L’eau coulait chaleureusement, en abondance sur son corps nu. Les gouttes dégoulinaient petit à petit, partant de ses cheveux à présent plaqués contre sa tête, longeant son blanc cou, se réfugiant parfois pendant quelques secondes dans le creux formé par ses épaules avant de reprendre leur longue route dans le dos, de jouer aux montagnes russes sur ses fesses, parfois tombant de là directement sur le sol tandis que d’autres préféraient emprunter un chemin moins risqué, longeant cuisses, genoux et chevilles avant de parvenir jusqu’au sol. Sans doute les plus peureuses faisaient-elles parties de ces dernières, préférant de loin les chemins balisés aux grandes aventures aériennes. La buée commençait à envahir allègrement l’atmosphère, preuve qu’il restait sans doute beaucoup trop longtemps. Ce n’était certes pas son moment préféré de la journée et, habituellement, l’envie et la nécessité le poussaient à réduire au minimum ce curieux instant où l’eau avait plus de pouvoir sur lui que l’air, où ses cheveux en étaient réduits à leur plus basique instinct, celui de mourir, esseulés, réduits à néant, perdant toute leur capacité à se mouvoir selon leur volonté propre. Il se sentait nu sans eux. Certes, il était vraiment dans le plus simple appareil, même si l’eau et la buée lui donnait un semblant d’intimité. Mais là n’était pas la question. Ses cheveux étaient son habit de lumière, il brillait grâce à eux et sans leur soutien, leur aide, leur présence, il ne pouvait pas espérer vivre, tout au plus pouvait-il penser difficilement survivre.

CUPID – Tout va aller mieux. Ne vous en faites pas.

Leur parler avec cette voix si douce – digne d’un téléphone rose pour tout vous avouer – les rassurait certainement. Quand il voulait leur faire comprendre quelque chose ou, pire, les remettre en place, il prenait un ton beaucoup plus menaçant. Mais il voulait de ce moment d’intimité avec lui-même pour reposer les choses à plat, pour faire le vide, pour oublier cette affreuse journée. Ils devaient comprendre que même s’ils étaient tout pour lui, ils devaient mettre en sourdine leurs folles revendications encore quelques instants. Ils devaient se laisser dompter par l’eau, pour une fois, lui faire ce plaisir intense. Elle continuait de couler, sans interruption, un véritable torrent. Il ferma les yeux quelques instants, le temps de se remémorer les évènements passés, de les chasser de son esprit comme l’eau coulait sur son corps imperméable à ce genre de phénomène.

CUPID – Vous n’êtes plus à cinq minutes près, si ?

Il passa sa main parmi eux pour les rassurer. Le contact avait quelque chose de ragoûtant, même pour lui. Même pour ses cheveux. L’eau avait cette infâme caractéristique de tout gâcher, de tout altérer, de tout détruire. Elle continuait son chemin, faisant fi des obstacles qui pouvaient se dresser sur son chemin, qui tentaient de faire barrage à son flot destructeur. Mais rien n’y faisait. Mais il n’arrivait pas à se donner assez de volonté pour éteindre l’eau et cette dernière ne semblait pas comprendre qu’il fallait arrêter. Elle continuait. Encore et encore. Encore et encore. Le temps semblait s’être figé. Lui était là, debout, seul, ne faisant presque aucun geste tandis qu’elle poussait plus loin son action, l’eau tombant partout autour de lui, tentant tant bien que mal de percer son armure pour pénétrer à l’intérieur de son être.

CUPID – When I’m with you baby, I go out of my head.

Chanter lui permettait très certainement d’évacuer les mauvaises idées, les mauvaises ondes, les mauvaises pensées qui s’amassaient inlassablement dans sa tête. La musique adoucit les mœurs à ce qu’il paraît. Enfin décidé à sortir de sa torpeur, il prit les choses en main – façon de parler imagée pour les pervers présents dans la salle – et entama ses ablutions. Ses mains se baladèrent longtemps sur son propre corps, non pas à la recherche d’une excroissance quelconque ou d’un orteil supplémentaire mais pour purifier son corps, pour enlever toute la crasse, la terre, la poussière qui s’étaient lâchement accumulées à la surface de sa peau.

CUPID – And I just can’t get enough, I just can’t get enough.

Ses jambes commencèrent à bouger en rythme. Suivant celui de la chanson bien évidemment. Ses mains finirent par abandonner leur précieuse tâche pour se joindre à cette merveilleuse mascarade. Quelques objets présents dans la salle semblèrent aussi s’animer, à vouloir prendre part à toute cette folie furieuse. Le petit canard jaune vibrant était sans aucun doute le plus courageux d’entre tous, car c’est lui qui se rapprocha le plus des pieds nus de Cupid pour l’accompagner dans sa danse effrénée. Il ne se plaçait pas souvent dans des situations aussi ridicules et était bien content de ne trouver personne pour observer tout cela.

CUPID – All the things you do to me and everything you said.

Il oubliait tout. Où il se trouvait, avec qui, ses cheveux, ses soucis. Plus rien n’avait d’importance. Sa nudité semblait le rendre encore plus libre qu’à son habitude. Le petit canard vint vibrer contre son pied, pour lui rappeler tout de même sa présence mais il n’avait guère envie d’y présente la moindre attention. Tout ce qu’il voulait, c’était que l’eau continue de coule, que cet instant ne s’arrête jamais, qu’il vive à jamais sous cette chaude douche, seul avec des cheveux secs à la rigueur. Il ne prit même pas la peine de faire attention à ce qui l’entourait à présent, et encore moins au bruit de la porte qui s’ouvrait, pourtant avec une discrétion plus que moindre. Il continuait à danser dans son costume d’Adam – ou presque –, à chanter comme si sa vie en dépendait, à croire que l’humanité s’était brusquement et heureusement éteinte.

CUPID – And I just can’t get enough, I just can’t get enough.

Gabriel chantonnait gaiement en se dirigeant vers les douches du dortoir. Entièrement nu, sa serviette de bain sur l'épaule, son shampoing au citron dans une main et son gel douche à la menthe dans l'autre, il se trémoussait au rythme de la chanson qu'il avait dans la tête depuis le réveil. En entrant dans la salle de bain commune aux élèves du dortoir, il ne fit pas attention à la vapeur d'eau qui indiquait qu'il y avait déjà un élève qui avait prit possession des lieux. Comme toujours, il se dirigea vers sa douche préférée, tout au fond de la pièce. « I'm falling in, I'm falling down. I wanna begin but I don't know how ... to let you know, how i'm feeling. I'm high on hope, I'm winning ... And I won't let you go, now you know .. I've been crazy for you all this time. I've kept it close, always hoping with a heart on fire ! » Ce n'est qu'en arrivant près de sa douche et en déposant sa serviette sur un petit muret qui séparait les douches les unes des autres qu'il nota la présence d'un autre élève. Le bruit de l'eau, qu'il n'entendait pas jusqu'ici à cause de la chanson qui lui vrillait le crâne et qui hurlait pour sortir à voix haute, venait le le frapper. Surpris, il se retourna et remarqua, à travers la buée qui envahissait les lieux, que Cupid prenait sa douche, sur la rangée du mur d'en face. Il poussa un soupir un peu frustré avant de hausser les épaules et d'aller poser ses flacons au pied de sa douche, appuyant dans la foulée sur le bouton qui faisait arriver l'eau chaude. Cupid était un élève de septième année beau comme le dieu dont il portait le diminutif mais il n'avait pas le droit de s'en approcher. Il avait été clair sur ce sujet et Gabriel respectait ce genre de chose, même si ça lui en coûtait un peu. Ils étaient amis et après tout, Gabriel s'en contentait. Mais Cupid était véritablement très attirant et bien souvent, Gabriel se surprenait à avoir envie de lui, d'étreindre son corps, de goûter à sa peau, ses lèvres ... Un désir interdit, une expérience que Gabriel ne connaissait pas et définitivement, il n'aimait pas ça.

Décidant de ne plus trop y penser, il se concentra sur le jet d'eau chaude qui vint fouetter sa peau à peine sortie de sous la couette. Il soupira d'aise et s'abandonna à la chaleur vive qui prenait possession de tout son corps, le tonifiant et le vivifiant pour achever de le réveiller. Prit dans l'instant, il se remit à chanter en souriant, dansant vaguement sous l'eau en veillant à bien mouiller ses cheveux blonds afin de pouvoir les laver. « Hand in hand, sparkling eyes. The days are bright and so are the nights 'cause when i'm with you, I'm grinning. Once I was through, but now i'm winning ... No I won't let you go, now you know I've been crazy for you all this time. I've kept it close, always hoping with a heart on fire » Une fois mouillé, il se pencha pour attraper son shampoing au citron, avec des extraits naturels qui avaient le mérite de soigner sa blondeur, de ne pas l'altérer ou la ternir. Il n'aimait pas avoir les cheveux gras et ternes, il en prenait soin. Pas de manière aussi hystérique et psychorigide que son camarade de douche, qui semblait parfois ne vivre que pour sa chevelure, mais tout de même. Tout en se versant une noisette du produit dans sa paume, il reprit d'une voix entraînante « Let me walk through life with you. Everybody dreams of having what we do like we're rolling thunder, you pull me out from under ... » Il entama le refrain en augmentant le volume, tout en frottant énergiquement ses cheveux. « No I won't let you go, now you know I've been crazy for you all this time. I've kept it close, always hoping with a heart on fire » L'eau s'était coupée, lui laissant tout le loisir de se shampouiner tout en chantant, en dansant sur le carrelage humide, entièrement nu et décontracté, bien réveillé pour la première fois depuis de longs mois. Il se trainait difficilement hors de son lit, ces derniers temps, mais ce matin il était d'une exceptionnelle bonne humeur. Même la présence d'une proie, de choix mais totalement interdite, dans les douches en même temps que lui n'altérait pas son humeur. Il jouait de l'indifférence tranquille pour prendre une bonne douche et enchaîner sa journée, un dimanche tranquille et relaxant.

Laissant le shampoing reposer un moment, il se baissa pour attraper son gel douche et s'en versa dans les mains avant de laisser tomber le flacon et de se laver correctement, en fredonnant le refrain de la chanson. « No I won't let you go, now you know I've been crazy for you all this time. I've kept it close, always hoping with a heart on fire » Du coin de l'oeil, il observa Cupid, à travers la buée qui s'était épaissie depuis qu'il avait commencé sa douche. Il le distinguait à peine mais ce qu'il parvenait à voir était assez pour le frustrer d'avantage. Laissant tomber les regards intéressés, il se concentra sur son propre corps en reprenant plus fort « With a heart on fire ... A heart on fire ... With a heart on fire ... A heart on fire »

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L’eau continuait de couler en abondance, dans ce même cycle infernal. Le temps s’était globalement arrêté et plus rien ne semblait compter à présent. Ses cheveux commençaient à s’habituer au contact chaud bien que poisseux et ils savaient pertinemment que c’était un bien pour un mal, que c’était une façon de les laver, de leur redonner l’éclat perdu, avalé par une torride nuit de sommeil, de leur permettre de ne pas être gras. Il jugeait très clairement les gens non pas à leur physique mais à leurs cheveux et il fallait bien avouer que certaines personnalités de l’école – pour ne citer aucun nom et pour préserver leur anonymat, ne parlons que de Quigg – arboraient des cheveux gras avec une fierté et une arrogance condescendante à en faire pâlir les élèves de Beauxbâtons. Ceux-là, il les détestait du fond de son cœur, les rendant responsables des mauvaises odeurs et de la mauvaise réputation qui pouvaient planer dans l’école. Avec les roux bien évidemment. D’ailleurs, en entrant dans la douche commune, il avait constaté que quelques cheveux roux traînaient sur le sol et il s’était promis d’aller châtier comme il se devait l’auteur d’un tel massacre. En attendant, il continuait de laver les siens, propres, beaux, parfaits, en usant de différents artifices pour faire disparaître l’odeur entêtante de vanille qu’il pouvait parfois dégager. Sa douche touchait à sa fin.

CUPID – We walk together, we’re walking down the street.

Encore quelques pas de danse, quelques mains passées dans les cheveux, le long de son corps, sur son visage, chassant les dernières bulles, les dernières traces de mousse qui subsistaient partout. Ce rituel accompli, il ne trouva rien de mieux que de rester encore quelques minutes, silencieux, laissant encore l’eau couler sur son torse, prenant soin d’écarter sa tête du jet pour empêcher tout liquide de les atteindre. Il ne les séchait jamais, s’y refusant par principe. S’il avait réussi à acquérir une telle perfection au niveau de ses cheveux, c’était bien en abhorrant toute forme de magie, aussi bien pour les mettre en forme que pour leur redonner leur aspect naturel. C’est à ce moment-là que la douce voix de Gabriel se fît entendre. Un sourire commença à barrer le visage de Cupid. Cela faisait fort longtemps qu’il n’avait pas revu Gabriel le bellâtre. Après quelques secondes de réflexion, il nota qu’effectivement, il n’arrivait à croiser Gabriel en dehors des douches. Ils n’avaient guère de cours en commun, certes, mais il n’arrivait définitivement pas à le croiser dans les couloirs, dans la Grande Salle, dans les toilettes du quatrième étage, dans ce genre d’endroit public où les rencontres fortuites étaient légions. Non, ils se rencontraient toujours dans les douches de leur dortoir. Ce genre d’endroit intimiste, où peu de personnes se rendaient – puisqu’il faut se rendre à l’évidence, peu de Serdaigle semblaient faire grand cas de leur hygiène –, où les gens n’avaient aucun complexe à se promener nu.

GABRIEL - Once I was through, but now i'm winning ...

Et, il fallait bien l’avouer, Gabriel n’avait aucun complexe à se promener nu dans les douches. C’était un véritable plaisir pour les yeux de le voir errer ainsi pendant de longues minutes. Cupid resta pensif pendant plusieurs minutes, détaillant chaque partie de son anatomie flatteuse. Il se mordit la lèvre inférieure. Il ne pouvait pas dire qu’il n’était pas attiré par Gabriel. Ou plutôt, il ne pouvait pas dire qu’il n’était pas attiré par le corps de Gabriel. La réputation de ce dernier le précède partout où il va et malheureusement elle n’était guère glorifiante pour le moment aux yeux de Cupid. C’était aussi un peu ça qui l’empêchait de trop se rapprocher du bel Italien. Encore une fois, la notion du temps s’était effacée, laissant place à un moment unique. Il se demandait s’il pouvait le voir en train de l’analyser, de le regarder, de fantasmer sur lui. Il se devait d’être plus discret peut-être mais, dans tous les cas, l’autre ne semblait pas en faire grand cas et semblait l’ignorer totalement. Il était temps de sortir de l’ombre. Il ne pouvait décemment pas resté cacher ici plus longtemps, cela paraîtrait sans doute trop suspect. Et si jamais Gabriel finissait par s’apercevoir de sa présence, cela serait pire que tout.

CUPID – Alors, on vient pas dire bonjour ?

Ce faisant, il avait mis sa serviette autour de son cou, ramassé son canard en plastique et s’était approché de Gabriel. Il pouvait ainsi mieux le voir, mieux l’observer. Et son jugement était bel et bien confirmé. Son corps était radieux, parfait, impeccable. Sa nudité mouillée était à la fois impressionnante et gênante. Mais il ne voulait pas détourner les yeux, preuve de son intérêt pour le jeune homme, mais il ne voulait pas non plus trop le fixer, ce qui aurait pu mal être perçu et compris. Il croyait en sa chance et en la possibilité que la buée ambiante cache une partie de son regard. Il déposa la serviette sur le muret à sa gauche et se retourna, montrant son dos à Gabriel. Il n’aimait pas se laver tant que ça et avait toujours eu des problèmes pour atteindre cette partie de son anatomie. Et depuis quelques temps, il se sentait sale. Terriblement sale. Passant les mains dans ses cheveux, il tourna sa tête vers Gabriel, son sourire enjôleur aux lèvres.

CUPID – Dis, tu pourrais me frotter le dos, s’il-te-plaît ?

Il avait pris sa voix la plus douce, comme à son habitude dès qu’il devait demander quelque chose, un service, une information à autrui. Il pensait bien que dans le cas présent, il n’aurait pas non plus besoin de forcer pour obtenir un service aussi anodin et usuel.