Ecrasant sa cigarette contre le rebord de la fenêtre, Lucian inspira une dernière fois la fraicheur de la nuit, puis rentra dans le dortoir. Légèrement tendu, il s’affala sur son lit, fixant le plafond silencieusement. Blake et Zane devaient se trouver dans la salle commune, mais Lucian n’avait pas réellement envie de parler ce soir. A vrai dire, il ne savait pas ce qu’il voulait en ce moment, ni de quoi il avait réellement envie. Dénérys semblait de plus en plus inaccessible, et il se lassait des petites pimbêches qui lui tournaient autour de temps à autre. Il n’éprouvait même pas l’envie de s’envoyer en l’air pour s’occuper un minimum entre deux cours. Le Serpentard était tout aussi bien perdu dans ses sentiments, que dans ses préoccupations premières, telle que l’ombre. Le mois dernier l’Ombre avait dû se révéler dans les couloirs du château, terrifiant les sang-de-bourbes, ou tout simplement les autres sorciers. Mais Lucian était las de tous ces petits jeux de chat et de souris entre l’Ombre et l’Ordre, il avait hâte qu’une guerre se déclare enfin, et que l’Ombre puisse enfin dominer Poudlard. Alors il attendait les ordres, il attendait tout en surveillant Caelie qui semblait de plus en plus distante avec lui en ce moment. Sa petite sœur lui cachait quelque chose, il en était certain, il en mettrait sa main à couper. Mais la connaissant, il savait parfaitement que jamais elle ne lui dirait ses secrets, surtout si Lucian se trouve être opposé à ses idées. Parfois il avait du mal à comprendre ce qu’il pouvait se tramer dans l’esprit de sa sœur, esprit bien plus tordu que le sien. Il était loin d’être le pire des Serpentards du château, il le savait, et ça lui convenait tout à fait. Son patronyme l’aidait déjà pour pas mal de choses, et effrayait la plupart des élèves, tous se doutant qu’il faisait partie de l’Ombre. Il n’éprouvait donc pas le besoin d’incarner plus de crainte, et puis il n’avait jamais recherché à être le vert et argent le plus détesté du château, il souhaitait juste être le plus respecté.
Soupirant, il finit par se redresser sur son lit, et tout d’un coup la porte du dortoir s’ouvrit, laissant entrer Blake. Ce dernier évoqua des futilités, Lucian faisant mine d’être intéressé par les dires de son ami. Mais il ne pouvait duper le Serpentard, et Blake décida qu’ils avaient besoin de boire un coup tous les deux. Acceptant, Lucian tira une bouteille de whisky pu-feu de sous son sommier, et en but une gorgée, passant la bouteille à Blake. Les deux camarades commencèrent à délirer, buvant le breuvage alcoolisé sans réellement se rendre compte de ce qu’il faisait, du nombre de gorgées qu’ils avaient déjà ingurgité. L’alcool monta lentement jusqu’au cerveau du vert et argent, embrouillant ses pensées déjà floues d’ordinaire.

Au bout d’un temps, Lucian décida de sortir prendre l’air, se sentant soudainement morose. Sortant des cachots d’une démarche peu assurée, il arriva dans le Grand Hall, et aperçut non loin de loin une Poufsouffle qu’il connaissait bien. Regardant l’heure sur sa montre, il s’aperçut qu’il était minuit passé. Intrigué du pourquoi de la présence de Sparkle à cette heure-ci dans le château, il décida de la suivre, sur un pur coup de tête. A vrai dire, cela faisait quelques temps qu’il hésitait à revenir vers la brunette. Il savait qu’il avait complètement foiré le soir d’Halloween, et qu’elle devait certainement le détester à présent, mais sans réellement savoir pourquoi, il regrettait. Il regrettait parce que Sparkle avait été la fille avec qui il était resté le plus longtemps en couple, elle avait été parfaite en tout point, ne s’étant jamais ennuyé une seule fois à ses côtés. Seulement il avait dû mettre un terme à tout ça, déjà parce qu’il avait pris être fiancé à Orphée Dolohov, qu’ensuite Dénérys avait commencé à ensevelir ses pensées, et l’Ombre commençait à trop peser sur lui, et tout comme il l’avait craint, elle s’était servie de Sparkle pour tenter de le blesser, lui.
Tentant de garder une certaine distance entre Sparkle et lui, il s‘engouffra dehors, sur ses traces. Le froid de février ne le fit pas de suite frissonner, l’alcool affluant toujours dans son sang, lui donnant l’impression d’avoir chaud. Illusion pure. Il la vit se diriger vers la forêt interdite, d’un pas rapide. Lucian avait du mal à comprendre pourquoi il se trouvait là, à cette heure de la nuit, à suivre la brunette qui ne voudrait certainement pas lui adresser la parole. Certes, il le comprenait, mais il n’était pas sûr d’avoir le bon comportement en cet instant-même, surtout avec l’esprit tout embrumé par le whisky. Elle s’engouffra dans la forêt. Il y faisait plus sombre que dans le parc, et les bruits que l’on pouvait entendre entre les arbres étaient capables de donner la chair de poule à n’importe qui. Lucian, sur la défensive, décida de sortir sa baguette de sa poche. Il sentit soudainement Sparkle accélérer le pas. Le Serpentard avait du mal à la suivre sans se prendre une racine dans les pieds, il avait aussi beaucoup de mal à rester discret, ses pas se faisant lourds, trainassant dans les feuilles mortes. Tentant de se concentrer, de garder ses pensées cohérentes, il se rendait compte qu’il avait perdu la poufsouffle des yeux. Tournant sur lui-même, essayant d’écouter le moindre bruit qui pourrait le guider afin de retrouver la jeune femme, il alluma sa baguette. Lucian avançait lentement, fronçant les sourcils, hésitant sur la destination à suivre. Devait-il l’appeler ? Ou devait-il faire demi-tour et partir ? La deuxième solution serait la plus intelligente, seulement, il n’était pas sûr de savoir revenir sur ses pas. Il regretta instantanément d’avoir bu avant de suivre bêtement Sparkle dans la forêt interdite. Mais bien qu’il tentait de se le cacher, il craignait qu’il arrive quelque chose à la brunette. Il savait qu’elle était forte et courageuse, mais malgré tout le mal qu’il avait pu lui faire, il tenait encore à elle. C’était idiot, voir absurde, mais c’était plus fort que lui.
Tout à coup, il entendit un bruit sourd non loin de lui. Se figeant, il fit la première chose qu’il lui vint à l’esprit, il l’appela ;

« Sparkle ? »

Sa voix était enrayée, rauque, et résonna difficilement aux alentours, mais il ne voulait pas non plus attirer l’attention de n’importe quelle créature rodant dans les parages. Il avait déjà bien du mal à mettre un pied devant l’autre tout en gardant les yeux ouverts, il se voyait mal se défendre contre une acromantulas, ou n’importe quel monstre. Avançant, baguette éclairant son chemin, il essaya de tendre l’oreille afin de retrouver la jeune femme. Quelques mètres plus loin, il entendit de nouveau quelque chose. Bifurquant à droite, quelle ne fut pas sa surprise en apercevant Sparkle, à quelques mètres de lui, par terre. A peine fut-il quelques pas vers elle, que la jeune femme recula, s’aidant de ses mains. Se stoppant, Lucian se pinça l’arête du nez, inspirant une bouffée d’air. Sans savoir pourquoi, la voir être effrayée ainsi par lui, le blessa plus qu’il ne l’aurait cru.

« Je t’en prie Sparkle, je ne te ferai rien. »

L’alcool ne le sied guère, il l’avait toujours su. Ca réduisait à néant ce côté sombre qu’il s’évertuait de garder en toute circonstance, pouvant à tout moment ternir son patronyme. Il n’aurait pas dû la suivre jusqu’ici, en cet instant même, cela semblait être une grosse erreur. Elle le haïssait, et le craignait plus que tout et il le comprenait parfaitement, après tout ce qu’il lui avait subir le soir d’Halloween. Aujourd’hui, tout ceci semblait lointain, et sans vraiment d’importance à ses yeux, mais visiblement pas à ceux de la Poufsouffle. Elle n’avait rien oublié. Si seulement il avait eu le choix cette nuit-là, le choix de ses victimes, il ne se retrouverait pas dans cette situation presque gênante. Parce que se retrouver ici, face à la petite brunette aux prunelles effrayées, le faisait culpabiliser, le faisait regretter de l’avoir attaqué, de s’en être pris à elle. Ils étaient restés trois mois ensemble, et Lucian ne s’était pas lassé de Sparkle une seule fois, mais du jour au lendemain il avait décidé de tout arrêter. Une excuse en toc, et elle l’avait laissé partir, la preuve qu’ils n’étaient pas attachés l’un à l’autre par de véritables sentiments. Malgré tout, il ne l’avait pas détesté une seule fois, même lorsqu’il l’avait poursuivi dans les rues étroites de Pré-au-lard. Cette nuit-là il avait tout d’abord ressenti un profond amusement, puis lorsqu’elle avait réussi à le démasquer, le regret s’était installé en lui. Faible et lâche, il l’avait été et il l’était de nouveau.
Fixant la brunette dont le visage était éclairé faiblement, le vert et argent ne bougea pas, ne sachant pas vraiment quoi faire. Elle pouvait très bien s’enfuir loin de lui, courir au fin fond de la forêt pour éviter de lui parler, d’échanger quelques mots avec lui. Il le comprendrait, et il serait tout à fait incapable de la poursuivre si elle se mettait à courir. Il sentait ses jambes trembler, et une sensation de vertige troublait sa vue. L’alcool ne l’aidait absolument pas, et s’il écoutait son corps en cet instant même, il s’effondrerait dans les feuilles mortes afin de s’endormir. Au lieu de ça, il s’appuya contre un arbre non loin de lui, tenant sa baguette à bout de bras. Sparkle tenta de se redresser, en vain. Fronçant les sourcils, il la vit grimacer de douleur, et elle lança tout bas ;

« Aïe, aïe… Mauvaise idée… »

Quelque chose clochait, mais il n’arrivait pas à déduire quoi, son cerveau étant bien trop embrumé pour réussir à faire des connexions entre les évènements, et d’émettre des hypothèses. La toisant de son regard bleuté, Lucian restait silencieux, s’attendant à tout moment qu’elle lui crache au visage à quel point elle le détestait. Depuis leur dernière rencontre la nuit d’Halloween ils ne s’étaient pas revus, ni reparlés, et le Serpentard avait l’impression qu’il s’était écoulé une éternité depuis tout ce temps. Comme si tout ce qu’il s’était passé auparavant n’était qu’un sombre et lointain souvenir, qu’il ne connaissait plus la Poufsouffle face à lui, qu’elle n’avait été qu’un mirage durant les quelques mois de leur relation. Comme si il avait tout imaginé. Pensées complètement absurde voir folles. En cet instant même, il sentait qu’il avait bel et bien perdu la jeune femme. Cette dernière redressa la tête vers lui, le forçant à croiser son regard chocolat où il pouvait y lire une once de crainte. Il l’effrayait, il avait pu le voir dans ses gestes précédents, lorsqu’elle avait reculé alors qu’il s’approchait. Et il détestait ça, le fait qu’il puisse lui faire si peur. Mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, après tout il faisait partie de l’Ombre, il était censé apporter crainte et respect chez les autres. Il était censé ne pas être aimé, et ne pas éprouver la moindre pitié. Censé être ce qu’il n’était pas.

« Qu’est-ce que tu fais là, Lucian ? Pourquoi tu m’as suivie ? »

Les questions de Sparkle résonnait au loin, lui parvenait doucement aux oreilles, mettant un certain temps à monter jusqu’à son cerveau. Il ne savait pas quoi répondre, comment se justifier du fait qu’il ait décidé de la suivre sur un coup de tête, ivre. Secouant légèrement la tête, papillonnant des paupières il tentait en vain de tenir debout contre son arbre, unique soutien contre ses jambes flageolantes et son crâne tanguant. Il voulait dire quelque chose, ouvrant légèrement la bouche pour parler, seulement aucun son n’en sortit.

« Est-ce que tu vas bien ? »

Passant une main sur son visage, un air légèrement mutin se grava sur ses traits. Question foutrement futile. Physiquement ou intérieurement ? Deux choses bien distinctes, bien différentes et qui n’avaient rien à voir. Lucian savait masquer ses émotions dans n’importe quelle situation, c’était quelque chose qui l’avait bien souvent aidé. Sauf lorsqu’il était bourré. En cet instant même, on pouvait voir sa mine dépitée, comme si tout le poids du monde s’était abattu avec violence sur ses épaules. Non, en fait à bien y réfléchir il n’allait pas si bien que ça autant cette nuit que les jours précédents et surement les jours suivants, mais ça il ne l’avouerait jamais. Haussant les sourcils, laissant un fin sourire naitre sur ses lèvres, il lâcha ;

« Au meilleur de ma forme Sparkle chérie. »

Il finit par s’avancer vers la jeune femme, titubant. Cette dernière ne bougea pas, le fixant avec un air interrogateur, puis il finit par s’assoir lourdement sur le sol. Jambes croisées, il joua un instant avec sa baguette encore allumée, éclairant fugacement le visage de Sparkle. Un silence gênant s’installa, silence que Lucian avait envie de briser en disant n’importe quoi, la première chose qui pourrait lui passer par la tête. Mais rien ne lui venait. Devait-il s’excuser de son comportement du soir d’Halloween ou tout simplement évincer la question et poser une autre question banale ? Il finit par se souvenir qu’elle avait eu du mal à se lever l’instant d’avant, son cerveau repassant la scène avec une lenteur effarante. Il demanda donc d’une voix rauque ;

« Où t’as mal ? »