« Miss Black à l'infirmerie, une première ! D'habitude, c'est plutôt vous qui amochez les autres élèves, n'est-ce pas ? » Les lèvres minces de l'infirmière s'étirèrent en un rictus. Elle ne disait pas faux : la dernière fois qu'Aelyriah avait mis les pieds en cet endroit, elle s'était retrouvée face au lit de mort de sa meilleure amie. Ainsi, en temps habituel, elle occupait le rôle de visiteuse et non de patiente. Et en cet après-midi, le soucis principal était que les enseignants étaient persuadés qu'il était fort probable que la Serpentard ait subi un traumatisme lié à l'attaque du train partant de l'Ile de May. Pour une fois, ces fils de putes se sont inquiétés de mon sort. Plutôt mignon, lorsqu'on songeait au nombre incalculable de fois où ses professeurs l'avaient poursuivi dans les couloirs dans le simple but de mettre la main sur elle afin de la coller. Ils la détestaient, c'était certain. Sauf qu'ils n'avaient pas le choix aujourd'hui : ils étaient dans l'obligation de lui accorder les mêmes faveurs qu'à ses camarades. Si on peut appeler ça une faveur, de se trouver face à cette vieille peau. Pour Aelyriah, il était hors de question de s'avouer vaincue. D'ailleurs, elle ne se sentait perdante en rien et ne semblait pas être touchée par ce qui lui était arrivé. Dédaigneuse au possible, elle croisait les bras, provocante et s'évertuant à observer l'infirmière s'affairer autour d'elle. En réalité, elle frissonnait encore rien qu'en songeant au Doloris qu'on lui avait expédié en plein ventre. Des Mangemorts, disait-on. C'était en tout cas ce qu'elle entendait dans les couloirs et à la radio. Après l'attentat de la tour des Serdaigle, les fidèles sbires survivants du Seigneur des Ténèbres n'avaient pas été assez satisfaits. Fantasmaient-ils sur la démolition de Poudlard ? Cherchaient-ils à les avertir d'un retour bien plus fracassant qu'auparavant ? Elle n'avait pas vraiment réponse à ses questions et ne désirait pas se tracasser davantage. Avec ces Détraqueurs ayant encerclé l'école, ses oreilles et neurones n'étaient pas en reste. Elle mettait son cerveau en veille afin de se préparer aux discussions qui suivraient une fois qu'elle aurait quitté l'infirmerie et regagner la salle commune des Serpentard. « Souffrez-vous de maux de tête, Miss Black ? » Brièvement. Ou bien à cause de ce fichu Doloris, ou parce qu'elle était en vérité déchaînée. Aelyriah avait la haine et le souhait d'éradiquer la race Mangemorte devenait de plus en plus concret au fil des heures qui s'étaient écoulées depuis son retour au château. Qui aurait pu le croire ? Il y avait de cela cinq mois encore, la Serpentard était assise sur les marches d'un escalier de l'école et débattait sur un sujet important avec Ashara : intégrer l'Ombre et soutenir les descendants de Mangemorts, ceux qu'on pointait du doigt et dont elle faisait partie. Elle chassa ces vilaines pensées lorsque le regard inquisiteur de l'infirmière se vrilla sur ses iris azurs. « Là je vais plutôt bien. A part un Doloris et s'être reçue un cadavre pissant son sang sur moi, et quelques flammes m'ayant brûlé la cape... tout est bon chez moi. » déclara-t-elle d'un ton désagréable et impatient, déjà lasse de cette entrevue. La Black n'aimait pas qu'on s'attarde sur son cas et qu'on la prenne pour une fillette. Elle faisait la fière, comme toujours. Mécontente, l'infirmière posa ses poings sur ses hanches, la bouche entrouverte, s'apprêtant à l'attaquer.

Malheureusement pour elle mais heureusement pour Aelyriah, on frappa à la porte. Toisant Aelyriah d'un air mauvais, elle s'en alla ouvrir. « Bonjour, je viens voir Aelyriah Black. » Les oreilles alertes, cette dernière avait entendu et reconnu la voix de l'élève que l'infirmière dissimulait de sa silhouette massive. C'était Elizabeth Bloodworth, garce émérite. « Impossible, je suis en train de l'examiner. » Sèche et rude, la mégère referma la porte sans attendre une quelconque réponse et soupira, retournant vers Aelyriah en compagnie de son calepin niché dans sa main droite. « Je vous avouerais que j'ai besoin de quelque chose, madame. » Il était temps d'agir, elle n'était pas Black et Selwyn pour un rien. Baissant les yeux vers le sol pour paraître plus crédible dans le rôle de la demoiselle intimidée. Ô douce Elizabeth, sois ma délivration. « Je me sens... oppressée. J'ai envie de parler à quelqu'un. » Ce n'était pas vraiment un mensonge. Quand les choses n'allaient pas, elle ressentait le besoin de converser jusqu'à en crever... pas pour aller mieux ou recevoir des conseils, mais plutôt pour se défouler et tout oublier. « Eh bien, je suppose qu'une infirmière peut remplir cette tâche. » Surtout pas ! Levant les yeux au ciel, Aelyriah esquissa un doux sourire - plus hypocrite, tu crèves - et déposa délicatement sa main sur l'épaule de l'infirmière. « Voyons, pas avec vous. Avec une personne plus agréable à regarder, de préférence. » Finalement, l'énergumène ne tenait plus en place. Fière de son coup, elle descendit du lit avec prestance et replaça son écharpe aux couleurs de sa maison avec dédain, se dirigeant sans un mot de plus vers la porte de sortie. Ses parents entendraient parler de cette histoire, mais qu'importe, elle étouffait. La peste put entendre l'infirmière l'insulter lorsqu'elle claqua la porte de l'infirmerie.

Debout dos contre le mur de pierres, Elizabeth n'était pas partie. Eternellement tenace, la Serdaigle n'était pas de celles qui se faisaient piétiner et c'était certainement un point commun marquant qu'elle entretenait avec la belle Serpentard. En fait, les deux jeunes femmes se ressemblaient sur biens des aspects mais se refusaient - cordialement ou pas - de se l'avouer. « Merci à toi Bloodworth, sans toi je crois bien que cette vieille pie m'aurait dopé aux médoc's pour un bon mois. » lâcha-t-elle avec le plus grand des soulagements. Jouant machinalement avec une de ses longues mèches brunes, elle parcourut le couloir du regard. Il était vide, elles étaient seules. Ses yeux clairs se posèrent de nouveau sur Elizabeth. « Pourquoi être venue si tôt ? Ne me dis pas que tu me croyais morte. » Et ça t'aurais peut-être plu, sweety.

« Bonjour, je viens voir Aelyriah Black. » « Impossible je suis en train de l’examiner. » La porte se refermait déjà sur elle, en un mouvement de recul Elizabeth évita de se faire claquer la porte au nez. Exaspérée par le ton sec de l’infirmière la Bloodworth faillit faire volte-face et retourner à ses affaires. Elle s’installa contre un mur, attendant la sortie de sa camarade. Les événements récents l’inquiétaient, elle faisait partie de l’Ombre, certes, mais à l’évidence les mangemorts ne faisaient aucune différence entre les étudiants qui pourraient être de leur côté et leurs opposants. Des enfants de Mangemorts avaient été attaqués, blessés dans ce trajet de retour. Un petit sourire triste sur son visage apparut lorsqu’elle réalisa à quel point elle avait été éclairée de ne pas faire cette classe de dragonologie. Un mangemort qui l’aurait reconnue l’aurait probablement tuée sans autre forme de discussion.

Toujours appuyée contre un mur, sans pour autant ressembler à une de ces filles faciles qu’on ramassait en un regard, Elizabeth sortit de son sac un carnet et une plume à encre intégrée. Depuis l’attaque l’Ombre avait été un peu agitée, les enfants de mangemorts blessés, les membres présents uniquement parce qu’ils avaient une croyance forte en l’idéologie doutaient. La Bloodworth ne savait pas comment les élèves trahis par leurs parents se remettraient de cette bavure, peut-être qu’ils s’y attendaient, après tout leurs parents étaient des serviteurs de Voldemort. Sa plume griffait le papier, elle notait les blessures qu’elle avait pu recenser jusqu’à présent. Pourquoi faire ça ? Parce que ça l’occupait, parce qu’elle savait qu’une blessure ne disparaissait jamais totalement et que les traumatismes pouvaient être longs à effacer. Un jour elle appuierait là où ils avaient tous été blessés pour leur rappeler qu’ils n’étaient pas invincibles. Aelyriah avait été blessée et même si ce n’était pas une bonne nouvelle aux yeux d’Elizabeth, elle avait décidé d’en prendre note aussi, la Black était une jeune fille qu’elle appréciait, elles s’entendaient même bien en dépit de leurs différences. Mais Aelyriah ne faisait pas partie de l’Ombre aussi, Elizabeth ne voyait pas encore comment elle pourrait utiliser ces informations sur elle. Tout venant à point à qui savait attendre elle décida de prendre son mal en patience alors qu’elle refermait son petit carnet. La porte de l’infirmerie s’ouvrit sur la Vipère. Rapidement elle vint vers Elizabeth, sans claudiquer ce qui laissa supposer à la Serdaigle que ses jambes n’avaient pas été touchées dans l’attaque du train.

« Merci à toi Bloodworth, sans toi je crois bien que cette vieille pie m'aurait dopé aux médoc's pour un bon mois. » Si seulement des médicaments avaient pu suffire à lui acheter une classe naturelle, Elizabeth lui aurait prescrit un traitement à vie. Il était vrai qu’elles s’entendaient bien, mais Bloodworth et Black avaient une appréciation de ce qu’étaient les bonnes manières légèrement différentes, et si Elizabeth se montrait parfois fofolle, c’était en compagnie de sa sœur qu’elle estimait la seule autorisée à faire preuve de vulgarité, chez Aelyriah cela sonnait comme une erreur. Mais ravalant ses paroles, elle se contenta de se mettre en marche aux côtés de la blessée. « Pourquoi être venue si tôt ? Ne me dis pas que tu me croyais morte. » Morte ? Elle aurait peut-être préféré finalement. Après tout par moment Aelyriah était à ses yeux un poids plus qu’un plaisir. « Je venais m’assurer que les mangemorts ne t’avaient pas abimé la face, c’est bien là ton seul atout. » Son ton était chaleureux, comme chaque fois qu’elle pouvait lâcher une pique, le plus gentiment du monde, l’air de ne pas y toucher. S’arrêtant à hauteur d’un banc elle décida qu’une conversation pouvant être longue, il valait mieux en profiter pour s’asseoir.

« Alors, ce train raconte-moi tout. Je veux avoir l’impression d’y être. Et ne lésines pas sur les détails sanguinolents, ce sont mes préférés. » Voilà qui n’était pas totalement vrai, mais le but était de récolter des informations, aussi, Elizabeth ne voyait aucun mal à donner dans la fausse curiosité sanguinaire. Ce qu’elle désirait vraiment savoir c’était ce qu’avait pu voir Aelyriah, si elle avait reconnu des visages, si les gens avec qui elle était dans le train avaient été blessés et si oui où ? à quel point ?

Assises toutes les deux sur un banc, à discuter tranquillement, le tableau était assez original. D’ailleurs un élève de quatrième année à Poufsouffle semblait voir la scène d’un œil intéressé. A n’en pas douter il avait trouvé de quoi alimenter son imagination pour ses rêveries manuelles nocturnes, d’un sourire hypocrite Elizabeth lui fit comprendre que sa pamoison était un peu longue et qu’il ferait mieux de partir. Penaud le jeune homme décampa sans demander son reste, laissant à la Serdaigle l’opportunité d’écouter plus amplement les histoires de sa camarade verte.