Les jours passaient, les semaines aussi. Et Ange paniquait. Elle n’avait toujours pas trouvé de solution à son mariage. Elle l’avait accepté, à un moment. Elle s’était mise en tête qu’elle allait épouser quelqu’un qu’elle n’aimait pas, qu’elle n’appréciait même pas. Elle avait réussi à se convaincre qu’elle avait fait le bon choix. Jusqu’à ce qu’elle soit confrontée à Lucian. Jusqu’à ce qu’elle se souvienne de leurs promesses. Aujourd’hui, Ange doutait, plus que jamais. Elle voulait se sortir de cette situation. Si elle le pouvait, elle briserait le contrat. Mais les contrats magiques ne se brisaient pas aussi facilement. Elle était liée à ce contrat et ne savait pas ce qu’il se passerait si elle venait à ne pas respecter sa part du marché. Pourtant, ce n’était pas ce qui lui importait le plus pour le moment, au contraire. Ange soupira. La journée était longue, si longue. Son cœur se serrait un peu plus à chaque fois qu’elle regardait les minutes s’écouler. Elle aurait voulu en finir et vite. Ne plus avoir à supporter cette mascarade. Elle avait de plus en plus de mal de garder le contrôle, de prétendre que tout allait bien. Ses pensées se dirigeaient tantôt vers l’Ordre, tantôt vers Rohàn, tantôt vers Loki. Dieu qu’il lui manquait. Mais elle ne pouvait se permettre de le retrouver, elle ne voulait pas signer son arrêt de mort. Enfin, la cloche sonna. Le flot d’élève qui se déversa dans les couloirs calma étrangement la jeune femme. Elle ne montra aucune résistance à cette marrée humaine qui l’emmenait vers les dortoirs. Pour une fois, perdre le contrôle l’arrangeait bien. C’était peut-être de cela qu’elle avait besoin. Perdre le contrôle, tout oublier, s’oublier elle-même. Depuis quand n’avait-elle pas fait la fête ? Depuis quand n’avait-elle pas bu un verre d’alcool ? Elle ne saurait le dire et là se trouvait sûrement une partie du problème. Ange avait besoin de perdre pied, pour un soir seulement. Oublier, tout oublier. Elle avait besoin de déconnecter son esprit, de ne plus penser. Elle avait passé tellement de temps à tout analyser, tout étudier. Elle, la vraie Serdaigle incapable de ne pas savoir résoudre un problème. Elle avait tout fouillé, ouvert tous les livres, étudié la question sous tous les angles. À présent qu’elle ne savait plus où chercher, la jeune femme était décidée à s’accorder une soirée de tranquillité.

À peine eut-elle franchi les portes de la salle commune qu’elle se rua vers sa chambre. Elle jeta à la va-vite ses livres sur son lit et sortit la bouteille d’alcool subtilisée durant les dernières vacances qu’elle gardait pour de grandes occasions. Un coup de baguette et la bouteille était devenue un échantillon qu’elle glissa prudemment dans sa poche. Les amies de la jeune femme arrivèrent à leur tour dans la chambre, étonnées de voir la blondinette là. Généralement, la Serdaigle allait se cacher à la bibliothèque où elle faisait ses devoirs loin des regards indiscrets. Elle parlait rarement ces derniers temps, s’ouvrait encore moins. Elle n’était pas certaines que ces filles puissent comprendre. La plus part était des sangs-mêlées voir des nées moldues qui ne savaient pas ce qu’était un mariage arrangé. Elles ne comprendraient pas que tout cela était une histoire de tradition et de lignée. Toutes diraient à Ange qu’elle avait eu tord de signer ce papier, toutes se demanderaient pourquoi elle l’avait fait. Aucune ne pouvait comprendre qu’Ange avait signé ce fichu contrat par regret et par peur. Elle avait vu là le seul moyen pour elle de se racheter auprès de son père. Aujourd’hui, elle se rendait compte à quel point elle avait eu tord. La bleue et bronze regrettait à nouveau l’époque où son avenir était tout tracé et où il ne la dérangeait pas outre mesure. Ses pensées se dirigèrent naturellement vers Lucian et son cœur se serra à nouveau. Avec toutes ces histoires, ils n’avaient pas eu le temps de se revoir et encore moins de se reparler depuis leur duel. Elle ne savait pas trop où ils en étaient tous les deux. Elle savait qu’ils s’étaient plus ou moins réconciliés, mais elle ne savait pas à quel point. Pouvait-elle à nouveau se confier à lui ? Pouvait-elle lui faire confiance ? lui demander de l’aide ? Ange réalisa alors qu’elle ne voulait pas passer la soirée seule.

Les élèves de Serdaigle descendirent à nouveau de la grande tour pour aller manger. Ange aperçu Lucian de loin et s’approcha de lui. Elle glissa un petit mot dans sa main en lui souriant avant de rejoindre ses amies. Ces dernières furent étonnées de voir la jeune Halley ne pas s’énerver contre celui qu’elle s’était efforcée de détester pendant tant d’années. Beaucoup de ces filles avaient toujours cru que si Ange mettait tant d’énergie à tenter désespérément d’haïr le Serpentard, c’était parce que dans le fond elle tenait toujours à lui, certaines étaient même persuadées qu’elle l’aimait vraiment. Et peut-être avaient-elles raison. La jeune femme admettait à présent qu’elle aurait bien été incapable de tirer un trait définitivement sur son plus vieil ami. Cette année plus encore. Car elle avait besoin de lui, elle avait besoin de sa présence, de son soutien. Ange jeta un coup d’œil au vert et argent quand ils s’assirent à table. Elle espérait qu’il accepte le rendez-vous qu’elle lui proposait. ‘Rejoints moi dans la Salle sur Demande à 23.00’. Elle n’en disait pas plus. Sa soirée de perdition se transformerait peut-être en quelque chose de productif. Avec l’aide de Lucian, peut-être trouverait-elle une stratégie pour revenir en arrière et tout annuler. À nouveau, elle lui sourit avant de se ré-intéresser à la conversation qui animait le petit groupe.

Quand, enfin, tout le monde fut endormi, Ange se glissa hors de ses draps. Elle enfila rapidement un jeans et un pull avant de sortir du dortoir et de la salle sur demande. Dans sa poche se trouvait la bouteille rétrécie quelques heures auparavant et sa baguette. Quand elle fut arrivée devant le mur où se dissimulait la salle sur demande, elle passa devant trois fois sans vraiment réfléchir à ce qu’elle désirait. La Salle se transforma en un salon confortable muni de livres et d’un feu de bois. Il y avait aussi des petits verres, parfait pour boire le whisky qu’elle avait amené. Ange s’en versa un et en but deux autres dans la foulée avant de s’intéresser à la bibliothèque. Des livres sur les contrats de mariage et les mariages arrangés dans l’histoire. Son cœur fit un bond alors qu’elle entendit la porte de la salle s’ouvrir et se refermer. Elle se retourna et plongea son regard dans celui du jeune homme en souriant. « Contente que tu sois venu. » Elle n’en dit pas plus, cherchant à sonder les yeux de Lucian, tenter de déchiffrer ce qu’il pensait.