C'est un fébrile bruissement de papier qui sortit Robyn de sa torpeur. Endormie par la chaleur étouffante, elle s'était oubliée sur l'un des fauteuils de la Salle Commune des Poufsouffles. Il n'y avait personne et il n'y aurait personne avant un bon bout de temps. Mais c'était sans compter le hasard de l'existence qui avait menée une de ses camarades jusqu'ici. Robyn ne s'était rendue compte de rien, déjà presque assoupie. Elle dormait mal la nuit, ce qui n'arrangeait rien. Ses insomnies ne la quittaient jamais. Ce n'était qu'aux premiers rayons du soleil qu'elle parvenait à réellement s'endormir. Réveillée, quelques minutes plus tard, par l'alarme matinale. Les mêmes horreurs la hantaient, nuit après nuit. C'était à devenir fou. Et Robyn suspectait qu'elle perdait peu à peu l'esprit. Il ne pouvait pas y avoir d'autre explication. Les rires des Serpentards, leurs insultes, et les coups… personne ne pouvait rester sain dans une situation pareille.

Robyn ne comprit pas tout de suite d'où venait le bruit. Elle ne se souvenait plus qu'elle avait laissé deux rouleaux entiers de parchemin, sur lesquels elle avait griffonné sa douleur, sur la grande table de travail. Alors quand elle revint à ses esprits, enfin, son coeur cessa un instant de battre. Tout revint à la surface en un éclair. Robyn tourna vivement la tête vers la table commune et bondit du canapé, se précipitant sur la jeune innocente. Fouineuse, stupide, inconsciente. Sans même sortir sa baguette, elle lui attrapa violemment le poignet, l'obligeant à se tourner vers elle. Un gémissement s'échappa des lèvres de la jeune fille mais Robyn n'y fit pas attention, le souffle court, une colère monstre la possédant toute entière. Elle ne laissa pas à l'élève de quatrième année le temps de s'expliquer, lui plantant le bout de sa baguette sous la gorge. Une lueur menaçante éclairait son regard qu'elle plongea dans celui paniqué de la pauvre fille.

« On ne fouille pas dans les affaires des autres, » siffla Robyn entre ses dents. « ce concept t'est-il étranger ? Ou peut-être que tu es une sale espionne… qui t'envoie ? »

« Personne ne m'envoie. Si je venais à espionner les gens, on pourrait me jeter dans les cachots. Je suis une poufsouffle digne de ce nom et respecte les qualités attachées à ma maison. Si tu n'en as pas conscience, qui es-tu ? »

Robyn ne baissa pas sa garde. La jeune Poufsouffle ne mentait pas, Robyn savait reconnaître un mensonge lorsque mensonge il y avait. Le regard, la voix, les mots trahissaient souvent les menteurs. Etant presque pro en la matière, Robyn ne pouvait pas se laisser avoir. Néanmoins, elle garda sa baguette enfoncée dans le cou de l'inconsciente. Robyn ne ressentait aucun remord, aucun regret d'avoir réagi au quart de tour. On ne savait jamais, il fallait se méfier de tout et de tout le monde dans ce fichu château. Excepté peut-être Wesley, la seule personne en qui elle avait réellement confiance. Lorsqu'elle était seule, c'était une autre paire de manches. Elle était si vulnérable, seule. Le moindre murmure la rendait folle. Elle faisait de son mieux pour les ignorer. Elle ne pouvait s'empêcher d'angoisser à l'idée de croiser la bande de Serpentard à chaque coin de couloir ces derniers jours. Les coups étaient devenus une habitude et une fois par semaine ne leur suffirait bientôt plus.

Elle n'avait jamais vu cette Poufsouffle-là, jamais. Alors, automatiquement, Robyn l'avait perçue comme un élément perturbateur. Et si elle avait lu tout ce qu'elle avait écrit ? C'était impossible, Robyn l'avait arrêtée juste à temps. La meilleure chose à faire était de demander...

« Qu'est-ce que tu as lu ? Qu'est-ce que tu as vu ? » reprit Robyn de la même voix menaçante.

« J'ai lu ce que tu avais écris... »

Un tic fit tressauter les lèvres de Robyn dont les pupilles se rétractèrent davantage. L'inconsciente se moquait-elle d'elle ? Robyn pensait avoir été claire pourtant. Ce n'était pas en la provoquant que cette gamine allait s'en sortir sans dommage. Loin de là. Robyn serra les dents, loin d'être amusée par la situation. Elle ne relâcha pas une seconde la pression que sa baguette exerçait sur le cou fragile de la jeune fille, resserrant son étreinte sur son fin poignet. Elle pourrait le casser, le briser. De la violence pure et aveugle. Elle était à l'image de ses agresseurs, le plaisir en moins. Elle n'allait pas bêtement frapper sa camarade, ce serait idiot. Horrifiée par son propre comportement, Robyn commença à se détendre, lâchant le bras de la petite brune. Néanmoins, sa baguette demeura toute aussi menaçante, pointée sur son cou.

« ... Et j'ai vu une folle bondir sur moi. »

A ces mots, Robyn se fit violence pour ne pas lui jeter un sort impardonnable. Tenait-elle à aggraver la situation ? Ou était-elle si bête qu'elle ne se rendait pas compte de ce qu'elle disait ? Inconsciente, inconsciente, inconsciente, se répétait intérieurement Robyn, le regard flamboyant de colère.

« Tu devrais apprendre à tenir ta langue, l'insolence ne te va pas. Ce que tu as lu était confidentiel. Tu n'avais pas à le lire, comme tu n'avais pas à fouiller dans ces papiers. Ils étaient là, mais ne t'appartenaient pas. » lui cracha-t-elle à la figure.

De sa main libre, Robyn lui arracha le rouleau de parchemin et le fourra machinalement dans sa poche, le regard toujours braqué sur sa jeune camarade.

« L'insolence ne me va pas, c'est certain. Je n'ai aucune envie d'être insolente avec toi. On n'aurait pas du en venir à se quereller ainsi. Et toi, l'agressivité, ça ne te va pas non plus... L... Lâche mon poignet ! »

La gamine retira alors vivement son poignet de l'étreinte de Robyn qui ne fit rien. Elle ne baissa cependant pas sa baguette, sur ses gardes. Elle demeura là, à l'observer férocement, le souffle court, le coeur battant violemment contre ses côtes. Amalia commença à se masser le poignet, quelques larmes brouillant ses yeux sombres. Robyn n'arrivait pas à ressentir la moindre compassion pour elle, ce n'était que ce qu'elle méritait pour avoir été bête et curieuse. Sa voix tremblante, loin d'inquiéter Robyn, ne faisait que l'énerver un peu plus. Un soupir agacé s'échappa d'entre ses lèvres et elle rangea sa baguette dans sa poche, croisant les bras sur sa poitrine.

« Tu... Tu devrais faire attention à toi ! Qu'espérais-tu ? Je ne suis pas une espionne ! Et même, imagine que j'en sois une... J'aurais tout rapporter à mon "patron" ! A la fois le contenu de ton texte, et en plus l'agressivité dont tu as fais preuve !... »

Robyn leva les yeux au ciel, un sourire moqueur se dessinant sur les lèvres. Amalia n'était définitivement pas une espionne. Que les Serpentards l'aient envoyée, elle, aurait été une grossière erreur. Et ces cafards n'en faisaient jamais. Tout devait être précis, méticuleusement préparé. Sinon la chandelle n'en valait pas le coup. La chandelle étant Robyn, détruite, évidemment. La gamine, en pleurs, releva la manche de son pull, découvrant son poignet, avant de le fourrer sous le nez de Robyn qui recula brusquement d'un pas, surprise.

« La voilà ma preuve ! On te l'aurait rendue au centuple ! »

Robyn déglutit avec difficulté. Son coeur se serra abominablement tandis que les rires, les aboiements, les coups des Serpentards refaisaient surface. Oh, si cette inconsciente savait ce que Robyn endurait depuis son arrivée à Poudlard. Si elle pouvait voir les contusions, les bleus, les plaies, les cicatrices. Mais Robyn ne pouvait pas se trahir. Wesley et Maden étaient au courant et c'était déjà bien trop.

« Si on me demande... Le bracelet que m'a envoyé ma mère était trop petit. »

Robyn s'obligea à fermer les yeux. A respirer profondément. A retenir la myriade d'insultes qu'elle brûlait d'envie de lui cracher à la figure. Il fallait qu'elle parte, immédiatement. Ses doigts se refermèrent sur sa baguette, à l'intérieur de sa poche. Elle pensa au bonheur qu'elle s'arrachait lorsqu'elle se mutilait. Elle pensa au sang qui coulait sur sa peau d'ivoire. Elle pensa à l'extase. Parce qu'elle ne pouvait se trahir. Elle ne pouvait pas se le permettre. Et certainement pas devant une inconsciente pareille.

« Dis ce que tu veux, je m'en fiche. J'ai d'autres problèmes. » parvint Robyn à articuler, rouvrant les yeux, chassant les mauvais souvenirs d'un battement de paupière. Elle avait besoin d'une cigarette, terriblement.