Personne ne t'aime ma pauvre fille, t'es pas à la hauteur. Regarde ils t'abandonnent tous. Un par un, ce n'est qu'une question de temps avant que tu te retrouves toute seule. Tandis qu'elle se remaquille, la vue du miroir lui devient insupportable. Ce n'est pas qu'elle est laide, non, un bon nombre de garçons lui ont déjà dit qu'elle était magnifique c'est juste que depuis toujours, elle se sent mal dans sa peau. Toutes ses insécurités et son mal-être s'exprime par cette petite voix dans sa tête qui ne fait que la rabaisser constamment. D'extérieur, elle fait son insaisissable, celle qui n'est jamais touchée mais tout ça n'est que carapace. C'est le meilleur moyen qu'elle a trouvé pour se protéger. Protéger de quoi ? Du rejet, du regard des autres, de toute peine qu'on pourrait lui faire très certainement. Ne dit-on pas que la meilleure défense c'est l'attaque ? Sydney applique ce précepte à la règle. Elle a toujours du mordant pour quiconque présent dans son collimateur. Elle finit même par prendre du plaisir à haïr les autres. Elle les manipule à sa guise pour toujours servir son intérêt et elle s'illusionne d'être respectée et crainte. La réalité est légèrement différente mais elle semble plus belle ainsi. Elle préfère qu'on la déteste qu'on l'ignore, au moins comme ça l'attention est portée sur elle. Et tu y crois qu'ils s'intéressent à toi ? Ce n'est pas ça, c'est juste qu'ils n'ont pas d'autres choix que de te supporter. Tu t'imposes à eux. Si tu disparaissais une journée, ils ne te regretteraient pas, tu manquerais à personne. Dernière couche sur les yeux et il est temps que le spectacle commence. Une nouvelle représentation à donner, elle balaye tous ses démons et affiche un sourire glorieux. Pas question de donner une image vulnérable.

Pause déjeuner. Elle s'avance dans la Grande Salle, fait un tour d'horizon cherchant avec qui elle va s'asseoir et elle l'aperçoit : Atlance. Il y a évidemment le reste de la clique, Priam, Minamoche et Breelaide mais ce n'est pas ça qui allait l'arrêter. Ça serait mal la connaître. Elle marche alors en direction d'Atlance et lui fait un gros câlin glissant ses mains sur son torse et caressant son visage de ses longs cheveux blonds narguant bien Minamoche. Elle met le paquet pour la faire rager. « Lance chéri, je t'ai cherché partout. » Elle s’assoit alors à côté de lui sous les regards désapprobateurs de quasiment tout le quatuor. Ça risquait d'être encore mouvementé ce midi, tout ce dont elle raffolait. La discussion reprit alors autour d'elle tandis qu'elle taquine Atlance à lui donner des petits coups, grignoter dans son assiette, ce genre de choses. « Vous le dîtes si on vous dérange ! » Minamoche qui a parlé, bien sûr. Excellent, elle réagit au quart de tour comme prévu. « J'osais pas te le dire mais oui. Si tu pouvais nous laisser ça serait top. » Breelaide soupire, les meilleures amies toujours solidaire, c'était tellement touchant, Sydney en serait presque émue. « Tout allait très bien avant que t'arrives alors c'est plutôt à toi de partir. C'est pas comme si quelqu'un souhaitait que tu restes. » Petite peste, toujours égale à elle-même. Elle a raison. Un frisson la parcourt mais elle chasse immédiatement cette pensée, hors de question qu'elle lui donne raison. Un silence se fait autour de la table, personne ne répond à Breanne. Sydney se tourne vers  Atlance, c'est le moment qu'il la soutienne un peu sinon à quoi cela servait qu'elle l'aide dans ses projets ? « Pas moi, je veux qu'elle reste. » Sourire radieux, Sydney est aux anges. Devant la mine déconfite des deux filles, elle ne peut qu'en être encore plus ravie.

Assise à une table de la bibliothèque, ce qui est une chose très rare d'ailleurs, elle fait tourner son stylo entre ses doigts. Si elle est là, c'est parce qu'elle a un devoir de potions à faire. Malgré ce que l'on peut croire, elle est plutôt douée en cours. Elle travaille plutôt bien parce qu'elle sait ce qu'elle veut. Elle veut réussir et elle se donne les moyens d'arriver à son but. Comme si tu pouvais arriver à quelque chose, ma pauvre fille. Elle contracte la mâchoire, ferme les yeux. N'est-ce pas vrai ? Pourquoi se donne-t-elle du mal ? Déjà pendant l'enfance, son père s'était chargé de lui remettre les idées en face.

Il fait sombre, la porte vitrée du salon est grande ouverte et tout un tas de feuille rentre dans la pièce à cause du vent bien trop fort. Sydney est debout au milieu de la pièce, elle regarde ses pieds pour ne pas regarder le visage furieux de son père qui lui crie dessus depuis dix minutes. « Qu'est-ce que j'ai fait pour avoir une fille et telle que toi ! Tu me fais honte Sydney ! Je souhaiterais ne jamais t'avoir eu, tu m'entends ? VA-T-EN ! VA-T-EN. » Ne pas pleurer, il ne faut surtout pas pleurer. Pas comme sa mère, cachée derrière la porte qui regarde cette scène, impuissante. Sydney court alors se réfugier dans sa chambre. Elle se laisse tomber sur son lit, fixant son plafond. La porte s'ouvre, c'est sa mère. « Ma petite Yasmeen, je suis... » « MON NOM C'EST SYDNEY ! Papa, il m'appelle Sydney, je m'appelle Sydney, je sais pas qui s'est Yasmeen mais c'est pas moi. Laisse-moi, laisse-moi, laisse-moi ! » Sa mère pleure d'avantage mais s'exécute. Adulant son père mais étant rejetée de lui, elle n'a pas su faire autrement que de tenir sa mère pour responsable. Famille meurtrie, famille blessée. Peut-on encore même parler de famille?

« Sydney ? Sydney ? He oh, tu m'entends ? » Elle relève la tête pour voir que quelqu'un s'est assise en face d'elle. Cette personne ce n'est pas n'importe qui, c'est Ugo « le pot de colle ». Cela fait deux semaines qu'il la colle non stop. « Pas la peine de crier, je t'entends très bien. » Elle lève les yeux au ciel, Ugo l'énerve, elle ne sait pas trop pourquoi, c'est physique. « Excuse-moi d'en douter mais je t'appelle depuis tout à l'heure. Alors qu'est-ce que tu fais à la bibliothèque, c'est pas trop ton genre. » Merci de nous faire remarquer des choses déjà connues. « Qu'est-ce que tu fais là Ugo ? Tu cherches des amis ? Parce que si c'est pour ça, t'es pas au bon endroit, je te le dis tout de suite. » Sydney est du genre à être franche et elle n'a jamais peur de dire ce qu'elle pense. « Et voilà tu recommences, tu mets des barrières pour que je fuis. Je sais que tu fais la fille invincible qui se fout de tout mais y a autre chose derrière ça. Tu m'intrigues Sydney. » Hum, sait-il ce qu'il fait ? « Tu me prends pour un sujet d'étude peut-être ? Y a pas de barrières et de choses à aller gratter, fiche moi la paix Ugo. » Il se met à sourire, visiblement amusé par son comportement. « Si c'est le cas, pourquoi alors tu as tellement peur de me laisser approcher ? » Aïe, il n'est pas aussi bête qu'il en a l'air. « Je n'ai pas peur. » Un air de défi dans le regard et un frisson d'excitation qui la submerge. « Je suis de ton côté, Sydney. » Bien sûr, bien sûr. « Si tu le dis. Bon puisque tu es là et que tu n'as visiblement pas partir, t'as qu'à m'aider pour le devoir de potions. » C'est avec des sourires entendus qu'ils se mettent à travailler. Au moins comme ça Sydney détourne son attention, enfin jusqu'à la prochaine question.

Il est déjà tard, vingt-deux heures mais il n'est pas question pour Sydney de dormir. Ce soir elle va LE voir. Ce n'est pas son petit-ami, son amoureux ou encore ce genre de conneries à trois balles. Non c'est sa came, celui qui lui fait du bien même si en même temps il lui fait du mal. C'est le seul type qui voudra bien de toi. C'est vrai, tu le sais bien. Il ne lui dit peut-être pas des mots d'amour, ne lui promet rien et elle sait bien qu'en dehors des plaisirs charnels, il n'y a rien mais au moins il la désire. Lui au moins ne la quitte pas, il reste toujours à ses côtés si elle sait se montrer gentille. Elle ferait tout pour lui, elle le sait bien. Totalement dépendante et elle ne raterait leurs rendez-vous pour rien au monde. Ce n'est peut-être que le temps d'une ou deux heures mais c'est déjà ça. Il lui dit qu'elle est belle, il la complimente et ne souhaite pas que leurs ébats se terminent, c'est tout ce dont elle a besoin. Bien souvent, il la rabaisse et ne voit en elle qu'un objet, un moyen de satisfaction mais là encore, elle préfère ignorer les petites détails désagréables.