Regarde Sirius.

Regarde cet oiseau en cage… Là, derrière ces barreaux d’acier, avec ses ailes trop grandes qui le gênent. Ces mêmes ailes qui sont atrophiés de ne pas voler. Et toi, Sirius, de quel côté es-tu ? Intérieur ou extérieur ? La bête ou le badaud ? Tu vois, même toi tu ne peux plus le dire. Trop d’année enfermé à ne rien pouvoir faire, trop d’année enfermé dans ta tête, ça rend fou… Oui, cela rend fou que d’entendre des atrocités cogner contre les parois de son crâne. Ne regarde pas cet oiseau de trop près, mon cher ami. Il pourrait te faire penser à ton triste sort.

Est-ce que tu sais seulement de quel côté du miroir tu évolues ? Toutes ses précautions pour te garder sain et sauf, autant de cadenas sans clé, de barreaux qui ne peuvent être sciés. Tu pensais avoir gagné ta liberté en t’échappant de là bas ? A l’évidence, tu t’étais trompée, parce qu’ils t’ont enfermé à nouveau. Mais ils ne l’emporteront pas au paradis, ils ne t’auront pas comme ça. Tu n’es pas de ceux qui restent dans l’ombre, tu es un Lion, tu te bas.

Alors tu es sortit, tu as couru et tu t’es battu. Galant, tu as secouru une jeune fille. Et puis, te retrouver face à Bellatrix t’amusais. C’était comme revenir à ses années où vous vous battiez pour rire dans le jardin de la maison de ses parents. Enfin, toi tu riais, elle était sérieuse. Elle a toujours voulu te tuer. Toujours. Mais tu étais le petit garçon odieux qui courait trop vite pour qu’elle t’attrape. Alors elle jouait. Elle se contentait de t’attaquer pour te faire courir.

Et finalement elle t’a eu. Tu ne t’attendais pas à ça. Tu te riais d’elle, même. Comme avant, juste comme avant. Tu ris, elle s’énerve, elle te jette un sort, elle te rate… Seulement, tu n’as plus la rapidité d’un enfant de dix ans, mon cher Sirius. Aussi sure qu’elle n’est pas aussi gauche qu’une jeune sorcière à peine majeure. Aussi sure également qu’elle ne fait plus semblant d’être cruelle et folle. Elle l’est. Tu aurais du t’en rendre compte un peu plus tôt. Et pourtant, si c’était à parier, tu aurais dit qu’elle allait te faire souffrir. Un Doloris, puissant. Un de ces sorts sadiques dont elle a le secret, mais non… c’était un Stupefix. Un basique et rougeoyant Stupéfix. En plein dans la poitrine, traversant tes poumons. Si parfaitement dans tes poumons, en fait, que tu en as arrêté de respirer.

Et puis la chute. Lente et douce, mais irrévocable, comme un endormissement. Et une caresse, infiniment tendre. Ce n’est qu’une étoffe contre tes joues aujourd’hui émaciées, qu’un voile qui passe comme une aile, comme un courant d’air et pourtant, ça t’arraches un rictus, et tu sais très bien pourquoi. Cette caresse sur ta peau est semblable à celle des doigts de cette femme que tu n’as jamais eu le temps d’aimer, comme ces nuits dans ses bras, dans ses draps. C’est trop tard, tu tombes Sirius. Abyme, abysses et infini, tu comprends peu à peu ce qui est entrain de t’arriver. Et tout est enfin a sa place. D’un coup. Subitement, comme une évidence. Tu flottes, tu entends des rires et des cris, mais tu ne peux pas bouger. Alors tu n’essaie même plus, tu te laisses porter en arrière, tu te laisses attirer doucement par cette aura qui promet tant de douceur et de passion, cette amante éternelle et ses promesses de liberté. Elle remplit amoureusement cette coquille presque vide que tu es devenu… Tu avais beau dire, Sirius, ils l’ont eu. Ils t’ont eu. Les détraqueurs ont eu raison de ta santé mentale. Tu l’as toujours su, mais tu ne voulais pas y croire. En fait, ce monde dans lequel tu vivotais comme un animal n’était rien de plus qu’un rêve bien construit. Le vrai univers est de l’autre côté de cette arche délabrée.

C’est le passage. C’est la mort.

Et le rire de ta cousine, qui a reprit ton flambeau. Tu riais, maintenant c’est elle qui jubile. Le son bat dans tes oreilles, c’est annihilant, n’est-ce-pas ? Elle est folle, pas vrai ? Oh, oui. Ô combien dérangée. Il faut dire, la prison ne l’a pas arrangé. Vous êtes deux dans ce cas là. Mais c’est finit, tu as trouvé ta fin, tu as atteint ta ligne d’arrivé. Tu es le deuxième maraudeur à partir. Le troisième tient ton filleul, parce qu’il ne faudrait pas que Harry ne suive de trop près son père. Ca serait dommage, tant d’effort gâché pour qu’il meure sur un suicide. Ca serait dommage que la jolie Lily et que James, ton meilleur ami, soit mort pour rien. Le quatrième maraudeur ? Dans l’autre camp, tout le monde le sait à présent.

Il y a d’autre voix qui se mêle au rire malade et oppressant de Bellatrix. Des voix d’ailleurs, elles sont lointaines, et pourtant, tu as cette certitude gênante qu’elles sont chuchotées dans tes oreilles. Et puis on t’appelle. De l’autre côté du voile qui tu viens de passer, on cri ton nom, à s’en arracher les poumons. Tu veux tendre le bras et écarquillé les yeux vers cette caresse qu’est le voile, mais tu ne peux plus. Plus rien ne réponds. Comme un test, un essai, tu essaie de cligner des paupières, mais c’est peine perdu.

Alors voila Sirius. Contemple ta mort qui, grandiose et voluptueuse, se tient devant toi. Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu as été pris de court. Un claquement de doigt, et tu n’es plus là. Un claquement de doigt, et l’oiseau a ouvert sa cage. C’est fou, il est déjà loin. Regardes les choses en face, il fallait que tu meurs pour être vraiment libre. Tu en savais trop Sirius. Sur Peter, sur James et sur Lily, sur l’Ordre, sur le passé de tous. Sur Remus, sur ta mère et ta famille. Trop, mais pas assez. Et surtout, pas assez de Harry. Regarde les choses en face, accepte ce que te renvoies ce miroir dont tu t’es si longtemps passé : tu n’es plus le même. De toute façon, tu es mort.

As-tu peur ? De quoi as-tu peur ? Pourquoi tentes-tu de hocher frénétiquement la tête ? Ca ne marche pas, mais je vois tout, tu sais. Alors, est-ce un oui ou un non ? As-tu peur de la mort, de ta mort ? Je sais qu’elle est déjà venu, Sirius, mais réponds moi. A qui penses-tu ? Qui me caches-tu ? Lily, je sais que tu l’as toujours aimé. James, ton frère tant tu l’aimais lui aussi. Regulus, celui que tu n’as jamais compris… tu devrais savoir pourquoi il est mort, je crois que ça te rendrait fier. Harry, il grandira, il accomplira sa mission… après tout, trop de gens sont morts pour qu’il plaque tout ainsi…

Et oui. Le grand Sirius Black est parti comme un courant d’air. Prince des voleurs, il a escamoté son départ. C’était théâtral, tu sais. Grand seigneur, sans effusion… propre et concis, comme diraient certains. Et puis, surtout, SURTOUT, quel rebondissement. Rien qu’un courant d’air, qu’on ne peut attraper. Ils avaient raison, dans la gazette : essayer de te faire captif, c’est comme tenter de retenir de la fumée avec les mains. Mais la mort contrôle toutes les forces du chaos, y comprit la poussière, même la plus volage. Tu ne faisais pas le poids contre la faucheuse.

Il n’y a pas de corps, tu n’es pas exactement mort. Les détraqueurs ne t’ont eu qu’officieusement, il en sera de même pour les Mangemorts. Officieusement.