Ҩ The year you were born marks only your entry into the world. Other years where you prove your worth, they are the ones worth celebrating. - Kintz.

Poudlard, joyau du monde magique. Dressé sur son piédestal rocheux et percé par la lueur des bougies qui pétillaient à travers les innombrables fenêtres, le château dégageait une atmosphère particulièrement accueillante malgré l’obscurité inquiétante de la forêt environnante. Pendant le trajet en train, Gideon était resté avec les quelques amis qu’il s’était fait au cours de son enfance, passant de l’excitation prolixe à l’impatience mutique. Il avait hâte. La plupart de ses comparses angoissaient, le nez plongé dans l’Histoire de Poudlard, persuadés qu’ils réussiraient à trouver une astuce pour accéder à la maison de leurs rêves. Gideon, lui, s’en contrefichait. Sa famille n’avait exercé aucune pression sur lui, et qui plus est il n’y avait aucune tradition familiale à ce sujet. Sa grand-mère Patricia avait été envoyé à Serpentard, sa tante Sibylle à Poufsouffle, sa mère avait passé sa scolarité à Gryffondor tandis que son père avait atterri à Poufsouffle. Ainsi quel que soit le verdict du Choixpeau, il ne pouvait qu’en être ravi.

Comme si les futurs élèves avaient passé un accord tacite au préalable, tous observèrent un silence religieux pendant le trajet en barque. Il s’amusait parfois à regarder les visages des élèves qu’ils ne connaissaient pas, souriant face à leur émerveillement béat avant de reporter son regard sur la silhouette de Poudlard qui se détachait un peu plus à chaque instant de la toile de fond céleste. Il y serait bien. Peut-être pourrait-il observer le lac du haut des tours écarlate et azur. Ou peut-être vivrait-il selon ses ondulations émeraude aux confins des cachots ? Ou encore le verrait-il miroiter dans le repère doré niché au cœur du château… Il soupira de bien-être.

Une fois sur la rive, il rejoignit ses amis qui cheminaient vers le château, s’étant un peu trop attardé pour observer les alentours. L’excitation le saisit lorsqu’ils pénétrèrent dans la bâtisse. Les pas et les chuchotements du groupe se réverbéraient contre les pierres froides du couloir. N’ayant lu que partiellement l’Histoire de Poudlard, il écouta les deux garçons près de lui qui servaient de guides touristiques à la grappe d’élèves agglutinés près d’eux. Gideon ne les connaissait pas… Ou peut-être avait-il oublié leur prénom. Sans un être un partisan chevronné de l’élitisme, il avait tendance à mémoriser ceux dont le nom faisait écho aux grandes familles de sorciers. Et aussi ceux qui avaient des prénoms étranges, systématiquement même. Mais sans doute que les deux compères le connaissaient.

Les portes de la Grande Salle, signalèrent-ils avant de se taire. Bientôt bientôt bientôt. Il se demandait comment allaient réagir ses camarades en entendant son patronyme. Sa tante lui avait dit de ne pas céder au fléau de la popularité même si son arrière-arrière-arrière-grand-mère était Cassandra Trelawney. Même s’il respectait les consignes de la tante Sibylle à la lettre, il ne pouvait nier qu’il avait hâte d’y goûter. Dans un grincement sourd, les portes s’ouvrirent pour laisser entrer le cortège, dévisagé par une centaine de visages scrutateurs. Gideon ne savait à quel saint de vouer. Entre les chandeliers qui flottaient sous un firmament d’étoiles, les pierres précieuses qui étincelaient doucement dans les imposants sabliers ou encore la longue table où trônaient d’éminents sorciers, son regard sautait de l’un à l’autre, manquant même de trébucher sur sa voisine de devant tant il était distrait. Par la barbe de Merlin, que c’était cossu !

Une fois les étudiants rassemblés devant l’estrade, un professeur se leva et débita un peu trop rapidement une courte tirade, souhaitant la bienvenue aux nouveaux arrivés et exigeant un calme exemplaire pendant la Répartition. Beaucoup d’élèves hochèrent la tête en prenant une grande inspiration, prêts à relever le défi. Commença alors le long défilé de noms et de braillements du Choixpeau. Se déroulait là un vrai rite de passage. Avant, tu n’étais personne. Tu affichais l’écusson de l’école, la cravate monotone. Tu étais plutôt insignifiant, presque marginalisé, sans grand intérêt. Puis on appela ton nom. Alors tu relevas la tête et t’avanças avec plus ou moins d’assurance pour t’asseoir où beaucoup auparavant s’étaient déjà assis, et ce dans le même état que toi. Dans certaines sociétés, un ainé balance un coup de poing dans la tête du jouvenceau. Par un concours de circonstances bienheureux, tu n’as qu’à attendre qu’un chapeau rapiécé t’assourdisse en hurlant ta maison d’allégeance. Enfin tu te relèves sous un tonnerre d’applaudissements, fier comme un hippogriffe, et tu gambades vers la table où tes frères t’attendent, t’offrant les couleurs que tu garderas pendant sept années. Et hop, tu es devenu quelqu’un.

Trelawney, Gideon.

Il lança un rapide regard à ses pairs, opinant légèrement du chef d’un air de dire eh oui, c’est bien moi. D’un pas qu’il voulait suffisamment posé pour ne pas avoir l’air d’être un surexcité, il alla s’asseoir sur le tabouret, observant l’assemblée estudiantine. Puis le vieux chapeau toucha sa tête blonde. Il fit alors son possible pour ne pas avoir de pensées stupides, comme par exemple la fréquence de nettoyage de ce dernier ou la crampe que devait avoir le professeur à force de le tenir à bout de bras. Gideon le sentit remuer quelque peu. Le Choixpeau émit un léger son qui devait mimer la réflexion, ou une douleur intestinale inconvenante. Non, pas de pensée stupide. Il se concentra.

- Une capacité à travailler sans relâche pour parvenir à tes fins, hm, et aussi une sagesse qui ne saurait tarder à se développer.. Hm ? Où vais-je te mettre.. Serdaigle, Poufouffle ?

Gideon sursauta légèrement, ne pensant pas entendre sa voix grinçante aussi fort. Il manqua de sourire en l’entendant parler de son hypothétique sagesse, ayant presque hâte de la découvrir. Il ne savait pas vraiment si la question lui était destinée ou s’il ne faisait que réfléchir à voix haute. Mais comme le chapeau continuait avec ses « hm… » pensifs, il se risqua à penser que peut-être attendait-il un avis. Le garçon ne savait absolument pas quoi lui dire. Les deux maisons étaient à ses yeux tout à fait honorables et il n’avait pas de préférence notoire. Alors il haussa les épaules, l’air indécis. Presque aussitôt le verdict tomba.

- POUFSOUFFLE !

Un sourire accroché aux lèvres, il se pressa de rejoindre la table des Jaune et Noir. Il était ravi et remercia ses camarades qui le félicitaient en lui tendant une cravate aux couleurs de la maison. L’air un brin songeur, il la pressa entre ses doigts en observant le blaireau brodé. Il se dit que son haussement d’épaule avait finalement dû faire changer le Choixpeau d’avis quand à sa pseudo-sagesse, préférant alors envoyer ce gaillard désinvolte et indifférent ici. Puis, la posant sur ses genoux, il redressa la tête pour applaudir le nouvel élève qui venait de les rejoindre.
Plus tard, et à ce à sa grande surprise, il apprit que c’était sa modestie et son absence de prétention qui lui avait permis d’accéder à Poufsouffle.