Le grognement de son ventre l’obligea à fermer ses livres de cours, et à descendre dans les cuisines. Il était deux heures de l’après-midi, et Satheen n’avait rien avalé depuis huit heures du matin. Lundi elle avait un devoir de deux en Histoire de la Magie, et elle se devait de réviser le plus possible, pour ne pas avoir une mauvaise note. Au contraire de certaine personne, il lui fallait toujours beaucoup de temps pour apprendre et retenir une leçon. Elle avait peu de mémoire, et ce n’était vraiment pas un avantage. A vrai dire, elle n’avait de la mémoire que pour ce qui l’arrangeait ; une mémoire sélective en quelque sorte. Mais en cet instant, elle avait juste l’impression que son crâne allait finir par imploser tellement il ingurgitait de nouvelles connaissances. Il fallait qu’elle fasse une pause. Elle avait déjà loupé l’heure du déjeuner, il fallait qu’elle aille reprendre des forces et se vider un peu l’esprit avant de se remettre à travailler.
Rangeant ses affaires dans son sac, elle sortit de la bibliothèque, et dévala les escaliers jusqu’aux sous-sols. D’ordinaire, elle faisait tout pour en pas finir ici, toute seule, sachant pertinemment que les cachots étaient bondés de serpentards, et que la dernière fois qu’elle s’était retrouvée là, elle avait fait la rencontre d’Amadeus. Son ventre se tordit lorsqu’elle se souvint de leur horrible entrevue, et finit par secouer la tête, tentant d’oublier. Chose peu simple. Pressant le pas, elle atterrit bien vite devant le tableau, et frotta la poire qui se trouvait dessus. Elle se retrouva bien vite dans la cuisine où les elfes de maison s’activaient déjà pour le repas de ce soir. Qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’elle vit qu’elle n’était pas toute seule à avoir eu un petit creux. Le concierge Singh était là, accoudé contre le mur, en train de dévorer un sandwich.

« Bonjour monsieur , lança Satheen, un fin sourire sur les lèvres. »

« Bonjour mademoiselle Satheen. »

Ce n’était pas la première fois qu’elle conversait avec lui, il l’avait déjà aidé lorsqu’une bande de serpentards s’en était pris à elle dans un des couloirs du château. Le jeune indien les avait fait déguerpir, et en contrepartie, il s’était lui aussi fait insulter de « sang-de-bourbe ». Insulte détestée par les nés-moldus, tel que lui ou elle. Et puis il avait pris des nouvelles d’elle quelque jours après l’incident, et depuis ils aimaient bien discuter ensemble. Malik n’avait pas honte de son sang, et en était même plutôt fier, au contraire de Satheen qui portait ça comme un fardeau, une pierre sur ses épaules, alourdissant sa marche, et sa vie de tous les jours. Et il est vrai qu’elle l’enviait pour ça, pour assumer ses origines alors qu’autour de vous on ne cesse de vous lancer des regards méprisants, emplis de haine.

« Une petite faim vous aussi, j'imagine ? »

« Une grosse faim à vrai dire. J’ai loupé le repas de midi, et ça ne plait pas tellement à mon estomac. »

Des elfes de maison vinrent la voir, lui demandant ce qu’elle voulait pour manger. Indécise, la jeune fille finit par demander des pâtes. Elle avait besoin de manger quelque chose de consistant, qui lui tiendrait au corps pour le reste de la journée. Elle n’était même pas sûre d’aller manger ce soir, tout dépendrait de ses révisions. Se posant sur un banc devant une table, elle jeta un coup d’œil à la chatte du concierge qui savourait son bol de lait.

« Les serpentards vous embêtent toujours ? Je peux vous donner un conseil ? Vous devriez avoir plus d'assurance. »

La jeune femme hésita à répondre. C’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire, et bien qu’Amadeus avait pris plaisir à la faire souffrir pour la voir se défendre, c’était loin d’avoir fonctionné. Et Satheen ne se sentait pas capable de refaire l’expérience. Elle avait bien quelques amis qui tentaient de la pousser à se défendre, à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Seulement dès qu’elle rencontrait un vert et argent, elle sentait toute sa détermination battre en retraite, laissant la peur prendre une totale possession d’elle. Silencieuse, elle préféra hausser les épaules, ne sachant que dire.

« Vous savez dans mon pays, il y a un proverbe qui dit que le dard du mépris perce l'écaille de la tortue. Et un autre qui stipule que nul n’est parfait ici-bas, le soleil lui-même a ses taches. Soyez fière d'être une née moldue. »

Souriante, elle lâcha ;

« Ce sont de très beaux proverbes. »

Avant qu’elle ne puisse enchainer, on lui apporta son plat de pâte fumante, agrémenté de fromage et de lardons. Remerciant l’elfe de maison avec gratitude, elle enfourna une bouchée avec impatience, et finit par dire ;

« C’est vraiment … pas facile, vous savez. Prouver que l’on vaut autant qu’un sang-pur, alors qu’ils passent leur temps à vous rabaissez dès qu’ils le peuvent, ça n’aide pas vraiment à assumer ses origines. »

Lâchant un soupir, elle but une gorgée d’eau, et rajouta ;

« Et puis, c’est fatiguant de se battre à longueur de temps. Alors, je me dis qu’il ne me reste plus beaucoup de temps à rester ici, à supporter toute cette méchanceté gratuite. »

Elle tenta un sourire, peu convaincant, et finit par se reconcentrer sur ses pâtes fumantes.