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7h45 du matin, table des Gryffondor dans la Grande Salle. Je baillai une nouvelle fois à m’en décrocher la mâchoire tandis que mes amies me regardait d’un air amusé. Toutes savaient que pour que je sois dans cet état c’est que la nuit avait été courte pour moi, et elles ne se trompaient pas, la Salle sur Demande avaient été témoins de mes ébats, une nouvelle fois, les légères cernes sous mes yeux étaient là pour le montrer d’ailleurs. Je mordis dans un gâteau au chocolat, sans réel appétit, et finis par le reposer n’arrivant décidemment pas à manger aujourd’hui.

Bon les filles, j’y vais, je repasse dans la salle commune et je vous rejoindrais peut-être en botanique. dis-je insistant bien sur le « peut-être » pour leur faire comprendre qu’il était vraiment très peu probable qu’elles me voient en cour ce matin.

Sans attendre de réponse je me levai et sortis de la Grande Salle, remontant en traînant des pieds les sept étages qui m’amenèrent jusqu’à la salle commune des Gryffondor. Je ne fis pas vraiment attention aux personnes présentes et me rendis directement dans ma chambre, cette chambre où j’avais déjà passé tant de beaux moments. Je la partageais avec d’autres filles, bien sûr, mais elle était quand même à mon image, c’était mon univers. Mes colocataires râlaient souvent en raison du grand bazar, mais je m’en fichais, je n’aimais pas vivre dans un environnement rangé, j’étais comme ça. Le papier-peint était recouvert de multiples posters, à tel point qu’il était difficile de le distinguer, et j’adorais ça. J’allai finalement dans la salle de bain et me regardai dans le miroir pendant quelques secondes avant d’ouvrir de grands yeux. J’étais vraiment affreuse, je ressemblai à un Croque-Mitaine avec mes cheveux en bataille, mon visage laissé au naturel et mes traits tirés. Je ne sais même pas comment j’avais fait pour sortir de ma chambre sans m’en apercevoir. Après m’être bien recoiffée, je me maquillai légèrement, inutile d’en faire trop. Je mis simplement un peu de fond de teint, du rouge à lèvre et du gloss ainsi que du mascara pour mes yeux. Puis, une fois que j’eus aspergée mon visage d’eau pour me réveiller, je me passais une crème qui était censée diminuer les cernes. J’étais fin prête, il ne manquait plus qu’une dernière chose à faire : il faisait chaud dehors, je pouvais donc sans problème troquait ma robe de sorcière contre mon uniforme estival, à savoir une jupe et un chemisier. Une fois que ce fut fait, j’attrapais mon sac à dos et redescendis pour me rendre à mon cour de botanique. Je n’avais pas spécialement envie d’y aller mais bon, maintenant que j’étais levée…

J’étais donc en train de traverser le parc pour me rendre aux serres lorsque j’aperçus mon frère, étendu dans l’herbe avec un livre à la main. Toujours en train de lire ou d’étudier, ça en devenait déprimant… Tant pis pour les cours, je n’avais pas encore pu discuter avec Silver cette semaine et j’avais appris qu’il avait écopé d’une retenue pour s’être battu, c’était donc mon rôle de grande sœur de l’engueuler pour ça… Non ? Bon d’accord, avec le nombre d’heure de colle que j’avais pris dans l’année j’étais très mal placée pour parler, mais qu’importe.

Silver Crivey ! m’exclamais-je d’une voix pleine de colère.

Colère qui était feinte, bien entendue, mais j’avais une folle envie de m’amuser un peu avec mon frère. Les gens présents dans le parc se retournèrent vers moi puis vers Silver mais je ne m’en aperçus pas vraiment. Lui n’avait jamais aimé être au centre de toutes les attentions, moi au contraire, ça ne m’avait jamais dérangé, bien au contraire, j’adorais ça. J’avançais maintenant en direction de mon frère, la tête droite, la démarche digne, comme toujours. Je me plantai finalement en face de lui, lui prenant son livre des mains sans aucun avertissement. Je regardais le bouquin quelques secondes, juste le temps de lire un petit paragraphe et vis qu’il s’agissait d’un livre de potion, mais qu’importe.

Tu as été collé, dis-je sèchement, pour qu’il comprenne enfin où je voulais en venir.

En apparence je semblais bouillonner de rage, mais c’était faux, et j’étais certaine que mon frère saurait discerner cette nuance. La lueur d’amusement qui brillait dans mon regard le lui montrerait. Je voulais juste jouer à la grande sœur modèle, bien qu’au final je savais que s’il avait été collé, c’était tout de même pour m’avoir défendu, donc c’était une raison plus que valable à mes yeux.

Je m’étais planté en face de Silver, semblant en colère, non, hors de moi, intriguée de voir quelle attitude il allait adopter. Après avoir brièvement regardé un paragraphe de son livre, j’avais braqué sur lui mon regard noir, dans lequel on pouvait cependant lire une très légère lueur d’amusement. Et mon frère déglutit difficilement, ne sachant visiblement pas quelle attitude adopter face à ma moi. Ce genre de réaction avait tendance à m’horripiler et je ne me privais pas de le lui faire remarquer, avec un froncement de sourcil mécontent. Silver était trop timide, beaucoup trop timide, il se conduisait comme une petite souris face à un chat, comme un poussin face à sa mère, c’était affligeant. Mais il était comme ça, il n’était pas arrogant et insolent comme je pouvais l’être la plupart du temps, non, il était timide, n’osait pas vraiment aller vers les autres. Et même si ça avait tendance à m’agacer, car j’aurais vraiment aimé qu’il soit plus courageux, c’était lui, c’était sa façon d’être et j’avais fini par l’accepter, avec beaucoup de difficulté certes, mais aujourd’hui c’était fait. Une fois que je lui eus enfin énoncé la raison de ma colère, Silver finit enfin se redresser, se plaçant en tailleur et par me regarder dans les yeux, avant de répondre, difficilement :

Mais June ... Il t'avait insulté ... Je ... Je ne pouvais pas le laisser faire. Enfin je ... il n'avait pas le droit.

Et voilà qu’il se mettait à bafouiller maintenant… Silver était connu, dans tous Poudlard, pour son caractère timide, certes, mais quand même, j’étais sa sœur, nous avions grandi ensemble ! J’aurais aimé qu’il soit capable de me répondre, de répliquer face à ma colère qui était seulement feinte, et pas du tout mérité, mais non, il se contentait d’essayer de se justifier, maladroitement. J’hésitai pendant quelques secondes sans le montrer, devais-je m’énerver face à ses réactions ? Car au fond c’était plus son attitude face à moi qui m’horripilait que les heures de colles dont il avait écopé. Je finis par décider que non, l’engueuler parce qu’il était incapable de me parler sans bafouiller ne ferait que le renfermer d’avantage sur lui-même, c’était inutile.

Je ne vais pas te manger, tu peux quand même me parler sans avoir l’air d’une petite souris morte de peur devant un chat… ne pus-je cependant m’empêcher de lui faire remarquer, affichant désormais un sourire sarcastique.

Le ton que je venais d’employer se voulait désormais léger, comme si je venais de lancer une simple boutade. Ma colère semblait s’être soudainement évaporée comme elle était venue et c’était peut-être ce qui devait le plus impressionner chez moi. Cette colère, noire, sourde, qui surgissait soudainement semblant sur le point de lancer un Armageddon et qui pouvait partir, brutalement, comme elle était venue.

Pour en revenir aux heures de colles qu’avaient récoltées Silver, j’étais un peu en colère, oui, comme une mère aurait pu l’être parce que son fils avait été punis, mais c’était plus le fait qu’il se soit fait prendre qui me dérangeait que le fait qu’il ai été collé parce que c’était pour me défendre, et ça c’était une raison plus que valable. Pour ça j’étais fière de lui, sans jamais le lui avoir dit. Savoir qu’il était là, que jamais quelqu’un ne pourrait m’insulter impunément devant lui me rendait heureuse et très, très fière de lui. Parce que malgré les apparences, et tout ce que j’avais pu faire subir à mon frère auparavant, il en était de même de mon côté. Personne, non, personne, n’insultait l’un des membres de la famille Crivey devant moi sans s’attirer mes foudres. J’étais la seule à avoir droit à engueuler mon frère.

Tu aurais quand même pu faire attention qu’un professeur ne débarque pas en plein milieu de la bagarre… Si je me faisais prendre à chaque fois que je faisais une connerie je peux te dire que j’aurais un abonnement à la journée aux heures de retenues… Je marquai une petite pause avant de demander : Qu’a dit Heloym sur moi ?

Certes, Silver avait déjà puni le Gryffondor à sa manière, mais je n’en avais pas finis avec lui. Personne dans ce château ne m'insulterait sans en payer le prix, je dis bien personne.

Ma petite plaisanterie, comme quoi j’aurais un abonnement quotidien à la salle de retenue si je me faisais prendre à chaque fois que je faisais une connerie, eu l’air de fonctionner puisqu’un sourire se dessina sur les lèvres de Silver, durant quelques secondes à peine mais c’était déjà ça. J’essayai tant bien que mal de le décoincer, de lui faire comprendre qu’il n’avait pas à avoir peur de moi aujourd'hui, mais c’était quelque peu difficile. Mon frère me craignait, je l’impressionnais, je l’avais compris au fil des années mais ça ne changeait pas le fait que ça avait tendance à m’agacer prodigieusement. Parce que parfois j’étais perdue face au comportement que je devais adopter en sa présence, pour ne pas le braquer ou l’effrayer. Lors de sa répartition à Poufsouffle j’avais été très dure avec Silver, et, bien que je ne regrette rien, aujourd’hui j’essayais tant bien que mal de me conduire de façon convenable avec lui, pour ne pas qu’il souffre comme il avait pus souffrir à l’époque, parce que mine de rien je sais que je lui ai fait du mal.

Lorsque j’avais abordé le sujet Heloym je m’étais immédiatement tendu, mon regard c’était assombri et je fixai maintenant mon frère, dans l’attente d’une réponse. Il releva enfin les yeux vers moi, pour une des premières fois depuis que je l’avais abordé et je pus y lire toute la colère qu’il semblait ressentir pour le jeune homme. C’est d’une voix plutôt dure qu’il me répondit :

Il a dit que tu étais un ramassis d'ordure qui avait fait de sa vie un enfer. Que tu ne méritais pas d'appartenir à la maison des Gryffondor. Que tu lui faisais honte. Alors je l'ai remit à sa place. Il a dit que tu étais un démon, le pire.

Alors, Silver se mit à me raconter la façon précise dont cela c’était passé. Les coups qu’il avait portés à Heloym, la façon dont il m’avait défendu. Mes poings se serrèrent de colère envers le rouge et or durant son récit, à tel point que mes jointures devenaient de plus en plus douloureuse. Comment cet abruti avait-il osé dire tout cela sur moi, il allait le payer, je m’en fis la promesse. Sa vie deviendrait un enfer, je lui ferait subir encore pire que ce qu’il avait vécu jusque là. Personne n’insultait June Crivey impunément, personne. Et d’un autre côté je ressentis de la fierté et de la reconnaissance envers Silver m’envahir petit à petit, il m’avait protégé, il n’avait pas hésité à se battre pour défendre mon honneur. Lui, le Poufsouffle que tout le monde pensait si timide était sorti de ses gonds simplement parce que quelqu’un avait fait l’erreur de s’attaquer à sa sœur. Savoir qu’il était là, que jamais il ne laisserait quiconque s’attaquer à moi lorsqu’il était dans les parages me comblait de joie, sans pour autant que je ne lui montre. Non, j’étais beaucoup trop fière pour cela. Un long moment de silence suivit lorsque mon frère eut terminé son histoire, puis, d’une voix légèrement confuse il me demanda :

« Pourquoi a-t-il dit ça, June ? Je veux dire ... tu le connais ? Il est dans ta maison ... plus jeune, certes, mais ... »

Mon regard s’assombrit encore un peu plus si cela était possible. Comment répondre à cette question ? Car au fond, j’avais bien conscience que la colère qu’Heloym ressentait à mon égard était justifié, même si j’aurais préféré mourir que de le dire à voix haute.

"C’est sans importance." répliquais-je d’une voix glaciale, beaucoup plus froide que ce que j’aurais voulu qu’elle soit initialement.

Cependant un soupir m’échappa sans que je ne puisse le retenir. Bien sûr que c’était important. Silver m’avait défendu, il avait le droit plus que personne d’autre de savoir ce que pouvait me reprocher le rouge et or.

"Disons qu’Heloym et moi ne nous entendons pas particulièrement bien et qu’il m’arrive assez souvent de lui envoyer quelques piques, qu’il mérite tout à fait d’ailleurs…" finis-je par répondre après un long silence en faisant un large geste de la main, comme pour évincer cette question.

Je voyais mon frère seulement quelques heures par semaine, alors je n’avais pas envie que cet imbécile de Gryffondor vienne gâcher le temps que nous passions ensemble.

"Bon, et sinon toi, comment ça va ? Tout se passe bien en ce moment ?" enchaînais-je rapidement.