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« Hey Morrigan ! Viens avec moi deux secondes, j’dois te parler. » Morrigan siffle d’agacement. Vipère dans toute sa splendeur, elle se redresse vers la voix qui a interrompu son trajet. Les jacassements dans son dos cessent. Les poules se sont tues à la seconde où elle s’est arrêtée. « Seul à seul ! » Morrigan adresse un coup d’œil rapide à Carrow, sans un mot, la reine s’éloigne, sa cour à ses trousses. Finalement, le Lestrange serait presque reconnaissante à Rhesus de l’avoir tirée de là. Elle ne comprend pas ce que Syracuse trouve à ces filles-là : leur bêtise les rend loyales certes, mais profondément inutiles par la même occasion et leurs gloussements sont exténuants. Elle suit docilement Rhesus qui l’entraine vers les dortoirs des garçons. L’endroit est familier. La nuit, quand les serpents dorment et que les démons rodent, elle vient se glisser dans les draps et dans les bras de son cousin. Le clapotis constant des eaux du lac contre les vitres protège les dormeurs de la lourdeur du silence nocturne. Les eaux ont-elles plus calmes la journée ? Ou le bruit de la vie couvre-t-il les caresses des vagues ? Quoi qu’il en soit, la journée ce n’est pas pareil, on en oublierait presque que la salle commune des verts est située sous l’eau. Le dortoir est désert, Morrigan hésite un instant. Inconsciemment elle s’est dirigée vers le lit de Rohàn. La voix de Rhesus l’interrompt à nouveau. « Bon, je vais aller droit au but » Attentive, Morrigan se retourne vers Rhesus. Son approche l’étonne. Généralement, quand un garçon veut aller « droit au but » avec elle, ça se termine mal pour lui. Mais ce n’est pas le genre de Rhesus. Ceux qui connaissent suffisamment Morrigan savent que nombre de prétendants ont tenté leur chance, ils savent aussi comment ça s’est toujours terminé : échec sanglant. Ce n’est pas le genre de Rhesus.

« On est jeunes, on doit profiter de la vie, vivre des expériences, rouler notre bosse. Bref, je n’attends pas de toi que tu sois une blanche colombe. Il va de soi que, de mon côté, je ne me gênerai pas pour vivre ma vie non plus. » Elle ne comprend rien à ce qu’il dit. Elle comprend les mots, les phrases, mais aucune des paroles de Rookwood n’a de sens pour elle. Elle veut lui demander une remise en contexte, mais le garçon ne lui laisse pas le temps d’intervenir. « Par contre, notre honneur est en jeu. A partir du moment où les autres seront au courant – ce qui ne saurait tarder – on devra faire bonne figure. Je ne veux pas qu’on me prenne pour le cocu de service ni qu’on dise de toi que tu es une trainée tout juste bonne à écarter les cuisses. » Il continue. Elle ne l’écoute plus. Si c’est une plaisanterie, elle ne la fait pas rire le moins du monde. Il a l’air sérieux. Morrigan n’aime pas la manière dont il s’adresse à elle. « Enfin, tout ça, c’est pour maintenant ! Rassure-toi, lorsque nous serons officiellement mariés, je serai fidèle et tu pourras toujours compter sur moi… » Prise au dépourvu, Morrigan ne réagit pas immédiatement. Mariés ? De quoi parle-t-il ? Quand Rhesus se tait enfin, Morrigan émet un rictus amusé. « C’est un terrible malentendu. » Morrigan n’est pas stupide et comme, de toute évidence, Rhesus la confond avec quelqu’un d’autre, quelqu’un qui doit supposément épouser, il s’agit, soit d’un triste malentendu, soit d’une mauvaise plaisanterie. Dans un cas comme dans l’autre, elle préfère rétablir la vérité au plus vite. La tension monte, Morrigan garde son calme car ce comportement ne ressemble pas à l’habituel Rookwood et qu’elle aime laisser aux gens le bénéfice du doute, mais elle n’aime pas le ton avec lequel il s’adresse à elle. Comme si elle lui devait quelque chose, comme s’ils se devaient quelque chose.

Dans sa poche arrière, sa baguette chauffe. Effort surhumain. Ne pas s’énerver. Ne surtout pas s’énerver. Morrigan déglutit douloureusement, derrière elle, les rideaux de soie d’un lit à baldaquins bruissent en se frottant les uns contre les autres, comme si un courant d’air avait traversé la pièce. « Je ne sais pas pour quelle raison tu tiens ce discours, je ne sais pas pourquoi tu penses que j’ai un rapport avec ce mariage dont tu fais allusion et je ne sais pas si tu te trouves drôle » Elle s’approche de Rhesus. Bien que plutôt petite, sa réputation la rend menaçante. Sorcière hors pair et violente de nature, elle tient en respect la plupart de ses aînés. C’est son tour de parler, elle enchaîne : « Mais moi, je ne ris pas du tout. »

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Le regard de Morrigan parcoure rapidement la lettre que lui tend Rhesus. Des mois qu’ils discutaient ? Alors quand Rodolphus avait dit, ça ce diner, il faudra songer à vous fiancer, comme si l’idée venait de lui venir, il avait en fait déjà commencé à en parler avec la mère de Rhesus. Quand il avait dit on en reparlera après votre sortie de Poudlard, c’était juste une façon de calmer Morrigan. Elle connait son père, elle sait comment il est. Elle l’a vu mille fois promettre quelque chose à ses acolytes tout en pensant l’exact opposé, mais penser qu’il se permettait de lui faire cela à elle ? La vipère ne sait pas comment  réagir. En elle, la colère continue à monter. Elle sait qu’elle va être incapable de la contrôler. Elle sait surtout qu’elle n’a aucune envie de la contrôler. Elle siffle. Puis soupire. Et grogne. Rien ne relâche la pression. Violement, elle se retourne vers Rhesus. Il s’était installé sur un lit. Comment pouvait-il rester calme dans un moment comme celui-là ? Il souriait. Morrigan voulut lui arracher les yeux. « Tu sais, je ne suis pas aussi ignoble que tu as l’air de le penser. Tu aurais pu tomber sur pire. Et puis, comme je te l’ai dit, je me fiche pas mal que tu vives ta vie, tant que tu ne l’exposes pas aux yeux de tous. » Oh, ta gueule. Morrigan s’éloigne de Rhesus. Être le plus loin possible, ne pas s’emporter. Elle en veut à son père. Tellement. Et elle en veut à Rhesus. Triple idiot. Il s’imagine qu’elle va se laisser faire, se laisser vendre au premier venu pour assouvir les besoins de son père. Des alliés, il avait besoin d’alliés. Après la guerre, les forces Mangemorts avaient été dissipées, personne ne faisait plus confiance à personne, le mariage, l’union entre deux familles avait pour but de restaurer cette confiance. Morrigan le savait. Elle avait été donnée au Rookwood comme un vulgaire cadeau pour sceller une alliance ridicule.

« Et si vraiment t’unir à moi te dégoûte à ce point, je te laisse convaincre ton père de tout annuler. » Morrigan arque un sourcil, elle envisage l’idée. Ça n’allait pas être chose aisée, mais elle pouvait faire tout annuler. Mais Rhesus continue de parler. Il t’empêche de te concentrer. Tu ne l’écoute plus. Tais-toi. Tais-toi. Tais-toi. Il continue à parler, encore et encore. Sans sembler pouvoir s’arrêter. Les poings de Morrigan cognent contre un mur, sans aucun bruit, puis elle porte ses mains à son visage. Qu’il se taise. Elle ne l’écoute plus, mais ses jacassements l’emmerde. « Si tu veux briser notre union, fais-le. Mais moi, je ne m’y opposerai pas. » « Tu ne veux pas te taire pour changer ?! » Elle ne s’est pas retournée vers lui immédiatement. Mais quand elle le fit, finalement, ses yeux étaient gonfés par la haine, ses traits tirés, ses poings serrés. Elle s’approche de Rhesus et lui plante sa baguette dans la poitrine. « Tu ne bouges pas. » Assis sur le lit, Rhesus n’était de toute façon pas en position de répliquer. Morrigan respire et porte sa main libre vers le visage de Rhesus, un doigt accusateur levé vers ses yeux clairs. « Écoute-moi bien. » Morrigan plante son regard froid dans celui de Rookwood, elle va garder son calme s’il ne bouge pas. Il doit le savoir, il la connait suffisamment. « Prépare ta maman chérie à cette réalité : jamais je ne t’épouserai. Ni toi, ni personne d’autre. »

Morrigan baisse sa baguette et fait un pas en arrière. Alerte, au cas où cet idiot de Rookwood cherche à riposter, elle n'est cependant plus menaçante. Comme si rien ne s'était passé, elle dégage de son visage une mèche rebelle qui tombe devant son œil droit puis elle ajoute : « Ça n'est pas contre toi, je refuse de me marier, c'est tout.» C'était tout.