturne.